Tapuscrit de l’inconnu

L’imagination au pouvoir

Prenez une vingtaine d’élèves motivés, une professeure complice, un auteur invité, mélangez le tout à huit reprises et vous obtenez un atelier d’écriture.
C’est à peine plus compliqué que ça.
Au départ on s’est dit qu’on allait écrire un « petit » policier, à tendance historique. Côté histoire, on n’a pas vraiment écrit une thèse, disons qu’on a fait un clin d’œil au passé d’Ivry, adapté ici en toute liberté. Côté polar, les enfants ne se sont pas faits prier ; tout de suite, par équipe de quatre ou cinq, un écrivant par groupe, ils ont inventé, rêvé, poussé des mots, au gré de leur fantaisie. La classe devenait une ruche d’écrivains en herbe.
A la fin de chaque séance, je réunissais ces textes, je les rassemblais, je rabotais à peine ce qui dépassait et, la rencontre suivante, je leur lisais LEUR texte. Il fallait les voir redécouvrant leurs phrases, un régal !
On a procédé ainsi pendant près de quatre mois.
Une intrigue a pris forme, des personnages sont nés, des dialogues ont suivi. On a vérifié qu’écrire, c’était pas sorcier. Mieux ; écrire, ça ouvrait des portes sur l’aventure, le mystère, l’humour, l’imaginaire.
Et voilà le travail.
Gérard Streiff

Ivry
L’inconnu du cimetière parisien

Quand les CM2 de Makarenko tombent, dans un sous-sol d’Ivry, du côté du chantier de l’A 305, sur un coffre, ils pensent d’abord avoir trouvé le magot du siècle. Et puis les choses se compliquent. Apparaissent un jeune inconnu, Nicolas, qui connaît le coin comme sa poche ; puis un vieux de la vieille, Lucien, qui se la joue gentil mais doit cacher de drôles d’histoires. Tout cela va amener nos élèves à sillonner les avenues du cimetière parisien d’Ivry pour tenter d’y comprendre quelque chose…
Ivry
Les mystères de la carrière

Les caves Delacroix d’Ivry, on connaît ; c’est balisé, bien entretenu, pas de mauvaise surprise. Pourtant, le jour où les CM2 de Makarenko les visitent, ils y font de drôles de rencontres : un coffre datant de l’ancien régime, un squelette au moins aussi vieux, le portrait d’une dame aux trois yeux et…un petit garçon aux habits déchirés qui semble terrorisé. On sent qu’il se passe là des choses étranges. Mystère, mystère…

IVRY
L’inconnu du cimetière parisien

Classe de CM2 de Valérie Bouzignac
(liste des noms)

Chapitre 1

En arrivant sur le chantier de l’A305, on ( c’est à dire toute la classe, Sophie, Maryline, Lertichavan, Yvanna, Théo, Diégo, Yasmina, Elodie, Kimberley, Sophia, Selvi, Rania, Soumia, Ahmed, Luccin, Chalsh, Kieran, Richard, Sariaka, Elsa, Junior, Oussama) voit Stéphane qui court vers nous.
Il crie : « y a un trou ! y a un trou ! »
Il dit encore « Cindy est tombé dedans ! »

Les enfants savaient qu’il y avait plein de trous dans le coin, leur maîtresse leur avait dit que le sol d’Ivry, c’est un peu comme du gruyère, il y a des trous partout ! Les gens du chantier de l’A305 disaient la même chose. En plus il y avait les fondations des immeubles en construction juste dans cet endroit.

On court, on se penche vers le trou, on demande :
« Cindy, ça va ? rien de cassé ? »
« Ça va, ça va mais venez voir ici, on a trouvé quelque chose, vite ! »

Alors on descend dans le trou, il est pas très profond. Cindy leur montre une grande caisse, un coffre en fait. Il est fermé par un cadenas ; mais il n’y a pas de clé.
Quelqu’un donne un coup de pied dans le coffre, ça fait un bruit mécanique, une des vis de la caisse tombe mais pas possible de l’ouvrir pour autant.

Qu’est-ce qui peut bien y avoir dedans ? de l’or ? demande Sophie ; un bébé mort ? propose Théo ; un crâne ? dit Maryline ; du matériel de laboratoire de la maîtresse pour faire des expériences ? s’interroge Ahmed ; des photographies ou des lettres ? déclare Yvanna.

