Notes 2008

Notes Idées
Les tendances dominantes sont les suivantes :

1)La crise a entraîné un glissement idéologique vers la gauche, vers les valeurs de gauche ( justice sociale, protection), elle a remis dans le débat des questions longtemps tabous ( nationalisations, secteur bancaire public), favorisé un antilibéralisme et un anticapitalisme.
A sein de la gauche, la famille « anticapitaliste » ( pour reprendre une formulation de Libération) est singulièrement plus forte (que lors de la présidentielle).
On peut aussi pointer une allergie renouvelée à l’égard des « riches » et leurs colossales fortunes.

2)En même temps, la crise déprime l’opinion ; elle ne pousse pas automatiquement vers l’action mais plutôt vers le repli, la prudence, l’attente, le chacun pour soi. Surtout si cette même opinion ne sent pas formulées à gauche des alternatives fortes et simples.
Dans cet esprit, le combat pour le pouvoir d’achat, s’il est toujours présent, a perdu un peu de sa vigueur.

3)Les libéraux, un temps désemparés par l’ampleur de la crise, se livrent à une véritable contre-offensive. Politique avec l’agitation de Sarkozy, le pathos sur la morale ( et les patrons de la Caisse d’épargne sanctionnés), les réunions internationales à répétition.
Et surtout idéologique : après un bref silence, toute la machinerie idéologique (voir La Tribune, Enjeux Les Echos, Alternatives économiques, Esprit, Le Nouvel économiste) travaille à la définition d’un nouveau libéralisme.

(A sa manière, l’événement Obama participe en partie de cette « réponse »)
BULLETIN COM/IDEES
33 (202) 27 octobre 2008

1)L’opinion et la crise
Multiplication d’enquêtes sur les Français face à la crise. La Croix (avec Sofres) du 24/10 titre « Les Français font toujours confiance au capitalisme ». En vérité, d’une part la question principale portait sur « l’économie de marché » et non sur le capitalisme.61% trouve ce système le moins mauvais et à améliorer ; d’autre part, 29% le trouvent mauvais, à changer, ce qui est tout de même une progression de 13 points depuis 2000 et « une proportion non négligeable » dit l’article.
Demande très forte de réglementation :76% soit un bond de 25% ! pensent que demain l’économie sera plus réglementée ! Quasi unanimité (90%) pour contrôler les banques, les rémunérations des patrons, les paradis fiscaux, pour « des objectifs de rentabilité moins élevés ».
Nationalisations ? Pour 45%, contre 48%. A l’évidence la crise « a contribué à lever ce qui était devenu politiquement un tabou, y compris au PS ».
Autre enquête Parisien/CSA du 27/10 où l’on voit les Français prudents (39%), inquiets (30%), préoccupé (26%).

2)Crise de société, repli sur soi et risque de déflagration
A noter les commentaires de Henri Vaquin, sociologue toujours dans Le Parisien du 27l : pour lui , LA question posée est celle d’un nouveau partage capital / travail. Les inégalités de traitement acceptées hier deviennent aujourd’hui « intolérables ». Il continue de penser que la combattivité des salariés est entravée par la menace de chômage ; « on assiste à un effet de sidération colossal ; il n’y a ni tension ni combattivité, la tendance est au repli sur soi mais ce n’est qu’une étape. Le sentiment d’injustice et d’impuissance qui est très fort a alimenté une colère rentrée ; la question est de savoir comment elle va se manifester » ;
il ajoute que « la remise en cause des valeurs libérales dépasse le cadre de l’entreprise, plus qu’une crise sociale, on va affronter une crise de société.(...) La colère peut déferler ou trouver un message qui la porte. » Faut rénover si on veut éviter « une déflagration ».

