Mouvement social

Le paysage social se caractérise, ces dernières semaines, à la fois par un mouvement social diversifié, ciblé, actif et, à travers l’exemple de la Poste, par l’établissement de passerelles nouvelles entre luttes sociales et exigences politiques.
Des actions significatives ont lieu ces jours-ci. A la SNCF, on a assisté à une forte mobilisation contre la réforme du fret. Dans tout le pays, jeudi dernier, une opposition d’ampleur s’est manifestée contre la désindustrialisation, les délocalisations sauvages, les fermetures de sites et pour une nouvelle politique industrielle. Des luttes tenaces sont menées dans des secteurs comme les Impôts ou le Pôle emploi, dans le nucléaire ou dans les ports, du côté des interimaires sans papier, des retraités pour leur pouvoir d’achat, etc ...
A France-télécom, les salariés vivent un véritable drame. Après le suicide de salariés et plusieurs semaines de crise ouverte, la direction fait mine de bouger. Le gouvernement tente de jouer la montre, faisant peser la responsabilité sur certains dirigeants avant de leur renouveler leur mandat. Mais l’une et l’autre ont un objectif : ne rien changer qui menace la démarche qui a prévalu à la privatisation de l’entreprise. C’est hypothéquer l’avenir et la vie d’autres agents de l’établissement. N’est-ce pas ce capîtalisme à visage inhumain, ce management totalement irrespectueux des individus que désigne le porte-parole de la conférence des évêques de France quand il parle de : « l’économique qui fait pression sur l’homme au point de ne plus lui donner d’entrevoir une autre issue que de mettre fin à ses jours. »
La question du stress au travail et des risques psychosociaux, fruits de la surexploitation, mérite un traitement tout autre que ce que lui réserve le pouvoir.
La transition avec la Poste est toute trouvée puisqu’on présente souvent cette dernière comme le futur France Télécom !
A la Poste, les résultats des 2,3 millions de bulletins n’ont laissé aucun doute sur l’attachement de nos concitoyens à leur service public postal. Les enseignements de cette « votation citoyenne » sont riches et nombreux.
Elle a marqué une nouvelle vitalité publique. Nicolas Sarkozy et les siens ont raillé l’initiative, rabâché leur mépris de classe après l’immense succès de cette consultation. Ils ont refusé d’en tenir compte au prétexte que cette mission de service public ne serait « pas en danger ». Le gouvernement voudrait nous faire croire qu’il ne vise pas à une privatisation à terme, comme pour Gaz de France, que Nicolas Sarkozy avait promis urbi et orbi de laisser dans le giron public et qu’il a néanmoins privatisé sans l’assentiment des Français… Mais le service public appartient à tous. Et la prodigieuse vague citoyenne en sa faveur a redonné de la vitalité à la vie publique. Comme le souligne la revue « Liaisons sociales », « les syndicats qui se sont associés à la votation citoyenne ont fait un carton ».
Ce vote a traduit aussi une nouvelle dynamique sociale et politique. Parmi les salariés, aujourd’hui, on peut observer à la fois une forte détermination à se défendre, on le voit bien avec toutes ces luttes que je viens de mentionner, et aussi, parfois chez les mêmes, un certain doute sur l’efficacité, voire sur l’utilité des actions revendicatives. On connait, au plan politique, le phénomène de l’abstention aux élections. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’au plan social se manifestent parfois un certain attentisme, un certain fatalisme devant les coups portés par la droite et le patronat. Or l’exemple de la Poste montre bien que lorsque les objectifs qu’on se fixe sont clairs, quand les gens ont le sentiment que c’est « jouable », qu’on peut y arriver, quand toute la gauche est en mouvement, quand ces conditions sont réunies, la dynamique alors est au rendez-vous. La colère concernant La Poste pourrait bien bouleverser le paysage politique national.
Ce vote, enfin, traduit une démocratie participative d’un nouveau genre ; il réinstalle la légitimité du côté du peuple, il permet d’inventer une articulation inédite entre les partis, les syndicats, les mouvements et associations, les citoyens eux-mêmes… La démocratie ne se résume pas à un « temps électoral », une fois tous les cinq ans. Plus que jamais se fait sentir le besoin d’une démocratisation permanente de la République. Et si le peuple arrache un référendum pour La Poste, cela va marquer un pas en avant en matière de démocratie sociale et de démocratie tout court.



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