2005 (1er trimestre)

*Mouvement des idées*
Note n°96 (5/1/05)*

1.
2004, la catastrophe, le risque, la solidarité

Sondage BVA-France3-JDD du 26 décembre sur les principaux événements de
2004 : les Français ont conservé des images particulièrement
dramatiques, atroces : au sept premiers rangs, on trouve les otages en
Ossetie ; les otages en Irak ; l’élection de Bush ( !) ; les attentats
de Madrid ; la crise en Côte d’Ivoire ; le procès d’Outreau ; les
profanations antisémites ; la mort d’Arafat.
Les « bonnes » nouvelles arrivent loin derrière. Les débats politiciens
( genre arrivée de Sarkozy) sont quasiment ignorés.
On retiendra donc le profond sentiment d’insécurité qui reste de cette
année 2004 que le drame en Asie du Sud Est amplifie.
Le commentateur du sondage voit dans les faits « positifs » retenus par
les sondés ( les JO, le film Les Choristes) « une demande profonde :
racine, nostalgie, morale, action positive ».
Ce catastrophisme est depuis quelques années recyclé par l’idéologie
libérale qui surfe sur le thème du « risque », sujet de prédilection du
Medef, dont on voit les avantages : le risque, c’est la vie, il n’y a
pas d’acquis, tout est précaire, incertain, les protections sont
éphémères, etc…
Pour nuancer (un peu) ce tableau, les valeurs de solidarité, d’entraide
se manifestent également avec force : voir l’ampleur prise par la
campagnes actuelle en faveur des pays de l’océan indien.
Bon papier du philosophe Michel Serres in Le Figaro du 31/12 sur « la
création d’une opinion publique mondiale » et « la mondialisation de la
solidarité ».

2)Creusement des inégalités

Ce thème revient beaucoup dans le débat public. On retiendra notamment
le papier du journaliste Louis Maurin de « l’observatoire des inégalités
 » in Libération du 20/12 sur « le creusement des inégalités » ;
l’entretien avec JL Bernard, président du Comité inter-associations sur
la santé in Le Monde du 19/12 sur santé et aggravation des inégalités.
Et l’étude des chercheurs du BIP40 in Le Point du 16/12 sur
l’aggravation de la fracture sociale.
Un thème qui inquiète la droite ; de premiers contre-feux apparaissent.
Ainsi Jacques Marseille, l’économiste libéral par excellence, le gourou
de Raffarin, l’auteur d’un livre hagiographique sur les de Wendel se
casse d’une longue tribune dans Le Figaro du 3/1 réfutant l’idée que « 
les inégalités se creusent » ; il regrette cette sensibilité française
au thème du riche…, dit que les choses s’améliorent et que c’est bien
pire aux Etats-Unis…

3)Retour de la question salariale

A lire l’entretien dans Libération du 25/12 de l’ « expert » Philippe
Célis qui constate le retour de la question salariale dans nombre de
conflits en cours :HetM, Lesieur, Total, Elcobrandt, les routiers, la
fonction publique, les services, le secteur bancaire, la grande
distribution.
« Le cocktail est explosif » pour F. Blanche de la Cgt.
Conséquence à la fois des dégradations des conditions de travail, du
coût de la vie et du chantage aux 35heures : « Si on travaille plus, il
faut payer plus ».
Mais « la culture de crise » freine les revendications . Conclusion de
Célis : le pouvoir a « intérêt à ne pas trop parler de reprise s’il ne
veut pas ouvrir un boulevard aux revendications ».

4)Anticapitalisme : un documentaire décapant

Gros dossiers de presse sur « The corporation » à l’occasion de la
sortie en salle de ce documentaire ( plus de deux heures) ; un pamphlet
contre les ravages de l’entreprise privée (arbitraire, surexploitation
du Sud, pollution) concocté par les « radicaux » américains et commenté
par l’équipe Noam Chomsky, Naomi Klein et Michael Moore.
Le Figaro compare la tiédeur des « catéchismes » anti-patrons ici et la
virulence de ton des Américains : « Le paradoxe n’est pas nouveau. C’est
souvent chez nous que les intellectuels nord-américains
s’approvisionnent en idées sociales mais ils mettent au service de ces
thèses une force de frappe artistique et médiatique dont nous restons
incapables ».
Ce docu a déjà remporté 22 prix !

5)La mal info

Apparition d’un terme qui pourrait connaître un bel avenir, celui de
mal-info, comme on parle de mal-bouffe
Dossier du Monde daté du 24/12 à partir du travail de L’Observatoire du
débat public.
Montre comment les Français ont « une lecture bricolée de la réalité »,
conduisant à des contresens et des confusions.
En même temps les gens sont nombreux à se sentir « manipulés », ne sont
pas passifs et cherchent les meilleures sources.
Thème relancé dans Libération du 3/1.

6)Meurtre de deux inspecteurs du travail

Gérard Filoche, inspecteur du travail lui-même et animateur de la Gauche
socialiste, revient dans un ouvrage « On achève bien les inspecteurs du
travail » sur le double crime, début septembre, en Dordogne,
d’inspecteurs par un patron. Il montre comment pouvoir et médias ont
transformé ce meurtre en « fait divers », comment ils ont présenté le
meurtrier comme un pauvre paysan désespéré alors qu’il s’agit d’un
ancien militaire, plutôt aisé et très déterminé. Une affaire qui résonne
comme une allégorie de l’effacement de la question sociale.

7)Visibilité des possédants

la classe ouvrière n’existe plus : la preuve, on ne la voit quasiment
plus représentée, dans l’art, l’histoire, les médias… On ne peut en dire
autant de la classe possèdante. Par exemple ces dernières semaines les
De Wendel sont partoiut à l’honneur, un livre d’histoire à leur gloire
signé par l’économiste J. Marseille, une grande exposition au Musée
d’Orsay ( sans nuances critiques doit même dire Le Monde du 3 /1 qui
écrit »le grand absent de cette exposition est le monde du travail »),
un film sur FR3, etc…
On peut aussi s’interroger sur la « visibilité » d’un Giscard d’Estaing=
la Constitution européenne, le Conseil Constitutionnel, l’Académie
française. Comme une provocante affirmation d’un pouvoir inchangé.

8)Gestion capitaliste en crise

Long papier d’Yves Kerdrel dans Les Echos du 3/1 intitulé « Le coup de
blues des patrons ». Un article à la gloire du haut patronat mais qui
montre en passant la crise de la gestion capitaliste aujourd’hui,
marquée d’un côté par la tyrannie de la finance : « La durée moyenne de
détention des fonds de pension est passée au cours des dix dernières
années de sept ans à sept mois » ( !) ; et d’un autre côté la profonde
démotivation, démobilisation de l’encadrement : « les cadres dont les
dirigeants d’entreprise avaient fait depuis des décennies leur principal
soutien se sont volatilisés . (…) L’encadrement a volé en éclats,
décimé, miné, accablé ».
Ce thème du détachement des cadres, soldats fidèles de l’entreprise
jusque là, revient souvent dans la presse économique.

9)Abstention renforcée

Enquête de l’INSEE ( Le Monde, 4/1) sur les élections de 2004 qui
montrerait, sur 2002, une abstention aggravée, un électeur sur quatre
boudant systématiquement les urnes. « Ce noyau dur de l’abstention dite
d’exclusion concerne davantage les classes populaires et les personnes
les moins instruites ».

10) Partis

Du baromètre Sofres-Figaro Magazine de janvier on retiendra la forte
avancée de Bayrou ( et de l’UDF), interprétée comme une prime à droite
pour ses positions anti-turques…

Ump :selon canal ipsos du 20 décembre, l’ump profiterait de la dynamique
de l’arrivée de Sarkozy et regagnerait en popularité

PS : campagne de presse tressant des louanges ( et frisant le culte,
dans certaines chroniques du Monde) à Hollande, l’homme de l’année 2004 !
Position socialiste face à l’Europe analysée dans plusieurs documents ;
voir l’historien Robert Franck dans libé du 18/12 ; et un universitaire
socialiste in Politis du 16/12 .

Eglise : des portraits complaisants de l’archevêque de Lyon, Barbarin,
baptisé « le Sarko de l’Eglise » ! Dans son livre, le patron de l’UMP en
dit d’ailleurs le plus grand bien…

LO : interview de Laguiller dans Le Monde du 11/12 sur l’Europe.

CFDT : campagne de recrutement en 2005, cf Le Monde 28/12

Confrontations : Les Echos du 4/1 dit que l’officine de Philippe Herzog est « 
devenu incontournable » à Bruxelles.