3)De l’argent, il y en a
Les plans d’urgence de sauvetage des banques et les sommes colossales mobilisées suscitent de plus en plus un double commentaire : de l’argent, il y en a ! pourquoi pas pour nous ? Un reportage (Le Monde) raconte que c’est même la question la plus posée aux députés UMP de retour dans leur circonscription.
Et c’est l’enseignement du sondage Les Echos/BVA : une écrasante majorité (79%) « attend de Sarkozy qu’il trouve des fonds pour les plus démunis et pour soutenir l’emploi ».
Le quotidien patronal parle aussi « de vraie remise en cause du système libéral qu’il conviendrait de changer » (67%) et, tout comme les DRH il a quelques jours, appelle le pouvoir à être prudent dans ses réformes : « Il faudra que les réformes soient très bien pesées, qu’on évite toute charge symbolique trop forte pour ne pas avoir une explosion sociale comme en 1995 ».

Ce thème (Il a de l’argent) a fait d’ailleurs la Une du Parisien du 23/10 : « Mais d’où vient l’argent ? »

4)Faut-il parler d’ « économie réelle » ?
Le terme d’économie réelle suscite débat ; il a l’avantage de distinguer le monde de la production du monde de la spéculation ; il a l’inconvénient de laisser entendre qu’il y a un bon capitalisme, productif, réel et un mauvais capitalisme, cupide, irréel ; c’est le discours de la droite sarkozyenne ( moralisation, etc...). Or le capitalisme est production et finance à la fois et il en est ainsi depuis des siècles. Ce que dit Badiou ; ce que dit le Nouvel Obs social libéral ; ce que dit Alain Rey.

5)Financiarisation et inégalités sociales
Rapport implacable de l’OIT (Organisation internationale du travail) intitulé « Finance et inégalités » qui montre que « la globalisation financière a eu sur les inégalités des conséquences plus lourdes que celle du commerce » : 1)elle a fait baisser la part des salaires au profit du capital (dans plus des 2/3 des pays étudiés ;2)les chocs financiers ont eu des répercussions dans les pays du Sud pour les plus démunis ;3)la concurrence accrue a fait baisser partout la taxation des bénéfices, les impôts sur le revenu et affaibli d’autant les politiques de redistribution ;4) »l’aggravation des inégalités ruine l’efficacité des politiques pro-croissance ».
Voir Le Monde du 22/10.

6)Les trois France
Enquête de la Sociovision (ex Cofremca) qui distingue trois France en fonction des revenus : au delà de 3800 euros ; entre 1500 et 3000 ; en dessous de 1500 euros. (Voir Le Nouvel Economiste, 23/10)
Au delà de 3800 euros, ces 10% d’ « happy few » se sentent à l’abri, trouvent le monde plein d’opportunités et trouve la crise « normale ».
Sous 1500 euros, les ménages vivent en permanence sous pression mais « ils font le pari qu’ils n’ont rien à gagner à changer le système et sont paradoxalement les plus enclins à défendre le statu quo. »
Les 1500/3000 euros constitueraient la classe moyenne, qui se sent vulnérable, a peur de décrocher, s’est brouillée « avec l’idée de progrès » et se deséngage de certaines formes de cobsommation (les parques).

7)Pensée économique
Forte progression des ventes des théoriciens de l’économie, Galbraith (La crise économique de 1929) ; Keynes (La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie) : Marx (Capital) ; on signale aussi une petite poussée pour l’ultra libéral Haek Friedrich (La route de la servitude).

8)La crise et la mode
Une page entière du Figaro (16/10) sur la crise et la mode. La première partie est intitulée « La classe bourgeoise revient dans l’air du temps » : elle parle d’un « retour du charme discret des valeurs sures », twinset, jupe écossaise, collier de perles, de « réaction protrectionniste à la crise »de trouble, de « répit ».
L’autre partie de l’article évoque la tenue des « banquières » qui reviennent au classique (noir, gris) : « Faut la jouer profil bas, pas que le client croie qu’on se moque de ses pertes ». L’article montre qu’on demande surtout cet effort aux femmes, « les hommes ne semblant pas renoncer à leurs grosses voitures ».