Quelqu’un dit :
« Faut garder secrète notre découverte ! et puis on arrivera pas comme ça à ouvrir le coffre, faut des instruments ; et si on fait du bruit maintenant, du monde va venir et ce sera plus notre secret ! cachons le coffre ! »
Tout le monde est d’accord ; on dissimule le coffre et on se donne rendez-vous sur ce chantier de l’A 305 ce soir même, à 21h00.

On se retrouve au même endroit à 21h ; il fait nuit, il pleut un peu ; à part les enfants, on voit personne dans la rue ni sur le chantier ; on descend tous dans le sous-sol, avec des lampes-torches, des instruments . Soudain on voit au fond d’une sorte de galerie une faible lueur. Comme une bougie. Y a déjà quelqu’un !
Chapitre 2

Y a déjà quelqu’un !
On s’approche, doucement ; on aperçoit un jeune garçon, âgé de 11 ans environ. Petit, maigre, il tient une bougie à la main, il a l’air sauvage, on lui voit des dents pointues. Il voulait voler la caisse ?

Cindy crie.
« Qu’est ce qui se passe ? » lui demande-t-on.
Elle bégaie, d’émotion :
« Il Il Il…y y y…a a a…quel quel quel…qu’un qu’un qu’un… Venez vite !
Maryline se met à pleurer. Yvanna dit ; « Taisez-vous ! »
Lertphichavan prévient :
« Attention, il arrive ! »
« C’est qui ? c’est qui ? » demande Cindy.
Sophie déclare :
« Chut, cachons nous ! »
Valérie prend un marteau dans son sac, les autres prennent de gros bâtons.
Oussama, qui fait du Kung-fu, se met en position de combat.
Lertphichavan et Yvanna sont les plus grandes, Cindy leur demande de sauter sur l’inconnu quand il passera.
Elles acceptent ; Yvanna dit à son amie :
« A trois, on y va !

Un…deux…trois…A ce moment là, tout se passe très vite. Elles sautent sur l’inconnu, le plaquent au sol, l’immobilisent.
« Que faites vous ici ? lui demande Valérie.
Le garçon dit qu’il s’appelle Nicolas, il nous a vu et entendu durant la journée, quand on a découvert le coffre. Il est jaloux, il dit qu’il voulait emporter la caisse, la garder pour lui tout seul, il pensait à un trésor, il se voyait déjà très riche ! Il croyait que la caisse était petite mais il n’arrivait même pas à la soulever.

On le fait prisonnier.

On avait des outils pour forcer les serrures de la caisse ; finalement, on réussit à ouvrir le coffre. Il y a là beaucoup de poussière mais on découvre de vieux bibelots, des photos jaunies, une photo de Guernica et une mitraillette ?!
« Guernica ? c’est quoi ça ?
« Mais si, on en a parlé en classe, la guerre d’Espagne, le bombardement aérien d’un village, les morts, des villageois, des animaux ; le peintre Picasso en a fait un tableau.
« Mais alors, tout ça nous rappelle la guerre de 39/45…

Alice dit :
« Je connais un papy dans le coin, un petit vieux qui habite un immeuble en face ; il dit tout le temps qu’il a connu l’époque de la Résistance ; il raconte l’histoire d’un soldat allemand qui ne voulait pas fusiller les juifs et leur disait de s’enfuir. Je le prenais pas au sérieux, je pensais même qu’il était un peu fou. Mais peut-être qu’il connaît quelque chose sur la guerre de 39/45 et ce qui s’est passé alors à Ivry ? Peut-être qu’il pourra nous renseigner ?

On sort tous du trou sauf Ahmed qui est persuadé que la maîtresse a construit dans ces sous-sols un laboratoire mais il n’arrive pas à le trouver.
« Ahmed, tu viens ?
« OK, OK, it-il.

C’est alors qu’on s’aperçoit que notre prisonnier s’est échappé.

Chapitre 3

Lertphichavan crie :
« Nicolas ! Nicolas ! Nicolas !
Maryline ajoute :
« Il est parti.
Sophie déclare :
« Ça, on l’avait remarqué, Maryline.
Cindy s’énerve :
« Chut, chut, taisez vous !