*Mouvement des idées*
*Note n°97 (12/1/05)*

1)L’Etat, l’industrie et les libéraux

Les voeux présidentiels évoquant une relance de la « politique
industrielle » de la France suscite au sein de la droite un débat sur le
rôle (retrouvé ?) de l’Etat. La frange libérale est très remontée contre
cette idéologie « étatiste » et ces projets Voir par exemple la tribune
de l’ économiste Pascal Salin, « Un attristant retour », in Le Figaro du
10/1. Les chiraquiens ripostent en défendant « l’action publique » et
notent que « tous nos concurrents mettent l’argent et l’action publics
au service des entreprises nationales » ( (député UMP Carayon, 11/1).
Le Monde ironise sur la posture de Chirac, « le capitalisme bonapartiste
 » (Laurent Mauduit, 11/1) : il se demande si « les années Pompidou sont
de retour » mais en doute.

2)Asie du Sud, solidarité, suites

Des commentaires pertinents continuent de s’écrire sur la vague de
solidarité suscitée par le séisme en Asie. Notamment ceux de
DominiqueWolton (Figaro du 10/1)qui parle de « fantastique besoin de
solidarité…à méditer pour les politiques », de « sentiment profond, de
prise de conscience des inégalités sociales dans le monde, un mécanisme
qui était certainement en mouvement depuis plusieurs années et qui
attendait une étincelle pour se déclencher. C’est une manifestation de « 
l’autre mondialisation » liée à la solidarité et non à la puissance ».
Au passage il réfute la notion d’opinion publique mondiale : « Il y a
des opinions publiques nationales ».
Wolton est l’auteur de « L’autre mondialisation » chez Flammarion.
Voir aussi l’entretien avec le sociologue Denis Duclos in Le Nouvel
Observateur du 5/1.
On notera aussi l’effort des entreprises et du patronat pour récupérer à
leur profit cette solidarité, utilisant leur aide en terme d’image et de
communication.

3)Déclinistes et antidéclinistes

Le débat sur le déclin français, lancé par la droite (Baverez) en 2003,
est recyclé aux conditions de 2005. On le retrouve dans quantité
d’éditoriaux et de commentaires de droite ou de gauche. Son
instrumentalisation est double. D’un côté, le déclin (remis au goût du
jour par le rapport Camdessus) sert à justifier les « réformes »
libérales, nécessaires pour sortir de la régression. Ce discours est en
partie repris à gauche, par exemple par l’éditorial de J. Julliard dans
Le Nouvel Obs du 6/1 intitulé « Notre pays stagne : c’est ennuyeux. De
plus, il s’en fout : c’est grave ».
Ce débat est aussi utilisé par les « européistes » : les « déclinistes »
sont les partisans du NON à la Constitution européenne, les militants du
OUI étant logiquement « antidéclinistes » et modernes. C’est le thème de
l’édito d’Alain Duhamel dans Libération du 5/1. « Les idéologues qui
présentent la France comme un objet politique en chute libre ont gagné
l’an passé la bataille du climat psychologique ». Il dit des communistes
 : « Les communistes maudissent la société et cherchent des recettes chez
des prophètes cruellement démentis »( !).

4)Etat de l’opinion

Plusieurs sondages et enquêtes qui confirment un moral bas.
« Ouest France » du 2/1 tente d’euphoriser les choses parlant de
Français « raisonnablement optimistes », avec 58% de réponses positives
concernant l’avenir. A noter cette curiosité : les plus optimistes
seriant l’extrême gauche et l’UDF, les plus réservés le FN et le PCF…
Le gouvernement ne recueille de bons résultats que sur deux sujets : la
lutte contre l’insécurité et celle contre le racisme. Mais la confiance
chute « dès qu’on aborde les questions économiques et sociales ».
Même scepticisme concernant l’enquête INSEE (6/1) sur les ménages ;
l’étude montre la dégradation du moral des ménages et parle de « 
décalage de plus en plus grand entre l’optimisme gouvernemental et le
pessimisme des Français ».
La même enquête montre qu’en près de 30 ans, de 1975 à 2002, il y a deux
fois plus de ménages sans emploi ; la part des familles dont aucun
membre n’exerce de métier a doublé, passant de 6 à 12%.
Pour l’anecdote, on regardera le « top-ifop-jdd »(9/1) des 5o Français
préférés ; très show-biz et consensuel, genre Abbé Pierre hier, Zidane
aujourd’hui. Seules figures politiques : Chirac (32), Sarkozy (45),
Ségolène Royal (48), sans oublier Kouchner (20) et Simone Weil (22).

5)Multinationales : carte de visite

A noter l’ouvrage « Multinationales 2005, enquête sur les
multinationales de W. Bouvais et D. Garcia, éditions Danger Public. Un
guide sous forme de fiches des 50 plus grandes firmes. Auteurs de
sensibilité altermondialiste. Préface du redac chef d’Alternatives
économiques, qui cite Schumpeter pour lequel le monopole est souvent
plus efficace que la concurrence et cette loi s’appliquerait bien à
l’ère du « big business ».

6)Politique et société civile

Sortie des livres de Luc Ferry (Comment peut-on être ministre. Essai sur
la gouvernabilité des démocraties, chez Plon) et de Francis Mer (Vous
les politiques, Albin Michel). Sur leur expérience gouvernementale, la
politique, le pouvoir. Dossiers du Monde, de France Soir et des Echos du
11/1. Approche technocratique, antidémocratique, autoritaire, patronale
et libérale pour tout dire de Mer qui n’imagine le pouvoir qu’aux mains
des « compétents ».
Sensibilité « républicain de droite » de Ferry, observant « la relative
impuissance publique », le « très faible pouvoir des hommes politiques
 »,l’affaiblissement de l’Etat-nation dans la mondialisation : »Qui
contrôle les marchés financiers ou les délocalisations ? Personne en
vérité et les altermondialistes mettent le doigt sur un vrai problème ».

7)Histoire de l’altermondialisme

Parution aux éditions Flammarion de « L’altermondialisme en France, la
longue histoire d’une nouvelle cause » par un collectif d’universitaires
et de politologues. Il montre que l’altermondialisme s’est construit de
longue date à partir de traditions militantes différentes, critiques
marxistes, tiersmondisme, anarchisme, catholicisme social, syndicalisme
paysan…
Une nouveauté relative antérieure aux années 70.
Les auteurs montrent la fragilité du mouvement, son originalité aussi,
la dynamique des contre-sommets, le nouvel imaginaire de la
protestation, la singularité de « la construction sociale française ».

8)L’Eglise et la question sociale

Après l’évêque de Soissons, la cardinal archevêque de Marseille Bernard
Panafieu critique le pouvoir économique. Il signe un texte de défense
des salariés menacés par les plans sociaux et appelle à « une
insurrection de la solidarité humaine pour une vraie cohésion sociale ».
« Initiatives individuelles plus qu’offensive concertée, dit le Figaro,
ces deux prises de position manifestent en tout cas le malaise de
l’épiscopat français face au pouvoir économique ».

9)Grandes villes et recomposition de classe

A noter la convergence d’articles et d’études récents sur la
recomposition sociale des grandes villes, Paris notamment. Le coût du
logement, entre autres, chasse le « classes moyennes » ; restent face à
face les plus aisés et les plus démunis.

10) Partis

PS : nouveau calendrier de préparation du projet ; consultation des
Français de janvier à mars ; propositions d’avril à décembre.
Priorités affichées : éducation, recherche, environnement, logement,
ville, emploi.
Parle d’un « nouveau type d’adhérent, uniquement branchés sur le débat
autour du projet socialiste (des adhérents qui à l’arrivée n’auraient
pas le droit de vote sur le projet…).
Serait passé de 129500 adhérents (après avril 2002) à 120000.

Pluralisme : une première inquiétante de la part de l’IFOP et du JDD du
9/1. Rendant compte en « Une » d’un sondage sur les Français et la
baisse d’impôt, ils alignent dans un graphique les réponses de toutes
les familles politiques (PS,UDF,UMP,FN-MNR) oubliant le PCF.

UDF : congrès en janvier à Paris ; mettrait l’accent sur les salaires :
« Les fins de mois sont difficiles même pour les salariés moyens ».

LCR : papier de Besancenot sur Louise Michel, « rebelle éternelle », in
Libération du 7/1.

Camdessus : dossier ciblé contre cet expert libéral ( et social
chrétien) in Le Monde Diplomatique de janvier.

*Mouvement des idées*
*Note n°98 (19/1/05)*

1) Retour de la question salariale

Plusieurs dossiers significatifs sur la question salariale. Par exemple
« Pourquoi il faut augmenter les salaires » de Guillaume Duval in « 
Alternatives économiques » du 1^er décembre 2004. Il met fort en
évidence l’envol des profits, la baisse du pouvoir d’achat et la
stagnation de l’emploi.
Papier plus « prudent » in Le Monde du 18/1 « Faut-il augmenter les
salaires en 2005 ? ». résumé : le retour du profit rouvre le débat sur
les salaires. Des économistes trouvent la reprise fragile et l’opération
risquée, d’autres pensent que ça relancerait la consommation.
Aussi (nouvelle) forte sortie de Bayrou dans Le Parisien du 18 sur la
paupérisation et les bas salaires.