9)Obama, attente et illusion
A lire le débat entre Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, auteur de « 50 idées reçues sur les USA » et Armand Laferrère (L’Amérique est elle une menace pour le monde ? » in Le Figaro du 27/10. Les deux s’inscrivent dans une victoire d’Obama. Question : « Qu’est ce qui pourrait changer dans la politique étrangère ? » Laferrère : « Pas grand chose » ; Boniface : « Ceux qui pensent que la politique américaine va changer du tout au tout se trompent ». Question : Et en politique intérieure ? Boniface : « Ce que je crains, c’est une déception liée à une attente trop forte ».

10)Partis

UMP
Le parti a lancé un chantier pour « refonder le capitalisme » et cet atelier du changement se réunit tous les mercredi jusqu’au 12 novembre au siège de l’UMP, auditionne (De Bernard Maris à JP Fitoussi). Il s’agit, dit le programme, de « remettre la finance au service de l’économie réelle ». On parle de nationalisation des agences de notation, encadrement des rémunérations, interdiction des parachutes dorés dans certains cas, responsabilité sur leurs biens propres des traders ayant pris des risques inconsidérés.
Le premier débat portait sur « Capitalisme financier : changeons les r_gles » ; le second, animé par Frédéric Lefebvre, sarkozyste de choc, traitait de « l’attractivité et la compétitivité de la France ». Là, les uns ont dit que la protection sociale à la française était un « plus », d’autres ont dit le contraire, parlant de son coût. Les PME se disent maltraitées par rapport aux grands groupes : on a parlé encore TP, paradis fiscaux, ISF (à remplacer par un impôt sur le capital, dixit Fitoussi).

L’ultra droite
Ele bouge ; on parle de la parution d’un bimensuel « Flash », altermondialiste d’extrême droite mais sans lien organique avec le FN. Antiaméricain et antiisraelien. On y trouve Alain Soral (mouvement Egalité et réconciliation), intello facho venu de gauche et candidat à l’investiture FN pour les européennes en Ile de France. Critique de la globalisation comme déracinant les cultures « ethniques » et anti USA/Israel. Refuse le thème du choc des civilisations et l’orientation anti-musulmans de l’extrême droite traditionnelle.
BULLETIN COM/IDEES
34 (203) 31 octobre 2008

1)Anticapitalisme à la hausse
Confirmant une tendance déjà pointée par plusieurs enquêtes ( notamment La Croix du 24/10), nouveau sondage de Vivavoice/Libération du 27/10 sur les « grandes familles de pensée » à gauche, une notion discutable mais passons.
La gauche la plus anticapitaliste (PCF, LCR, alter) passe de 15 à 25% ; la « gauche libérale auroritaire » (Roal) passe de 35 à 24%.
Pour Vivavoice, « s’opère une réhabilitation de la gauche et de ses valeurs ».
Le clivage gauche/droite redevient pertinent : 60% le pensent contre 50 il y a un an ; les partisans de l’ouverture au centre passent de 68 à 58%. 45% veulent s’opposer ou modifier la mondialisation capitaliste et 44% (-9) veulent juste l’aménager.

Ce quotidien, qui titrait voilà un an « La gauche vire t elle à droite ? », fait sa Une aujourd’hui avec « La gauche vire à gauche ».

2)Gesticulation sarkozienne
Forte campagne de communication à la gloire de Sarkozy et de ses gesticulations, en France et dans le monde, de la part de médias comme Le Figaro (culte de l’Homme d’Etat), d’intellos (Alexandre Adler), de patrons ( Seillères et le patronat européen) ; le sommet est atteint avec le JDD (26/10) qui fait un long papier sur Sarkozy globe-trotter luttant (et gagnant) contre le décalage horaire !
Cet affichage permanent ne semble pas sans effet ; selon l’IFOP, 66% des sondés estiment que le Président « joue un rôle majeur et décisif dans les décisions internationales visant à faire face à la crise » ; ils seraient 56% à gauche à partager cette idée.
Il gagnerait 3 points pour Sofres/Fig Mag, en perdrait 1 pour Ipsos/Le Point ; disons qu’il se stabilise dans les basses eaux.