C’est alors que toute la classe entend un bruit étrange. Un bruit effrayant, incompréhensible.
On voit une ombre. C’est qui ? C’est lui ?
Yvanna dit :
« Allons le chercher !
« Tes folle ! Réagit Maryline.
« Moi, Lertphichavan, je te suis, Yvanna.
« Moi de même ! Continue Sophie
« Moi aussi ! Dit Cindy.
« Bon, moi idem ! Annonce Maryline.

Tout le monde prend une allée, une autre, arrive dans une forêt, voit une cabane. Mais pas de Nicolas !

La classe continue pourtant de poursuivre le prisonnier qui s’est échappé ! En vain. Même les plus rapides, Luccin, Kieran, Elodie le perdent vite de vue. !

C’est alors que quelqu’un s’étonne :
« Mais où est passé Hamed ?
« Bin, il était encore dans le sous-sol à chercher le laboratoire !
Retour au sous-sol ; mais non, il y a plus personne ! Est-ce qu’il serait avec Nicolas ? l’otage de Nicolas ? Hamed, l’otage de Nicolas !!
Alors Chalsh, le danseur, Luccin, la super vitesse, Kieram le fort, Oussama et son kung-fu, tous s’engagent à retrouver Hamed. On trouve seulement un bout de vêtement tâché de sang de ce dernier.

Les enfants, fatigués, rentrent chez eux se coucher. Le lendemain, à l’école, où il y a un médecin de la médecine scolaire, on lui montre le tissu. Il y trouve des empreintes digitales : mais elles ne ressemblent à aucune empreinte d’élèves de l’école. On se dit que ce sont celles de ce Nicolas. Pas de doute, Nicolas s’est enfui avec Hamed. Peut être Hamed a t il trouvé le laboratoire secret ? Et peut être que Nicolas l’a enlevé pour qu’il ne dise rien ? Mystère.

A l’école, on raconte des choses affreuses ; on raconte que Nicolas serait venu à Makarenko, qu’il serait allé chez le directeur Henri Chaponnier et Jocelyne Chaponnier ; que Nicolas avec ses dents pointus aurait mordu les Chaponnier ; qu’il aurait vu Karine et qu’il en serait tombé amoureux ; mais Karine était déjà mariée, et elle n’aurait surtout pas voulu un nouveau mari avec des dents pointus ; cinq minutes plus tard, le mari justement serait venu, aurait vu Nicolas faire sa déclaration d’amour ! Le mari aurait baffé ce malotrus en lui disant de ne plus jamais mettre les pieds à l’école. On raconte, on raconte mais était-vrai ou faux ? Vérité ou mensonge ? Info ou intox ?

Soumia, Sophia, Selvi et Rania proposent alors d’aller voir le papy. Elles arrivent devant sa maison qui a l’air en très mauvais état. Elles tapent à la porte. Personne ne répond.
« J’ai peur, dit Selvi, ne restons pas là !
« Moi, j’ai pas peur et je reste ! Dit Rania.
Soumia et Sophia s’exclament :
« Nous, nous partons aussi ! T’es folle de rester, Rania.

Celle-ci se retrouve toute seule ; voilà que la porte s’ouvre. Rania qui n’a jamais peur se met à crier :
« Haaaaa ! Soumia, Selvi, Sophia ! Vite !
Les filles reviennent sur leur pas aussi vite qu’elles le peuvent et toutes entrent chez le papy. Il était tombé de sa chaise, elles le remettent assis.
« Merci, dit-il de sa voix tremblante.

Soumia qui était bien gourmande mais qui bizarrement ne grossissait pas, demande au vieux monsieur :
« S’il vous plaît, vous pourriez nous faire des cookies ?
« Vous êtes venus me voir pour ça ? Demande-t-il. Uniquement pour que je vous fasse des cookies ?
« Non, non, répond Rania, nous sommes là pour avoir des informations.
« Des informations ?
« Oui, à propos de la dernière guerre !
« Dans ce cas, j’ai quelque chose pour vous. Suivez moi.

Il emmène, lentement car il marche mal, ses invités au grenier. Mais dans les escaliers, Selvi s’inquiète :
« Sophia, tu as une araignée sur toi !
« Haaaa ! Commence à crier Sophia qui a une peur bleue des insectes.
Rania la lui enlève.