2)Angoisse sociale et résignation

La presse, qui a largement négligé le créneau social ces derniers mois (
l’international, les sujets de société – laïcité, immigration…, le sport
ont plus volontiers fait la Une en 2004) semble redécouvrir la question
sociale à l’occasion de cette semaine marquée par des mouvements divers.
A noter le rapport de synthèse des préfets, datant de décembre 2004,
mentionné par Le Monde du 19/1, faisant état d’angoisse sociale, de
résignation, d’atonie, de sinistrose … « Jamais les expressions pour
désigner le moral des Français n’ont été aussi empreintes de pessimisme ».
Un rapport à mettre en parallèle avec la récente étude sur
l’augmentation de l’abstention en 2004.

3)Crise du capitalisme

Papier du chroniqueur économique du Monde, Le Boucher, le 16/1,
intitulé « Le capitalisme mourra-t-il de la baisse tendancielle du taux
de motivation ». Sur la démotivation des salariés et des cadres en
particulier. Sur la mobilité et l’insécurité de l’emploi ( un jeune
américain entrant sur le marché du travail changera onze fois de job
dans sa vie active).
Sur le désenchantement, le désinvestissement. Sur la question salariale.
La souplesse aussi du capitalisme. Conclusion : « Il faut reconfigurer
sans tarder les systèmes sociaux pour que chacun soit individuellement
en mesure d’affronter le besoin de mobilité. Et comme ne l’a pas cru
Karl (Marx), le capitalisme acceptera. Pour sauver sa peau ».
Et sortie chez Gallimard du livre « L’avenir du capitalisme » de Jean
Luc Gréau. Ce dernier est un ancien collaborateur du MEDEF, qui eut en
charge les universités d’été de l’organisation. S’il note la vivacité du
capitalisme dans le monde, il montre aussi comment ce système est
frénétique, chaotique, générant des crises financières à répétition ;
les marchés boursiers sont prédateurs ; pour les salariés la
mondialisation égale « déflation salariale ». Propositions : restreindre
le libre-échange ; faire dépérir les matchés d’actions devenus « néfastes ».
A retenir cette phrase de l’historien Fernand Braudel : « Privilège du
petit nombre, le capitalisme est impensable sans la complicité active de
la société ». Et l’auteur de se demander si ‘un système économique peut
perdurer s’il n’arrive pas à convaincre la majorité sinon l’ensemble
d’une population ? »

4)Inégalités

Toujours de nombreux papiers sur le sujet
Notamment celui de Noblecourt dans Le Monde du 16 sur Chirac et la
fracture sociale. Insistance de Bayrou sur la question.
Le baromètre des inégalités et de la pauvreté – le BIP40, sorte
d’antithèse du CAC40- publié par le réseau d’alerte sur les inégalités
(RAI) fait état en 2003 d’une « aggravation sans précédent » de la
fracture sociale avec une hausse de 5,52% par rapport à l’année précédente.
Pour l’INSEE, la pauvreté monétaire, qui avait diminué, regagne du terrain.
Autre exemple : celui du logement où l’on cpompare la situation à celle
de 1954.
Long article du Parisien du 14/1, « Moins de pauvres mais plus d’exclus ».
L’inégalité en matière de justice revient volontiers ; le procureur
général de la Cour de Cassation est obligé de se justifier longuement
dans le JDD (16/1).
Voir Les Echos du 28/12 sur la hausse des RMIstes.

5)Retour de l’ouvrier

Longue et chaleureuse critique du JDD sur le dernier roman de Gérard
Mordillat, Les vivants et les morts (Calmann-Lévy). Voici le chapeau : « 
Les ouvriers ont disparu de la littérature française. Ils font un retour
remarqué dans le grand roman de G Mordillat. Formidable ».

6)Dégradation des conditions de travail

Publication de l’enquête « Sumer 2003 » du ministère de l’emploi,
portant sur 50 000 salariés ; passe en revue la pénibilité du travail et
les risques professionnels. Résultat : globalement, depuis la précédente
enquête de 1994, « l’exposition à des risques et contraintes
professionnels a augmenté ».
C’est particulièrement vrai pour les ouvriers, les employés, dans
l’agriculture et la construction.
Le temps de travail est moins long mais les entreprises demandent plus
de « disponibilité » ; ainsi on travaille plus le samedi, le dimanche
également, de même que la nuit (surtout les femmes).
D’autre part le salarié ressent plus de contraintes, genre répondre plus
rapidement ; sentiment de travailler dans l’urgence qui se développe.
Plus d’exposition au bruit, des charges lourdes : les risques physiques
souvent se sont développés ! Vrai pour les jeunes.
Exposition aussi dangereuse aux produits toxiques, c’est vrai des
ouvriers (38%, +3%).

7)Medef : le droit du travail dans le collimateur

Le Medef semble avoir un peu de mal à trouver un discours commun, entre
ses têtes du Cac 40 et sa base de PME volontiers ultra (ou néo-lepeniste).
Son analyse annuelle, « Cartes sur table », traduit un changement de ton
à l’égard du gouvernement, se voulant moins critique, plus « constructif ».
En même temps, lors de sa démonstration de force à Paris, qui a réuni à
Paris 5000 patrons, pour son AG annuelle, certains en rajoutent. Comme
Laurence Parisot, patronne de l’IFOP mais aussi d’une Pme ( de portes de
placard...) qui a déclaré : « La liberté de penser s’arrête là où
commence le droit du travail ».
Elle postule à la succession de Seillière.
Le Figaro a trouvé que ce rassemblement manquait de souffle : « On n’a
pas senti le même souffle qu’à Strasbourg en 1998 lorsque le Cnpf est
devenu Medef ou qu’à Lyon en 2002 quand les patrons ont rédigé la
feuille de route de l’actuelle majorité ».
A noter plusieurs dossiers sur cette succession dont Le Figaro
Entreprises du 15/1.

8) Salarié : une dimension sociale ou un mercenaire de l’entreprise.

A (re)lire les travaux et articles de la sociologue Danièle Linhart (
par exemple son entretien in Politis du 16/12). Elle montre bien comment
les patrons, depuis trente ans, ont une « stratégie d’individualisation
systématique de la gestion des salariés » ; on a réussi à « délégitimer
 » leurs besoins sociaux, à ne plus voir en eux que « des militants
inconditionnels de l’entreprise ». Finis ses intérêts non liés au sort
de l’entreprise, on a privatisé, au sein du contrat de travail, toutes
les dimensions de la personne. « C’est la négation de l’existence de la
dimension sociale de la personne et c’est une victoire de la vision
économiste de la vie ».
Elle pense que c’est complètement destructurant pour les jeunes
salariés. « On est dans une logique de mercenariat ».
Elle montre comment après 68 s’est développé cette atomisation, qui
répondait à la fois à un certain besoin et surtout à une volonté
patronale de « casser les grandes logiques collectives ».
Aujourd’hui on en est arrivé à ce point : « On reconnaît la personne
mais on s’efforce de formater sa subjectivité et son affectivité à
travers ce qu’on appelle le management des émotions. Les managers se
sont donnés pour tâche de rationaliser cette subjectivité et de
l’adapter aux besoins du marché du travail ».
Elle évoque aussi l’intrusion dans la vie privée du salarié, la
tentative d’installer le modèle japonais d’exploitation permanente.

9)Savoir alternatif et université populaire

Page intéressante du Monde du 14/1 sur « les universités alternatives
(qui) prospèrent sur la soif de savoir »
« Populaires », « du temps libre » ou « interâges », les universités non
traditionnelles se multiplient et attirent des milliers d’adultes qui
souhaitent apprendre, sans forcément viser un diplôme. Cas à Paris,
Caen, Lyon, Mulhouse, Belfort.
A noter le lancement d’une revue annuelle « Matières premières, revue
d’épistémologie du matérialisme » par les éditions Syllepse, dirigé par
Marc Silberstein. Lequel tient des propos sévères contre la gauche et
l’extrême gauche, incapables de « produire une critique philosophique et
politique des religions » et de « préserver les sciences de leur
intrusion ».

10)Partis

Verts : net repositionnement en faveur du Oui ; consultation sur
l’Europe en février.

UDF : congrès à Paris ce week end ; devrait faire fort sur le social.

PS : hausse le ton sur le social ; voir les vœux de Maurois par exemple.

UMP : sérieuses divergences internes.

Mise en cause par Sarkozy de la fondation de l’ump.