On parle de plus en plus du retour de Sarkozy à la direction de l’UMP.

3)Communication gouvernementale
Plusieurs études sur l’effort de « communication » de l’Elysée et de Matignon, les millions investis dans ce travail, les propos de Thierry Saussez d’aller vers des « émissions gouvernementales » à la télé, dans le genre retour à l’ORTF et au ministère de l’information.
Cf le Figaro du 26 octobre qui signale que le budget de Sarkozy à la Présidence (com et le reste) passe « de 5,9 millions d’euros en 2008 à près de 23 millions en 2009 » !
Cf l’article de Médiapart, « Et revoilà le ministère de l’information ! » du 29/10.
Cf Le Canard Enchaîné (30/10) : les communiquants de l’Elysée veulent faire passer le message : on est là pour protéger la population et non sauver les banquiers...

On remarquera que ce travail de propagande va de pair avec une insignifiance médiatique entretenue, une désinvolture, une personnalisation à outrance d’enjeux politiques, une pipolisation permanente ; voir les dossiers consacrés à Rachida Dati ou à Strauss Kahn...

4)Le message passe mal
Cet effort vise surtout à répondre à un vrai problème : le message présidentiel passe mal. La gesticulation présidentielle donne le tournis même à l’UMP ; l’incapacité du pouvoir à maîtriser les marchés est soulignée, son plan emploi est moqué, les difficultés accrues du crédit, l’inégalité de traitement entre les riches et les autres reviennent comme des refrains.
Nombreux papiers ( Le Parisien, Profession politique...) montrant que les élus UMP « se font engueuler sur les marchés. Beaucoup de gens nous disent : vous avez 360 milliards pour les banquiers, les patrons, les riches ! On a un boulot pédagogique super-dur » (Parisien, 29/10).
« Les élus de la majorité sont en grande difficulté d’explication » (Profession politique, 29/10).

C’est exactement le même enseignement que donne l’enquête BVA/La Tribune du 9/10 dans son « Baromètre de l’économie » : « Les Français sont plus pessimistes que jamais sur l’avenir économique et ne sont pas ou plus sensibles au volontarisme économique affiché par l’exécutif ».
En même temps ils trouvent que la crise touche moins la France que les autres et ne croient pas à la faillite de leur banque.

5)La crise fait cogiter
La bataille d’idées autour de la crise s’étoffe même si le niveau est parfois décevant.
Dans le débat proprement politique, il a souvent des mots « forts » qui cachent des idées « faibles » : il faut « refonder » le capitalisme pour la droite, « refonder » la social démocratie, dit-on dans la presse de gauche. Longs papiers dans La Croix (31/10) où le président de Terra Nova dit : « Nous allons entrer dans une période de confrontation idéologique entre la droite qui doit repenser un modèle libéral en crise et la gauche qui doit fonder une social-démocratie moderne ». Mais les idées avancées sont maigres. En retour, l’édito du Figaro, « Les habits neufs de la droite » sous entend qu’ue cette droite doit bouger « parce que la rigueur des temps l’exige »...

Débat peut être plus intéressant du côté des hebdos. Débat économique : sur l’économie de marché qui « doute d’elle même » (Nouvel Economiste).
Jean-Luc Gréau, auteur de « La trahison des économistes » est plusieurs fois sollicités et il pointe plusieurs thèmes : quid de la gouvernance financière ? Quid de l’endettement ? Quid de la demande globale ?
Débat sur la démocratie : c’est le cas d’Emmanuel Todd (Nouvel Obs) qui « envisage trois options pour une classe politique à bout de souffle » : l’ethnicisation ; la remise en question du suffrage universel ; le protectionnisme européen.

6)Capital et pouvoir oligarchique
Excellent dossier du Monde (31/10) sur la banque américaine Goldman Sachs, ses liens consubstantiels avec le pouvoir Bush, son rôle dans la spéculation et ses gains dans la crise actuelle ; l’édito montre qu’en cas de victoire d’Obama, les futurs minstres du Trésor viendront de...Goldman Sachs !

