2002 (4e trimestre)

*Mouvements des idées*

*Note n°1 (6/9/02)*

1) Souvent évoqué, le thème de la crise de la politique a
paradoxalement été assez peu approfondi dans les médias depuis les
élections.

A noter cependant la série de grands entretiens réalisés tout l’été par
l’hebdo "Les Inrockuptibles" sur le thème " Decrypter la crise politique
et sociale".

Cette question est aussi abordée par le MEDEF (cf la tribune de
Seillère-Kessler in Le Figaro du 20/08).

2) Peu de commentaires aussi sur la pratique politique nouvelle, la
citoyenneté nouvelle ; sur cette dernière question cependant, voir le
papier de Yves Sintomer, jeune prof de Sciences Po, in Politis du 19/07,
intitulé "Deux voies s’offrent à la gauche".

3) Où est passée la classe ouvrière ? Là aussi, silence radio après
l’explosion de papiers aux lendemains du 21 avril. A lire cependant une
synthèse utile sur cette question in l’entretien de Michel Verret dans
"Les Inrockuptibles" du14/8.

4) Ici et là revient l’idée du decallage entre mouvement des idées et
rythme électoral. On sait par exemple que Giscard l’emporte en 1974
alors que la contestation du libéralisme dans l’opinion était forte ; que
Mitterrand gagne en 1981 alors que les valeurs libérales sont en hausse.
De même aujourd’hui Chirac passe alors que le libéralisme est contesté.

5) Ce décallage est sensible plus généralement en Europe. La
social-démocratie, en crise, passe la main à une droite libérale - idem
aux USA- alors même que des experts économiques de plus en plus nombreux
des deux côtés de l’Atlantique parlent d’un besoin pressant de nouvelles
formes de régulation ( voir le dossier Le Monde/Economie du 9 juillet ;
voir aussi le travail d’Attac sue ce sujet).

6) Si le parti socialiste ne parle plus que de maîtriser le
capitalisme
, Emmanuelli évoque ces temps-ci le "dépassement de l’étape
actuelle du capitalisme" ; pourtant la mise en accusation du capitalisme
est dans l’air ; voir notamment la rubrique régulière du journal "Le
Monde" intitulée " La crise du capitalisme financier".

7) Le thème de l’utopie revient volontiers ces temps ci dans le
discours socialiste ; "utopie réaliste" dit le fabiusien Weber ; "utopie
concrète" disent Emmanuelli et Mélenchon ; Elisabeth Guigou parle " des
utopies que nous voulons porter" ; création aussi du club "Utopia" au
sein du PS ( sur le temps de travail notamment,...) ; ce club s’explique
sur une pleine page de Libération le 28/08.

8) Derrière le débat sur le bipartisme ( partis uniques, lois
électorales) on retrouve un dessin stratégique dont le mode d’emploi est
donné par Alain Touraine d’un côté, Douste Blazy de l’autre. Touraine
dans le Nouvel Observateur du 14/08 plaide pour un parti unique de la
gauche (essentiellement une alliance PS/Verts) ; insistant sur une vision
"désacralisée" de la politique, plus modeste donc, il estime que cette
initiative va provoquer l’émergence d’une gauche de la gauche mais ce
"courant" agirait de fait /hors du champ proprement politique/ et ne
compterait pas.

C’est exactement la démarche de Douste-Blazy ( Le Figaro du 4/9) : "
Cette évolution à l’américaine va tuer les faux culs, ceux qui veulent
la différence (fausse) et le pouvoir (vrai), comme le PCF. En revanche,
elle va exacerber les clivages avec les extrêmes gauche et droite qui ne
veulent pas du pouvoir mais sont dans la protestation". Autrement dit on
s’acheminerait vers une vie publique organisée autour des /inclus
politiques /-centro-centristes-/ et des exclus protestataires,/ sur les
marges, extra-intitutionnels.

9) A propos de mouvement social et de reconstruction politique : voir
le mauvais exemple italien, où les efforts de recomposition à gauche,
sous l’impulsion notoire du syndicaliste Cofferati, semblent aboutir à
une nébuleuse de centre-droit ; le maître à penser de cette nouvelle
gauche mouvementiste italienne serait ...Jacques Delors.

10) La question de l’Etat et de sa réforme est omniprésente. Relancée
avec force par la droite lors des campagnes électorales du printemps,
elle vise à une redéfinition du périmètre de l’Etat, à son désengagement
des secteurs non regaliens, au transfert massif de ses charges sur les
régions/départements/villes sous couvert de décentralisation. Cette
question a été au coeur de l’Université d’été du MEDEF. Dernier exemple
en date : les projets du ministère de l’Education nationale.

*Mouvements des idées*

*Note n°2 (13/9/02)*

1) L’anniversaire du 11 septembre a un peu (?) éclipsé la donnée majeure
de la semaine : le retour du social. L’inquiétude croissante concernant
l’emploi, les prix et le pouvoir d’achat - confirmée par les enquêtes du
Figaro-Magazine, de La Tribune, du Monde ou du Parisien de la semaine
dernière- coûte cher à la droite ( baisse sensible de popularité de
l’executif). On notera qu’il faut remonter à 1995 ou 1996 ( dixit La
Tribune) pour retrouver une si vive inquiétude face aux lendemains.

2) L’attachement des Français aux services publics a été
magistralement confirmé par le sondage de La Tribune du 9/9 : entre 65 et
70 % des sondés pour un Etat actionnaire de la Poste, EDF, SNCF, GDF (
et 53% pour Télécoms !).

Le drame des Cévennes a aussi permis de remettre l’accent sur
l’efficacité de ces services.

3) On sait la place que le thème de la proximité a joué lors des
campagnes électorales du printemps. La droite a su récupérer ce qui est
devenue une exigence confse mais populaire. Sciences Po Paris organise
d’ailleurs un colloque international fin septembre intitulé, à la Mairie
de Paris, intitulé " Gestion de proximité et démocratie participative ;
les "nouveaux" paradigmes de l’action publique ?". Le colloque portera
surtout sur gestion urbaine et activité citoyenne ; il lancera la
création d’un réseau international.

Deux ouvrages sortent en cette rentrée sur ce thème : "Démocratie et
délibération" de Blondiaux et Sintomer, chez Politix ; " La démocratie
participative" de Bevort aux Presses de Sciences Po.

3) A noter la forte production éditoriale d’éditeurs progressistes, y
compris de la mouvance gauche de la gauche : Syllepse, L’Atelier, La
Découverte ; une bonne quinzaine de livres politiques pour ce seul mois
de septembre. On ne peut que regretter l’absence d’éditeurs communistes.

4) Un peu dans le même ordre d’idées, on note un regain des revues de
proximité
 ; voir le dossier du Monde sur " le nouvel engouement pour la
presse alternative" ; des initiatives souvent de faible diffusion mais
qui manifestent une énergie militante considérable (et parfois vaine).

5) Noter l’émotion devant la liquidation de la branche édition de
Vivendi ; "gestes" répétés de Chirac et Aillagon ( y compris la possible
braderie du Larousse alors même que l’Etat fête en grandes pompes le
150e anniversaire de cette Institution !). " L’édition éducative est un
secteur à faible risque qui dégage des ratios de rentabilité souvent
plus élevés que dans la presse" ( Le Figaro Economie).

6) Toujours dans le registre émotion, mobilisation croissante de
l’intelligentsia de gauche faveur des réfugiés politiques italiens en
France ; le changement avéré de ligne du ministère de la Justice ne peut
qu’amplifier le mouvement de protestation.

7) Keynes de retour : cet édito de Claude Allègre dans L’Expres
participe d’une série de papiers ( " Le retour de l’Etat" in Les Echos
11/09) non seulement sur le besoin nouveau de /régulation/ qui se
manifeste un peu partout en Occident ; mais aussi sur un nouvel étatisme(
"La globalisation a besoin d’Etats forts" (Le Figaro Economie, 12/09).

8) La mode sait récupérer et jouer de l’air du temps. Deux exemples
récents. D’une part, cette info du Monde (10/9) : " Les marques jouent la
carte de la proximité pour séduire les collègiens" ; d’autre part, cette
caractérisation de la mode vêtements des moins de seize ans en cette
rentrée : " le style rebelle sauvage est à l’honneur cette saison" (
enquête " /Rentrée rebelle/" toujours dans Le Monde du 7/9).

9) Une majorité de Français (54%) considère que la présence de
communautés étrangères constitue une source d’enrichissement culturel
( Parisien, 8/9/02). Six mois après les élections du printemps, une
nouvelle d’importance.

10) Ordre moral : Multiplication de plaintes contre les écrivains ;
procès contre les éditeurs ; affaire Mermet ; sorties répétées du ministre
de la Famille Christian Jacob contre " la pornographie" : il y a de
l’ordre moral dans l’air. Protestation montante d’hommes de culture.

*Mouvements des idées*

*Note n°3 (20/9/02)*

1) Etat et marché. L’effondrement de la Bourse, les faillites en
cascade, les déboires de France Télécom, tout cela nourrit une abondante
littérature, inquiète, sur l’adaptabilité du capitalisme. De longs
éditoriaux ( Le Monde, Le Figaro, la presse spécialisée) visant à
dédouaner les marchés, à accuser l’Etat ; dans le même temps est
réaffirmée l’absolue nécessité de l’Etat (y compris de l’Etat américain)
pour la bonne tenue des marchés. Un remue-méninge un peu confus où l’on
voit des libéraux défendre l’Etat ( " Seuls quelques naïfs croient que
les tenants de la libre compétition économique pratiquent un libéralisme
pur", Jean de Belot, Le Figaro) et des gens de "gauche" passer au
libéralisme pur ( Roger Fauroux tord le cou de l’économie mixte : " Il
faut sans doute choisir entre le privé pur et dur et les services
publics gérés par l’Etat", in JDD).

2) Cette instabilité croissante du système est intégrée par ses
partisans comme un élément énergétique ; l’incertitude au service du
marché ?
Il est symptômatique que l’Université d’été du MEDEF ait été
placée sous le signe du " /risque/". Voir l’édito des Echos du 11/09 : "
Le 11 septembre nous a fait entrer dans une autre époque et /personne ne
sait très bien de quoi elle sera faite/". Dans le même ordre d’idées, et
sans trop jouer sur les mots, il est symptomatique que l’Europe
abandonne ces jours-ci et en douce le principe du " pacte de /stabilité/".

3) Les nouvelles privatisations s’annoncent difficiles, voire
impraticables, martèlent nombre d’experts ; d’exemplaire, la situation à
France Télécom est devenue un contre-exemple. En Grande Bretagne, trois
anciens services publics privatisés (train, énergie, transport aérien)
connaissent une situation critique.

4) Quelle avenir pour la social démocratie ? Faire le mort et attendre
que le jeu de l’alternance la remette quasi-automatiquement en selle :
cette hypothèse est souvent évoquée ; ou se mettre en cause. La victoire
suèdoise - si elle est confirmée par celle des allemands- peut plutôt
pousser la social-démocratie européenne à l’attentisme.

Voir l’article d’Olivier Duhamel dans JDD ; et les propos de D.
Straus-Kahn "redéfinissant" la social démocratie lors d’un colloque
(blairiste) à Londres : régulation+social+mouvement associatif.

5) La droitisation de la droite ( sa "lepenisation" ?) est nette dans
sa façon d’exprimer ses "valeurs". De ce point de vue, les éditos
hebdomadaires ( vendredi) de Rioufol dans Le Figaro sont d’une rare
violence ( anti immigrés, anti fonctionnaires, anti intellos). Digne de
"Minute". Voir aussi les allures que se donne Juppé. Et l’affaire Papon.
En même temps, cette même droite est plombée par son syndrôme centriste
et consensuel. Exemple : l’épisode curieux du projet de nouvelle
appellation de l’UMP : " la maison bleue", qui sera sans doute rejetée
par la "base".

6) 1968 est la trame du roman de Rolin, lequel semble dominer cette
rentrée littéraire, ou du moins mobiliser les critiques ; ce n’est pas le
premier livre consacré à cette Histoire mais c’est la première fois
qu’un roman porte exclusivement sur ce sujet. Et suscite déjà des débats
contradictoires : "aveuglement et utopie" dixit Le Monde.

7) Les cérémonies autour du 11 septembre ont - un peu- relancé le débat
sur la désinformation ambiante - laquelle prend des proportions
grossières en temps de "guerre" ; voir les précédents de la guerre du
Golfe (dénoncée alors par le journaliste Marcel Trillat) ou en
ex-Yougoslavie. Critiques formulées par Hervé Bourges aux assises de la
presse francophone : la compassion est le contraire de la réflexion ; il
"doute de la pertinence de notre fonctionnement médiatique mondial" ; cf
aussi l’affaire Mermet.

8) Le retour du cynisme ? De nombreux commentaires autour de l’élection
de Mellick, de celle de Balkany, du retour de Tapie, etc...Après le
discours rigoriste de Jospin, le retour d’un basisme clientéliste, d’une
corruption généralisée et "assumée" ? A lier aussi aux nominations
"politiques" à la tête de l’appareil d’Etat ( Idrac à la Ratp, etc...)
mais aussi à des pratiques de népotisme de certains ministres ( Ferry,
Darcos, Sarkozy...), pratiques justifiées par un Marek Halter !

9) Revoilà l’impérialisme ? On notera l’usage de plus en plus
fréquent de ce terme, avec ou plus souvent sans guillemets, ces derniers
temps. Dernier exemple en date : l’analyse signée de deux plumes du
Monde, Frachon et Vernet, le 19 septembre, sur " l’école
néo-impérialiste américaine". Ce journal titrait il y a un an : " Nous
sommes tous Américains".

Alors que se poursuit le débat sur l’/americanophobie/ (?), on
rappellera que le film collectif de onze réalisateurs sur le 11
septembre (11’ 09") offre un ensemble d’une belle force critique sur les
Usa, l’état du monde ; un bel exemple de l’autonomie de la culture et de
la création, et de mondialisation culturelle ; pourtant le film est un
quasi-échec ; très faible distribution en salle.

10) Du côté des partis, l’Ump est surtout occupée par sa réorganisation
interne : "la lutte des places avant la lutte des idées" souligne la
presse. Disparition du RPR ce week end. Mais le parti unique à venir
saura-t-il faire vivre la droite plurielle ? De premiers doutes
s’expriment. L’UDF maintenue pourrait en profiter.

Au PS, un thème : "l’emploi est redevenu le thème n°1 des Français, donc
TOUT sur l’emploi" ; côté vie interne, débat autour du maintien des
courants actuels ou de leur recomposition ; les mots clés des dirigeants
sont "terrain", "proximité", "militants" ; multiplication des lobbies
blairistes ( voir l’enquête du Nouvel Observateur du 12/09) ; d’autre
part, parution de (deux) nouveaux ouvrages sur l’histoire de la gauche
plurielle, "Sortir la gauche du coma" d’Eric Dupin (Flammarion) et
"L’adieu au socialisme" de G Desportes et L Mauduit (Grasset) ; des
analyses plutôt " de gauche" et suggérant même "un retour au marxisme".

Nombreux commentaires sur "l’éparpillement" des cadres verts et le doute
sur la viabilité de ce parti.

Congrès des radicaux de gauche les 4/6 octobre à Toulouse.

*Mouvements des idées*

*Note n°4 (27/9/02)*

1) Crise de 1929 ? La crise financière suscite de plus en plus
de comparaisons catastrophées dans la presse spécialisée. Le
Figaro-Economie a "théorisé" cette comparaison avec la crise des années
30 dans son numéro du 21 septembre. Depuis, la grande presse multiplie
les commentaires sur " le pire cycle de baisse depuis soixante ans". Le
Parisien en fait sa Une merdredi 25. Dans un registre proche, Le Monde
évoque " le retour des bidonvilles" en France, disparues depuis le début
des années soixante.

