Note sur CPE

Débats d’idées et CPE

Le Cpe relance vivement le débat d’idées dans la foulée de la campagne référendaire.

Un antilibéralisme de masse
Alors même que se tenait le congrès du Pcf, la presse faisait état d’une vaste enquête internationale sur l’opinion internationale face à « la libre entreprise et l’économie de marché ». Grosse enquête de l’université US de Maryland, des milliers de sondés dans plusieurs dizaines de pays. Le résultat est net : comme l’écrit le Figaro économie (25 mars), « les Français sont seuls à rejeter le capitalisme ». C’est excessif car la critique du libéralisme est forte dans de nombreux pays mais la France est le seul pays où une majorité de la population se dit hostile au système (50% contre 36) !

Une droite mal à l’aise
La droite a tenté et en partie réussi au deuxième semestre de mettre l’étouffoir sur le débat post-européen, replaçant le curseur sur les questions sécuritaires, au sens large ( insécurité, catastrophisme, banlieues, immigration). Mais elle a beau faire, la question sociale se réinvite avec force et les débats ouverts il y a un an reprennent vigueur. Le libéralisme n’a jamais été une valeur très « portée » en France ; elle est plus que jamais impopulaire. D’où une réelle difficulté à droite à formaliser sa doctrine. Le récent discours « social » de Sarkozy à Douai n’a pas réussi à changer cette donne.
Le Figaro note à juste titre que ce n’est plus seulement « l’ultra libéralisme » qui est fustigé mais « le libéralisme » tout court.

( On notera le rôle conservateur joué par la hiérarchie catholique, et l’intervention outrancière de l’archevêque de Paris Mgr André Vingt-Trois qui a mis directement en cause les luttes étudiantes, assimilées aux positions de quelques casseurs.)

Redoublement d’efforts des milieux libéraux
La presse fait écho aux efforts répétés pour « réhabiliter » le libéralisme. Exemples : l’Institut de l’entreprise du banquier Michel Pébereau entend marteler cette vulgate dans la perspective des présidentielles. Activisme des économistes libéraux ( Jacques Marseille, etc…).
Lancement de nouvelles revues libérales. Ainsi la création de la revue « Le meilleur des mondes » pour pourfendre l’altermondialisme. On retrouve dans la rédaction aussi bien les « néoréacs », telle l’équipe du « livre noir du communisme » derrière Stéphane Courtois, et les sociaux-libéraux, genre Monique Canto-Sperber (pro Strauss-Khan), Bernard Kouchner, Gérard Grunberg.
Sortie d’une autre revue d’idées, « Controverses » du même tonneau.
Effort persistant pour discréditer l’altermondialisme. Ainsi la forte campagne actuelle contre le film « Cauchemar de Darwin » : à partir de quelques critiques ponctuelles, on veut discréditer l’ensemble de ce pamphlet contre la domination du Nord sur le Sud.

Gauche
La posture anti CPE du PS ne saurait masquer la faiblesse ou l’inexistence de ses propositions en matière de droit du travail, de citoyenneté à l’entreprise, de la place des patrons ; il y est peu question des droits des travailleurs.
Difficulté de cette famille à se démarquer des positions de la social démocratie européenne plutôt favorable à la flexibilité (Blair…). Mais là aussi des contradictions nouvelles : à remarquer par exemple le soutien du patron de la CES aux luttes anti CPE ( in Humanité).

Larges échos de presse accordés au sociologue (américain) Richard Sennett, auteur d’un livre (assez intéressant par ailleurs), « La culture du nouveau capitalisme », qui déclare ( in Libération, 1er avril) : « Nous ( ?) avons besoin d’une gauche nouvelle qui doit trouver les moyens de gérer cette insécurité (du travail) plutôt que d’essayer de la combattre ».

Des enjeux de haut niveau
Outre les questions « classiques » soulevées par le CPE ( droit du travail, emploi, sécurité, etc), les tribunes libres, éditoriaux et commentaires pointent plusieurs enjeux où les contradictions sont de plus en plus vives :

La crise de la politique
Beaucoup question de l’enjeu démocratique, de l’opposition (de la vanité ?) entre intervention citoyenne massive et théâtre politicien. Le philosophe Jacques Rancière écrit des choses fort pertinentes à ce propos ( Libération, 1er avril).

Droits des travailleurs
Cette question essentielle des droits des travailleurs prend une importance nouvelle ; affrontement direct entre l’idée de salariés soumis, esclavagisés et celle d’une défense et d’une extension des droits ouvriers à l’entreprise.

Crise de l’entreprise
Cette question est dans l’air depuis quelque temps. Question de la démotivation salariale, de la crise des cadres ( paradoxalement ils se sentent concernés par la question CPE), la mise en accusation des patrons, leur goût du lucre, l’arbitraire de leur gestion.
Bon papier du philosophe allemand Axel Honneth in Le Monde du 2/4 sur le CPE qui « bat en brèche les attentes de reconnaissance du travailleur ».

Anticapitalisme
C’est à ce niveau aussi que se situe cette bataille ; ainsi Le Figaro (31 mars) parle « de « cette France anticapitaliste et fonctionnarisée qui manifeste » et « où la peur de la concurrence est au cœur de la tension ».

Un retour des communistes et des radicaux
Ce thème revient ici ou là. Par exemple, il figure dans les éditoriaux des deux nouvelles revues citées plus haut. « Le meilleur des mondes » s’inquiète du « cadavre de la vieille idéologie communiste qui continue d’entretenir de faux clivages ». Et « Controverses »
s’inquiète d’« une étonnante recomposition du marxisme en quête de mutation après l’effondrement du monde qui s’en revendiquait ».
A noter que Stéphane Courtois vient de sortir un livre sur le renouveau des idées communistes et radicales en France et en Europe.

Jeunesse
Entrée en masse dans la contestation d’une jeunesse présentée régulièrement comme alignée et soumise. Ce que montrent bien dans l’Huma Serge Regourd (3 avril) ou Michel Vakaloulis (4/4), ce dernier insistant sur quelques points fort de la lutte : intergénérationnelle, interprofessionnelle, liens étudiants/salariés, rajeunissement (probable) du militantisme…
Vakaloulis a raison de dire qu’autant dans la crise des banlieues, une jeunesse semblait en partie se replier sur elle même, autant ici les convergences sont à l’œuvre.

Filiations
Enfin de nombreux commentaires soulignent la filiation des dates 2002, 2003, 2005 : ils mettent en perspective la crise présidentielle, puis le mouvement antiguerre sur l’Irak et enfin le référendum, comme autant de signes de gestation à la fois d’une crise profonde et d’une gestation d’un mouvement antilibéral puissant.
Nouvelle étape en fait d’une espèce de basculement idéologique à l’œuvre (depuis 1995 ?).



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