7)Le phénomène Besancenot
Publication d’un essai de Denis Pingaud, L’effet Besancenot, Seuil, très complaisemment présenté dans Libé. (Pingaud, ex de la LCR, est directeur d’Opinionwa).
A retenir ce sondage:65% des sympathisants de gauche jugent que la France a besoin d’un parti anticapitaliste ; 90% des électeurs potentiels de Besancenot « souhaitent q’en cas de victoire socialiste, le NPA participe au gouvernement » !

8)Décroissance et mathusianisme
La crise est prétexte à un certain retour du discours sur la croissance zero, l’austérité, le malthusianime. Le propos est plus que subliminal chez les Verts (Cf C. Duflot lors du dernier forum de la gauche) ; il prend appui sur certaines restrictions d’ores et déjà à l’oeuvre dans nombre de foyers, comme le montrent les dernières enquêtes ; il trouve un écho à droite. Le Figaro du 31/10, sous la plume de Rioufol, dans un papier intitulé « Sale temps pour les flambeurs » écrit : »Le télescopage des catastrophes financières et écologiques obligent à la régulation des marchés et à la réduction des consommations. Il n’y a plus le choix sauf à croire possible d’apprivoiser des tumultes. La « mondialisation heureuse » et l’idéologie impensée du progrès virent au cauchemar. »

9)Obama et le changement
Obama n’est pas (encore) élu que déjà un débat se développe : qu’est ce que ça va changer ?
Rien, dit notamment le Herald Tribune du 28/10 (voir aussi le face à face d’experts dans Le Figaro, évoqué dans notre bulletin de la semaine dernière).
Ça va tout changer ou presque, dit au contraire Bernard Guetta dans Libération du 29/10, « Le tournant du 4 novembre ».

10)Partis

MODEM
Forte couverture de presse de sa première « conférence nationale » ; ce parti, par bien des côtés plus libéral que l’UMP, a contourné l’obstacle en proposant « une voie entre capitalisme et socialisme » qui serait l’humanisme ; propos flous contre « la marchandise », contre « l’avoir » et pour « l’être » ; à noter cette critique de Barou des tentatives de Sarkozy de réguler le capitalisme : « Il y a de la naïveté à croire qu’on peut dicter à des mécanismes en oeuvre depuis le début des temps de se plier à la volonté politique publicitaire ».

UMP
Campagne « surréaliste » des jeunes UMP, « Jeunes populaires », intitulée « Nous sommes révolutionnaires » ; il s’agit, dans la lignée de la campagne des présidentielles de Sarkozy, de vendre de vieilles idées réacs derrière une phraséologie « ultra révolutionnaire » ; leur prose dit : « Comment peut on se priver de ce beau mot de Révolution » ou « on est pour le changement radical » ou « RSA= Révolution sociale » ; ils sortent une affiche texte disant simplement « 100% révolutionnaire ! » ; des autocollants « A nous la révolution ! » ou « la révolution est en marche » ; bref détournement, confusion et appropriation. Pas sûr que les (jeunes) militants UMP s’y retrouvent. Ils parlent de faire des descentes en banlieue...

DSK
Place médiatique croissante, et considérable, accordée à DSK ; impression d’une sorte de cogestion DSK/Sarkozy de la crise ; le personnage est plébiscité dans les sondages.
BULLETIN COM/IDEES
35 (204) 6 novembre 2008