Au grenier, il y a là plein de choses intéressantes. Plein de caisses, de coffres ; dans l’un d’entre eux, des photos ; sur l’une d’elles, toute jaunie, on voit un jeune homme, chemise blanche, pantalon de toile, souriant :
« C’est moi, pendant l’Occupation.

Tout à coup, une voix monte de l’entrée, du rez-de-chaussée :
« Papy, je suis là !
Les filles se regardent ; cette voix, elles la connaissent, elles l’ont déjà entendue, non ? elle ressemble étrangement à quelqu’un de connu. Qui ? Mais de son côté, l’intrus entend les bruits de pas au grenier, comprend que le « papy » » n’est pas seul, alors il s’enfuit.

Elsa qui est arrivée entre-temps pose au vieux monsieur des questions :
« Vous avez connu des résistants ?
« Oui, répond le papy ; en 1944, j’étais très jeune, j’avais quatorze ans, je suis né en 1930. Mais j’ai vu Ivry en août 1944, il y a eu une insurrection, des barricades pour compliquer le transport des nazis qui fuyaient Paris et repartaient à l’Est...
« Etes vous marié ?
« Je l’ai été, je suis veuf maintenant, ma femme est décédée.
« Avez vous de la famille, ici ? Ailleurs ?
« Oui, un neveu.
« Quel est son nom ? Et son âge ?
« Il s’appelle Nicolas, il a onze ans !
Chapitre 4

Nicolas, le neveu du papy ?!
Les enfants restent bouche bée. Selvi, Soumia, Sophia, Rania, toutes sont vraiment surprises.
« Vous êtes sûr de ce que vous dites là ? Insiste Maryline.
Yvanna de son côté ajoute :
« Monsieur, vous êtes sûr, sûr, sûr, sûr de ce que vous racontez là ? Sûr que Nicolas est votre neveu ?

Le papy hésite un peu, il répond :
« Euh, enfin oui mais... pas complètement ; venez, je vais vous raconter l’histoire.

A ce moment là, Elsa doit partir ; Sophia et Soumia restent. Elles veulent, comme les autres, interroger le papy sur Nicolas. Savoir d’où il vient, qu’est-ce qu’il fait là ? Sophia qui est un peu fofolle dit doucement à son amie :
« T’as vu les dents de Nicolas ? Ses parents sont peut-être des vampires ?
Soumia sursaute :
« Non ? C’est sérieux ? »
C’était une blague, bien sûr. Heureusement, le papy n’a pas entendu.

« Alors, papy, vous pouvez nous dire qui c’est, Nicolas ? Demande Sariaka.
« Ah, pis d’abord, arrêtez de m’appeler papy ! S’exclame-t-il. Mon nom est Lucien, Lucien Goslar ; mais vous pouvez m’appeler Lucien. Alors, voilà...

En fait, dit-il, Nicolas, c’est pas vraiment son neveu. C’est ...l’enfant de sa fille, il est donc le grand père. Un jour, sa fille lui a dit :
« Papa, j’ai plus les moyens de nourrir mon enfant ; alors, s’il te plaît, garde mon bébé ! »
Et lui ne pouvait pas refuser.

« C’est vrai, ce que vous dites ? Demande Lerphichavan ?
« Bin, euh... hésite à nouveau le papy, ou Lucien. Bin, euh, non ! En fait, les parents de Nicolas étaient mes voisins.

Il livre donc une nouvelle version : il dit qu’un soir, le père -qui s’appelait Léo- et la mère, Marie, lui confient l’enfant car ils se rendent à une soirée entre amis. Mais en route ils ont un accident de voiture et, catastrophe, les deux sont tués. Sur le coup. Nicolas avait trois ans. L’orphelin est resté chez Lucien.

« A cette époque, Nicolas était laid et méchant, et bizarre aussi.
« Il est pas allé à l’école ? Parce qu’on l’a jamais vu à Makarenko ! Demande Cindy.
« Non, non, mon Nicolas n’aimait pas l’école ; alors je lui faisais la classe à la maison.
« Combien il faisait d’heures par jour ?
« Euh, de dix heures jusqu’à midi !

Lucien dit encore qu’après la mort de sa femme, il l’a élevé seul.
« C’est un coriace, celui-là ! »

Le papy, sur sa terrasse, a un petit jardin ; et au milieu du jardin, il y a un arbuste, un bananier ! Le papy est énervé, il donne un coup de poing dans l’arbre, toutes les bananes tombent au sol. Les enfants les ramassent, les mangent.