2) On peut lier cette précédente information à l’intéressante enquête du
magazine "Okapi" pour les Scouts sur les valeurs des 11/15 ans. Leurs
trois premières hantises : la guerre ; le racisme ; l’insécurité. C’est
dire le sentiment d’inquiétude de ces ados. " Ils sentent germer un
emportement de violences. Au lieu d’une fin de l’histoire, un
recommencement ?".

A lire aussi (Le Monde, 20 09) les textes des chansons de Zebda, "Utopie
d’occase", à la fois désillusionnés et militants.

3) Si le Medef théorise le "risque", le nouvel Observateur banalise le
chaos : l’hebdomadaire sort un numéro spécial consacré à Nietzsche : "
il a pensé le chaos du monde moderne". Les titres de cet hors série : la
faillite de la vérité ; la mort de Dieu ; la volonté de puissance ;
l’inversion des valeurs.

A noter la multiplication d’articles sur les liens sinon organiques du
moins organisés du Medef avec le nouveau pouvoir ( Le Echos du 27/09, Le
Canard du 25).

Anne Sinclair tient sur RTL une émission ( soutenue par Le
Figaro/Economie) où elle donne la parole aux (seuls) grands patrons.

4) La modernité nourrit la nostalgie ? On peut s’interroger sur le
succès impressionnant du film-documentaire de Nicolas Philibert, " Etre
et avoir" : plus de 500 000 entrées, devant les films américains de
l’heure, alors que le film est modeste. Sorte d’"Amélie Poulain" des
champs. La vie d’une école de village d’Auvergne. Les uns parlent
d’authenticité, Les Inrockuptibles comparent l’instituteur à Garu
Cooper ; la droite (ultra) récupère : elle s’extasie devant les valeurs du
film, ordre, travail, ruralité, discipline...

5) L’article d’Alain Touraine, " Portrait d’une gauche possible" ( /Le
Monde/), est symptomatique de l’effort de renouvellement de la social
démocratie
. A la fois un discours radical : " N’est-ce pas l’inspiration
la plus profonde de la gauche que de croire à l’action des dominés et
des peuples en général et à leur capacité de renverser les systèmes de
domination ?" ; et un programme modeste, centré sur 1) une réorganisation
de la forme parti ; 2) une redéfinition du rôle de l’Etat ; 3) une réponse
à la mondialisation.

6) Parution d’un excellent ouvrage aux presses de Sciences Po du
sociologue Antoine Bevort sur la démocratie participative. Il
montre que si pour les acteurs politiques ce thème est devenu un
leitmotiv, il suscite le scepticisme. Or il n’y a pas désintérêt pour la
politique mais insatisfaction grandissante ; de multiples pratiques
participatives expriment non un désenchantement mais une exigence
démocratique ; il parle de "bonne nouvelle", de "réinvention de la cité" ;
il ne s’agit pas d’une démocratie miniature mais d’un terreau pour
régénérer la démocratie ; cette demande de participation " met en cause
une longue tradition de pensée et de pratique politiques qui dénie au
citoyen ordinaire toute compétence politique pourtant au fondement de
l’idée démocratique". Marx lui même aurait peu échappé à ce travers.

On note ces derniers temps un double mouvement : multiplication
d’initiatives participatives et multiplication d’entraves à ces projets.
L’appel public des députés réactionnaires du 93 contre les projets de
référendums d’initiative populaire est de ce point de vue symptomatique
de cette sourde lutte. Peut-être inventorier ces entraves à la démarche
participative ?

7) Suite à une série d’études convergentes montrant le retour de la
question de l’emploi comme première priorité de l’opinion, la droite a
rectifié sa communication vers la mi septembre sur cette question. Le
discours qui a accompagné la sortie du budget l’a montré.

Pour autant, elle maintient une insistance permanente sur le
"sécuritaire". Ella considère (à tort ?) avoir marqué un point décisif
sur les questions de sécurité en banalisant ses propositions les plus
"dures". Dans la presse de droite, cette question est donnée en exemple
pour encourager cette famille à se "décomplexer" sur les autres sujets.

On notera que les élections allemandes se sont jouées pour l’essentiel
sur le terrain de l’emploi et de l’économie.

8) Où va le marché ? Que faire du marché ? Comment le réformer ? Ce débat
est omniprèsent. " Le marché est mort" dit Fabra des "Echos" ! Parution
d’ouvrages aux discours contradictoires : " La Mondialisation par le bas"
du sociologue Alain Tarrius (Balland) s’extasie devant les formes
d’économie parallèle, néo mafieuse ( genre centre Belsunce à Marseille).
" L’auteur ne cache pas une certaine fascination pour ces nouvelles
structures sociales, leur flexibilité, leur inventivité, leur mobilité.
Bref, la modernisation qu’incarne la mondialisation" dixit Le Figaro.
Mais on conseillera plutôt l’ouvrage d’Anton Brender, "Face aux marchés,
la politique" (La Découverte) : " Si le progrès social semble aujourd’hui
en panne, ce n’est pas aux marchés qu’on le doit mais à l’absence de
volonté de la gauche. Une gauche qui a oublié que face aux marchés, la
politique peut beaucoup".

9) Sur les 35 h : malgré une longue et sourde campagne de discrédit, à
noter que cette réforme est majoritairement jugée " globalement
positive" dans les enquêtes et une même majorité de l’opinion critique
le gouvernement à ce propos.

10)

L’Ump est-elle vivable ? La dynamique unitaire à droite cache mal les
appréhensions des différentes familles qui composent ce courant. Une
chose est le consensus gouvernemental à la Rafarin ; autre chose est
l’expression de diverses tendances. Ainsi, après les "gaullistes", les
libéraux s’estiment entravés. Et le disent.

Sur l’appelation du nouveau parti ( la maison bleue), le débat continue ;
la proposition est rejetée par les militants mais soutenue par les
avocats de "l’ouverture" à la société.

Au PS, comme prévu, le score allemand est interprété comme la fin du
reflux social-démocrate en Europe et occasion pour la "droite" de
pousser l’avantage ; multiplication des interventions "droitières"

Une quarantaine de cadres et intellectuels socialistes ( + (?) Ph
Herzog) avaient signé la veille de l’élection un manifeste de solidarité
avec G. Shröder.

Pression européiste de cette famille sur le gouvvernement ( édito de
Julliard dans le NO ; livre de Badinter).

Les Verts tentent de tirer profit du score de leurs homologues
allemands ; en même temps tout souligne les différences entre ces deux
formations ( organisation interne, nombre d’adhérents, philosophie,
système électoral...).

LO accorde ( in éditos de Laguiller notamment) une place croissante au PCF.

*Mouvements des idées*

*Note n°5 (4/10/02)*

1) Proximité. Terrain, proximité, bas(e) : la droite joue amplement de
cette corde depuis les municipales de 2001. Ce mot d’ordre cher à Chirac
nourrit la "communication" du premier ministre ; son intervention
télévisée sur la Deux la semaine dernière en est un bon exemple. A.G.
Slama théorise cette approche dans le Figaro : " Si l’on veut qu’un
destin collectif retrouve un sens, les mailles défaites de la société
française doivent être retricotées à la base" (30/09), qui ajoute" La
droite a quelque vocation pour travailler en bas".

Mais dans cette famille politique, ce manque de panache agace parfois.
Et Raffarin doit en permanence justifier son approche. Ce qu’il a fait
aussi lors de la même émission.

2) Communisme. Marc Lazar sort " Le communisme. Une passion française"
chez Perrin. Vaut le détour. Moins virulent que son habituel compère
Stéphane Courtois, Lazar souligne bien que la France demeure la
principale terre d’élection du communisme en Europe ; que cette famille (
10% de l’opinion) est enracinée, qu’elle jouit d’une "forme d’empathie"
de la part de l’opinion ; qu’elle s’imbrique avec " les passions -
françaises- de la révolution et de l’égalité". " Le communisme en France
résulte de la faible imprégnation du libéralisme politique, voire du
fort sentiment antilibéral". Il ajoute que ce courant reste fort d’une
mémoire, d’une culture et d’une conscience morale.

3) Antiaméricanisme. Le débat autour de ce thème est interminable. A
en croire plusieurs études d’opinion, il épouse un réel mouvement
critique dans le pays à l’égard de l’attitude américaine. Au hit parade
des essais vendus en septembre, trois des cinq premiers ouvrages
abordaient cette question !

On peut penser que le pouvoir n’y voit pas que des inconvénients ; Revel
ne résume pas toute la droite ; " l’americanisme est en passe de devenir
le libéralisme des idiots" écrit le rédacteur du Figaro Macé-Scaron.

Même Le Nouvel Obs justifie (édito de Jean Daniel) ce "revirement" d’une
partie de l’opinion française.

Cet air du temps semble venir alimenter une posture néo-gaullienne de la
diplomatie ( et de la Défense ?) de Chirac.

4) Ecole. Une place inconsidérée ( presse de droite, chronique de
Duhamel..) a été accordée à un pamphlet anti-école intitulé "Ignare
Academy" signé par deux profs (agrégées). Le thème n’est pas nouveau
mais le ton est virulent contre les élèves, nuls, les profs, "mal
destalinisés", l’école ( où le niveau baisse...). Relance d’une campagne
anti-école, histoire de faciliter/accompagner le "chantier de la
décentralisation du système éducatif" ?.

5) Décentralisation. La droite déploie un immense effort d’explication
sur cette question ; sa presse est littéralement obsédée par ce thème ; la
proximité du débat sur le projet de loi constitutionnel (16 octobre)
n’explique pas tout. Le pouvoir tente avec ce biais de faire avancer ses
projets de privatisation, de contournement des lois (sociales), de
regression des principes de responsabilité publique, de
"régionalisation" de la vie politique. Bref de dépassement "par en bas"
des obstacles au tout-libéral (école, services publics...) ; c’est au nom
une fois encore de proximité de Devedjian argumente longuement à ce
propos (" la proximité est l’expression naturelle de la démocratie").

6) Utopie démocratique : à lire l’excellent article de l’universitaire
Roger Sue dans "Transversales" :" Un système politique en retard sur la
société civile" (in la dernière revue de presse hebdo de septembre) ;
sans doute l’analyse et la formulation les plus fines de la crise de la
politique ( crise du pouvoir, du discours, de la représentation, de la
légitimié), de la nouvelle attente citoyenne, du retard de la politique,
du nouveau défi démocratique qui serait en jeu. Un livre à paraître sur
ce thème.

7) Journalistes. Ils sont ces temps ci l’objet de vives critiques,
venues de "gauche" ; voir les ouvrages récents, celui de Mme Jospin, mais
également (!) dans celui d’Anne Sinclair , Caméra subjective (Grasset)
ou de Régis Debray. Ou de droite ; "Démolition avant travaux" de Philippe
Meyer, chronique de Riuofol dans Le Figaro. Plus pertinent semble le
regard de Pierre Carles, documentariste-justicier ( "Pas vu à la
télé",1994 et "Pas vu pas pris",1998) avec "Enfin pris ?", toujours sur
le thème de la télé, vitrine du pouvoir politique ; ici il cible Daniel
Schneidermann, chroniqueur du Monde et présentateur de l’émission"Arrêt
sur images", accusé de complaisance avec Messier.

8) Mode anti-libérale ? Une floraison d’ouvrages cet automne sur la
question de la mondialisation ; la grande majorité est de tonalité
anti-libérale. Ce qui fait écrire au critique du Monde/Eco : "/ L’édition
a ses modes. La mondialisation fait partie de celles la. Dans sa version
critique plus exactement car les détracteurs du libéralisme se taillnt
la part du lion dans la fournée d’essais publiés en septembre"/.

Multplication de colloques à gauche sur ce thème ( cf l’association
Galillée le 21 septembre à Saint-Brisson, avec larges échos médiatiques).

9) Islam. Tout indique qu’un vrai débat s’amorce dans les médias sur
les rapports entre l’Occident et l’Islam : pages idées, tribunes libres,
courrier des lecteurs. Certes on y lit pas mal de propos polémiques mais
on y trouve aussi un vrai travail d’élaboration d’un islam laïcisé. Un
ouvrage semble sortir du lot, " L’islam mondialisé" d’Olivier Roy
(Seuil). Il insiste sur l’occidentalisation de l’Islam au sens où cette
question est devenue un sujet de politique intérieure à l’"Occident".

10) Partis

PS : Pour ne "pas se limiter au débat interne", le PS lance onze "forums
de réflexion", au siège du parti, dans les prochaines semaines.
Notamment sur : la place des jeunes dans le monde du travail ; la
décentralisation ; l’évolution du modèle républicain ; l’écologie
solidaire ; les attentes sociales ; l’immigration ; l’éducation ; la crise
de la démocratie ; la gauche en Europe.

Cambadélis sort en octobre un livre sur le 21 avril ; un numéro spécial
de revue "La revue socialiste" est consacré au même sujet.

Hollande en appelle aux "valeurs" socialistes et notamment à
l’internationalisme.

( On notera le mot d’ordre du congrès travailliste de Blackpool : " Les
écoles et les hôpitaux d’abord" !)

Laguiller - qui a relancé son procès contre L’Humanité...- fait sa
"rentrée" à la mutualité vendredi 4 octobre. In France-Soir : " Nous ne
voulons pas être la gauche de la gauche".

*Mouvements des idées*

*Note n°6 (11/10/02)*

1) Droite. Intéressant sondage Sofres/Nord Eclair sur l’image de la
droite. Une certaine amélioration d’image que souligne Duhamel MAIS
l’UMP est senti comme une simple machine électorale ; elle suscite
surtout une majorité d’indifférents ; et pour 60% " un fort sentiment
d’éloignement par rapport aus préoccupations des simples citoyens" ; à
noter encore une impatience envers le gouvernement qui monte.

2) Droite (suite) : on sent une réelle /impatience/ à droite à l’égard du
gouvernement. Certes la méthode Raffarin plaît, cette façon de détourner
l’attention, d’éviter les affrontements ; certes beaucoup (pas tous) dans
cette famille se retrouvent sur le thème d’un ordre moral qui occupe une
immense partie de la presse de droite ; en même temps le slogan de
l’économiste Baverez : Raffarin=Fera Rien fait des ravages ; de nombreux
commentateurs ( cf par exemple l’édito d’Imbert dans le Point du 11)
doutent de la volonté et de la capacité de cette droite au pouvoir à
mener une vraie politique libérale ; elle redoute le retour d’un
social-libéralisme-sécuritaire de droite...

Cela explique un peu peut-être ce double langage de la droite, comme
l’ont montrées les élections partielles, et singulièrement celles de
Bagneux ; il y a les propos ronds, policés, volontiers humanistes du
premier ministre - un discours très travaillé, un peu artificiel, qui
n’est pas sans efficacité - et les propos haineux, intolérants,
rétrogrades sur le terrain des cadres locaux et des minsistres délégués
( Dévidjian, Sarkozy).

2) Europe. Multiplication d’articles alarmistes sur l’Europe et son
avenir ; on y sent une réelle inquiétude sur la cohésion de l’édifice
face - notamment- au double mouvement d’un élargissement impréparé,
risquant de fragiliser l’ensemble et d’une mise en cause de plus en plus
nette du Pacte de stabilité, donc de la politique économique européenne.
Alors que la droite joue le pragmatisme en la matière, les mises en
gardes les plus "européistes" viennent de la gauche, de sa presse ( Le
Monde, Libération). C’est sur ce seul créneau de l’Europe que Fabius (
Figaro du 10) critique le gouvernement, avec un discours très
supranational ( pour le respect strict du pacte ; pour une défense
européenne...).

3) Surarmement. Attention à ne pas relancer l’antimilitarisme d’antan
avec des propos inconsidérés sur le budget des armées, s’inquiétait
(étrangement ?) un rédacteur de Libération dans ce journal ces jours-ci.
Le pouvoir semble en tout cas déployer une certaine "pédagogie de la
tension internationale" - voir le discours de Chirac lors de sa visite à
la base de Creil le 1er octobre- pour justifier le fabuleux gonflement
des dépenses militaires. Il faut dire qu’il est servi par l’air du
temps. Autre thème : on paie pour l’Europe, pour la défense européenne.