1)Vive la crise ?Vers un « nouveau libéralisme »
Voulait-il mimer l’opération idéologique de 1984 où le lobby social-libéral ( et la voix d’Yves Montand) proposait une justification au glissement à droite de Mitterrand ? Le quotidien financier La Tribune faisait sa Une du 3/11 sur « VIVE LA CRISE ! » et un dossier de huit pages sur « tout ce qui allait changer en mieux après la crise financière ». On y exprime l’espoir d’une « renaissance » du capitalisme autour de sept thèmes : un nouveau « fordisme », un marché mieux soutenu par l’Etat, plus de technologies vertes, un monde plus multipolaire, une mondialisation plus « organisée », enfin saisir quelques opportunités de croissance.
On retrouve là, quasi théorisée, cette capacité (ou prétention) des libéraux à rebondir, ce cynisme à sauter « sur les bonnes occasions », développés dans plusieurs médias ces dernières semaines. Cette envie aussi de donner une lecture libérale de la crise avec l’apparition de concepts un peu nouveaux genre « l’étatisme libéral », « le liberalisme interventionniste »,etc.

On assiste d’ailleurs, après un relatif silence, à un gros effort de réhabilitation du libéralisme comme en témoignent :
• la Une et le dossier de « Enjeux Les Echos » intitulé « Le libéralisme dévoyé, ruiné, sauvé »
• l’édito du nouveau chef de rédac des Echos/Enjeux, Eric Le boucher, jusque là chroniqueur très libéral du Monde : « Le besoin se faisait sentir avant la crise d’un nouveau libéralisme, assis sur un nouvel équilibre entre le marché et l’Etat ».
• le long article du Nouvel Economiste, « Tri sélectif. La nouvelle économie politique, le bon grain, l’ivraie » où l’on trie « les dogmes à jeter » et « les dogmes à garder »...
• le dernier numéro d’Esprit, « Dans la toumente financière » où l’on définit de nouveaux rapports acteurs financiers/Etat dans un cadre libéral
• l’article de Christian Chavagneux dans « Alternatives économiques » commençant par : « Le libéralisme économique n’est pas mort en octobre 2008 »

2)Pouvoir d’achat : le débat continue
Passé au second plan, le débat sur le pouvoir d’achat n’en continue pas moins. Les libéraux minimisent le recul salarial, tel JM Vittori dans Les Echos du 5/11 : « Non, les salariés ne sont pas sacrifiés ! » Il prétend que la réduction de leur part dans la valeur ajoutée s’est faite dans les années Mitterrand et que depuis, les choses n’ont plus bougé.
Au contraire dans Marianne2 (5/11), un dirigeant du SNUI donne quelques citations ( le coût du travail en France est un des plus faibles d’Europe ; la productivité française est exceptionnelle ; les Français travaillent beaucoup ; etc) tiré du rapport de l’AFII, Agence française des investissements internationaux (ministère de l’économie).

3)Les riches n’ont plus la cote....aux USA
Dossier du Monde du 6 novembre intitulé « Aux Etats Unis, la colère enfle contre les banquiers « égoistes » et « cupides ». YouTube diffuse des raps anti-banquiers, CNN pointe les responsables financiers de la crise ; Wall Street Journal s’indigne de voir l’argent donné aux banques servir de bonus pour les directions ; un chercheur estime que « la concentration des patrimoines est devenue aus USA un sujet brûlant » (d’où la proposition Obama de taxer les plus riches). En même temps, une campagne cherche à distinguer les mauvais milliardaires (spéculateurs) des bons milliardaires (producteurs)...

Pour les riches de France, voir le dossier « révélations » du mensuel Capital de novembre où l’on montre que les rémunérations des pdg en 2007 ont été « un superbe millésime » ; l’article est intitulé « dernier jackpot avant le krach ».
Voir aussi Challenges qui fait un palmares des grandes fortunes (on retrouve les mêmes, Arnault, Bettencourt, Pinault...).

4)Bourse : le retour américain ?
En un an les Bourses mondiales ont perdu la moitié de leur valeur ; 20 000 milliards de dollars se sont évaporés ; soit la moitié des richesses produites sur la planète en un an ; ou dix fois le PIB français.
Cette « purge » semble avoir pour l’heure redistribué les places sur l’échiquier des grandes capitalisations. Les groupes américains semblent s’en sortir mieux que les autres... sept firmes US s’imposent dans le top dix mondial ; ils n’étaient que quatre il y a un an.