Sarkozy fait des Hauts de Seine un laboratoire pour sa politique.

Sortie du livre de Balladur, « La fin de l’illusion jacobine » (Fayard),
aux thèmes très sarkoziens : contre la Turquie ; assouplir la loi sur la
laïcité ; renforcer les liens avec les Etats Unis.

Extrême droite : le rapport des préfets de décembre 2004 évoqué par Le
Monde du 19 dit qu’il faut s’attendre à « de très bons scores » du FN.
Les propos de Le Pen sur l’Occupation coïncident aussi avec une
nervosité générale de l’extrême droite depuis les cérémonies du 60é
anniversaire de la libération ( et qui se prolongent cette année avec
l’anniversaire de la fin de la guerre), une date qu’elle a mal acceptée…
Les profanations de cimetières (de son fait) a coïncidé avec cette
période (été 2004).

*Mouvement des idées*
*Note n°99 (26/1/05)*

1)Grèves : les raisons d’un soutien

Nombreux commentaires ( de droite pour l’essentiel) qui n’en finissent
plus de s’interroger sur les raisons du soutien très majoritaire des
Français avec les grèves en cours. Les meilleures plumes sont
convoquées. Nicolas Tenzer, patron de la revue Banquet (Figaro du 18) ;
Alain Etchegoyan, chef du plan, intello des patrons (même journal, 19).
Ils admettent (et enragent de) la popularité du mouvement social ; ils
soulignent le lien fort et personnel ( familial, intime, proximité) des
Français avec « les fonctionnaires » ; ils disent que la situation dans
la fonction publique sert de repère à l’ensemble de la société : « On ne
peut réformer en insécurisant tout le monde : donner l’impression,
fondée ou non, d’une moindre sécurité aux agents du secteur public est
perçu comme une plus grande insécurité pour tous ». Ils parlent de la
force de ce qu’on appelle « la grève par procuration », du soutien du
public au rôle de l’Etat, de la dégradation de l’image des patrons et du
privé.

2)La Turquie, la droite et l’Islam

La (relative) marche arrière de Sarkozy sur la question turque ne peut
faire oublier le caractère passionnel pris par cette question à droite
ces derniers mois. La confusion Turquie-Islam-musulmans-identité
européenne y fait des ravages. A lire par exemple le dernier ouvrage de
Balladur, « La fin de l’illusion jacobine » (Fayard) où l’ancien premier
ministre écrit des choses comme : « Nulle part cette jalousie et cette
volonté de revanche sur l’Occident ne sont aussi accentuées que chez les
musulmans », ou « C’est par la violence guerrière, la ruse,
l’assassinat, par des combats et des razzias aussi bien que par le
prosélytisme et la parole que Mahomet a réussi à imposer sa religion »
ou « Il n’y a aucune culture à laquelle l’Islam s’oppose avec autant de
force qu’à la culture chrétienne » ou « le Coran est un texte où
l’apologie de la violence occupe tant de place ». Etc.

3)Militantisme

Intéressant dossier du Monde du 23/1 sur la crise du militantisme, et
les politiques quasi « commerciales » de séduction des nouveaux
militants entreprises par l’Ump, le PS et l’Udf.
Un encadré sur les militants socialistes, plus urbains, plus « élus »,
plus vieux, moins ouvriers.
Un entretien avec Anne Muxel (Cevipof) : il n’y a pas de « 
rétrécissement de la disposition à l’activisme » ; le sursaut de l’après
avril 2002 est bien retombé ; « l’adhésion sans implication risque de
vider l’engagement de tout sens » ; disponibilité à protester ; perte de
confiance de l’opinion à l’égard des partis et syndicats.

4)Figures ouvrières

Un (petit) retour de la figure ouvrière dans la fiction et l’art. Après
le reportage et le théâtre ( François Bon et Charles Tordjman mettant en
scène les ouvrières de Daewoo, Lorraine en 2004) ; après la littérature
et le livre de Mordillat, signalé la semaine dernière ; l’audiovisuel :
Maurice Failevic monte « Jusqu’au bout » inspiré du conflit des
Cellatex. Une fiction à base documentaire qui suscite beaucoup d’intérêt
à la FIPA (festival international des programmes audiovisuels)…mais
boudée par les grandes chaînes.

5)Partage de la valeur ajoutée

Papier important de Marie-Béatrice Baudet in Le Monde/Economie du 25/1
pV sur la répartition de la richesse entre les salariés et les
actionnaires. Question essentielle : les syndicats soulignent le poids
croissant des profits, le Medef dans son dossier annuel « Cartes sur
table » prétend que cet « équilibre » n’a pas bougé depuis les années
70. L’article distingue quatre périodes. Les années soixante montre une
stabilité salaires/profits (62%/38%) : les salaires augmentent et la
productivité assure des profits. Les années soixante dix : les salaires
indexés sur le taux d’inflation progressent, le rapport passe à 67/33.
1983 inaugure une nouvelle tendance, chute « féroce » de la VA accordée
aux salaires. Enfin depuis les années 90, stabilité comme dans les
années 60 mais à un niveau plus favorable, 2 ou 3 points de mieux, pour
les profits= 59/41.

6)Classes moyennes

Il est beaucoup question des classes moyennes ces jours-ci, de la
dégradation de leur niveau de vie ; ce thème est beaucoup revenu au
congrès Udf.
On peut mettre cette question en lien avec les études répétées ces
derniers temps sur la démotivation des cadres, leur désillusion, leur
désinvestissement dans l’entreprise. Leur détachement, tel un iceberg,
du continent de droite.
On a dit que la gauche avait enregistré sa plus forte progression dans
ce milieu aux régionales 2004 (42% des voix contre 37% en 1998).
De nombreux papiers sur le sujet (Le Monde du 23/1 notamment).
En liaison avec cet enjeu, on notera des traits communs à la
mobilisation sociale de ces « cadres » : coordination hors structures
habituelles, animation par des personnalités à l’engagement progressiste
incontestable (Trautmann chez les chercheurs ; l’écrivain Martin
Winckler pour les généralistes).
Toutes proportions gardées, on rappellera le succès de la pétition pour
Battisti, lancée notamment par l’écrivain Fred Vargas (soutenue au final
par Bayrou…).
A lier aussi aux intitiatives de la revue Les Inrockuptibles.

7) La parole chiraquienne

Dans « Paroles de président. Jacques Chirac (1995/2003) et le discours
présidentiel sous la Ve République », Damon Mayaffre, chercheur au CNRS,
a fait digérer par son ordinateur tous les discours de Chirac. Un
travail de linguiste informatisé. Chirac parle beaucoup ( un discours
par jour en moyenne !) ; un vocabulaire volontariste (faire, devoir) ;
un discours creux, caméléon, sur-utilisant les adverbes comme
naturellement (qui a l’avantage de rendre indiscutable le discutable…).
Aux éditions Honoré Champion.
Sur le même sujet voir « Chirac dans le texte, la parole et
l’impuissance » par Yves Michaud, Stock.

8)Des Français « entrepreneurs » ?

Plusieurs articles conséquents sur le nombre de Français qui créent une
entreprise : 225 000 en 2004, +13% sur 2003 déjà marquée par le création
de plus de 200 000 entreprises.
(Une sur deux disparaîtrait au bout de cinq ans, dit-on aussi).
Ces chiffres signifieraient, nous dit-on, que le Français se fait à
l’esprit d’entreprise, à l’ambition libérale, etc…
« La culture entrepreneuriale s’enracine » se félicite Le Figaro qui
parle du « rêve de douze millions de Français ».

9)Dossier Ramadan

Le cas Ramadan continue de tourmenter, à gauche notamment. Une pluie
d’articles. Et de tribunes libres accordés à cet islamologue. Qui sort
aux éditions de l’Archipel un livre d’entretiens « Faut-il faire taire
Tariq Ramadan ? ».
Articles dans Le Point du 20/1 ; volumineux dossier dans Politis du 20/1.

10)Partis

Sarkozy : parlant de « mystère Sarkozy », la dernière enquête d’opinion
du JDD évoquant la popularité de ce dernier et cite un électeur
socialiste prêt à voter pour le maire de Neuilly, pour son charisme…

PS : Hollande à « Question ouverte » sur F2 le 20/1 a minimisé le
mouvement social (une « déprime », pas « une colère ») et n’était pas « 
trop offensif » dixit Le Figaro.

Verts : choix d’un nouveau leader parisien qui confirme l’orientation
(droitière ?) prise au congrès. Vote sur le référendum (par
correspondance) jusqu’au 13 février ; consultés en novembre, au congrès,
ils avaient répondu : 46% oui ; 22% non ; 31% abstention.

FN : article sur les remous dans le FN in le Nouvel Obs du 20/1.