4) Communisme. La semaine même de la sortie de l’ouvrage disons
pondéré de Lazar sur le communisme, son compère Stéphane Courtois
propose une suite de son "Livre noir sur le communisme" (1997). Ce
pamphlet de près de 600 pages est intitulé" Du passé faisons table rase !
Histoire et mémoire du communisme en Europe, Laffont. On se souvient que
le précédent ouvrage avait divisé la communauté des historiens : la
méthode militante de l’ex-maoiste Courtois, ses assimilations
nazisme/communisme contrariait la démarche universitaire de nombreux
autres historiens. Mais le livre fit un malheur. Courtois exploite le
filon et cible ici ( avec 16 autres auteurs) particulièrement l’Europe
centrale. " On n’en a pas vraiment fini avec le communisme, rappelle
Courtois" écrit Sevilla du Figaro Magazine. L’Express fait deux pages
sur le sujet.

5) Dans le même temps où la droite cherche à replacer ses hommes (ses
femmes) dans les rouages de l’appareil d’Etat, on note aussi un
mouvement, certes secondaire mais réel, de maintien en place de /cadres
socialistes/ ( Moscovici à la Convention de l’Europe en est le meilleur
exemple) ou de nominations ( dans l’équipe dirigeante de France Télécom
par exemple). Doit-on lier cela avec ce discours de la presse économique
notamment : les "réformes" (libérales) se feront surtout de manière
décentralisées, "en bas", appliquées par des cadres qui ont le savoir
faire. A lier aussi peut-être avec cette peur obsédante du syndrôme des
grèves de 1995 qui traverse les médias de droite de manière récurrente.

6) Crise de la politique ( suite). Dans les nombreux commentaires sur
l’échec de la gauche revient cette idée que, sous la législature Jospin,
de nombreuses avancées "institutionnelles" ont été obtenues au plan
démocratique ( charte des associations, démocratie locale, etc...) ; et
dans le même temps rarement associations et citoyens ont autant exprimé
le sentiment d’être tenus à l’écart. On peut expliquer ce paradoxe
ainsi : on est en face de citoyens plus cultivés, plus exigeants et
d’autant plus déçus de voir persister des formes obsolètes de vie
politique (discours, représentations, réels pouvoirs d’intervention,
etc...).

Le discours socialiste aborde peu ces questions ; au contraire la
tonalité de ses interventions ( livres de Mme Jospin, de Cambadélis) est
plutôt de dire au peuple de gauche : Vous ne nous méritez pas.

7) La France est un pays où le libéralisme a toujours eu du mal à
s’implanter souligne Marc Lazar dans son dernier livre ; la droite a
effectivement du mal à vendre son idée libérale ; un petit indice : dans
le cycle des " Grandes conférences du Figaro" ces deux soirées : "
Comment échapper à la religion du marché" de Pascal Bruckner et "Le
libéralisme est-il un mensonge ?" de Jean de Belot, directeur de la
rédaction.

8) Passionnantes enquêtes menées conjointement par l’Education nationale
et une annexe du Medef sur les jeunes et l’entreprise. Il en ressort
1) que les jeunes se coulent mal dans le moule de l’entreprise qu’on lui
propose ; 2) que l’image de l’industrie en règle générale est
disqualifiée ;3) qu’ils plébiscitent les métiers d’enseignants, de
militaires, de psychologues, de programmateurs, de journalistes ; 4)
qu’ils misent beaucoup sur l’étude et le diplôme ; 5) que les patrons
trouvent ces jeunes sur-diplômés et plaident ouvertement pour une
formation au rabais.

9) Il est symptomatique du débat ouvert aux lendemains des élections du
printemps que France Culture - des auditeurs soulignent d’ailleurs une
certaine "gauchisation" de sa ligne éditoriale- consacre toute sa
semaine au dossier " Classes populaires, classe ouvrière" avec
reportages, témoignages, débats, propos d’historiens. Certains diront
qu’on ressort l’Histoire pour mieux enterrer l’affaire ( idem pour le
communisme ?). Mais on peut penser aussi que rien ne vaut un détour par
l’Histoire pour rebondir ici et maintenant.

Le même thème est l’objet d’une chronique du Nouvel Observateur (11/10).

10) Partis

PS : dramatisation de la préparation du congrès et mouvements centrifuges
accélérés. Comme si de gauche (Emanuelli), de droite (Strauss-Khan), du
centre (Peillon) et d’"en bas" ( secrétaires fédéraux), on s’en prenait
à l’immobilisme du tandem Hollande/Fabius.

Trentième anniversaire du FN.

Verts : alliance mamère-voynet maintenue pour leur prochain congrès selon
"Libération" ; un texte commun intitulé " Retrouver, convaincre la
société" ; les mameristes auraient mis un bémol dans la critique de la
gestion gouvernementale.

*Mouvements des idées*

*Note n°7 (18/10/02)*

1) MEDEF. L’organisation patronale déclare laisser sa chance au
gouvernement Raffarin et s’interdit de (trop) le critiquer d’ici
septembre 2003 ! Dans le même temps, il met en sourdine son projet de
"refondation sociale". Malgré une certaine impatience au sein du
patronat ( et de la droite) qui juge le pouvoir trop lent à "réformer".

On mesure mieux le côté"cheval de bataille" contre la gauche plurielle
que représenta la spectaculaire mobilisation patronale, sous le drapeau
de cette même "refondation", depuis près de deux ans.

Excellent papier à ce propos de Claire Guélaud ( Le Monde, 17 octobre)
où la journaliste montre combien ce repli patronal dessert la CFDT et
"donne raison à la CGT" (sic).

Voir aussi le dossier " Depuis les législatives, une nouvelle stratégie
pour le Medef", in le numéro 12 du mensuel "Le Monde/Initiatives".

2) Immigration. La manière dont la droite gère - ou dit vouloir gèrer-
l’imigration est symptomatique de l’/évolution contradictoire de la
société/ ; à la fois plus ouverte et plus répressive, virant à droite,
comme on l’a vu au printemps et installant des valeurs progressistes.
D’où aussi ce double langage de cette droite. Celle-ci cherche en effet
à renouveler sa politique sur la question. ( NB : D’autres pays européens
 Italie- en mal de main d’oeuvre libéralisent leur politique
d’immigration).

En l’espace de quelques jours, on note les propos ultra-médiatisés
d’Yves Jego (député UMP) sur le droit de vote des étrangers
extra-communautaires, la proposition de Sarkozy d’organiser un grand
débat national sur le sujet, l’idée de Chirac ( à Troyes) de contrat
d’intégration, les propos accomodants de Pasqua enfin... Message : la
droite évolue avec la société. Au même moment, un sondage CSA-Libération
révèle que 54% des Français sont favorables au droit de vote des
étrangers aux élections municipales et européennes.

3) Intellectuels. Etat des lieux de l’intelligentsia établi par Le
Monde Diplomatique (octobre 2002) sur les intellectuels médiatiques, "
Les nouveaux réactionnaires", devenus les adulateurs de tous les
pouvoirs et trahissant leur "mission" : " être la mouche du coche". Ce
papier suscite de vifs commentaires. Voir la réaction indignée de J
Julliard, cité par le MD, dans le NO. Mais ce même NO avait réalisé
dernièrement un dossier proche intitulé "L’intello nouveau est arrivé" (
11/09). Sous titre : " Ces penseurs séduits par la méthode Blair".

4) Contestation. Des universitaires proposent une carte de visite de
la France de la contestation : " La France rebelle" chez Michalon.
Passage en revue intéressant de tout ce qui conteste en France
aujourd’hui même si l’ensemble est confus : l’essentiel des mouvements
cités appartiennent au mouvement social, sont d’extrême gauche mais on y
trouve aussi l’extrême droite, voire le Medef. A noter cette remarque du
Point : " Reste à savoir si cette subversion tous azimuts qui si sait
bien utiliser les médias est un vrai danger pour la société. Ou si au
contraire, adossée au "politiquement correct", et cajolée par un système
qui adore se faire contester, elle n’est pas devenue une rebellion pour
la rebellion et même, pour certains, une confortable rente de situation".

5) Mondialisation. Signalons avec un peu de retard un bon dossier de
Politis sur la mondialisation (3/10). Il montre une inquiétude de plus
en plus massive, tendance qui s’accentue depuis plusieurs mois, de
l’opinion face à la mondialisation (63% d’inquiets, 10% de confiants, 2%
d’enthousiastes) ; il souligne aussi le manque de crédibilité des
mouvements anti-mondialisation et de leurs propositions. La militance
antimondialisation toucherait d’abord les cadres, les milieux populaires
étant plus perplexes.

Sur cette question, on lira " La Violence du monde" d’Edgar Morin et
Jean Baudrillard chez Félin.

6) A lire le dossier d’Hervé Rousseau dans Le Figaro Economie du 12/10
sur " la hausse des budgets militaires" eu Occident. Le budget US a
obtenu le plus fort coup de pouce depuis vingt ans. Bénéfices colossaux
attendus pour les firmes Boeing, General Dynamics, Lockheed, Northrop,
Raytheon (USA), Bae (GB), Eads et Thales (France).

Voir le discours de Raffarin devant l’IHEDN lundi 14 octobre.

7) Monde ouvrier. Excellente tribune libre de l’universitaire lillois
Rémi Lefebvre dans "Recherche socialiste" sur le divorce entre les
catégories populaires et le PS ( mais l’article peut aussi se lire en
partie pour le PC). Il rappelle le processus de "disparition" de la
classe ouvrière ( bonne bibliographie donnée en note) et développe les
trois raisons du divorce : " Le PS ne représente plus les catégories
populaires aux trois sens du terme : il ne donne plus forme à ce groupe ;
il n’est plus à son image ; il n’est plus à même de porter ni de défendre
ses intérêts".

NB1 : A l’Université d’automne de la Fondation du 2 mars ( mi novembre,
Montpellier), est notamment prévu un exposé du sociologue Louis Chauvel
" Les classes populaires existent-elles ?’".

NB2 : Retour du "social" sur le grand écran ? A suivre les 2èmes
rencontres du cinéma citoyen, sur " les luttes sociales" au Magic Cinéma
de Bobigny, du 15 au 22 octobre.

8) Etat. Des exemples convergents de recours à la nationalisation ou
la renationalisation. Ce serait le cas en Italie avec une entrée de
l’Etat dans le capital du groupe ; en Grande Bretagne, début octobre,
l’Etat a repris le contrôle de son réseau ferré en faillite, injectant
plus de trente milliards d’euros ; en Allemagne, l’Etat se demande
comment aider Mobilcom. Signes annonciateurs d’une mouvement plus
général ? En tout cas signes qui sont en contradiction avec la nouvelle
offensive de Bruxelles contre le service public, et EDF notamment. Bon
papier de Grégoire Biseau de Libération (17/10).

9) Sexisme. Le débat suscité par le meurtre d’une jeune femme
"incendiée" à Vitry et la tonalité de la marche rappellent que la
question des femmes dans la communauté (d’origine) musulmane se repose
avec gravité. Des tensions sont perceptibles dans cette communauté, des
signes de réelle coupure, entre le machisme plus revendiqué d’un côté
mais aussi (surtout) l’affirmation plus nette de l’identité des femmes
en opposition ( en guerre) avec cet obscurantisme.

Rappelons qu’Hani Ramadan, directeur du centre islamique de Genève,
avait justifié la lapidation des femmes adultères dans une "tribune
libre" du journal Le Monde (10 septembre dernier). Ces propos ont
suscité une polémique ; mais cet homme est un des orateurs attitrés de
l’Union des organisations islamiques de France (uoif) qui a tenu un
imposant rassemblement au Bourget au printemps ; il y est intervenu ; et
ses cassettes sont en vente dans les librairies islamiques de France.

10) Partis

PS : l’épouvantail du Congrès de Rennes revient dans tous les papiers
évoquant la préparation du prochain congrès ; pour l’heure n’apparaissent
qu’accords d’appareils, alliances de personnes et remodelage de majorité
( réformisme central ou réformisme audacieux ?). Difficulté à déboucher
sur un débat d’idées ou un positionnement net anti Raffarin.

Droite : les militants de l’UMP devront choisir entre deux noms et deux
logos pour le congrès du 17 novembre : UMP ou Union Populaire. Le logo se
résume à une maison bleue au toit rouge près d’un arbre (vert).

La mise en place de l’UMP se ferait-elle au détriment du RPR ? on peut le
penser après la restructuration de l’équipe UMP à Paris et le départ de
Séguin ; l’insistance sur certains thèmes centristes ( décentralisation)
ou libéraux ( impôts). D’où l’importance d’une posture "nationale" au
plan international (?). Mais la droite est-elle uniforme ? Déjà de
nombreux papiers sur les tentatives ( difficiles) de créer des tendances
au sein de l’Ump, de relancer aussi des partis à droite de cette
structure (Villiers, Pasqua).

CFDT : prise à contrepied par la nouvelle politique patronale ( voir plus
haut), elle hausse le ton contre " le capitalisme" ; rassemblement à
Bercy le 15 octobre de 20 000 adhérents ; lance une enquête avec 300 000
questionnaires en direction des salariés, réponse le 1er mai 2003.

*Mouvements des idées*

*Note n°8 (25/10/02)*

1) Mélange des genres. Une manière de campagne sur "l’égalité
droite/gauche" traverse depuis des jours toute la presse ; elle se
nourrit d’un certain nombre de faits têtus. Une presse de gauche
congratule les politiciens de droite ( Le Monde salue Mattéi, Le Nouvel
Obs félicite Sarkozy, idem pour Libération et Chirac sur
l’intégration,) ; le PS semble systématiquement hésitant et divisé dans
ses critiques du gouvernement (Lang ou Montebourg félicitent Chirac pour
son projet "Intégration" ; Lang ou Vaillant congratulent Sarkozy ; Huchon
dit s’intéresser au projet de décentralisation ; Boucheron est plutôt
aimable avec le budget Défense ; Ségolène Royal en rajoute sur les
questions de censure et d’ordre moral) ; la droite joue de ces ambiguités
( Sarkozy exhibe les satisfecits de gauche ; Ferry déclare : " Je serais
devenu ministre que la gauche ou la droite ait gagné").

Le terrain européen autorise le plus cette identification : Pierre
Moscovici, bras droit de Strauss Khan, s’exprime dans le JDD en qualité
de " représentant du président de la République au sein de la Convention
sur l’avenir de l’Europe", sans parler du commissaire delorien Pascal
Lamy qui gère le versant mondialisation de la CEE...

Todd dans Libération y voit les effets de l’unicité d’origine des
politiciens qui pilotent le PS ou l’UMP, ces fameux "bobos" que la
droite entend bien séduire.

Dans le même ordre d’idées, on lit dans le Figaro des propos amers sur
Chirac, "l’ami des Arabes" et des termes louangers dans La Vie d’Albert
du Roy sur Chirac "le gauchiste" !

2) Ecole : l’ampleur de la journée d’action des enseignants contrarie
la droite ; et ses plans de refonte de l’école ; en même temps cette
droite dit plus ouvertement pour quel modèle (libéral) d’école elle
milite. Selon A.G. Slama, un de ses idéologues, (Le Figaro) Ferry
"récuse une conception de l’éducation dominée par le tout social depuis
le plan Langevin-Vallon".

Sur l’école toujours, un ouvrage collectif aux éditions Nouveaux
regards/Syllepse : " Le nouvel ordre éducatif mondial : OMC, Banque
Mondiale, OCDE, Commission européenne".

3) Euroscepticisme. La dernière enquête Eurobaromètre, pilotée par
Bruxelles, montre le peu d’enthousisame des Français pour
l’élargissement ; une tonalité proche de celle des anglais et très en
dessous de la moyenne des Quinze. L’étude inquiète et sucite de nombreux
commentaires. Alain Duhamel dans une tribune parle de "régression
française" ; Libération fait une page sur la question " Les Français
basculent dans le camp eurosceptique" (14/10). Un double enseignement de
cette étude et des commentaires : les Français redoutent le dumping
social de l’élargissement ; ils s’avouent en même temps et plus
généralement mal informés ou totalement ignorants (80%) du processus en
cours. Depuis Maastricht, on retrouve ce problème de sous information
sur l’enjeu européen.

