Pierre Laurent

Face à la droite et à l’impasse Hollande
Rassembler pour recréer l’espoir

Face au déferlement réactionnaire, à la démission gouvernementale face au Medef, les forces de gauche n’ont plus le temps d’attendre, nous dit Pierre Laurent, secrétaire national, dans cet entretien exclusif pour Communistes. Elle doit se ressaisir et reconstruire une réponse alternative de gauche, une réponse solidaire à la crise actuelle.

Comment expliquer la mobilisation des forces réactionnaires ?

Nous assistons à l’amplification d’une offensive convergente du Medef et de toutes les forces de droite et d’extrême droite pour mettre à bas l’ensemble de notre modèle social et républicain. Ces forces se sentent pousser des ailes pour trois raisons. La précarisation très profonde de la société, provoquée par la crise et leurs réponses capitalistes à cette crise, déstabilisent les consciences. Le pays doute des principes d’égalité et de développement social solidaire, ou en tout cas de la possibilité de les développer. Les forces réactionnaires pensent pouvoir s’engouffrer dans la brèche et engranger tous les reculs possibles. Deuxièmement, ces forces se sont totalement décomplexées à la faveur des années Sarkozy et de la banalisation orchestrée du Front national depuis l’élection de Marine Le Pen. Des passerelles idéologiques nouvelles se sont mises en place. Les manifestations réactionnaires fédèrent désormais des courants très divers. Enfin, cette offensive, avec cette ampleur et cette agressivité, ne serait pas possible si elle ne pouvait compter sur la totale démission de François Hollande et de ceux qui l’entourent au gouvernement face aux forces de la finance et aux forces libérales européennes. Les renoncements gouvernementaux légitiment idéologiquement les thèmes de droite, découragent, démobilisent et divisent les forces démocratiques et sociales qui devraient faire face ensemble à cette offensive d’ultra-droite. Les forces de droite et d’extrême droite tentent de profiter de cette situation pour enfoncer durablement le clou en exploitant les angoisses que ce sentiment d’abandon génère dans le monde du travail. Elles cherchent aussi à récupérer la critique du système en se parant pour une part du label « anti-système ». En vérité, elles constituent son meilleur allié, car toutes ces forces ont un point commun : exonérer la finance et le capital de leurs responsabilités dans la crise pour, sans cesse, avancer des explications qui divisent et opposent les Français entre eux, les peuples européens entre eux, les exploités du monde entier entre eux. Or, il n’y aura de sortie de crise qu’en rassemblant tous les exploités face à la poignée de privilégiés qui tirent profit de cette crise.
Ceux qui se prétendent « hors système » et détournent le plus grand nombre de la mise en cause des responsabilités du capital, divisent le pays au lieu de l’unir. Ils préparent, si on les laisse faire, une domination durable du capital à la faveur de la crise politique actuelle. C’est une offensive profonde et dangereuse à laquelle on ne pourra répondre au fond qu’en reconstruisant le rassemblement populaire autour de réponses solidaires à la crise actuelle, des réponses alternatives authentiquement de gauche.

Les choix gouvernementaux, notamment le pacte passé avec le Medef, ne rend-il pas cela impossible ?

Cela rend la situation plus difficile, c’est certain. Car il n’y a pas de bon compromis possible entre le pacte de responsabilité et une vraie politique de gauche. La rupture avec ce choix est nécessaire pour reprendre le chemin d’une politique de gauche. Mais ce défi nous devons et pouvons le relever. Les forces existent. A nous de contribuer à leur mise en mouvement. C’est la question que se pose des millions d’électeurs, de travailleurs de gauche dans le pays en ce moment : comment réagir ? Comment dire non à Hollande sans servir la droite ? Je leur dis clairement : en ouvrant une voie totalement nouvelle qui s’émancipe vraiment des dogmes libéraux d’austérité et de baisse du coût du travail.

C’est ce que tu es allé dire jeudi devant le club Gauche Avenir, qui t’avait invité ?

Absolument. J’ai répondu avec plaisir à l’invitation de Gauche avenir. Et j’ai dit crûment la vérité de la situation : les choix gouvernementaux sont maintenant clairement assumés et ils mènent la France et la gauche dans le mur. Il ne s’agit plus d’ attendre de l’Elysée un changement de cap qui ne viendra pas. François Hollande semble même décidé à terme à pousser les feux d’une recomposition politique pour soutenir ces choix. Cette situation pose une question à toutes les femmes, à tous les hommes de gauche, à tous les socialistes. Le ressaisissement, le sursaut face à cette politique,sont maintenant incontournables. Nous avons besoin que des voix diverses, venant de toutes les familles de la gauche, s’expriment avec force pour refuser le cap annoncé par François Hollande et pour construire un rassemblement qui porte d’autres choix politiques et une alternative à cette politique d’austérité, une alternative qui soit authentiquement de gauche. Nous n’avons plus le temps d’attendre. Je lance un appel à toutes les femmes et tous les hommes de gauche, de toutes les familles politiques de la gauche, pour que cette expression commune grandisse et pour nous atteler ensemble à la construction de cette alternative politique. Pour les communistes et pour le Front de gauche, cela dessine une très grande responsabilité : allons-nous être capables d’être, pas seulement le fer de lance de la contestation, mais les animateurs de ce rassemblement pour recréer l’espoir. Je crois que c’est dans cette voie que nous devons avancer résolument.

Comment se présentent dans ces conditions les élections municipales et européennes ?

Le piège est clairement tendu aux électeurs : la droite espère s’engouffrer dans la démobilisation populaire créée
par les renoncements gouvernementaux. Elle est la première à utiliser cette situation pour décourager les électeurs en attente de changement, pour les empêcher de se mobiliser. La bonne réponse à cette offensive de la droite, ce n’est pas l’abstention ou le retrait de la politique, c’est de combiner de très grandes mobilisations sociales sur des bases progressistes avec des mobilisations électorales qui expriment le plus utilement possible l’exigence de véritables politiques de gauche, des politiques de rupture avec l’austérité.
Nous devons appuyer de toutes nos forces le déploiement de mobilisations syndicales unitaires comme celles qui se dessinent en France en mars et à l’échelle européenne le 4 avril, et des mobilisations pour les droits des femmes en riposte à l’attaque européenne de la droite espagnole contre l’IVG.
Notre responsabilité, celles des communistes et des forces du Front de gauche, c’est en même termps de donner du sens au vote des électeurs de gauche, qui doit porter le plus haut possible des exigences de justice, de rupture avec les inégalités, au contraire des abandons gouvernementaux actuels. Dans les élections municipales, notre message est clair partout : stop à l’austérité, oui aux services publics et à la démocratie locale. Notre objectif est d’entraîner la majorité des communes de gauche de ce pays dans la résistance anti-austérité et la promotion de politiques publiques innovantes. Et dans les élections européennes, l’objectif doit être de mettre la gauche européenne anti-austérité, celle que nous incarnons avec la candidature européenne d’Alexis Tsipras, le plus haut possible dans le maximum de pays. Nous voulons faire de la Gauche européenne une force incontournable pour modifier le rapport des forces en Europe. C’est pour cela que je propose que notre campagne du Front de gauche soit lancée par une marche européenne à Paris mi avril. Parce que nous voulons une campagne de lutte et de mobilisation populaire.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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