Relancer la gauche

Pierre Laurent a présenté devant le CN, le 16 janvier, un rapport très dense. Isabelle de Almeida, présidente du Conseil national, revient sur cet ordre du jour chargé, sur les enjeux du congrès et la perspective de 2017.

On a beaucoup parlé de « nouvelle phase politique ».

Le rapport de Pierre Laurent avait pour objectif de dire en quoi nous sommes dans une nouvelle phase politique, d’entamer la préparation du congrès, d’envisager les prochaines consultations électorales avec l’idée de déverouiller des scenarios politiques écrits d’avance. On est revenu sur l’analyse des régionales, le choc que les résultats ont entraîné. On
notera notamment que ce fut l’électorat du Front de gauche qui s’est abstenu le plus. Le CN a débattu de la question. Le Front de gauche n’est pas apparu comme une force utile au changement et n’a pas pu rassembler les déçus de la politique de Hollande. La dynamique du Front gauche est en panne ; notre démarche de rassemblement est à la peine, des divisions se manifestent dans toute la gauche. Le Front de gauche est apparu plus comme la gauche de la gauche que comme le coeur de la gauche. Il n’est pas question de dire, ni dans le rapport de Pierre, ni dans les débats, que la démarche du Front de gauche a été un échec ; notre ambition est toujours de rassembler un large mouvement populaire pour changer la donne ; il ne s’agit pas de bazarder cette démarche mais de faire grandir une démarche de rassemblement avec d’autres objectifs. La phase nouvelle, c’est aussi la crise de la politique et de la République qui s’accentue avec un FN installé au coeur du système politique. On est dans une phase de recomposition avec un projet de créer deux blocs, un bloc social-libéral et l’autre libéral-conservateur, avec comme arbitre de cette recomposition le FN. La phase nouvelle, c’est aussi les conséquences durables, dans les consciences, des attentats de 2015 ;
il y a une bataille d’explication à mener sur les causes internationales et sur ses raisons intérieures : l’unité du pays est menacé par les actes du pouvoir (état d’urgence, déchéance de nationalité…). Il faut faire grandir l’idée d’une République pour toutes et tous. La dérive sécuritaire est
aussi une façon pour le pouvoir de masquer les besoins de sécurité sociale qui s’expriment. Et la question de l’emploi reste au coeur. Nous entendons mener une grande bataille, dans la durée, pour l’emploi et un collectif est mis en place pour piloter cette campagne. Nous continuerons
en même temps à nous opposer à la criminalisation de l’action syndicale. La phase nouvelle, c’est aussi l’Europe, avec crise grecque mais aussi les avancées en Espagne ou au Portugal. Il y a besoin de travailler aussi la question de la gauche. L’équipe Valls/Hollande veut « tuer la gauche » ; cela désarçonne beaucoup de monde ; il nous faut relever ce défi.

Comment relancer à gauche ?
Peut-on relancer à gauche ? On a répondu par l’affirmative même si on mesure les obstacles ; on est disponible pour travailler à cette relance. Cela passe par l’émergence d’un nouveau projet politique pour la France. On ne part pas de rien ; nous disposons d’un texte « La France en commun » qui est une invitation à débattre. Ce n’est pas à prendre ou à laisser mais à enrichir. Quels axes de transformation ? Quels chantiers prioritaires ?quelles mesures concrètes rassembleuses ? On y retrouve les quatre axes qu’on veut travailler au congrès : les questions travail/emploi/éducation ; une société du bien vivre et du bien commun ; une refondation démocratique de la République ; les enjeux de paix et de sécurité collective. On veut prendre des initiatives pour faire grandir ce projet.

Quelles initiatives pour avancer ?
Il y a des forces pour construire ce projet. Il faut s’appuyer sur les potentiels qui existent, toutes ces forces qui cherchent les moyens de sortir de la crise mais qui restent très dispersées. Il y a une difficulté d’additionner toutes ces forces. Notre travail est d’unir, de donner cohérence à ce mouvement. Appuyons nous sur tout ce qui émerge. Dans les initiatives qu’on veut porter dès maintenant et dans la durée – le congrès ne sera qu’une étape dans ce processus-, il faut permettre l’intervention populaire. On a parlé au CN de forums populaires avec l’idée de nous tourner vers la société, en urgence. Il faut se doter d’une « méthode » : il y a besoin d’une grande enquête, si l’on veut, un grand porte-à-porte national, où tous les communistes se tourneraient vers les gens pour leur demander quelles sont leurs propositions, leurs priorités, sur quoi ils auraient envie d’agir. Il ne s’agit pas d’en déduire que le PCF n’aurait rien à dire, nous savons bien quelles sont les préoccupations en général de la population mais il y a besoin de la consulter sur : et vous, sur quoi voulez-vous agir ? Le PC pour sa part se dit disponible pour porter avec eux un projet politique. Il y a besoin pour cela de créer des espaces de discussion et d’action avec des personnes politisées, des acteurs sociaux, pour déverouiller la question politique.

Justement, le CN a débattu de 2017 ?

On voit bien le scenario qui risque d’arriver : la candidature de Marine Le Pen, celle de Hollande et une autre issue de la droite. Cette question pèse dans les têtes. Comment ne pas tomber dans ce piège ? Comment faire pour que la gauche ne soit pas marginalisée ? Il y a, chez les gens de gauche, des recherches pour sortir de ce piège, notamment avec ce qu’on appelle les primaires. On en a parlé au CN, il faut que les communistes en parlent, entre eux mais aussi avec d’autres. Pierre Laurent avait réaffirmé la volonté de construire une candidature de gauche, pour porter un projet de gauche, sur des valeurs de gauche. Cette question mérite débat avec d’autres, donc. La question de la primaire est une méthode qui pourrait permettre d’ouvrir ce débat public. Il ne s’agit pas de fermer la porte à ce débat, il s’agit de travailler à une démarche qui permette de mettre en mouvement le plus de monde possible. Pour deverrouiller et porter un projet de gauche en 2017. Il nous faut poser des actes dès maintenant. Nationalement on va vers des rencontres. Localement la discussion doit s’ouvrir. Au CN de mars, on va faire le point sur cette démarche. J’ajoute que 2017, c’est aussi la séquence des législatives et des sénatoriales. La question de conquête, de reconquête électorale devrait trouver toute sa place au congrès.

Comment se prépare le congrès ?

Ce que je veux préciser d’emblée, Pierre l’a fait au CN, c’est que toutes nos décisions, sur le projet, la résolution sur 2017, les évolutions à mettre en œuvre du parti, toutes ces décisions se trouvent entre les mains des communistes. L’exercice de leur souveraineté fera que ces décisions seront communes et partagées, c’est un gage d’efficacité et d’unité. Le congrès aura donc lieu du 2 au 5 juin. On a précisé les missions des trois commissions élues. On veut préparer le congrès de manière ouverte, sans tabou, sans raccourci, sans préjugés. L’expression du plus grand nombre de communistes doit être favorisée. On veut un congrès de fond (nouvelle phase politique, nouveaux enjeux), un congrès qui marque (avec 2017) une étape pour reconstruire la gauche, mener la bataille idéologique afin de réduire la crise politique ; cela va nous prendre du temps. La commission de transparence des débats doit impulser le débat ; la commission du texte aura à travailler sur un nouveau projet, sur la résolution de 2017 et les évolutions du parti ; la commission des candidatures devra répondre à la question : de quelle direction on a besoin ?

Propos recueillis par Géard Streiff



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