4) Classes populaires. Excellentes études de la revue "Alternatives
économiques" (n°207, octobre) sur les classes sociales dont il ressort
notamment que : 1) les classes populaires demeurent majoritaires ; 2) la
notion de classe moyenne est plus floue que jamais ; 3) que l’écart se
creuse entre l’ouvrier et le cadre.

Sur la classe ouvrière, un solide dossier de la revue "Terrain" (
ministère de la culture) intitulé " Travailler à l’usine" (n°39), étude
perspicace sur "l’autonomie" ouvrière face à toute forme dedomination.

NB : plusieurs articles de la presse de province évoquent une meilleure
mobilisation (et pugnacité) de la CGT.

5) Radicalisation. Si l’idée d’une pensée unique (voir point 1) est
bien dans l’air du temps, on observe aussi une (certaine) radicalisation
politique de l’opinion. Deux sondages confirment cette donnée : le
tableau de bord de Paris Match consacré à l’image des partis politiques
indique " la montée des extremismes : LO (+3), LCR (+2), PC( +1), FN (+2)".

D’autre part une étude CSA pour Le Parisien montre que ce sont les
électeurs d’extrême droite (76%) et PC (71) qui sont les plus
insatisfaits des "leçons que le Chef de l’Etat a tirées du choc du 21
avril".

Dans un ordre d’idées proche, on retiendra cette dernière phrase d’un
compte rendu du Monde sur le salon du livre de Francfort : " Signe de
l’évolution de l’édition, l’un des livres importants du Salon était le
nouveau livre contestataire de Toni Negri et Michael Hardt".

6) Front national. Ce parti qui vient de célébrer ses trente ans fait
parler de lui ces dernières semaines. Manifestement il redéploie ses
activités ( et ses cadres) ; tente une opération de respectabilité, après
avoir fait jouer à Mégret un rôle de repoussoir ; entame une campagne de
"forums-ouverts-à-la-société" sous la responsabilité de Marine Le Pen ;
vise l’électorat féminin ; remobilise son organisation de jeunesse ( il
affirme avoir doublé depuis les élections le nombre des adhérents du FNJ
qui approcherait les 10 000 membres).

Plusieurs études intéressantes à ce propos. Un livre sur le Front
National de J.Y. Camus à paraître aux Presses de Sciences Po ; et surtout
" Ces Français qui votent Le Pen" de Nonna Mayer chez Flammarion.
Probablement à rencontrer dans la préparation de la conférence sur
l’extrême droite. A retenir la description de l’électorat Le Pen par N.
Mayer : 1)xénophobe et autoritaire ; 2) réflexe droitier ; 3) machiste ( Si
seules les femmes avaient voté le 21 avril, Le Pen arrivait troisième et
si seuls les hommes avaient voté il arrivait premier !) ; 4) populaire.

7) Concert de louanges pour la prestation du ministre Mattéi à "100
minutes pour convaincre". Présenté comme un exemple parfait de la
communication à la Raffarin et de sa "nouvelle gouvernance" : le
comportement ? concret, précis, pas langue de bois, pas technique,
pédagogue ; l’objectif ? rassurer, tranquilliser, ne pas affoler ; l’idéal ?
responsabiliser. En somme avoir le profil modeste pour dédramatiser et
faire passer, en bas, les objectifs d’une politique conservatrice. (
L’anti-Juppé en quelque sorte).

8) Nombreux commentaires sur les difficultés rencontrées par Fillon pour
défaire le volet licenciement de la loi de modernisation sociale. "
Partie plus que délicate" note Le supplément économie du Figaro.

9) Emotion considérable dans le milieu de l’édition et de la
distribution après l’absoption de VUP par Hachette. L’essentiel des
commentaires tournent autour du caractère de quasi-monopole du nouveau
groupe sur les questions du livre scolaire, de la diffusion et de la
distribution (librairies notamment). Rappeler peut-être la necessité
d’une "responsabilité publique" dans ces secteurs. Où travaillent par
ailleurs nombre de salariés jeunes, précaires et mobilisés.

10) Partis

Sur le communisme : l’émission Bibliothèque Médicis (TV Sénat) était
consacrée à ce sujet, avec S. Courtois, Marc Lazar, C. Fiterman et F.
Genevée. Un livre à paraître aux Presses de Sciences Po : " L’avenir
radié ou les six morts du PCF" de Marc Riglet ; rappel : chez le même
éditeur : " Le crépuscule du communisme" de Lilly Marcou.

P.S. : un climat très "guerre des chefs". A signaler le débat
Mauroy/Peyrelevade sur " Le socialisme du XXIe siècle" ; " (notre)
travail de compréhension du capitalisme n’est pas suffisant" estime le
patron socialiste du Crédit Lyonnais. Le BN du PS a adopté (par 23
contre 12) un texte sur l’élargissement de l’Europe ( il s’y prononce
pour une Constitution européenne " d’essence fédérale").

Verts : Assemblées régionales le 1er décembre ; vote des militants sur
quatre motions dans la perspective du congrès des 14/15 décembre (Nantes).

*Mouvements des idées*

*Note n°9 (31/10/02)*

1) Dépolitiser. L’expression revient volontiers dans les commentaires
sur l’attitude de JP Raffarin mais aussi dans les interventions du
Premier ministre ; il serait contre "l’idéologie" et pour " le
pragmatisme". C’est net dans son projet de décentralisation : il
s’agirait d’enlever tout enjeu politique à cette question, de la
rapetisser à ses dimensions techniques ; et dans la foulée "dépasser" le
clivage gauche/droite - et entretenir la confusion à ce propos.

Au débat consacré sur le sujet à Marseille, le premier ministre, qui
s’affichait volontiers auprès de MM. JM Ayrault, G Collomb et Pierre
Mauroy, rêvait tout haut d’un " bel amendement Gaudin/Mauroy".

Sur la décentralisation, on notera le ton TRES critique du dossier
spécial "Le Monde/Economie" du 29 octobre.

2) Rassurer. Il y a un nouveau "discours" de droite ; le discours étant
essentiel en politique, peut-on parler d’une "nouvelle" politique de la
droite ? (comparée aux précédents Juppé). Article intéressant de Béatrice
Gurrey dans Le Monde du 26/10 : " J. Chirac, maître des mots".

Un bon exemple : la politique de santé où le pouvoir, à partir de
quelques effets d’annonce, parle de " nouvel état d’esprit" mais
poursuit la rigueur.

Paradoxalement, sur cette question comme sur d’autres, le PS joue le
père fouettard ; sur la santé par exemple, il reproche " l’absence de
discours de maîtrise des dépenses".

Cette méthode est à l’oeuvre sur nombre de sujets : double peine,
sécurité, immigration, Europe, pacte de stabilité.

Sur l’exception culturelle : on apprend, le même jour, que Michel Rocard,
président de la Commission Culture au Parlement européen, se montre
"sceptique" sur ce concept ; une majorité de pays européen seraient
contre le recours à la loi en faveur de la culture : " Il faudra non
seulement défranciser le débat mais aussi accepter que la diversité
culturelle participe d’une négociation globale au même titre que
l’éducation et ainsi définir ce que sont les bornes du marché économique
pour ce domaine". Or, au même moment, le ministre français du commerce
extérieur, François Loos, prone lui " une attitude offensive" de la
France matière d’exception culturelle et affirme vouloir retirer les
biens culturels de l’OMC (Figaro Economie)...

3) A l’évidence, cette démarche trouble une partie de la gauche
(centre-gauche ?). Il n’est pas sûr qu’elle soit efficace pour le noyau
dur de l’électorat de droite
. Ce que montre bien un papier de
Libération : " Droite : la base veut rester dure", 29/10).

Le Pen joue de cette corde quand il affirme que Raffarin est pire que
Jospin et que Chirac prend la gauche de gauche.

4) Sur la réforme de l’Etat. La presse bruisse de compliments pour
"l’exemple canadien". Le secrétaire d’Etat Plagnol, de retour d’ Ottawa,
prône ce modèle. Ce pays en effet est passé d’un déficit de 6% du PIB à
un excédent. Commentaires du Figaro : " un plan extraordinairement
ambitieux ou brutal selon les points de vue" : réduction drastique des
budgets, pouvant aller jusqu’à -85% pour les transports ; et suppression
de 47 000 fonctionnaires sur un total de 250 000 !"

A noter ce paradoxe : la droite (ultra libérale) part en guerre contre
l’Ena ; des députés proposent sa suppression ; Louis Giscard d’Estaing
fait voter une diminution de crédits à l’ENA ; alors qu’un sondage Sofres
montre qu’une majorité de Français juge que la suppression de cette
école serait " une mauvaise chose" car elle forme des "hauts
fonctionnaires compétents".

Sur la "modernité" vue de gauche, voir le nouveau livre de François
Dubet, " Le déclin de l’institution" sur la crise du travail social (
hopital, école) ; ouvrage assez largement commenté presse social démocrate.

5) Inquiétude des cadres. Floraison d’articles sur le malaise actuel
des cadres : Libération : " Ingénieurs et techniciens redécouvrent la
peur" ( 25/10) ; La Tribune : " Le cadre deviendrait-il une catégorie en
vie de disparition ?" ( 25/10) ; un dossier dans le monde/economie (29
oct) ; une enquête de la CFDT.

Ils se plaignent du stress, d’être soumis à la pression des résultats,
des risques de licenciements, d’être délaissés.

Au plan électoral, un petit mouvement perceptible au printemps de la
gauche ( choix majoritaire dans cette cétégorie) vers l’extrême droite.

6) Idées radicales. Voulant répondre à l’idée que les "radicaux" n’ont
pas d’idées, "Charlie Hebdo" présente, sur sept numéros, un essai ou une
étude émanant de cette mouvance. C’est le sociologue Philippe Corcuff
qui les passe en revue.

Premier ouvrage analysé, celui de Antonio Negri et Michel Hardt, "
L’empire" ( on a signalé ici la semaine passée que cet essai avait fait
un tabac au salon du livre de Francfort). " L’empire" décrit les
nouvelles formes de domination du monde, et la mobilité néocapitaliste.

Le second texte est " Du contre pouvoir. De la subjectivité
contestataire à la construction de contre-pouvoirs" de Diego Sztulwark
et Miguel Benassayag (La Découverte).

Critiques de Corcuff : faiblesses sur le phénomène de l’individualisme,
ignorance typiquement "gauchistes" des institutions et des partis.

7) Les Français et la télé

Les Français consomment de plus en plus de télé : en dix ans le temps
passé devant le petit écran a augmenté de vingt minutes. Ils sont de
plus en plus équipés ( récepteurs, magnétos, DVD, ordinateurs).

Un quart des télespectateurs est abonné au cable ou au satelitte.

Aux rencontres Dray/Montebourg/Peillon de la Sorbonne sont souvent
revenues l’idée (fausse) de la toute puissance de cette télé et
l’obsession (juste) du petit écran sur les thèmes " Combien ça coûte ?
Combien ça rapporte ?".

8) Climat social

Après le sondage BVA-Libération du 21 octobre montrant que pour 78% des
Français, les problèmes qui se posaient le 21 avril n’ont pas été
résolus, trois écrits émanant du monde patronal signalent l’accumulation
de nuages.

La revue de l’UIMM (Mettalurgie) estime que "le climat est de plus en
plus tendu" ; une étude de Christiane Lot, toujours pour l’UIMM, rappelle
cette réflexion d’Alexis de Tocqueville : " Les révolutions naissent de
causes générales fécondées par le hasard" ; et l’association " Entreprise
et personnel" s’alarme : " A force de laisser le social en suspens, on ne
fait que s’enfoncer dans un immobilisme propice à toutes les explosions".

9) De manière récurrente, le procès du communisme revient dans
l’actualité. Quelques semaines après le nouvel ouvrage de Stéphane
courtois, voici aux éditions du Rocher ( et dans une collection dirigée
par Courtois !), la traduction d’un livre de l’historien allemand Ernest
Nolte, "Mles fondements historiques du national-socialisme". L’auteur
reprend une thèse qui fit scandale en Allemagne dès 1987 et -un peu- en
France en 2000, lors de la traduction d’un précédent ouvrage de Nolte :
le nazisme trouve une de ses racines dans le bolchévisme.

Quelques articles de presse à ce propos.

Autre ouvrage dans une nouvelle collection d’Armand Colin consacrée à
l’Histoire : " Après le communisme" de François Bafoil ; surtout sur les
ex-pays de l’Est.

10)Partis

PS : rencontre très médiatisée Dray/Montebourg/Peillon à la Sorbonne ;
Peillon propose de "discipliner" l’économie de marché (Hollande parlait
de "dominer" le capitalisme). Est revenue fort le besoin croissant des
militants de "faire de la politique", de "parler de politique".

Campagne du PS sur l’école ( " Non au budget qui sacrifie l’Education
natinale") avec tract national, et table ronde le 5 décembre
"parents/enseignants".

Chevènementistes : division persistante du Pôle sur l’enjeu gauche/droite
ou républicains des deux rives.

Plaidoyer de Voynet pour "la Gauche", un grand parti unique de gauche.

UMP : agacement reconnu de Juppé à l’égard de l’activisme de Sarkozy ;
critique de la posture "gauchiste" de Douste-Blazy.

FN : la campagne de promotion de Marine Le Pen se développe ( le
quotidien "20 minutes" (31/10) détaille son -impressionnant- plan médias).

Sortie le 11 novembre d’un ouvrage d’entretiens de Bernard Kouchner, "
Le premier qui dit la vérité ?..."(Laffont), sur l’expérience de la
gauche plurielle ; il s’agit surtout d’une plainte sur sa
sous-utilisation par le PS ; il est remonté contre les Verts ( "assez
boudins et antiscientifiques" !)

*Mouvements des idées*

*Note n°10 ( 8/11/02)*

1) Opinion. Deux études d’opinion ( Ifop/Figaro du 5/11 ; Sofres/presse
de province du 6/11) réalisées à l’occasion des six premiers mois du
gouvernement Raffarin apportent des enseignements convergents : bonne
image du premier ministre, satisfaction forte des mesures prises en
matière de sécurité, de justice, de politique extérieure ; inquiétude
/majoritaire/ en ce qui concerne les 35h, la santé, les impôts,
l’emploi, les retraites et de manière générale la politique économique.

2) L’idéologie de droite. Bon dossier du Monde (1/11) sur la droite et
les idées ; à compléter avec la page du Figaro du 8 sur Juppé et les
idées ; et un autre dossier du Monde (5/11) sur les nouveaux clubs a droite.

On y voit une droite à la recherche d’une nouvelle identité,
"décomplexée" comme dit Luc Ferry au grand jury RTL : " il se passe une
chose très intéressante : on ose à nouveau se dire de droite quand on
n’est pas d’extrême droite."

Quelques thèmes récurrents : mérite, effort, responsabilité, contre
l’assistanat, pour la nation, Europe et proximité. Quelques tendances :
dépassement du gaullisme, revanche sur 68 assimilé au laxisme et à la
démission ( le livre de Ferry de 1985 "la pensée 68" est "fondateur" de
ce point de vue).

Des lignes fortes, mais aussi des incertitudes : la droite se cherche,
elle est prête à piller la gauche ; on parle de "récuperer" Morin,
Finkielkraut, Gauchet ! Elle est mal à l’aise avec le concept de
libéralisme difficile à vendre et incapable de répondre à des questions
comme la mondialisation ( cf l’étude de Tenzer ( Le Banquet) in Figaro
du 8/11.

En fait, au plan des valeurs, c’est peut être moins la droite qui assure
que la gauche qui s’absente.

Multiplication des clubs à droite, au sein de l’Ump et notamment de son
courant libéral très actif ( et impatient) ; vers une Fondation de l’UMP
début 2003.