« Mais pourquoi vous cherchez mon Nicolas ? Qu’est-ce qu’il vous a fait ? Demande tout à coup Lucien.
Alors, les enfants lui parlent de leur découverte du sous-sol, dans le quartier ; de la visite nocturne ; d’une caisse avec des objets qui font penser à la guerre de 1939-1945 ; de Nicolas qui était caché là ; ils parlent aussi d’Ahmed qui a disparu !

« A notre avis, Ahmed est otage de « votre » Nicolas !
« Quelle drôle d’idée ? Mais pourquoi Nicolas aurait fait ça ?
« Pour se protéger, peut-être ? Ou parce que Ahmed a vu quelque chose ? Et Nicolas ne veut pas qu’il le dise ?
« Mais quoi ?

Le papy, enfin Lucien, répond qu’il sait que Nicolas a une cache dans les environs, pas loin d’ici, où il se rend souvent ; mais où elle est exactement, cette cache, ça il ne le sait pas !

« Bon, merci papy, euh..., je veux dire Lucien ! Dirent Soumia et Sophia, merci pour toutes ces informations.

Elles passent, en repartant, par la boulangerie, car c’est l’heure du goûter.

Maintenant, il faut chercher – et trouver- le repaire de Nicolas ! Où est-ce qu’il peut bien être ?

Chapitre 5

Soudain, Elodie et Yasmina arrivent et disent :
« Venez tous, on a vu quelqu’un sur le chantier !
Tout de suite, Luccin, Kierram et Chalsh se disent : on va l’attraper vite fait, ce personnage mystère ! Luccin avec sa supervitesse, Kierran avec sa superforce et Chalsh avec sa danse flamenco, ce sera pas trop difficile d’étourdir l’autre.

On se donne rendez-vous vers 21h30. De toute façon on a une permission de minuit pour notre enquête.
Le chantier n’est pas accessible au public si on n’a pas un rendez-vous spécial mais nous les CM2, on y va quant même avec du matériel pour nous infiltrer derrière les palissades, des lampes torches, etc, bref on est bien équipés.

Le soir venu, on s’approche de l’ « atelier Trans 305 », sorte de tour métallique avec un belvédère réalisé il y a quelques années déjà par des architectes et des artistes ; on connait bien l’endroit, parce qu’on y est venu souvent avec la classe quand on était plus petit ; on voit d’ailleurs notre photo en grand dans l’entrée de l’atelier et il y a toujours là nos anciens dessins et nos maquettes dans une armoire, dans une pièce fermée à clé.

On passe au chantier ; on entend quelqu’un crier. Sophia panique ; Selvi la calme ; Soumia et Rania appellent Luccin et Kieran avec leur portable. Une fois que tout le monde est arrivé, on leur explique la situation et tout le monde avance. L’idée est de montrer la photo de Nicolas à toute personne qui travaille sur le chantier.
« Si quelqu’un est blessé, on pourra l’emmener à Jean Rostand, dit Sophia.
« Mais non, réplique Selvi, Rostang est fermé !

On tombe sur deux ou trois ouvriers endormis, on a peur, on a cru que c’était des monstres. Quelqu’un croit même que c’est un tigre blanc mais lui, il délire.
Puis un ouvrier, regardant la photo de Nicolas, dit :
« J’ai vu ce garçon partir vers la place du Général Leclerc !

Aussitôt, Richard, Elsa, Sariaka et Oussama filent vers la place Leclerc. Mais pas de Nicolas place Leclerc ; le groupe revient.

Sur le chantier, plusieurs bâtiments sont en construction, un ministère, le service des douanes, un commissariat. Il y a même des cellules en préparation. On se dit que Ahmed a pu être caché dans l’une d’elles et quand Elodie veut en ouvrir la porte, quelqu’un surgit derrière elle et l’en empêche, c’est Lucien, le grand père.
Que veut-il ? Il dit qu’il n’est pas question de délivrer Ahmed, qu’il ne dira jamais la vraie histoire de Nicolas tant qu’on se mêlera de ses affaires ! Elodie et Kimberley se jurent de revenir le lendemain.