Extrême droite : dossier des ultras de droite (néo nazis, etc…) dans le
Monde du 23/1 à partir d’une enquête des RG. On parle de 2500 à 3500
militants éclatés en de nombreux groupuscules. Notamment en Alsace.

*Mouvement des idées*
Note n°100 (2/2/05)

1)Crise du capitalisme (suite)

Critiques convergentes et répétées dans la presse et l’édition sur le
capitalisme, les limites de son actuel développement financier, les
risques d’asphyxie.
Une page du Monde du 2/2, « Quand la Bourse ne finance plus les
entreprises », où l’on apprend qu’en 2004 les sociétés européennes ont
davantage reversé d’argent à leurs actionnaires qu’elles n’ont levé de
capitaux. La finance ne finance plus l’entreprise mais au contraire en
tire tous les profits, s’étonne le journal qui parle de « dangers » et
de « risque d’asphyxie financière ».
Même topo ou presque dans le livre de JL Gréau, L’avenir du capitalisme
(Gallimard) : il parle de capitalisme « frénétique », « chaotique » et
en appelle à la fermeture des Bourses…

2)Davos ou le capitalisme gentil ?

On a fait dans le social à Davos ou du moins dans la rhétorique
écolo-sociale. Voir le papier d’Eric Le Boucher, chroniqueur éco du
Monde (30/1). Il montre que, avec le recul des Etats et la faiblesse des
politiques, les entreprises « récupèrent » une partie de terrain ainsi
abandonnés. Il rappelle que ce discours est insupportable aux libéraux
pour qui l’entreprise est là pour le profit, point. (C’est le thème de
l’hebdo libéral The economist, 22/1, qui fustige les partisans d’un « 
capitalisme gentil et tendre »).
Mais le principal intérêt du papier du Monde est de montrer que ce
discours « social » est une posture défensive : aujourd’hui les
entreprises sont discréditées. « Le risque majeur, énorme, vital, c’est
le rejet (du business) par les opinions publiques. Les sondages, en
Europe, en Amérique, le disent : businessman, on ne t’aime pas !
L’entreprise est un mal nécessaire mais un mal. Plus encore que les
autres pouvoirs, le « global leader » est jugé avide, égoïste, exploiteur ».
Il parle de risque d’exclusion de l’entreprise et de mise au ban demain
du régime économique qui structure tout ça…

3)Réforme de l’Etat

Nouvelle offensive de Sarkozy sur le terrain de la réforme de l’Etat et
du statut de la fonction publique ; son propos libéral sur la « 
rentabilité » des fonctionnaires ( charge terrible du Figaro du 27/1
contre les policiers ( ?), travaillant 27 heures par semaine…) vise non
seulement à réduire la dépense publique mais à casser une référence pour
tous les salariés, privés compris ; plusieurs articles reviennent en
effet sur le thème que la fonction publique demeure une référence, une
sorte d’assurance indirecte ; casser ce statut serait régressif pour
tout le monde, telle est l’idée répandue ; c’est ce qu’on retrouve aussi
à l’œuvre dans le fameux syndrome de la « grève par procuration ».
La campagne de Sarkozy relayée dans la presse de droite ; ainsi dossier
du Fig Mag du 29/1 : « Que veulent les fonctionnaires ? »

4)Dégradation du niveau du J.T.

Edwy Plenel prépare pour Denoel un livre sur le sujet. On note que le
journal télévisé des chaînes publiques ou privées se composent quasi
exclusivement de la même manière : catastrophisme, sensationnalisme,
fait divers sanglant privilégié, insécurité, scandales, corruption,
dépravation ; les rares faits « positifs » ( création, innovation,
culture) sont aussitôt ramenés à l’aune de l’argent : combien ça coûte ?
combien ça rapporte ?
Pris aux pieds de la lettre, ce genre d’infos est un appel permanent à
la démission, au découragement, à l’abstention civique ou au « réflexe »
lepeniste.
Début de campagne électorale pour renouveler (août) le président de
France télévisions ; Marc Tessier, « plutôt à gauche » dixit Le Monde,
pourrait être repris ; mais on parle de guérilla entre sarkozystes et
chiraquiens.
Crise sur le JT midi de la 2 avec la démission de Hondelette.

5) Auschwitz : on en fait trop ?

Cette question incongrue est pourtant revenue à plusieurs reprises dans
la presse ces jours-ci. (L’Huma s’en fait l’écho ce mercredi). Le Nouvel
Obs en a fait le thème d’un édito ; le Figaro, via Rioufol, a fait
remarquer qu’on aurait pu parler des camps de résistants français ; et
surtout il faut lire la tribune du médiateur du Monde de samedi dernier.
Toute sa demi page est consacré à « ça » : on en fait trop, disent les
lecteurs du Monde ! A l’évidence la rédaction a été bombardé de lettres
sur ce thème ; on peut en lire nombre d’extraits. Ceci appelle au moins
deux remarques :il demeurerait dans les meilleurs ( ?) milieux, et sous
les meilleurs arguments, un certain antisémitisme « soft », larvé, mondain.
Voir de ce point de vue le papier de Henri Tincq (Monde du 30/1) sur les
limites de la « réconciliation » entre chrétiens et juifs.
En même temps, au delà de cette question des camps, cette affaire semble
un nouveau symptôme de la « folie » médiatique. Sur les sujets majeurs,
tous les médias, dans un effet de masse, délivrent le même message, dans
les mêmes termes, en même temps ; une impression de rouleau compresseur,
d’uniformité, « à la soviétique » si j’ose écrire ; méthode
anti-pédagogique au possible et qui finit par dénaturer, dévaloriser,
disqualifier les meilleures causes.

6)Cadres entre déprime et révolte

Crise des cadres, mécontentement croissant de cette catégorie sociale,
glissement vers la gauche : cette question est volontiers débattue ;
voir le sondage Louis Harris/Le Figaro Entreprises du 31/1 (p6) : « 
L’année commence mal pour les cadres. Ils ont le moral au plus bas ».
Le sujet a désormais son roman « Millenium people » de l’anglais JG
Ballard chez Denoel, ou « la rébellion des cadres instruits qui
formaient la structure et l’axe même de la société ». Roman tordu mais
très dans l’air du temps sur la crise morale et « l’impossibilité
d’imaginer un avenir meilleur ».
Voir la critique du livre dans l’huma du 28/1 par Evelyne Pieiller.
Voir aussi « les classes moyennes, un enjeu stratégique pour 2007 » dans
Les Echos du 28/1

7) Génération chômage

Bon papier du Figaro du 29/1 sur le fossé qui sépare les générations
ayant vécu les « 30 glorieuses » et celles nées après les années 70. « 
Le travail est de moins en moins vécu comme le pôle de référence unique,
de plus en plus comme un facteur de désarroi » dixit le Conseil
économique et social (2003).
Les moins de 25 ans sont à 22% au chômage ! Avec comme conséquences la
détérioration des rapports sociaux, la désaffiliation, le sentiment
d’abandon, la rupture des identités professionnelles, des sentiments
d’appartenance au collectif.
La rage doit être d’autant plus grande que cette génération n’est pas
homogène, certains jeunes s’en sortent très bien ; tout se passe comme
si les inégalités de ce point de vue s’accentuaient.
Les choses en sont à ce point que, pour le sociologue Azouz Gegag, « la
question fondamentale n’est pas tant celle de trouver ou non du travail
que celle de donner du sens à l’occupation du temps ».
Sur le chômage des jeunes, voir aussi Les Echos du 31/1.

8)Lycées : ça sent la poudre ?

Reportage du Parisien sur la grogne qui monte dans les lycées. (31/1).
Thème repris ailleurs.
Colère contre la loi Fillon. Multiplication d’actions, de création de
collectifs.

9)Un film politique

Un nouveau long métrage politique qui vient d’Allemagne, après le fameux
« Goodbye Lenin ! », toujours sur le mode de la comédie : « The edukators
 » : de jeunes contestataires harcèlent de riches Berlinois. Pour « 
réveiller les consciences ». Ils tombent sur un bourgeois
ex-soixante-huitard, passé « au grand capital ». Réflexions sur 1968, la
trahison, la transmission entre générations. Sur la façon qu’a le
système « d’éradiquer en douceur toute forme de critique et de
résistance » dixit le réalisateur Hans Weingartner.

10)Partis

PS : débat sur le « nouveau type d’adhérents », « au rabais », suscitant
un « réflexe consumériste » et poussant le parti « sur une ligne moins à
gauche ».

FN : débats d’orientation derrière le conflit familial des Le Pen. Selon
le président du FN, « Un Front gentil, ça n’intéresse personne ! »

Extrême droite et populisme en Europe : enquête de Gilles Ivaldi, dans
La documentation française, 27/1 (in revue de presse hebdo).