3) Les clubs PS. Au PS également multiplication de clubs autant autour
des hommes/ ou femmes ( et des écuries) que pour travailler un profil de
la nouvelle social démocratie.

A droite de cette mouvance, le club "En temps réel", héritier de la
fondation Saint Simon ; des hauts cadres socialistes du privé et du public ;

des liens avec Fabius. Milite à terme pour une convergence UDF/PS ( Le
Point, 1/11).

Aussi : " le pari citoyen" (Charzat) ; "réunir" (Kouchner) ; "A gauche en
Europe" ( Strauss Khan) ; "Nouveau Monde" ( Liem Huang-Noc/Emmanuelli) ;
C6R (Montebourg) ; Réformer (Aubry) ; Pluriel ( Cambadélis/Braouezec).

4) Crise de la politique. Deux revues remettent sur le tapis la
question de la crise de la politique. "Comprendre" n°3/2002 ; il y est
beaucoup question d’une nouvelle articulation sphère privée/sphère
publique.

Et, plus intéressante, la revue " Transversales". Là, Roger Sue par
exemple estime que " repenser la singularité de la relation
d’association nous aiderait à nous délivrer de l’opposition stérile
entre individu et société et à dépasser leurs philosophies respectives
que sont, d’un côté, l’individualisme contractualiste du libéralisme et
de l’autre l’enfermement communautariste d’où surgissent les
totalitarismes" ; ou encore : " Un très grand pas sera franchi le jour où
l’on admettra que la participation de chacun à la vue démocratique est
une activité à part entière qui ne peut se suffire ni de l’élection ni
de la délégation". Patrick Viveret parle d’"une formidable attente à
l’égard d’une autre conception de la démocratie et de la société
politique fondée sur des logiques de pouvoir créateur plus que pouvoir
dominateur".

Lire le dossier de La Croix ( 6/11) sur " Les nouveaux adhérents" ; sont
venus pour militer mais aussi (surtout) pour "parler de politique" ( une
expression déjà venue fortement lors de la recontre de la Sorbonne de
Dray-Montebourg.

Noter le silence universel face au taux de participation aux élections
américaines : 35% !

5) Syndicats. A un mois des élections prudhomales, un sondage Csa
indique : 1) une confiance croissante dans les syndicats ( 49% en 1992 ;
54% en 1997 ; 65% aujourd’hui) ; 2) un risque cependant d’abstention forte
(elle passerait de 65 à 70%) ; 3) un maintien en tête de la Cgt (33%), un
recul de la Cfdt (24), suivi de FO (20) et petite percée de Sud (1%) ; 4)
une très faible notoriété des leaders syncicaux (9% seulement savent qui
est Thibaud).

Côté MEDEF, le départ de Denis Kessler confirme le recentrage de cette
organisation et une certaine mise en veilleuse de la stratégie de
"refondation sociale" ( " un concept utile quand il fallait
résister"...) au profit d’une ligne plus "classique" de pression (au
gouvernement) et d’affrontement (avec les syndicats).

6) Progrès. Commentant la dernière livraison de son annuaire intitulé
"La francoscopie", Daniel Mermet observe que le changement le plus
spectaculaire, ces derniers mois, dans l’ordre des idées, est la chute
de confiance dans la notion de progrès ( scientifique, technologique).

7) Extrême droite. Une expérience originale tentée à Strasbourg par le
sociologue Philippe Breton (phbreton@club-internet.fr) , auteur de
nombreux ouvrages sur la communication. Confronté au vote
massif pour Le Pen en Alsace, il a mis sur pied un "atelier civique
d’argumentation" afin de répondre à la question : comment faire pour
convaincre l’autre de ne plus voter Front national ? comment renouer le
fil du dialogue avec des gens persuadés qu’on ne les entend plus ? CR de
son expérience - qui est de l’ordre de la rhétorique- dans Libération du
31 octobre.

A noter cet aveu de responsables protestants locaux : " Nous n’avons pas
été assez à l’écoute des angoisses des gens qu’on côtoyait".

Campagne médiatique persistante de promotion de Marine Le Pen.

8) Sexisme. Propos très durs de Françoise Héritier ( dont l’ouvrage
est en tête des ventes des essais) dans Le Point du 1er novembre sur la
domination masculine maintenue tous azimuts.

Un débat qui pourrait prendre de l’ampleur : l’impression que
l’assassinat de la jeune Sohane à Vitry n’a pas été "traité" au niveau
qu’il fallait. Antoinette Fouque dénonce l’antiracisme qui nie la
mysoginie, parle des liens machisme/racisme/terrorisme ; elle dénonce "
la folie néo-libertine des gauchos-intellos" (?).

A lier avec la prise de position de cette responsable de l’Apeis à
propos des comportements sexistes de syndicalistes.

9) Eglise. Assemblée (annuelle) des évêques à Lourdes. L’Eglise prend
acte de l’individualisation des pratique religieuses des siens, tente de
s’y adapter ou d’y répondre. Alors qu’on parle de faire une place à
l’Islam, elle essaie de mieux peser sur la société.

De ce point de vue, elle ne peut que se féliciter des positions du
ministre Ferry qui évoque volontiers la question de l’enseignement de
l’histoire des religions à l’école ( un ministre qui scolarise ses
enfants dans le privé...), de Xavier Darcos qui milite dans le même sens.

Alors que le pape voudrait voir la "Constitution européenne" faire
référence à un héritage chretien, les évêques sont plus prudents ( et
mentionnent dans l’héritage les religions et les Lumières...).

Cette Eglise se montre plus "stricte" à l’égard des sans-papiers. Plus
combattive aussi ( voir son attitude face à Halloween ; ou la
sanctification du fondateur de l’Opus Déi).

La question " Religion et politique, une liaison dangereuse ?" était à
l’ordre du jour du Forum du Monde : il y a beaucoup été question de
laïcité et des interprétations divergentes que cela suscite ( Voir le CR
in le Monde du 5/11)

10) Partis

PS : sensible aux critiques de laxisme face au pouvoir, tente de de se
poser en opposant plus résolu ; voir le dossier de "la revue socialiste"
de septembre sur le 21 avril (Weber, Bergougnioux, Fabius, ...) ; DSK
sera à la prochaine émission "100 minutes pour convaincre"

Verts : préparation tendue du congrès ; vers une "gauchisation" de
l’orientation ? A titre indicatif, voir la répartition des votes des
adhérents entre les quatre principaux courants dans la région PACA : 45 %
pour Lipietz ( et Désir de vert) ; 25 % pour "Ecologie" (alliée à
Lipietz) ; 25% pour Mamère-Voynet ; 0 pour les "rénovateurs".

Trotskysme : Jean-Jacques Marie propose, avec " Le trotskysme et les
trotskystes" aux éditions Armand Colin, un panorama de l’histoire et de
l’état de cette famille politique. On annonce la sortie au printemps
chez Denoël d’un ouvrage d’entretiens avec "Hardy", l’éminence grise de L.O.

*Mouvements des idées*

*Note n°11 (15/11/02)*

1) Intelligentsia. Le débat s’aiguise, après des années d’attentisme
et d’escarmouches. Est-ce annonciateur d’une radicalisation plus
proprement politique ? Sont mis ouvertement - et nommément- en accusation
à gauche les "gourous" qui imposèrent la pensée unique et la
droitisation molle. A qui l’on reproche à présent d’être des anti : anti
68, anti droits de l’homme, anti culture de masse, anti féminisme, anti
antiracisme, anti metissage, anti islam. En cause : Finkielkraut,
Bruckner, Glucksmann, Nora, Levy. les gens du Nouvel Obs, les proches de
Chevènement aussi, etc...

Ce qui est nouveau, c’est que la critique ne vient pas de l’ultra gauche
mais a muri au sein de la gauche elle même. Elle a été amorcée par
Maschino dans Le Monde diplomatique de cet été ; elle est reprise par
Daniel Lindenberg dans son livre " Le rappel à l’ordre. Enquête sur les
nouveaux réactionnaires" qui fait grand bruit. Critique qui fait
d’autant plus mal aux personnes visées donc qu’elle émane de leur
milieu : Lindenberg vient de la revue Esprit, il est publié par
Rosanvallon au Seuil.

Le Figaro se régale : " Difficile de nier chez quelques écrivains,
philosophes et journalistes, à gauche comme à droite, un goût nouveau
pour dire les choses et appeler un chat un chat". Le Monde, sans
avaliser tout l’ouvrage de Lindenberg, reconnait que nombre
d’intellectuels de gauche " se mettent à trouver qu’*on en a trop fait
avec le procès des valeurs de la gauche intellectuelle*".

2) Nouveaux réactionnaires ? Nouveaux conservateurs ? Le fait est qu’une pensée de droite revigorée par des transfuges de gauche (?) s’étale
sans complexe. Depuis le 11 septembre 2001, un néo conservatisme prend
forme, identitaire, autoritaire, avançant de manière plus ou moins
assumée les valeurs de "l’occident", très branchée sur les questions
morales : chasse à la pornographie, à la prostitution, recherche de
l’autorité à l’école, respect des symboles patriotiques.

Les positionnements sont plus tranchés : " il n’y a rien de mal à être
réactionnaire" écrit le rédacteur du Figaro JP Mulot (15/11) ;
Finkielkraut taxe ses critiques de "robespierristes" !

D’un autre côté Michel Wieviorka qu’on a connu plus consensuel compare
ce gouvernement à ceux de la "Restauration".

3) Mai 68. Le débat autour de 1968 est récurrent. La droite en a fait
un de ses axes de la bataille d’idées ( 68= laxisme ; il faut dépasser
68) ; Finkielkraut ( Le Figaro du 14/XI) se livre à une violente attaque
contre ce "symbole" ; l’art s’en empare : Rolin et son roman ; Caubère et
son spectacle ( voir son entretien dans L’Huma). Le débat traverses
aussi le peuple communiste : pour preuve les échanges dans les colonnes
de Regards ( novembre) autour du livre de Rolin ; s’expriment différentes
approches communistes ( les lecteurs valorisent le côté rebelle de 68 ;
le critique lui tape sur le sectarisme gauchiste anti PCF et
anti-ouvrier) ; le débat continue !

4) Idées radicales. Charlie Hebdo poursuit son tour d’horizon des
productions théoriques radicales.

Dans le numéro du 6 novembre, il évoque la critique des médias. Voir
PLPL ( Pour Lire Pas Lu, www.plpl.org) lancé en juin 200 par Pierre
Carles, Thierry Discepolo, Serge Halimi, Pierre Rimbert ( éditions
Agone) ; voir aussi dans le n°26/27 de la revue Agone, intitulé " Revenir
aux luttes", l’article de Halimi et Rimbert, "La récupération de la
contestation par les médias" ; celui de Franck Poupeau, "Revenir aux
luttes. Eléments pour une critique de la contestation" ; ainsi que dans
la revue bordelaise " Le Passant ordinaire" le papier de P. Corcuff, "
De quelques problèmes des nouvelles radicalités en général et de PLPL en
particulier".

Le 13 novembre, le journal revient sur le travail de sociologie de
Bourdieu ; une présentation assez claire de la pensée de Bourdieu (
formes de domination, modes de capitalisation, champ du pouvoir,
habitus...). A lire Alain Accardo et Philippe Corcuff, " La sociologie
de Bourdieu. Textes choisis et commentés", Le Mascaret, 1989 ; Alain
Accardo, " De notre servitude involontaire", Agone, 2001 ; Claude Grignon
et Jean Claude Passeron, " Le savant et le populaire", Gallimard/Seuil,
1989.

5) Populisme. A méditer ces chiffres des intentions de vote à la
mi-octobre en Norvège, le plus prospère des pays européens : le parti du
progrès ( extrême droite populiste) est crédité de 36% (14% en 2001), le
Parti travailliste 24%, la coalition de centre droit au pouvoir depuis
2001 : 21% !

Programme du PP : fermeture des frontières ; privatisation du social ;
diminution des fonctionnaires...

Le prochain scrutin ne devrait normalement avoir lieu qu’en 2005.

A noter que le FN déclare avoir retrouvé le nombre d’adhérents qu’il
avait avant la scission.

6) Crise de la politique : un mal universel. Le point commun entre les
législatives américaines et les municipales polonaises, qui se sont
tenues à une semaine de distance ? 70% d’abstention ! Un sondage à grande
échelle ( 36 000 personnes interrogées de juillet à septembre 2002) ,
effectué pour le World Economic Forum, les initiateurs du forum de
Davos, indiquent que les institutions démocratiques ont perdu la
confiance de deux citoyens sur trois. Ils sont encore deux tiers à
affirmer que les Etats ne sont en aucune façon gouvernés selon la
volonté du peuple. Tout est jeté aux orties : les gouvernements, les
parlements, les syndicats, les médias, le système juridique, éducatif,
le Fonds monétaire, l’Organisation mondiale du commerce, les
transnationales..." Les critiques sont sans appel, observe l’étude.
Jamais au cours des trente dernières années le problème ne s’était posé
avec une telle acuité : la cassure entre la société et les institutions
censées organiser la vie est telle qu’il faudra un effort considérable
et de longue haleine pour rétablir les choses".

7) Société dynamique. L’image de la France que renvoit l’édition
2002/2003 de "Données sociales", l’étude triannuelle de l’Insee, semble
 paradoxalement ?- plus dynamique que sa représentation politique sortie
des urnes du printemps dernier : l’Insee parle d’une France moderne (la
famille), féminisée (travail), battant des records de bébés, de
longévité, de création d’emplois. L’étude pointe aussi une certaine
réduction des inégalités. Image déjà dépassée ? ou signe supplémentaire
du decallage entre la société et la politique ?

8) Le PS et le salariat. Multiplication d’initiatives du PS en
direction des salariés. " journée" de défense de la loi Aubry le 9
novembre (échos limités) ; table ronde sur " la société du travail" (20
novembre) ; journée pour l’emploi le 17 janvier ; mise en place d’un
"observatoire" des luttes et du mouvement social qui ferait
régulièrement le point sur l’état des luttes...

Sortie d’autre part d’un numéro de la revue trimestrielle " Recherche
socialiste" consacré aux "Mutations du salariat" avec des articles d’A
Bergougnioux, M Braud, J Freyssinet, F Lefresne, R Sobel, JP Yonnet, et
des syndicalistes.

9) Livre intéressant d’ Hervé Le Bras, spécialiste de géographie
électorale
, qui analyse les derniers scrutins à partir de ses critères :
" Une autre France", editions Odile Jacob. Il développe l’idée,
notamment pour Le Pen, de l’effet de "contagion" pour expliquer les
tendances électorales : sans sous estimer les determinismes économiques
ou sociaux, il estime que " on ne vote pas en fonction de son métier ou
de la sécurité de l’emploi mais parce qu’on est en contact avec des
personnes de tel ou tel type". Autrement dit, importance majeure de la
proximité, du contact. L’idée mérite d’être explorée ; voir les
conséquences pour le militantisme, l’expression publique, etc...

10) Guerre. Une idée, venue des Etats Unis (?), qui se répète
volontiers : l’économie ne repartira qu’avec la guerre. Dernier exemple,
cette indiscrétion du Figaro du 15/11 : le ministre de l’Economie F Mer
aurait déclaré en Conseil des ministres : " Le Directeur de la Deutsch
Bank affirme que la seule solution pour relancer l’économie, c’est la
guerre. Je pense exactement comme lui".

*Mouvements des idées*

*Note n°12 ( 22/11/02)*

1) Trahison des clercs ( suite). Après la sortie du livre " Rappel à
l’ordre", le débat s’amplifie. Papiers dans toute la presse, multiples
articles du Figaro, cf Philippe Lançon dans Libé du 19, Sollers dans Le
Monde du 20, bon dossier du Monde du 22.