Effectivement, ils reviennent discrètement plus tard ; dans la cellule, ils tombent sur un squelette ! Ni une, ni deux, ils embarquent les ossements, direction : le laboratoire ! A l’examen, on s’aperçoit que ce corps remonte au temps de … Charlemagne ! En fait c’est sans doute Lucien qui leur a joué là un mauvais tour. En plus, on se rend compte que c’est Charlemagne qui a inventé l’école ! Or Nicolas déteste l’école ! Alors on se dit qu’il y a un rapport ; mais passons.

Il faut dire qu’entretemps l’enquête de la classe sur le grand père a bien avancé. Avec Sophia et Soumia ; elles parlent longtemps mais de quoi ? Elles se rappellent qu’à la Bibliothèque, elles ont vu un article sur la guerre ; il y a un plan et, dessinée sur ce plan, il y a la maison de Lucien. Or à côté de cette maison, il n’y a rien, pas d’autres bâtiments, c’est à dire pas de voisins, c’est à dire que Lucien a menti avec son histoire de voisins. Il avait dit en effet que Nicolas était l’enfant des voisins.
Sophia appelle Maryline pour qu’elle aille jeter un œil aux Archives.
Une fois devant la mairie, Maryline constate que le bâtiment est fermé. Mais elle aperçoit une fenêtre ouverte et elle escalade le muret pour entrer ; Cindy vient l’aider. Une fois dans les Archives, Maryline cherche un article sur l’accident. Elle comprend que la femme morte dans cet accident s’appelait Josephine Geslar et l’homme Fabrice Dubois. Donc la femme accidentée était l’épouse de Lucien, celui-ci nous a donc menti ! L’article parle aussi de la cause de l’accident, c’est une roue dégonflée. Faut mener l’enquête !

Ce n’est pas trop difficile de découvrir que Joséphine s’est retrouvée enceinte ; mais pas de son mari : elle attendait un enfant de Fabrice Dubois, son amant ! Un résistant ! Le petit garçon qui est venu au monde, Nicolas, est en vérité le fils de Joséphine et de Fabrice !

Un soir, plus tard, Joséphine sort avec Fabrice sans le dire à Lucien ; mais Lucien l’a vu ; jaloux, c’est lui qui dégonfle la roue de la voiture, ce qui va provoquer l’accident.
Lucien, ensuite, va élever Nicolas, sans savoir que ce n’est pas son fils mais celui de Fabrice.
Maryline raconte la véritable histoire à toute la classe. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que Nicolas justement n’est pas loin et l ‘écoute. Très choqué par ce qu’il apprend, sur Lucien, sur son père, sur l’accident, il se sauve du côté du cimetière.

Chapitre 6

« Attention, on nous espionnait ! dit Cindy.
On découvre en effet Nicolas qui part vers le cimetière. Maryline vient de nous dévoiler toute la vérité le concernant. On le poursuit. Il entre par le 32 de l’avenue de Verdun dans la partie du cimetière qui s’appelle le carré militaire. Le long du mur, il y a d’un côté les tombes des résistants ; morts pour la France, dit un monument. De l’autre, les tombes des soldats de 1914-1918. Sur le coin gauche, on voit les croix du groupe Manouchian, des résistants ; il y a la tombe celle de Missak Manouchian, leur chef, de Mélinée, sa femme, d’autres encore dont trois ivryens, Celestino Alfonso, Robert Witchitz et Roger Rouxel, tous fusillés par les nazis le 22 février 1944.

Dans une avenue du cimetière, on entend un bruit, on remarque une ombre qui s’enfuit ; on a tous peur. Sauf Rania. Le chemin nous mène à un grand caveau ; on décide d’entrer à l’intérieur. Il y fait sombre et humide.. On ne voit presque rien, on distingue juste quelqu’un qui bouge ; est-ce Nicolas ?
Dans le caveau on trouve une lampe torche, on l’allume ; à notre grande surprise, on repère un chat et des fleurs. Selvi prend le chat, Soumia dit :
« Lâche le, il doit être malade !
Mais Soumia finit par se laisser attendrir, il est si craquant.
On continue notre exploration. Quelqu’un dit qu’il faut chercher la tombe des parents de Nicolas.
Soumia soudain a très peur. Rania sans faire exprès casse une branche, le chaton miaule. Voilà Nicolas. Il court. On saute à quatre sur lui, Sophia, Soumia, Rania, Salvi.
Sophia se fait mordre, elle s’exclame :
« Oh my god, ce Nicolas est un vampire !
On prend peur, on le lâche.