Mouvement des idées
Note n°101 (9/2/05)

1)Comment s’est façonné le catéchisme libéral

Livre intéressant de Jean Paul Fitoussi, « La politique de l’impuissance
 », entretien avec JCL Guillebaud (Arléa). L’économiste, qui n’est
pourtant pas un foudre de guerre antilibéral, démonte la manière dont
s’est constitué « le catéchisme libéral » : chute du mur et fin du rêve
d’un « autre système » ; politique de rigueur de Bérégovoy, de
désinflation et d’acceptation du chômage ; monnaie unique et économie de
la rente ; l’Europe et ses supposées contraintes.
On a là toute la rhétorique de la pensée unique, que servent tous les
leaders d’Europe, de Chirac à Zapatero, en passant par Blair.« Une
étrange démission du pouvoir politique devant l’idolâtrie du marché, une
idéologie devenue dominante voire exclusive ».

2)Partage des richesses : le retour du débat

Le débat sur le partage de la plus value, « en vogue dans les années 70
 » dit Le Monde, était passé de mode ; il se réinvite dans l’actualité.
Une étude d’un chercheur du CNRS évoquée il y a deux semaines ; un long
papier de Laurent Mauduit du Monde sur ce débat « escamoté » (4/2) ; il
rappelle l’état du rapport de forces actuel, « très favorable au
capital, très défavorable au travail » ; l’accroissement des bas salaires.
L’article dénonce encore les retards de l’INSEE pour rendre compte de
cette contradiction capital/travail ; des marges de manœuvre réduite de
la social démocratie pour jouer le « compromis ».

3)Critique antilibérale

Les deux informations ci-dessus (mais on pourrait aussi évoquer
certaines chroniques de Le Boucher dans Le Monde sur « le risque de
rejet (du système) par l’opinion publique ») attestent bien d’une
radicalisation de la critique antilibérale dans les commentaires
d’économistes ces temps ci ; d’un décalage croissant aussi entre ce
discours et le propos politique dominant à gauche, loin de ce début de
remise en cause.
Dans le même ordre d’idées on notera le dossier sur l’enseignement de
l’économie, au lycée, dans les classes de SES (Le Monde Economie, 8/2).
On notera une tonalité très critique des élèves à l’égard des « théories
fausses », l’offensive du patronat qui trouve que l’on y dévalorise
l’entreprise et l’attitude très conciliante du Monde, reprenant en
partie cette critique patronale, et trouvant les manuels trop critiques
avec la mondialisation par exemple…

4)Sentiment d’appauvrissement

Nombreux articles sur la peur des Français, salariés, couches moyennes,
en ce qui concerne leur pouvoir d’achat, la dégradation de leur
situation financière personnelle. Voir par ex page 14 du JDD. On parle
de « paupérisation ». Avec deux éléments mis en avant : l’immobilier :
la part du logement au sens large est passée de 20% du budget moyen en
1991 à 25% en 2003 ; l’endettement : il friserait 60% du revenu contre
50% en 1998.

5)Génération 2001

La troisième étude du Centre d’études et de recherche sur les
qualifications (Cereq), établissement public, réalisée sur 10 000 jeunes
entrés sur le marché du travail en 2001. Constat « rude » dit Les Echos.
Dégradation de la conjoncture, filles et garçons également touchés.
Relative bonne tenue des CAP et BEP ; mais un troisième cycle ou une
grande école ne protège plus autant qu’avant du chômage.
« Ce qui est plus nouveau, c’est que tout se passe comme si l’emploi des
jeunes était une des premières variables d’ajustement des entreprises »
Sur le même thème, livre (plutôt humoristique) de Sophie Talneau, jeune
diplômée d’une école de commerce, sur le chômage des Bac +5 : « On vous
appellera » (Hachette).

6)Voiture et symbole de classe

Intéressante enquête du Monde (6/2) sur l’évolution du marché
automobile. En gros, alors que l’auto se « démocratise » en Asie et en
Europe centrale, un mouvement inverse s’amorce en Europe de l’Ouest où
une partie de la population n’a plus accès au marché du neuf et où
s’opère un glissement élitiste : on produit des modèles « haut de gamme
 » à plus de 30 000 euros.
Les classes moyennes différeraient leurs achats ; les moins de 35 ans
vont plutôt vers l’occasion ; résultats : « les ventes de voitures
neuves se concentrent sur une frange plus étroite de la population ».

7)Pebereau à l’Institut de l’Entreprise

Michel Pébereau, président de BNP/Paribas prend la tête pour trois ans
de « L’Institut de l’Entreprise », succèdant à M. Bon (F. Télécom). Créé
en 1975, indépendant du Medef, ce groupe d’une centaine de grands
patrons exerce du « lobbying idéologique » en faveur de l’entreprise et
de ses valeurs, de la « pensée manageriale moderne » ; intervient sur
tous les sujets de sociétés (école, dépenses publiques, prélèvements…) ;
propose des analyses, pilonne certains thèmes ( contre la taxe
professionnelle par ex) ; a ses entrées à l’ONU.

8)L’ultra-individualisme

Plusieurs études sur les dérives de l’individualisme. Par exemple « Que
sommes nous devenus ? » de Nicole Aubert in « Sciences humaines » du
23/12/04 sur « l’individu hypermoderne ». Ou « Ceux qui n’écoutent plus
les pouvoirs » in Le Nouvel economiste du 16/12 sur l’installation d’une
mentalité très individualiste et les difficultés à (les) gouverner.

9)France/Etats Unis

Nombreux papiers sur le réchauffement des relations franco-américaines.
A lire le dossier du Figaro Entreprise du 25/1 sur les relations entre
les deux pays ; des enjeux énormes ; moins dans les échanges commerciaux
qu’en matière d’investissements réciproques : 171 milliards de dollars
d’investissements français aux USA (2^e rang)
Exportations réciproques + chiffre d’affaires des filiales réciproques=
360 milliards de dollars, un milliard par jour !
Les firmes françaises emploient près de 600 000 personnes aux USA, les
américains 540 000 emplois en France.
Des économies donc très liées.
Même la concurrence dans l’aéronautique est relative : la joint venture
Snecma/General Electric possède 70% des moteurs d’avions civils du monde.

10)Partis

UDF : tenue en mars d’un colloque sur « les racines du mal français »,
début d’un travail d’élaboration d’un « projet de rupture » pour 2007.

PCF : dans le baromètre Figaro-Sofres de février, le PCF est le seul
parti à progresser (+1). Tassement général de toutes les personnalités
politiques (Sarkozy, -7).

Verts : reportage du Figaro (4/1) sur le référendum interne, la montée
du Non et de l’abstention.

Partis, démocratie interne, débats : article de Florence Faucher-King in
« Projet » du 1/1.

Mouvement des idées
Note n°102 (16/2/05)

1)Tout change…

Le dernier livre d’Alain Touraine, « Un nouveau paradigme » (Fayard)
propose sa grille de lecture (sociale-démocrate ?) du monde. On est
sorti de l’ère du politique (pouvoir, guerre et paix, peuple et
révolution), puis de l’ère de l’économique et du social ( classes,
richesses, bourgeoisie, inégalités…).On assiste à la fin du social, à la
fin du politique ; on entre dans un nouveau paradigme, culturel, marqué
par l’individualisme « qui peut être porteur d’une liberté de création
du sujet et d’une nouvelle modernité par le dépassement des clôtures
sociales qui empêchent de reconnaître l’universalisme des droits et de
la raison ». Le sujet, pour peu qu’il échappe aux manipulations par le
commerce et les médias, pourra accéder aux « droits culturels universels
 » par le biais de la famille et de l’école.

2)Pour que rien ne change…

Curieusement l’article à la gloire de Touraine, in Le Monde du 14/2, est
illustré par deux croquis sue l’accroissement des inégalités aux USA
entre 1980 et 2000, montrant que le 1% des ménages les plus aisés
accapare de plus en plus de revenus (de 9 à 19%), les 90% les moins
riches reculent (de 66 à 53%) et les 9% restant passent de 24 à 26%.
Rien ne change et la fiction rend bien compte de cet aspect. Ainsi le
(gros) roman de Gérard Mordillat, Les vivants et les morts, qu’il a mis
dix ans à rédiger, suscite de nombreuses et chaleureuses critiques sur
la persistance et le creusement des inégalités de classe ; c’est le cas
de Guillaume Cherel in Le Point du 3/2 : « Rien n’a changé depuis Zola.
GM n’égale pas le maître mais sa geste du Lumpenproletariat du XXIe
siècle est aussi militante qu’émouvante ».
Ou de Martin-Chauffier in Paris-Match : « Germinal 2005. Il n’y a plus
de cocos ni de bolchos mais il y a toujours des riches et des pauvres,
et donc de nouveaux Zola ».