5)87milliards pour les patrons en 2009
Article des Echos (4/10) chiffrant la totalité des aides publiques aux entreprises en 2009 : 32 milliards de déductions, dégrèvements et autres exonérations (TVA pour travaux dans l’habitat, moindre taxation des plus values sur des cessions de titres de participation, TIPP, crédit impôt recherche)+ 33 milliards d’exonérations de cotisations sociales (voir la dernière loi sur la Sécu) +22 milliards d’aides annoncés par Sarkoz « en raison de la crise ». Total = 87 milliards

6)Renouvellement de l’Eglise ?
Réunion à Lourdes des évêques de France pour l’assemblée plénière d’automne ; plusieurs sujets à l’ordre du jour : la bioéthique, le patrimoine et « la visibilité de l’Eglise dans la société ».
Claude Dagens, évêque d’Angoulême, planche sur ce sujet de la « visibilité dans une société de plus en plus marquée par l’indifférence religieuse ». Il ne se veut pas catastrophiste, dit même : « Cessons de nous bander les eux, les signes de renouvellement de l’Eglise sont vus par certains mais pas forcément dans les milieux catholiques ». Il reconnaît un « affaiblissement » mais « il a une attente spirituelle bien présente dans notre société ».
Des tables rondes avec des sociologues sont prévues durant cette rencontre.

Eglise/Sarkozy : la bataille du dimanche
L’eglise n’apprécie pas la tentative de Sarkozy pour le travail du dimanche. A noter cette phrase du cardinal Vingt Trois à l’ouverture de la rencontre des évêques de Lourdes : « Gagner plus doit-il devenir le principal objectif de l’existence ? »

7)L’art, le luxe, le fric
Bon papier de Philippe Dagen, service culture, dans Le Monde du 1er novembre sur le marché de l’art aujourd’hui, le recours sstématique à la provocation simpliste pour vendre (cher) : ces artistes « font de la provocation leur procédé unique, du scandale un pur argument publicitaire. Bien loin de le contester, ils tirent le parti le plus avantageux du capitalisme. Non seulement ils n’ont aucune critique à formuler contre lui mais ils flattent quelques uns de ses milliardaires en les faisant passer pour des protecteurs de l’art » ; ils font de l’art « une branche spécialisée du luxe et du divertissement ».

8)Portrait social de la France
Publication du rapport annuel « France, portrait social » de l’INSEE, qui donne une photographie de la vie quotidienne des concitoyens : niveau de vie, diplômes, salaires, logement ; Bons résumés dans L’Humanité et Le Figaro du 6/11. L’Insee montre que l’éducation, la santé, le logement social « contribuent deux fois plus que les transferts monétaires à la réduction des inégalités ».

9)Pouvoir et PME
Nombreux articles ces dernières semaines sur les rapports plus difficiles entre le pouvoir et les PME. La conviction que les « élites » n’ont pas vu venir la crise ; le traitement privilégié réservé aux grandes sociétés ; l’impression qu’on récompense celui qui spécule et non celui qui travaille ; les difficultés d’obtenir de nouveaux crédits des banques, tout cela nourrit une défiance nouvelle des PME vis à vis de Sarkoz.
« On mesure mal la rétractation de l’économie qui peut naître des dégâts psychologiques nés de ces excès » écrit le directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales in Libé du 25/10.

10)Partis

PS
On notera, dans les débats préparatoires du congrès, non seulement la prise de distance des différents courants avec le terme de « libéral » (sauf Delanoé) mais aussi avec l’expression de « social-démocratie » qui ne semble plus avoir la cote. S. Royal dit que « la social démocratie est une idée périmée » ;Hamon dit que « l’avenir du PS ne peut être le passé de la social démocratie » ; Aubry n’en parle plus ; Delanoé parlec de « socialisme réformiste ».

UMP
Sarkozy profite de ses déplacements officiels pour caser des meetings (secrets ?) avec les militants UMP. Voir le reportage du Parisien du 5/11.



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