*Cette affaire en fait est symptomatique d’un triple mouvement : un réel
"glissement à droite" d’une partie de l’intelligentsia ; une explosion de
la gauche intellectuelle dite anti-totalitaire constituée dans les
années 80 ; une tentative de remuscler une gauche social démocratie sur
des bases réformistes (Rosanvallon, Lindenberg).*

Nombreux commentaires la semaine passée sur un couple emblématique de ce
point de vue : Blandine Kriegel ( fille de Maurice K.) remettait son
rapport sur la censure à la télé au ministre Aillagon au même moment où
Alexandre Adler annonçait qu’il passait de la rédaction du Monde à celle
du Figaro...

Laurent Joffron du Nouvel Obs : " Les arguments des nouveaux réacs sont
parfois justes".

Où l’on repère aussi le rôle joué par le MEDEF ces dernières années en
direction de l’intelligentsia. Sous la houlette de Denis Kessler et
François Ewald, ils furent souvent les invités choyés ( Finkielkraut,
Blandine Kriegel, A Adler...), entre déjeuners, colloques et autres
universités d’été, de l’organisation patronale.

A noter la multiplication d’initiatives ces dernières semaines autour de
Camus, avec une tendance à instrumentaliser l’homme ( mise en valeur de
ses positions politiques, l’anti Sartre, l’anti PCF, l’anti "terrorisme"
en Algérie) ; on retrouve en général dans ces commémorations nombre
d’intellos pointés aujourd’hui comme des "nouveaux réacs" : l’équipe du
Nouvel Obs notamment.

2) Valeurs. Le sondage de la FSU indiquant que pour 54% des
personnels, il faudrait abandonner le collège unique constituerait-il un
(nouveau) signe lourd et symptomatique de ce glissement conservateur des
esprits alors même que la droite est au pouvoir et qu’aucune opposition
magistrale ne se fait entendre ?

C’est probablement ainsi que le "message" de résignation sera entendu.

Une enquête en tout cas qui tombe bien pour la droite qui vient de
ripoliner ses valeurs lors du congrès de l’UMP : insistance sur liberté,
responsabilité, solidarité, nation, Europe.

Les textes de cette nouvelle organisation partent en guerre contre les
idées de "déterminisme social", d"égalitarisme", insistent sur
"l’effort", "le mérite", "la performance", "le destin individuel". Sur
l’école : " L’école de la République doit permettre à chaque enfant de
s’épanouir en donnant le meilleur de lui-même et permette à ceux que
leurs mérites distinguent d’exercer les responsabilités les plus élevées".

3) Traduction politique : cette "agitation" idéologique semble trouver
pour l’heure une traduction politique limitée. En effet tout se passe
comme si l’UMP, après avoir décliné les thèmes de droite sur tous les
tons, cherchait surtout un positionnement de centre droit. La première
visite du trio Juppé/Douste/Gaudin à l’étranger à été pour Tony Blair.

D’un autre côté, des commentaires convergents ( étude du Figaro du 21,
propos de Rocard) montrent que le PS s’interroge sur un positionnement
de centre gauche ( l’étude mentionnée du Figaro parle d’une droitisation
des positions des sympathisants PS sur les questions économiques et
sociales et de sécurité...).

Tout ça pour ça ? Tous ces papiers disent aussi que la logique
institutionnelle, la présidentialisation, poussent ces partis au centre.
En décallage avec le mouvement d’idées ?

4) Engagement. L’Education nationale a commandité une étude Sofres sur
l’engagement des jeunes. Confirmation d’une tendance lourde ces
dernières années : les associations les attirent de plus en plus ; on
s’engage dans des projets concrets ; A Greenpeace France, la moitié des
60 000 adhérents oont moins de 30 ans ; le Secours Populaire voit arriver
de plus en plus de jeunes ; SOS Racisme dit avoir reçu "2000 demandes
d’adhésion depuis le printemps".

L’engagement des jeunes intéresse l’Etat ; le ministère des Armées
suggère la création d’un "service civil de trois ou quatre mois" ; le
ministre de l’Education a fait fort sur ce sujet lors du Salon de
l’éducation ; il s’est livré à un plaidoyer pour l’engagement (
citoyenneté, solidarité, sport, culture, humanitaire, économie), a
visité le stand "Envie d’agir" et annonce l’édition d’un "Guide de
l’engagement" (éditions Guide du Routard) et distribué mi mars. (Cf Le
Parisien du 21/11)

Sur la vision du monde par les lycéens et leurs préoccupations, voir le
"Bilan du monde junior", 2002/2003, éditions Milan.

5) Le rapport de Blandine Kriegel pointe un vrai problème - la violence
à la télé, apporte de mauvaises solutions ( censure) et participe d’un
climat d’étouffement du débat, des échanges, de la création ; quelques
premières réactions fortes ( notamment celle du critique de cinéma du
Monde qui instaurant un "politiquement correct" à la télé, c’est le
cinéma français qu’on assassine.

6) Sexisme. " L’univers de la vie privée et celui de la vie publique
sont inséparablement liés (...). Les tyrannies et les servilités de l’un
sont aussi les tyrannies et les servilités de l’autre" écrivait
Virginia Woolf. Une citation peut-être pas inutile alors que l’on
constate une progression inquiétante de la misogynie. De l’insulte
sexiste au viol collectif, de nombreux exemples montrent que le sexisme
devient un mode de relation normal dans de nombreux lieux, écoles y
compris parfois. Lire " Les territoires perdus de la République",
d’Emmanuel Brenner (Mille et une nuits édition). Voir aussi le bilan de
deux ans d’expérience du numéro vert " Jeunes violence écoute" mis en
place par le Conseil régional d’Ile de France. 200 appels quotidiens. Un
constat : "une dégradation des rapports affectifs entre filles et
garçons" ( Le Monde, 9/11).

7) Marée Noire. Le paradoxe de cette catastrophe est qu’elle va
amplifier - plus de cent discours- le discrédit du politique, incapable
malgré ses colloques, ses promesses, ses règlements...- de s’imposer aux
armateurs ; en même temps, elle exprime un formidable besoin d’action
publique et marque la faillite du tout-libéral ( trop de lois, trop
d’Etat, trop de contrôles...).

8) Immigration. Remarquable rapport du Plan ( au fait cette
administration devrait disparaître dit la presse) sur l’état exact de
l’immigration en France, signé par François Héran, patron de l’INED. Qui
bat en brèche des idées recues ( ils prennent-ils le travail des
Français ; ils envahissent ; c’est fatal...).

9) Un numéro fort du bimestriel "Manière de voir" (n°66) édité par " Le
Monde diplomatique" et consacré à la question sociale. Intitulé " Le
défi social" et présenté comme un dossier sur "Ceux d’en bas qui se
rebiffent". Dans les thèmes abordés ( précarité, monde ouvrier, classes
sociales, patronat, licenciements), les signatures ( Ramonet, Beaud, les
Pinçon, Piketty, Nikonoff, Halimi, Martine Bulard qui semble avoir
coordonné le travail) on rtrouve une très grande communauté avec la
réflexion communiste.

Noter aussi la sortie d’un ouvrage de B. Thibault, " Qu’est-ce que la
CGT ?" aux éditions L’Archipel.

Noter encore la publication par " Courrier international" d’un
supplément ( trimestriel puis mensuel) intitulé " Courrier des livres et
des idées" qui va rendre compte des ouvrages et des débats qui agitent
la planète.

10) Partis

UMP : points forts de la nouvelle organisation : une machine rodée, de
nombreux élus, des réseaux dans tous les lieux de pouvoir, la force de
l’idée unitaire ; points faibles : une certaine indifférence militante,
l’existence de "chapelles", une incapacité aussi à se revendiquer
ouvertement du "libéralisme", notion bannie des Assises et du
vocabulaire officiel de l’UMP !

Si l’espagnol Aznar fut l’invité vedette des Assises ( le modèle
espagnol d’organisation de la droite, franquistes compris), le premier
voyage à l’étranger du trio Juppé/Douste/Gaudin a été pour Tony Blair !
Ce n’est pas la première fois que des leaders de droite disent leur
tendresse pour le travaillisme britannique (ou les démocrates américains).

Pas la première fois non plus qu’on note un "axe" Blair/Aznar/Berlusconi !

LCR : meeting à la Mutu ; 1000 participants selon la presse ; le discours
oppose la gauche d’alternance à la gauche d’alternative, " les deux
pieds à Florence".

Le Parti des Travailleurs semble avoir récupéré la version française de
l’initiative des intellectuels américains " Pas en notre nom !".

*Mouvements des idées*

*Note n°13 ( 29/11/02)*

1) La poussée à droite des idées est bien la tendance dominante que
l’on retrouve dans tout le débat public.

Le dernier exemple en date est l’enquête Ipsos/ Antenne2/Figaro sur
l’électorat socialiste et l’électorat de gauche plus généralement
(21/11) ; on y relève des "attitudes supposées droitières", comme dit
Giacometti, sur les retraites, les 35 heures, la sécurité, le service
minimum, etc...ce que le journal appelle l’attitude "pragmatique" des
électeurs de gauche.

Cette (relative) démoralisation explique aussi en partie certaines
difficultés du mouvement social.

En même temps on voit se préciser une difficulté majeure du pouvoir :
s’il sait surfer sur cet air du temps et déminer des conflits, il n’est
pas en mesure - pour l’instant- de se revendiquer ouvertement de ce
libéralisme qui est cependant le fil rouge de son projet politique ; il
fait sans dire ; ce n’est pas toujours simple pour lui ; ce "pragmatisme"
va atteindre ses limites ; il est symptomatique que la charte de l’Ump
évacue la notion de libéralisme ; symptomatique aussi, après la décision
de l’Europe de libéraliser l’électricité, que Le Monde écrive que le
pouvoir va être confronté à " un délicat exercice de pédagogie du
libéralisme".

2) Ecole. S’engouffrant dans la brèche ouverte par le sondage sur
l’impopularité (?) chez les enseignants du collège unique, les prises de
position contre "l’égalitarisme" à l’école se multiplient : le Snalc
appelle à "renoncer au collège unique, renouer avec l’école
républicaine" ; le ministère ouvre ce dossier ; Le Figaro réclame "une
commission sur les savoirs à l’école" ( à l’image de la Commission
Kriegel sur la violence à la télé). Le Monde écrit : " Les digues
idéologiques autour du collège unique viennent de céder".

Nombreux articles sur la violence à l’école.

3) Féminisme : le recul. Bon papier de Françoise Chirot dans Le Monde
du 27 ("Vie publique : les femmes en retrait") sur la régression tous
azimuts en cours : effacement des femmes dans la vie politique, retour au
rang de courtisanes, idem dans le monde économique, de l’entreprise, des
syndicats ; tensions filles/garçons à l’école : " les femmes
seraient-elles parmi les premières victimes de ce monde qui change ?".

4) Idéologie/nostalgie ? A noter cette appréciation de B Poirot-Delpech
dans son billet du Monde : " D’où qu’elle vienne, l’accusation
d’idéologie ne sert qu’à déconsidérer et à combattre les idées d’en face
comme le mot pornographie vise à rabaisser l’érotisme d’autrui".

Concernant le glissement droitier de l’intelligentsia, il observe un
pareil mouvement concernant le monde littéraire et note : " L’effet de
bascule constaté ces temps ci dans le petit monde des idées politiques,
en écho aux renversements électoraux du printemps, est en passe
d’affecter le cours et la cote des reflexions antérieures sur la
création littéraire. Dommage : on espérait la culture et son histoire à
l’abri d’un tel système des "dépouilles" à la française."

Le débat sur le positionnement de l’intelligentsia se poursuit assez
fortement ; il y a ici ou là une volonté de minimiser ce débat ;
n’empêche : la droite fait GROS sur le sujet ; avec une envie de
transformer l’essai, de ne pas laisser ce débat en l’état mais de se
ré-installer durablement dans l’intelligentsia (?).

Les intellectuels incriminés par le livre de Lindeberg viennent de
signer un manifeste ( ton très outré, défensif) dans L’Express.

A noter encore les difficultés rencontrées par Blandine Kriegel, auteur
du rapport sur la censure des images de violence à la télé, dans les
milieux de la création. D’ailleurs le ministre de la Culture se garde de
reprendre à son compte tout son texte.

Toujours au chapitre de la confusion des idées, on peut relever la place
considérable accordée par Le Figaro ( et lui seul, semble t il) aux
travaux de l’université d’été de la Fondation du 2 mars (ex Fondation M
Bloch), un temps courtisé par certains à gauche.

5) Idées radicales. Poursuite de l’enquête de Charlie Hebdo sur les
idéologues radicaux. Evocation de :

 Daniel Bensaïd et de ses ouvrages : "Les irréductibles. Théorèmes de la
resistance à l’air du temps" (Textuel, 2001) ; "Walter Benjamin.
Sentinelle messianique" (Plon, 1990) ; "Le pari mélancolique" (Fayard, 1997).

A retenir cette phrase : " Nous n’en sommes pas quittes avec la politique
en tant qu’art profane de la durée et de l’espace, en tant qu’effort
obstiné pour repousser les limites du possible dans un monde sans dieux".

 Yves Salesse et " Réformes et révolution : propositions pour une gauche
de gauche" (Agone, 2001). Salesse re-élabore un cadre programmatique (
"L’appropriation sociale des principaux moyens de production et
d’échange", "Rompre avec la mondialisation libérale", "Changer
l’appareil d’Etat", "Construire une autre Europe".

il y est question de " réhabiliter l’idée même de réforme", de "réformes
possibles ici et maintenant, inscrites dans un horizon radical sous
peine de s’engluer dans les logiques dominantes". Insiste sur " la
coordination internationale de l’action"(Europe), l’appropriation
sociale en tirant les leçons de l’étatisme et de la bureaucratisation,
d’ou des propositions pour un service public rénové ; une réorganisation
des pouvoirs et des contre pouvoirs ( formes parlementaires et formes
citoyennes ; institutionnalisation de la démocratie directe).

Corcuff (le chroniqueur de Charlie Hebdo) trouve à Salesse un penchant
technocratique, une tendance à élaborer des programmes loin du mouvement
social : " On est ici au coeur des liens inédits qu’il s’agit de
(re)tisser entre les citoyens, les mouvements sociaux, les partis
politiques et les intellectuels".

6) Publication dans Les Echos du baromètre semestriel
Démoscopie/synovate. Deux enseignements forts : les sondés se disent
"rassurés" sur les questions de délinquance ! Le recul du sentiment
d’insécurité est net alors même note le journal que " ce renversement
ne reflète en aucune façon la réalité de la délinquance, bien sûr"(sic).

On retrouve ici la démarche de Sarkozy : l’important est d’être "visible".

A ce propos, il y a bien la réalité des faits et leur expression
médiatique ; contre-exemple : le retour de la violence des attentats en
Corse est incontestable ; or silence radio, car cette violence contrarie
trop le discours "corse" du pouvoir.

Second enseignement : un doute persistant et inchangé sur les capacités
du pouvoir " dans les domaines économiques et sociaux".

7) Fabius argumente. Le dirigeant socialiste met au point son
argumentaire (dont il fait profiter Hollande dit-il), qu’il répète dans
ses différentes émissions publiques. Il faut "clarifier l’identité
socialiste autour de quelques idées simples" : 1) Se prononcer contre la
mondialisation libérale, avec plus d’Europe (sociale, environnementale
démocratique) ; 2 ) pour le service public, défendu et modernisé ; 3) pour
l’éducation, la formation tout au long de la vie ; 4) pour l’écologie ; 5)
reconnaître la "valeur travail", lutter contre la précarité, créer une
"sécurité sociale professionnelle".

Il se prononce pour une nouvelle union à gauche, pour un PS redynamisé.
Il est par ailleurs partisan de rendre le vote obligatoire ( avec une
petite sanction) ; à lire son texte sur l’intégration des immigrés
(emploi, logement, discrimination) in Libération du 22 nov.

8) Multiplication de mises en garde catastrophées adressées à la
France par des organismes internationaux divers ( une enquête du Forum
Davos sur les grands patrons, la Commission de Bruxelles, le FMI,
l’OCDE) ; insistante pression sur les questions du déficit, des dépenses
publiques, de la compétitivité, sur la vetusté française.