Plus tard, la classe se retrouve dans une autre avenue du cimetière. Mais où peut être la cachette de Nicolas ? Faut chercher la tombe de ses parents, dit quelqu’un ? Mais c’est impossible, il y en a trop. Un autre élève assure qu’il a vu Lucien qui déterrait le corps de Joséphine, mais ce n’est pas sérieux ; d’autres ont peur de tomber dans des trous ; d’autres encore parlent de Ahmed en disant « pour porter Ahmed, il faut être très fort ! »
Théo ou Diégo, pour faire peur, lance un cri diabolique : « Houa ah ah ah ah ! »
On parle d’attacher Nicolas à un arbre si on le trouve.
Une jeune fille dit :
« Imaginez, si je suis en face de Nicolas, et s’il me dit : si tu m ’épouses, je libère Ahmed, si tu refuses de m’épouser, je le garde en otage ; qu’est ce que je dois faire ? »
Personne ne répond ; Kimberley demande s’il ne faudrait pas appeler le commissariat ; et puis soudain Elodie déclare :
« Je sais où est la cachette de Nicolas !

On la regarde ; Kieran appelle toute la classe sur son portable pour se regrouper ; Elodie part, on la suit. Le long de l’avenue de l’Est, un sentier parallèle à l’avenue de Verdun, au début de la section 40, en face d’une série de croix de « poilus », il y a une tombe pas comme les autres ; ça ressemble à un grand et long couvercle en fer, rouillé, avec plusieurs poignées de chaque côté ; on peut lire sur le fronton une très vieille inscription : « Maison Guilledoux, 6 places ». Six places , ça veut dire que c’est un grand trou.
« Elle n’est pas très très belle, dit Yasmina, on dirait que dedans on devait y mettre des gens qui ne pouvaient pas se payer une tombe. »

Kimberley donne un coup de pied dans l’installation et crie :
« Y a quelqu’un ?
Le devant du couvercle, rongé, est troué ; on peut y passer le bras ; ça permet de regarder à l’intérieur :
« Il est là ! Dit Elodie.
Chapitre 7

Les filles, Sophia, Soumia, Rania et Selvi, les autres aussi se précipitent.
On a retiré le couvercle. On découvre une tombe délabrée.
« Allez,, tout le monde saute ! dit Soumia .
C’est ce qu’on fait. Nicolas est presque assommé.
« Appelons Jean Rostand, dit Sophia.
« Mais Jean Rostand est fermé, répondent en chœur Rania et Selvi.

Voilà que Nicolas se réveille. On le tient fermement au cas où il aurait l’idée de s’échapper. On le questionne :
« Que fais-tu là ?
« J’étais venu déposer des fleurs sur la tombe de mes parents. Après avoir entendu leur véritable histoire, j’étais allé sur leur tombe. Et puis ce chat que vous avez, il est à moi !
« Bon, tiens, on te le rend ! dit Selvi.
« Merci !
On continue l’interrogatoire ;
« Où est Ahmed ?
« Je ne sais pas ; c’est Lucien qui l’a caché !
« Et où ?
« Quelque part dans le cimetière.

A cet instant, on entend un cri. On court en direction de ce bruit.Nicolas nous suit. C’est la voix de Ahmed. Il était sur le point de se faire enterrer vivant par… Lucien. On crie :
« STOP ! »
Il s’arrête net. On essaie de négocier, d’amadouer Lucien, de le convaincre ; rien à faire. Alors on lui saute dessus, on le tient fermement. On appelle la police. Celle-ci arrive cinq minutes plus tard et arrête Lucien.
« Je suis désolé, dit-il, je vous ai raconté des salades, , je ne le referai plus… »
C’est Ahmed qui nous raconte l’histoire : lorsque toute la classe est descendu la première fois dans les sous-sols, Ahmed a entendu Lucien qui discutait avec une autre personne, une histoire de vols ou de trafics. Il ne voulait pas que Ahmed le répète alors il l’a enlevé. Nicolas, lui, n’est pas méchant, simplement avec ses dents pointus, il fait un peu peur. Mais lui même avait peur de nous, il croyait qu’on lui voulait du mal. »