3)Extrême droite fière de son histoire

Sortie du livre de Frédéric Chapier, Génération Occident (Seuil),
mouvement d’extrême droite de 1964 à 1968 ; parmi ses membres Madelin,
Devedjian, Novelli, Goasguen, Méeaux. Toute la frange libérale la plus
pugnace d’aujourd’hui. Dans un dossier du Monde du 14/2, entretiens avec
ces « anciens » (Devedjian, Longuet, Novelli, D’Orcival, Schuller) qui
tous affichent leur « fierté » pour cet engagement, leur foi
anticommunisme, leur nostalgies coloniales.
Sur le même sujet, un encadré dans Le Monde du 14 parle du débat entre
politologues sur populisme et extrême droite et évocation des derniers
livres parus sur le sujet.

4)Mitterrand : le retour ?

Le film de Guédiguian, Le promeneur du Champ de mars, se voulait
peut-être un portrait intimiste d’un homme face à la mort ; il s’invite
pourtant très fort dans le débat politique, difficile de faire autrement
avec un tel sujet. Avalanche de commentaires que l’on qualifiera de
régressifs. C’est à dire : regain de dévotion (de gauche et de droite)
pour le monarque, le roi, le prince, le Machiavel ; rabougrissement de
la politique à la seule question de la conquête du pouvoir et du
maintien au pouvoir ; impuissance proclamée de toute action publique,
les marchés et la mondialisation balayant toute velléité de changer ;
action de dédouaner ce dirigeant, ou mieux : de re-gauchir son image ;
image discréditée du peuple ( « la classe ouvrière venue l’écouter
ressemble à une foule de figurants dans un film fauché »).
Bref, des commentaires à l’image de la crise ambiante de la politique,
de la confusion des idées ; certains y voient une sorte d’exercice
masochiste (et respectueux) d’un ancien communiste.
Les socialistes ont aimé le film, nous dit un encadré du Monde.

5)Climat économique et social et indicateurs d’opinion

Long dossier du Monde 2conomie du 15/2 sur les différents indicateurs
d’opinion (TNS Sofres, Insee, Ipsos) en matière de consommation, de
moral économique et social. A lire l’entretien avec Giacometti d’Ipsos
sur l’inquiétude sociale ( chômage, précarité…) à la française.

6)Mai 68 (suites)

Dossier de l’Express du 7/2 sur le PS et mai 68 ; sur la manière dont le
débat s’y polarise sur la question libérale-libertaire ; sur la
tentative « précautionneuse » de critiquer cet héritage ; de reprendre
un ton en dessous le thème droitier du « laxisme » soixante-huitard.
En même temps les divergences dans le PS sont réelles sur la question ;
voir par exemple les propos de Mélanchon ou de Weber, en opposition au
jeune (trentenaire) Laurent Baumel, lié à DSK.
De 68 on retiendra pour notre part la mobilisation des salariés (10
millions), les acquis et les droits nouveaux à l’entreprise, la
contestation (des jeunes) d’un mode de vie sociale (consommation…), la
recherche d’une morale nouvelle en matière de vie privée et publique.

7)Eglise catholique à Paris : élitaire et embourgeoisée

Divers dossiers de presse à l’occasion de la venue du nouvel archevêque
de Paris. Dans Le Monde du 13/2, on voit Mgr Vingt-trois saluer le livre
« courageux » de Sarkozy sur la laïcité.
Une étude montre l’embourgeoisement de cette Eglise parisienne, son
replis sur les quartiers Ouest, l’origine très typée de ses nouveaux
prêtres ; sa coupure avec les quartiers Est, le creusement de l’écart
avec les zones populaires.
Une Eglise « fière d’elle-même mais de plus en plus rétractée, comme une
peau de chagrin, sur le noyau dur des pratiquants ».

8)L’Etat gaspilleur ?

Parmi les idées libérales systématiquement martelées, il en est deux qui
semblent solidement installées dans les têtes : les charges sociales des
entreprises sont trop lourdes ; et l’Etat gaspille l’argent public.
Une étude TNS Sofres à l’occasion de la journée du livre d’économie
montre par exemple que pour 74% des Français « l’Etat dépense de
l’argent inutilement, il y a du gaspillage ».
Quand on leur demande où il voudrait voir utiliser leurs impôts, ils
répondent : santé (63%), emploi (60), éducation (53) ; puis, loin
derrière, politique sociale de solidarité (27), environnement (24),
justice (14), action économique (11), police ( 8), transports (7),
défense et culture (6), politique étrangère (1)…

9)Jeunesse : inquiétude et égalité

La force du mouvement lycéen bouscule toute une rhétorique savante,
répétée ces derniers mois, sur l’installation de la jeunesse dans la
société, sa tranquillité, son conformisme.
D’excellents articles ces jours ci sur la profonde inquiétude des jeunes
pour leur lendemain (l’affaire du bac est exemplaire), la force du mot
d’« égalité », sans doute le plus utilisée dans les manifs ces jours ci.
On lira l’interview du sociologue Louis Chauvel dans Libé du 15/2 qui
montre bien la dégringolade sociale, le déclassement de cette dernière
génération par rapport à celle de leurs parents. Comment le mérite
compte moins, et la chance beaucoup plus ; comment on accède beaucoup
plus difficilement aux places d’encadrement, comment les places sont
chères ( alors même que les diplômes sont plus nombreux) ; comment en
1975 l’écart des salaires entre les 30 et les 50 ans était de 15% ; il
est de 40% aujourd’hui.
Comment les carrières sont plus difficiles à construire, comment s’opère
une différenciation entre ceux qui se battent « sans scrupule » et ceux
qui s’arrangent avec la vie (hors profession).
Sur le même sujet, voir « Génération 2001 » (Bref Cereq) in Revue de
presse hebdo du 10/2.

10)Délocalisations

Bon dossier in Politis du 10/2, argumenté, sur les contre-vérités dans
l’affaire des délocalisations ; les statistiques trompeuses (et minorant
le phénomène), les conséquences sociales (précarisation et
déclassement), le rapport étroit avec la baisse des tarifs douaniers et
le libre-échangisme ambiant.

Mouvement des idées
Note n°103 (23/2/05)

1)Un mécontentement social record

Les commentaires de JL Parodi sur le dernier Ifop-JDD (20/2) font état
d’un mécontentement social très fort. Ce qui se dit dans les entretiens
est exclusivement critique : vie plus dure, salaires en baisse,
évolutions « toutes négatives » sur le front social (« détricotage des
acquis », « saccage de la Sécu ») ; opposition à la réforme des 35h ;
critique de la réforme du bac ; retour de la question du Lundi de
Pentecôte ; très fort aussi, ce sentiment de ne pas être écouté.

2)Stabilité ouvrière depuis les années 90

Papier de Louis Maurin in Alternatives économiques du 17/2 sur « les
ouvriers sont toujours là ». Il montre qu’après la forte chute des
années 70 et 80, le poids ouvrier s’est maintenu et stabilisé. Soit 13%
des plus de 15 ans et 22% avec les retraités ; ou, pour les seuls
actifs, plus du quart ou encore 30% avec les contremaîtres (soit deux
fois plus que les cadres). Au niveau de la représentation, femmes et
enfants compris, UN TIERS de la population française vit dans un ménage
où la personne de référence est un ouvrier (1999).
Gros bataillons in : nettoyeurs, routiers, manutentionnaires,
magasiniers, livreurs, maçons.
Grande diversité sociale entre ouvriers mais en moyenne l’ouvrier touche 800 euros par mois en 2001, 27% de moins que le revenu moyen ; sont les
plus fragilisés, ont peur du déclassement. Espèrent une autre vie pour
leurs enfants et attendent beaucoup de l’école (un ouvrier consacre plus
de temps qu’un cadre aux devoirs de ses enfants) ; en même temps,
difficile d’échapper à sa classe : 73% des enfants d’ouvriers sont soit
ouvriers (30) soit employés (43).
Aux éditions Syllepse sort le livre collectif « Classe ouvrière,
salariat, luttes de classes ».

3)Les (grands) patrons et les idées

Michel Pébereau, patron de BNP Paribas, prend la tête de « L’Institut de
l’entreprise ». Cette organisation, autonome du MEDEF, a pour but de
fournir des idées au patronat et défendre la « culture d’entreprise ».
Pébereau semble vouloir donner un rôle actif à son Institut. Toute une
page d’entretien dans Le Figaro Economie du 21/2. Part en guerre contre
les manuels scolaires d’économie, quasiment accusés de « marxisme ».
Attaque déjà lancée par Seillere, Bébéar, Mer.
En fait ce patronat reprend un discours contradictoire : d’un côté il
estime que son système (entreprise+marché) a définitivement gagné
(Pébereau reprend sa formule : « Prétendre l’inverse, c’est faire comme
l’Eglise du temps de Galilée qui contestait que la Terre tourne autour
du soleil »), que la contestation de « la réalité » est le fait de « 
petites minorités » ; d’un autre côté il mesure le discrédit des
entreprises et les appelle à participer directement à la bataille
d’idées sur le triple créneau :humanisme, compétitivité, citoyenneté.