L’impression que la droite - dont la presse donne un large écho à ces
pressions- a besoin de ce "forcing" pour passer à une nouvelle étape des
"réformes" libérales. Comme l’écrit Boissonnat (JDD), " c’est le vrai
rappel à l’ordre que nous méritons".

Ces jugements d’institutions étrangères assez contradictoires avec
l’opinion plutôt positive donnée par l’Insee ( "Données sociales. La
société française") sur le dynamisme français ; et dans Le Monde du 26/11
on apprend que les investisseurs se méfiant des USA regardent plus vers
l’Europe où " La France serait plus attractive que jamais "

9) Une série de sept films documentaires à Beaubourg, signés Michel
Samson et Jean-Louis Comolli, sur la vie politique à Marseille, "
Marseille fait son cinéma" et réalisés de 1989 à 2001, où l’on voit se
mettre en place l’après Defferre ( Gaudin, Tapie, Le Pen, ...),
fonctionner le travail militant, cohabiter les diverses populations de
la ville. A Pompidou jusqu’au 24 novembre.

A noter aussi le documentaire " Le bruit, l’odeur et quelques étoiles"
d’Eric Pittard sur les "quartiers" de Toulouse ( entre autres). A noter
les propos du producteur Richard Copans (Le Monde) :" La disqualification
du discours politique par ces jeunes est elle même une question
politique. Le film aborde cette question de leur point de vue en
montrant qu’elle n’interdit pas l’engagement, le souci de la collectivité"

Et aussi :

"On peut tirer ( du film) la même leçon politique : on ne peut se
retrouver soi même qu’en s’interessant aux autres".

10) Partis

Verts : les premiers votes régionaux dans la perspective du congrès des
14 et 15 décembre ( Ile de France, PACA, Nord Pas de Calais, Gironde)
confirment une forte poussée de la tendance d’Alain Lipietz " Désir de
Vert".

LO : L’ouvrage " Robert Barcia : Hardy, vérités sur Lutte Ouvrière.
Entretiens avec Christophe Bourseiler" sort le 6 février prochain chez
Denoël. Le "gourou" d’Arlette Laguiller y raconte l’histoire du
mouvement, la première "Union communiste", la formation de " La Voix
ouvrière", de LO, Laguiller, ses liens avec l’industrie pharmaceutique,
le patrimoine immobilier de LO, le fonctionnement du mouvement.

FN. Sort à La Découverte " Le néo-populisme à la française. Une histoire
du Front national" d’Erwan Lecoeur (rassemblement des droites extrêmes,
culte du chef, organisation, idéologie).

Multiplication d’articles sur la famille Le Pen ( ses filles...), qui se
veulent peut être critiques mais qui contribuent en fait à "détendre"
l’image de ce parti.

L’UDF tient son congrès les 17/19 janvier 2003 à la Mutu.

PS : voir l’article du Figaro du 28 sur les trotskystes au PS.

*Mouvements des idées*

*Note n°14 ( 6/12/02)*

1) Impressions à lire la presse d’un remue ménage qui bouscule tous les
acteurs sociaux. Les partis de gauche certes ; mais aussi le monde
judiciaire ( voir le papier du Monde du 3/12 sur le trouble identitaire
du Syndicat de la Magistrature) ; l’école ( avec le débat autour du
collège) ; les syndicats ( à propos des élections professionnelles) ;
l’intelligentsia. Avec souvent, dans les premiers commentaires, l’idée
avancée d’une gauchisation, d’une radicalisation. Mais est-ce vraiment
le cas ?

2) Beaucoup de livres annoncés pour les semaines à venir qui travaillent
l’analyse de la crise capitaliste et explorent des (bouts d’)
alternatives. Par exemple : " Le capitalisme déboussolé" d’O Pastre et M
Vigier ( La Découverte) ; "Economie marxiste du capitalisme" de G Dumenil
et D Levy ; " Où en est la théorie critique aujourd’hui ?" de E Renault et
Y Sintomer ; "On peut changer le monde. A la recherche des biens publics
mondiaux" de F Lille et FX Verschave ; ces quatre ouvrages sortent aux
éditions La Découverte.

Aux éditions "Climats", on parle de "Impasse Adam Smith. Brève remarque
sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche" de JC
Michéa ; échanges polémiques sur ce livre dans Le Monde/Livres du 22
novembre.

Signaler aussi " La société de verre. Pour une éthique de la fragilité"
de Philippe Corcuff chez A Colin : ce jeune politologue, membre de la
LCR, prône " une social démocratie libertaire".

Voir le dossier " Gênes, Porto Alegre, Florence : Un nouveau
contre-pouvoir mondial ?" dans la revue "Mouvements" n°25.

A propos du Salon du livre Jeunesse de Montreuil, il a été beaucoup
question dans la presse de l’émergence de livres "citoyens" ( cf JDD du
1/12) c’est à dire abordant de front de grandes questions politiques
passées ou présentes ( Mutinerie de 1917, l’Occupation, l’Algérie, la
mondialisation). Au centre : " le personnage historique, humble et citoyen".

3) 1967 ? Sont-ce ces réflexions convergentes qui amènent Ph Sollers
dans sa chronique du JDD à écrire : /" ...Il n’est pas impossible qu’on
puisse bientôt parler de"nouveaux révolutionnaires". Vous voulez dire
comme en 68 ? Pas du tout mais pas non plus sans rapport avec. Des
pensées sont à l’oeuvre, des écrits s’écrivent, des vies nouvelles se
vivent. Presque personne ne se doute de ce qui va avoir lieu. Il en
allait de même en 1967 : tout le monde regardait ailleurs. Mais oui, une
insurrection se prépare dans l’ombre. La jeunesse vieillit vite, les
vieux sont toujours plus vieux mais l’esprit de la révolution lui est
sans cesse plus jeune. On n’y croit pas bien entendu mais voilà/" (1/12/02).

Pour nuancer le propos, rappelons cependant quelles sont les trois
meilleures ventes d’essais cette semaine sur le site Amazon : 1) "Qu’est
ce qu’une vie réussie ?" de L Ferry ; 2) "L’obsession anti américaine" de
JF Revel ; 3) "Mon vrai journal" de Messier...

4) Valeur travail. Alors même que toute sa politique favorise une
déqualification du travail, l’"humaniste" Raffarin a décidé de rehausser
la valeur travail. C’est ainsi qu’il a commandé au Conseil économique et
social un rapport sur " la place du travail dans la société". Un rapport
qui pourrait avoir un goût de revanche sur le thème - développé par
Chirac durant la présidentielle : la valeur Travail est dépréciée faute à
la gauche ( 35 heures ; emplois-jeunes ; revenus de solidarité).

Un rapport attendue pour juin ( donc après la "séquence retraite") et
qui pourrait avoir des suites concrètes : on laisse entendre (Libération)
que Matignon pourrait s’en servir pour partir en guerre contre la
couverture maladie universelle ; le RMI ; le PPE....

Sur cette question du monde du travail, bon entretien du Monde avec
Christophe Dejours, auteur de "Souffrance en France" (Seuil, 1998). Il
montre bien la pénibilité croissante de la vie à l’entreprise, la "peur"
sous toutes ses formes, et la necessité de " reconstituer les
solidarités" à l’entreprise.

5) Intelligentsia : le débat sur " les réacs" continue, tend même à
s’amplifier. La télé s’en empare ; au dela des péripéties, on retrouve là
une idée contenue dans le livre de G Desportes et L Mauduit sur
l’expérience Jospin : " /L’échec de la gauche va très au-delà d’une
débâcle électorale puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’une défaite de la
pensée... La gauche ne pense plus ni le monde ni elle même"./

Discrédit de Blandine Kriegel, devenue "la tête de turc" des cinéastes
et de la presse de gauche.

6) Mise en scène de l’entrée au Panthéon de Dumas ; consensus et
unanimisme apparent avec des discours divergents cependant : Le Monde
donne une lecture de "gauche" ( Petit fils d’esclave, fils d’un mulâtre,
général républicain, limogé par Napoléon"), en partie reprise par
Chirac ; Le Figaro identifie Dumas et Chirac et JM Rouart écrit" Dumas a
contre lui dans une époque démocratique standardisée, normalisée, d’être
un de ces nouveaux réactionnaires, lui qui se pourlèche les babines en
imaginant ses héros dans la délicieuse France injuste de l’Ancien régime".

7) Social démocratie européenne. A nouveau le profil bas. Après les
élections suèdoises et allemandes, on reparlait volontiers d’un nouveau
départ de la social démocratie en Europe ; le ton a nettement changé avec
les élections en Autriche, les difficultés croissantes de Schröder et
les conflits sociaux durs en Grande Bretagne

8) Sexisme : une manifestation est prévue à Vitry, cité Balzac, sur le
lieu du crime, avec pose de plaque, le dimanche 15 décembre, 11h.

9) Idées radicales : Concluant une série de sept papiers sur
l’idéologie radicale, Philippe Corcuff (déjà cité) synthétise sa
recherche dans un papier de Charlie Hebdo du 4/12, p.11 ; il énumère une
série de pistes tant du côté des outils d’analyse du monde que du côté
de l’alternative politique.

> *comment analyser nos société ?* 1) faire son deuil de la prétention à
saisir le tout, le système ; comprendre les tendances globales, les
différentes formes d’aliénation. 2) tenir compte du processus
incontournable de l’individualisation. 3) Analyser au niveau
international. 4) tenir compte des médias sans les diaboliser. 5) le
renouveau de la critique sociale ne peut se passer d’un effort
d’auto-analyse de critique des nouveaux militants.

*> du côté du projet politique ?* 1) la vieille opposition de la Reforme
et de la Revolution est caduque ; il faut éviter à la fois l’absorption
dans les institutions et l’oubli des institutions.. 2) Expérimentation,
dialectique de l’essai et de l’erreur, caractère discutable et révisable
des politiques menées. 3) les partis politiques ont un rôle important à
jouer en relation et en tension avec les mouvements sociaux ; réinventer
la politique, pluralité d’institutions nouvelles ?

" La nouvelle gauche radicale doit faire face aux défis de la
compléxité, de la pluralité, de l’incertitude et donc de sa propre
fragilité, sans cesser pour autant d’être radicale, c’est à dire de
prendre les choses à la racine et de s’efforcer de les transformer
profondément".

10) Partis

PS : retour médiatisé de Jospin ; toujours cette même bonne conscience ;
voir le portrait dans Le Monde du 5/12.

Dans le cadre de la préparation du prochain congrès, on parle d’une
convergence Hollande (sur la stratégie)/Secrétaires fédéraux (sur
l’organisation).

Selon Le Figaro du 30, les réunions aussi bien du courant Emmanuelli que
Montebourg feraient salle pleine.

L’idée d’une "motion radicale" présentée par les Radicaux de gauche au
congrès socialiste est dans l’air.

Le PS et le mouvement social : cf Le monde du 30/11.

Verts : quatre grands courants dans la perspective du congrès. Lipietz en
tête (près de 30%), une progression moins forte que prévu cependant ;
ensuite trois courants d’importance à peu près égale : Mamère/Voynet ; les
écologistes pur sucre ; les "rénovateurs".

UMP : tensions vives et persistantes à la tête de la machinerie unitaire
de la droite entre Sarkozy et Juppé. Une machine à perdre où la droite
est experte ; pour l’heure, c’est Raffarin le pondéré qui en profite.

Recherche d’un candidat UMP au profil " bobo de droite" pour la mairie
de Paris comme ministres Aillagon ou villepin

Chevènement : Congrès du "Pôle Républicain" les 25 et 26 janvier à Saint
Pol Sur Mer (Nord).

Parti des Travailleurs : leur XIe congrès les 25/26 janvier ; 6100
adhérents ( + 800 en 2002).

Attac : 30 000 adhérents 230 comités locaux, 40 structures à l’étranger.
Nombreux commentaires sur son caractère ultra-centralisé ; les médias ont
surtout retenu les critiques contre la gauche ; sensibilités
chevènementistes de B Cassen maintenu à la tête du secteur international
en expansion. Cassen a sorti " Tout sur Attac" au Seuil.

Le Figaro parle à ce propos " du retour des stals"...

/Communisme/. Le spectacle de la Colline, " Avanti !", parle beaucoup du
communisme : un montage de textes de Gramcsi, Pasolini, Negri. Mise en
scène et adaptation de Barbara Nicolier.

A noter la sortie de "Gabriel Péri. La double loyauté" de R Montdargent
au "Temps des cerises".

*Mouvements des idées*

*Note n°15 ( 13/12/02)*

1) Idéologie. En tête des recettes de la nouvelle équipe
gouvernementale, figure la consigne : écarter tout débat idéologique.
Dans son discours de politique générale début juillet, Raffarin
présentait ainsi son programme : " Ce n’est pas de l’idéologie".
Rebelotte à l’émission de France 2 fin septembre, sur les 35h par
exemple : " Ce n’est pas de l’idéologie". Les ministres n’ont que cette
formule à la bouche à tout bout de champ. Ce gouvernement déploie une
ligne libérale pure sucre mais il ne faut pas que cela soit dit ! Déjà
dans le manifeste de l’UMP, le mot même de "libéralisme" avait été
purement et simplement banni. Le pouvoir biaise avec le débat d’idées,
joue le "pragmatisme", le maître-mot ; il avance masqué, discret. Bon
édito intérieur du Monde à ce propos le 8/12.

Du même coup c’est aussi souvent une politique du fait accompli, sans
débat, sans concertation.

A propos de libéralisme, retenir cette considération judicieuse de
l’économiste libéral Maurice Allais dans "Le Figaro" du 11/12 : /"
Comment la nouvelle doctrine du libre-échangisme mondialiste a-t-elle pu
s’imposer alors qu’en réalité elle n’a entraîné que désordres et misères
dans le monde entier ? Il y a sans doute à cela trois raisons
essentielles : un enseignement erroné dans toutes les universités du
monde, une funeste confusion entre libéralisme et "laisser-fairisme", la
domination des multinationales américaines"/.!

2) Méthode gouvernementale. En déplacement à Londres, donc plus libre
de ses propos, JF Copé a eu ce mot : " La stratégie du gouvernement
Raffarin est d’essayer de ne jamais être là où notre adversaire de
gauche nous attend". Il explique ainsi qu’il ne compte pas toucher
frontalement l’ISF - encore moins se livrer à une guerre idéologique-
mais qu’il va multiplier les initiatives pour montrer que
l"’attractivité du territoire" est en cause ( autrement dit, pour
l’améliorer il faudra toucher à l’Isf mais de manière pragmatique...).
Le ministre Dutreil appelle d’ailleurs l’ISF : " Impôt de sortie de
France". On comprend mieux l’écho donné ces dernières semaines à divers
rapports (étrangers) sur la(non) attractivité française.

Il faut que la réforme soit "acceptable" par la société, répète Raffarin.

3) Administration d’entreprise. Un an après la faillite d’Enrom, rien
n’a changé dans les directions d’entreprises. On a pourtant beaucoup
parlé d’instances de contrôle, d’autorégulation, de nouvelle éthique ;
des rapports ont été publiés. "Beaucoup de bruit pour rien" dit La
Tribune qui remarque que le fonctionnement des conseils d’administration
est inchangé, même consanguinité, même profil, même concentration. Le
journal s’inquiète de ce "constat consternant". Faut bouger, dit-il, "
sinon cela ne manquera pas de nourrir les arguments de ceux, déjà
nombreux, qui plaident pour plus de régulation et d’interventionnisme
étatique".

Le numéro de décembre de "Le Monde/Initiatives" consacre
significativement son dossier au sujet : " La tentation mafieuse du
capitalisme".

De son côté le patron de la COB sort un livre à la gloire du marché "
Homme de marché" (éd Economika).