Nicolas, un peu plus tard, nous demande s’il peut s’inscrire à l’école Makarenko ; on l’accepte. On fait une fête à l’école, on chante « Angela » en chœur : « 1968
L’Amérique est figée
Un ange proteste
Les écrous sont rouillés… »

Puis des groupes improvisent des chansons de rap. Ainsi Elodie, Yasmina, Selvi, Soumia, Yvanna et Rania :

La vie est dure
Quand j’étais petit j’étais pas dans le rang
Je n’étais pas grand
Mais je savais que quand je serais grand
La vie serait dure un moment

Quand je suis né mes parents ont divorcé
Je me suis retrouvé
Dans un foyer
Puis adopté par un vieux pépé

Une fois en été
J’ai croisé une fille émerveillée
De midi jusqu’à quatre heures, je n’arrêtais pas de la regarder
Mais elle m’a repoussé

Refrain

La vie est dure partout
Au Nord et même au Sud
Ma vie était dure
J’écrivais sur les murs
Je mettais un peu de peinture
Avec des petits murmures

La vie est dure
Partout dans les rues
Et je n’ai que des malheurs
Toutes les heures
De une heure jusqu’à 20 heures
Je ferai honneur
A ma mère
Et mon père
En me jetant du haut de la falaise
Celle du Piton de la Fournaise

Refrain

C’était le jour où j’ai eu de la peine
Et j’fais la guerre
En souvenir de mon père et ma mère
Car mes parents sont morts
C’est la guerre
Je suis un expert (j’ne suis ? )
En matière
De point de repère !

Le groupe Ahmed, Maryline, Luccin, Cindy ajoute une variante :

Incapable de jouer au scrabble
Avec des coupables

Ensuite le groupe Elsa, Sariaka, Kimberley,Oussama, Théo, Richard repart :

Mes parents sont décédés
En voiture, en été
Moi, je jouais au dés…
Quand j’ai appris ça
Ça m’a fait comme une torture
Ça a fait exploser mes murs

J’ai pas demandé ça
Pour vous montrer ce que j’ai ressenti
J’ai enlevé un camarade
Mais ça m’a fait comme une grenade
Ils étaient bien partis, tous amis
Puis ça m’a anéanti
Et j’ai perdu le sens de la vie !

On passe au groupe Richard, Sariaka, Elsa :

Moi je t’aime comme tu es
Pourquoi vouloir me changer ?
La vie est dure,
La vie est pure
Com’ je l’étais avec ma mère
Petit frère
La vie était facile avec moi
Pour les autres j’ne sais pas

Quand j’me promène dans l’métro
J’vois des sdf en grands manteaux
Place d’Italie
J’me dis
Bingo
Pourquoi ne pas les aider aussitôt ?

Refrain :
J’espère que toute sa vie
il se rappellera d’la chance qu’il a !

En hiver 2006 alors que je rentrais chez moi
J’vois une femme morte de froid
Avec son enfant dans les bras
Qui hurlait en pleurant
« Occupez-vous de moi » !

Refrain

On l’adopta
Et on le sauva
De l’orphelinat
Puis on l’appela
Nicolas
Pendant ce temps
Et jusqu’à 29 ans
On s’en occupa !

A 30 ans
Il s’en alla
C’est alors qu’on lui rappela
Qu’la vie est dure
Avec ceux qui ne le mérite pas !

Dernière mélodie, enfin, celle du groupe Chalsh, Diégo, Kieran, Lertphichavan, Sophie :

J’vais au cimetière
Pour penser à ma mère
décédée hier !

J’vais pas suivre mon père
Car militaire
Il aime trop la guerre

Ma mère est morte rue du général Leclerc
Et je suis en colère
C’est à cause d’un bout de verre
Qu’elle est au cimetière …..

Le lendemain, on découvre que le garçon du cimetière a un tonton à Ivry chez qui il part vivre.

Notre histoire est si merveilleuse qu’on décide d’en faire un livre.

FIN

Annexe

Pendant notre enquête, on a appris qu’au moment de la guerre, un employé juif de la carrière Delacroix s’est caché dans une partie de la cave alors que les Allemands y entreposaient tout à côté leur carburant.

On a aussi appris que dans un coin du cimetière parisien, à la limite des sections 26 et 27, il y a l’ancien lieu d’inhumation des condamnés à mort ; les personnes jadis décapitées y sont enterrées avec la tête posées entre leurs pieds.



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