Bonnes volontés et organisation

A cinquante jours du premier tour de l’élection présidentielle, le point sur la campagne avec Patrice Bessac, porte-parole du PCF.

Comment jugez-vous l’état de la campagne ?
D’abord, le parti pris du Front de gauche de voler dans les plumes de Marine Le Pen produit un effet politique très important. En effet, la candidate du Front national a tenté de préempter le terrain des ouvriers, du travail, de la lutte contre la mondialisation. Le travail de ces dernières semaines a cassé cette dynamique : la candidate s’est repliée sur le positionnement traditionnel de l’extrême-droite, elle a d’une certaine manière dégagé le terrain. Nous venons de marquer le point. François Bayrou n’a pour le moment aucune dynamique malgré l’aide considérable que le Château lui a donnée il y a un mois : s’il est évident que le débat se bipolarise, nous devons apprécier à sa juste valeur le fait que la campagne de Jean-Luc Mélanchon jouit d’une réelle dynamique.

A présent, quels sont les obstacles ?
Le principal obstacle est moins le vote utile que le syndrome du 21 avril. Nous ne devons pas mésestimer la trouille d’une élimination de la gauche dans des parties importantes de l’électorat. Cela semble anachronique pour les agrégés de politique mais pour les honnêtes gens qui n’ont pas tous les jours les yeux rivés aux sondages, cette peur est bien présente ; elle constitue un obstacle sérieux au vote. Il s’agit donc pour nous, après avoir cassé le repositionnement social-national de l’extrême-droite, de montrer que la dynamique du Front de gauche permettra de battre Nicolas Sarkozy et de donner une voie aux aspirations aux changements. Cette idée est pour le moment attestée par les sondages : Mélenchon et Hollande montent de concert, notre dynamique mobilise donc notamment des abstentionnistes.

François Hollande reste particulièrement flou sur l’Europe, qu’en pensez vous ?
C’est un faux flou et en tout cas un flou fou ! Il n’y a pas de changement sans dégager l’Union européenne de la ligne allemande. Et seule la France peut en prendre l’initiative. A ce rythme, non seulement les Grecs vont crever de la médecine mortelle de la Chancelière mais le Président élu sera soumis aux desiderata de Berlin. Et ce n’est pas être germanophobe que de considérer, selon le vieil adage, « qui paye décide » : l’Allemagne est en position de force. Le changement, c’est donc rompre, c’est assumer qu’il n’y aura pas de progrès social et écologique sans casser l’asservissement des institutions européennes à la rente. François Hollande l’a-t-il compris ? Je crois moins à la bonne volonté des individus qu’aux rapports de forces politiques et sociaux. C’est le boulot du Front de gauche. Et particulièrement de l’élection de nombreux députés dans la foulée de la Présidentielle.

La campagne se développe sur le terrain, il y a beaucoup de monde dans les meetings, que faire de plus ?
A tous les meetings auxquels je participe, les Camarades disent qu’il n’avait jamais vu autant de monde depuis vingt ans. Ce qui frappe dans ces réunions, c’est que nous dépassons nettement les cercles militants constitués. Alors, que faire de plus ? Bien sûr réussir les grands moments, je pense notamment à la marche du 18 mars. Mais à mes yeux l’essentiel est ailleurs. Nous avons de bonnes volontés, nombreuses. Mais pas assez d’organisateurs de ces bonnes volontés ! Or chacun sait que les bonnes volontés sans organisation s’épuise vite dans les milles tracas du quotidien. L’effort à produire est là, pas ailleurs. Prendre les coordonnées de tous ces gens, aller vers eux, leurs proposer d’agir, organiser l’action... bref du très classiques mais dans des conditions nouvelles ! A Montreuil, où je milite, une nouvelle militante m’a dit : “ J’ai adhéré pour agir et non pas pour bavarder”. C’est l’enjeu des jours qui viennent : accueillir, organiser, permettre aux bonnes volontés d’enraciner le Front de gauche dans le porte-à-porte, les bas d’immeubles, les voisins, les amis, les boites, bref dans ce travail de fourmis qui déplace parfois des montagnes.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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