4) Capitalisme. L’argument majeur des tenants du capitalisme consiste
à saluer son "efficacité". "Ca marche" dirait Raffarin. Ce discours
suppose que l’on soit discret sur les symptômes de crise (économique et
autre). On remarquera d’ailleurs que la question économique a été
finalement escamotée lors des campagnes électorales française ou
américaine. Mais retour à la réalité avec le changement d’équipe
économique à la Maison blanche par exemple ; dans les rares commentaires
sur cet événement, on note que le risque de récession aux USA est
sérieux, que le chomage s’aggrave fortement ( Le Figaro parle de l’"
indice des offres d’emploi au plus bas depuis 1964").

Confirmation par ailleurs de l’image dégradée de l’Amérique ( vague
d’anti-américanisme notée dans un sondage opéré dans près de cinquante
pays).

5) Centre, ultra centre, extrême centre. Le centre est à l’honneur.
Dans un papier bilan du premier semestre de Chirac, Jean d’Ormesson dans
le Figaro salue (et détaille longuement) la ligne "centriste" du
Président.( A sa manière, jouant du repoussoir lepeniste, Sarkozy sur la
2 s’est présenté comme l’incarnation d’une droite "centrée").

Bayrou s’affiche avec Delors à un colloque européiste et laisse parler
de rapprochement possible PS-UDF. La partielle des Yvelines défraie la
chronique : le "rocardo-centriste" Blanc bat le candidat UMP.

Le paradoxe est que si la droite joue (invoque, parle) au centre, ce
centre est très à droite. L’affaire Blanc par exemple a fait du bruit ;
elle participe de la crise de la politique ( refus des "appareils", des
lignes "caporalisées"...) ; elle contrarie l’hégémonisme de l’Ump et
l’arrogance de Juppé. On a peut être moins remarqué que l’offensive de
ce blairo-rocardo-bayrouiste se situe à droite de la ligne officielle du
gouvernement ; Blanc défend des positions outrancièment libérales,
mettant carrément en cause toute la fonction publique par exemple.
Propos personnels ou nouvelle ligne de l’UDF ? L’élection de Blanc
sera-t-elle entendue comme un encouragement à accélérer les "réformes"
libérales ?

6) Féminisme : Sortie du livre " La mixité au travail" ( La Dispute) de
la sociologue et universitaire Sabine Fortino ; un tableau plutôt dur des
femmes dirigeantes qui, selon elle, ne seraient guère féministes.

Rappel des chiffres sur la "violence conjugale" : six morts par mois ; une
femme sur 10 concernée.

7) Plutôt bons échos au rapport de Catherine Clément sur la culture à
la télévision
. Contraste saisissant avec Blandine Kriegel. C Clément se
propose de rendre à la culture sur les chaînes de la télé publique la
place qu’elle a perdue au fil des années sous la pression de l’audimat
et des contraintes commerciales. Suggère que le service public de
l’audiovisuel soit reconnu par la Constitution comme "un devoir d’Etat".

8) Aron : le retour. Alors que le débat sur les "nouveaux réacs"
continue, confirmant à la fois un glissement à droite avérée et un
réarmement de l’intelligentsia social démocrate, forte relance des
oeuvres de R Aron : publication d’inédits ( " Le marxisme de Marx" chez
De Fallois) ; dossier du Figaro Littéraire ; articles divers. Comme une
envie de revanche dans tous ces papiers, sur Marx, Sartre, 68, comme un
désir de (re)fonder un libéralisme à la française.

A propos du débat d’idées en France, Sollers parle de "Pensée, année
zéro" (Le Monde, 13/12).

9) Europe : le gouvernement entamerait une série de forums dans les
régions sur l’enjeu européen en prévision de "2004, grand rendez vous
populaire, d’une manière ou d’une autre, sur les questions européennes".
On tire la leçon des réunions élitistes et formelles tenues sur la
décentralisation ; des exposés plus courts, des petits films, des
micro-trottoirs, des échanges avec la salle. Des thèmes retenus : Europe
sociale ; Europe de la sécurité ; développement ; culture ; éducation ;
environnement.

Il s’agit, dit-on, de ne pas répéter l’affaire du référendum baclé en
Irlande. Premier forum à Orléans devant 500 personnes.

A noter les sorties de Raffarin contre la politique de"rigueur" et
d’austérité du social démocrate Schröder.

10) Partis

UMP

Guerre des places entre les équipes Juppé et Sarkozy pour la haute
administration. Nombreux articles sur les nominations politiques (UMP,
UDF) dans l’appareil d’Etat ( les rectorats par exemple, Le Monde du 13/12).

PS : Seuls 7% de sondés attendent (espèrent) un gauchissement de ce
parti. De leur côté, les animateurs du courant " Nouveau Monde" se
défendent de vouloir mettre " la barre à gauche toute".

Fabius a droit dans le JDD d’une longue chronique pour commenter et
accompagner la manifestation des enseignants à Paris (?).

Le courant Montebourg (qui surfe sur une vague anti-direction,
anti-éléphants, organise une Mutu le 1er février.

Réunion-bilan dimanche 15/12 sur le débat des militants et les "cahiers
fédéraux" ; on parle de 5000 réunions.

PC : l’article d’A Le Pors dans "Géopolitique" de décembre : " Que
reste-t-il du communisme ?"

42% des sondés communistes se disent sensibles/conquis par l’action de
Sarkozy.

L.O. : a tenu son 32è congrès, en catimini, comme d’habitude, les 7 et 8
décembre dernier. Une question a notamment retenu l’attention, celui de
la position de cette formation au second tour de la présidentielle ; une
position soutenue par l’unanimité du congrès, dit le communiqué de
presse. LO prépare une demi douzaine de meetings avec Laguiller d’ici
l’été dans de grandes villes ; plusieurs campagnes d’affiches sur les
questions sociales.

Besancenot : papier complaisant, obséquieux du Nouvel Observateur
consacré à la diva de la LCR. Un vrai culte ! (5/12). Besancenot prépare
( avec Sabbado) un livre chez Flammarion : " Révolution. Cent mots pour
changer le monde".

LCR : place accordée par "Rouge" ( 21 nov) à la rencontre des PC et des
goupes trotskistes d’Europe à Florence début novembre à l’initiative de
Refondation. Conclusion : " De nouvelles générations liées au mouvement
antiglobalisation vont constituer le centre de gravité d’une
réorganisation d’un mouvement social".

Front National : congrès 19/21 avril à Nice

*Mouvements des idées*

*Note n°16 ( 20/12/02)*

1) 2003 : L’économie et le social. Présentant son programme 2003 lors
de l’inauguration des locaux de l’UMP, JP Raffarin a laissé entendre
qu’après une année 2002 consacrée à la sécurité, 2003 va porter sur
l’économie ( " la sécurité économique et sociale") et le social ( " le
système social aujourd’hui est menacé" ( au passage on appréciera la
formule). Cette double orientation (+ l’Europe) devrait être aussi les
axes de campagne de l’UMP.

2) Economisme. Une pseudo expertise économique se retrouve dans tous
les discours libéraux ou socio-libéraux et permet d’asseoir le fatalisme
ambiant. Comment reprendre l’offensive sur ce sujet ? Au sein même des
libéraux, des gens comme Allais s’alarment (au nom d’une conception
puriste du libéralisme) du n’importe-quoi qui tient lieu de discours
économique aujourd’hui (ramené à un simple laisser faire) ; paraît aussi
un livre très critique de Jacques Sapir, " Les économistes contre la
démocratie" (Albin Michel) qui se moque de "l’expertise" économique,
critique la démission des politiques face à ce discours expert, attaque
" l’économie dominante qui enferme le citoyen dans un espace qui
n’aurait d’autres bornes que la technique et la compassion", les "
agences indépendantes" (FMI, OMC) et s’inquiète d’un "reflux
antidémocratique, hostile à toute forme de souveraineté populaire".

3) Le programme de Stéphane Rozes. Concluant dans "Politis" une série
d’interventions sur les liens entre politique et mouvement social,
Stéphane Rozes (12/12) " invite la gauche à satisfaire la demande
sociale qui lie démocratie politique et sociale". Il pointe trois
principes : 1) *Conquérir dans l’entreprise un pouvoir dans les lieux de
décision* des groupes et entreprises ; 2) *Sécuriser les salariés,*
valoriser le capital professionnel, culturel, intellectuel des salariés
que la collectvité a investi en eux ; 3) *Pérenniser* : " Les citoyens
souhaitent remettre les logiques humaines au coeur de l’économie et de
la société ; leurs représentants doivent pouvoir faire prévaloir les
intérêts à moyen et à long terme de la collectivité sur les logiques
financières de court terme".

4) On peut s’attendre ces prochains mois à la relance du débat sur la
valeur "Travail" et sa place dans la société. Raffarin a commandé, on
le sait, pour le printemps un rapport au CES sur la question. Histoire
entre autres d’en remettre une couche contre les 35 heures...Dans le
même temps au PS, le courant"Utopia" s’élève contre la trop grande place
accordée aujourd’hui au "travail" dans la société et dans le projet du
PS. Ce courant se réclame des travaux de la sociologue D Méda. C’est
oublier que Méda, en dernière instance, estime que le travail, pour très
longtemps encore, va structurer la place sociale ( et l’emploi du temps)
des femmes et des hommes.

5) Souffrance ouvrière. Bon film documentaire de Laurent Hasse, " Sur
les cendres du vieux monde" : un reportage en Lorraine, Hayange, parmi
les ouvriers ( chez les 30/40 ans) ; tableau assez terrible où l’on
mesure la *tyrannie d’un langage économique basique et fataliste
interiorisé par tous (rentabilité, mondialisation)*, l’impuissance du
politique ( une séquence avec le ministre Pierret, passé depuis au
privé), la faiblesse des liens de solidarité même s’ils persistent.
Tourné avant les élections de 2002 mais le phénomène Le Pen est
perceptible. Le film est passé sur Arte l’an passé ; il circule avec un
certain succès dans les salles Art et essai.

6) PS : les experts poussent au centre. Page "Analyse" du Monde du16/12
très significative. Sur une demi-page, Jérôme Jaffré, revenant sur le
sondage Ipsos/Figaro/France2 sur les aspirations de la gauche, part du
positionnement très centriste des électeurs PS (17% se disent
anticapitaliste) pour combattre toute idée de solution dans un "tournant
à gauche" et ré-installer une ligne sociale-libérale, conforme à l’air
du temps, notamment sur le tryptique sécurité/autorité/éducation de
qualité. La question n’est pas de tourner à gauche, dit-il, mais d’être
"visible" face à la droite...

Parlant des alliances du PS, Jaffré n’envisage que la question des
Verts ; il n’aborde pas le thème de l’abstention.

Sur l’autre demi-page, le médiateur du journal, face à de nombreuses
critiques de lecteurs, doit justifier la place accordée par ce journal
aux questions touchant l’argent et le luxe ; son argument : "Parmi les
quelque 2 164 000 lecteurs recensés, 567 000 appartiennent à la tranche
des hauts revenus, supérieurs à 50 000 euros net par an et par foyer".

7) Droite/extrême droite : Très attentif à son image, très "pro" de la
communication nous dit-on, qu’a voulu faire Raffarin en se livrant
dimanche 15 à une incroyable confession publique à l’émission "7 à 8"
sur TF1 ? Au delà de l’image d’un homme-comme-tout-le-monde, il y eut
cette insistance sur sa foi religieuse, sa vénération pour soeur
Emmanuelle (?), ses racines chretiennes.Un discours très vieille France
conservatrice, très réac, très moisi, quasi Vichyste (?). On retrouvait
là le chouchou de Mme Chirac ( à noter la nomination du secrétaire de
cette Dame, Bernard Niquet, au poste de préfet des Yvelines).

Outre l’agitation sarkozienne ( à ce propos, la popularité de ce dernier
semble tenir à une double illusion : il donne le sentiment d’affronter la
question -proche à chacun s’il en est- de la sécurité ; il semble
réhabiliter l’image de l’homme politique qui "fait", qui "agit",
contrariant l’image si forte de l’impuissance du politique), on retrouve
là aussi peut-être un de ces gestes de la droite en direction de
l’extrême droite. Dans les nominations ou les décorations par exemple.
Tel nouveau recteur nommé par Ferry est l’ancien secrétaire général du
très ultra Club de l’Horloge ; Chirac décore un ancien acteur éminent du
putsch d’Alger.

8) Rouge : révélation de la presse cette semaine : caracole en tête du
hit parade des variétés italiennes un disque (Il fischio del vapore)
reprenant les grandes chansons rouges du patrimoine révolutionnaire de
ce pays ( avec Francesco de Gregori et Giovanna Marinu). En France même
le groupe Zebda connait le succès que l’on sait sur ce terrain ; des
projets de reprises de chansons rouges françaises circulent. Nostalgie,
ressourcement, relance ?

9) Droits-de-l’hommisme. Emportée par son élan, Sarkozy ( et la
droite) est partie en guerre contre " le droit-de-l’hommisme". Cette
attitude ne fait pas l’unanimité à droite. Attention, danger, crie par
exemple Guy Sorman dans Le Figaro (17/12). Bien sûr le terme vise à
caricaturer les "bobos" ; mais cette nuance " est trop subtile pour être
perçu par le grand nombre.(...) Abandonner les Droits de l’Homme à la
gauche pour des motifs aussi circonstantiels conduirait la droite à un
suicide philosophique d’abord, politique ensuite". Opposer une gauche
morale à une droite efficace est dangereux - pour la droite. Sorman
trouve que ce serait d’autant plus idiot que la gauche, plombée par sa
pratique gouvernementale, avait perdu ses titres de propriété sur ce
thème des droits de l’homme. Contrarié, il conclut son papier en
estimant que " pour des clercs ( comme lui), la seule posture qui vaille
(à l’égard du gouvernement) est évidemment celle du soutien critique".

10) Partis

UMP : inauguration du nouveau siège, 55 rue de la Boétie (8è) ; 4800 m2,
sept étages, 120 permanents déclarés. Juppé a annoncé trois débats
nationaux pour son parti début 2003 : les retraites ; l’attractivité de la
France ; les élections européennes.

On parle de M Alliot-Marie comme possible tête de liste UMP aux européennes.

Une fraction "ultralibérale" fait en permanence de l’UMP entendre son
insatisfaction sur le rythme trop lent des réformes.

PS : Quelques novations proposées par Hollande en matière d’organisation
du PS : création d’un secrétariat national aux adhésions ("au
développement du parti") ; renouvellement d’un tiers des membres du CN à
chaque congrès ; conférence militante annuelle chargée d’arrêter les
orientations ; obligation pour tout adhérent d’adhérer aussi à un
syndicat ou une association.

Disparition du concept de "réformisme de gauche".

Enquête ( Le Monde, 17/12) sur les nouveaux adhérents du PS, ceux de
l’après 21 avril, dite la génération "remords" (de n’avoir pas voté
Jospin !).

Ce parti dénonce de plus en plus fort "l’Etat UMP" ; il est vrai que
l’accumulation de nominations de gens de droite dans la haute
administration ces derniers mois commence à faire ; peut-être envisager
un document récapitulant cette main mise ( Raffarin se défend en disant
qu’il a aussi nommé des gens de l’équipe à Jospin...).

Verts : statu quo jusqu’au 11 janvier. Illustre à la caricature
l’incapacité de ce courant à se transformer en parti politique. Alors
même (Voir l’étude Pannel électoral 2002) que 10% des électeurs citent
les Verts comme leur formation politique préférée. Image épouvantable
confortée de ce parti dans les médias ( lire " Les khverts" de P.
George, Le Monde, 17/12).

Le bazar vert donne à Hollande l’envie de cannibaliser l’écologie ;
"hégémonisme" peste Dray !

Alliance à gauche : cette question commence à donner lieu sinon à des
analyses du moins à des mots ici ou là. Hollande parle de "contrat",
Julien Dray parle de "charte, des états généraux, des comités locaux
d’action, des rendez vous nationaux réguliers de tous les acteurs du
changement" pour "une coalition arc en ciel" (Libération, 17/12).



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