4)Syndicalisme et catégories de salariés

Etude de la DARES (ministère de l’Emploi) sur le taux de syndicalisation
des différentes catégories de salariés. Taux moyen de 6,1% pour les
ouvriers, 5,5 pour les employés, 10,1 pour les professions intérimaires,
14,5 pour les cadres et professions « intellectuelles supérieures ».
Les ouvriers occupent un cinquième des effectifs syndiqués et un tiers
des postes de responsabilité dans les organisations, Papier dans Le
Monde/Economie du 15/2 (d’un cadre FO) sur cette « surreprésentation
ouvrière », sur la filiation souvent ouvrière de ces cadres, sur les
traditions de combativité ouvrière.
Parle de l’émancipation à venir des cadres : en 2015 selon l’INSEE, on
comptera 900 000 cadres de plus mais 100 000 contremaîtres et 200 000
emplois non qualifiés disparus.
Dossier intéressant sur les syndicats (vus du côté patronal) in Les
Echos du 22/2.

5) Partage de la valeur ajoutée (suite)

Le débat semble vraiment lancé sur la question du partage de la valeur
ajoutée, un débat à haut risque pour le patronat. Ses économistes
multiplient les mises en garde, les appels à la prudence, à se méfier
des « simplismes », etc…
La publication des résultats (profits) des entreprises en est à l’origine.
Voir le papier de JP Robin (Le Figaro, 17/2) qui montre le caractère
ultra-capitaliste des entreprises françaises (7% du PIB redistribués en
dividendes ici contre 5 aux USA) ; le poids du chantage aux
délocalisations ; et qui pose « la question politiquement la plus
sensible : les salariés cèdent-ils de plus en plus du terrain face aux
capitalistes dont la part du gâteau ne cesse de croître ? ».
Seillère, dit Libération, « avait senti le coup venir », d’où sa sortie
à la mi janvier sur la « stabilité » de ce partage…(18/2).
Le pouvoir ressort deux « pistes » : la participation aux bénéfices ;
l’actionnariat et les fonds de pension.
Voir encore Guillaume Delacroix in Les Echos du 22/2 ; Le Monde du 23, p 18.
Rochefort du CREDOC est pour « la redistribution des bénéfices » (Les
Echos, 22/2).

6)Télévision et culture

Excellent dossier du Figaro littéraire du 17/2 sur la marginalisation
progressive des émissions littéraires à la télé, leur envahissement par
le phénomène people (Campus), le remplacement des philosophes par des « 
superstars de la pensée » ; un bon entretien avec Dominique Wolton qui
tout à la fois plaide pour la télé, « formidable média de masse »,
dénonce la dérive des émissions vers des shows sans débat, où
l’animateur seul est mis en valeur. Alors que le public aime le débat
d’idées.

7)Communautarisme

Regain du débat sur le communautarisme, le plus souvent dans des termes
caricaturaux.
Genre : l’échange entre le patron du CRIF, dont le propos sur la
politique arabe de la France et l’antisémitisme a été très répercuté, et
Alain Minc qui, tout en critiquant le Crif, écrit : « La matrice de la
haine (antisémite), (ce n’est pas la politique arabe) c’est cette
réaction antilibérale qui amalgame dans son délire la mondialisation,
l’argent et les juifs » (18/2).
Dieudonné, qui n’est pas sans partisans (dans les cités), joue la
communauté noire contre les juifs ; Libération y voit des ressemblances
avec certains traits des Black Panthers.
Mentionner aussi ici la pétition intitulée « Nous sommes les indigènes
de la République » que critique Tubiana de la LDH (Le Monde, 22/2).
Sur les « musulmans » de France, voir l’excellent papier de Claude
Dargent in Alternatives économiques (10/2) : « Qui sont les musulmans de
France ? » : appartenance assumée, population défavorisée, massivement à
gauche. Voir aussi l’enquête du Monde sur la « beurgeoisie » (20/2).
Sur un ordre d’idées proche, on lira avec profit la tribune de Jean
Baudrillard dans Le Figaro du 17/2, « A la recherche du Mal absolu ».
Sur le changement de sens de la Shoah ; « c’est de l’hégémonie
grandissante des forces du Bien (l’axe antiterroriste, etc) que résulte
une terreur multipliée ».
A suivre aussi les débats sur les termes d’holocauste et de Shoah.

8)Conditions de travail

Alors qu’on parle de « toiletter » le droit du travail, plusieurs
articles sur la régression en cours de la protection du travail : crise
dans l’inspection du travail ; crise dans la médecine du travail ; et
dossier, rude, de Libération du 17/2 sur les accidents du travail : 600
tués par an, 3000 décès par l’amiante, 40 000 cessations de travail…
Voir le tableau très sombre que dresse Philippe Askenazy, chercheur
CNRS, auteur de « Désordres du travail, enquête sur le nouveau
productivisme » (Seuil, 2004).

9)Air du temps atlantiste

Comme épousant les « retrouvailles » Europe/USA et Chirac/Bush, on sent
chez certains commentateurs se remanifester une fibre atlantiste, bridée
ces derniers mois car politiquement incorrecte.
Par exemple : la BNF et son patron JN Jeanneney dénoncent la décision de
Google, moteur de recherche américain, de numériser quinze millions de
livres, venus des bibliothèques des institutions américaines ; vu le
poids de Google sur le WEB, cette bibliographie va devenir en quelque
sorte la référence pour les chercheurs du monde entier (Jeanneney
rappelle par exemple que la Révolution française dans ces listes made in
US comportent des livres presque exclusivement anti-Révolution…). La BNF
appelle à une réaction française et européenne.
Or Le Figaro titre : « Croisade inutile », en édito (18/2) ; il
s’extasie au contraire sur l’aventure Google !, il y voit « une des plus
belles légendes qui ont fait l’Ouest américain » et conclut « aussi
humiliante soit-elle pour notre vieux continent et pour notre vieux
pays, l’initiative des dirigeants de google mérite d’être salué ».

10)Partis

UMP : vote des cadres de 6 mars sur l’Europe ; puis campagne de « 
proximité » avec 577 réunions, une par circonscription. Seul meeting
prévu, celui des jeunes européens, le 19/3 à Paris.

Crise entre le parti et sa fondation de recherche, animé par F. Mer.

PS : le travail sur le projet (au point mort ?) et tentative d’y
associer les syndicats, in Libération du 21/2.

Verts : rapports Verts /PS dans les régions in Libération du 22/2.

Mouvement des idées
Note n°104 (3/3/05)

1)Partage de la plus value : les patrons se défendent

Le débat est lancé sur le thème du partage des fruits de la croissance.
La publication des résultats historiques des entreprises du CAC 40 a
créé une réelle émotion. A l’évidence les patrons ont peur d’une
confrontation dividende/salaire. On note donc ces jours ci des articles,
pugnaces, des avocats du capitalisme. Ainsi tout un dossier du Figaro
Entreprises, « Les entreprises gagnent-elles trop d’argent ? »(28/2)
avec édito se scandalisant de la mise en accusation des groupes ; les
profits sont-ils « anormaux » ?, s’énerve le journal, qui se félicite de
la faiblesse des exigences syndicales et note, désinvolte : « Le seul
élément favorable aux entreprises est l’absence de pression sur les
salaires », » ; mise à contribution de l’inévitable économiste du Medef
(et de la Sorbonne) Jacques Marseille.
Une solution évoquée dans ce dossier : faire silence à l’avenir sur les
bénéfices des entreprises : « il vaut mieux dissimuler ses profits »…
Voir aussi la longue chronique de l’universitaire Elie Cohen « L’usage
des bénéfices » in Figaro/Entreprises du 28/2.

2)L’idéologie du mal, selon le pape

Sortie aux éditions Flammarion de « Mémoire et identité », un nouveau
livre du pape, écrit en fait en 1993 avec deux philosophes polonais.
Désignant les idéologies du mal, il identifie communisme – nazisme –
avortement (et homosexualité). Sur le thème : « La démocratie peut
conduire aux pires errements » (Le Figaro dixit, 24/2). Ce n’est pas la
première fois que le pape amalgame ainsi « les cultures de mort ».
Un livre qui s’en prend à la philosophie des Lumières, lesquelles
auraient fait le lit de l’idéologie du mal ; avec Descartes, l’individu
se fait juge du bien et du mal : c’est la porte ouverte, dit le pape, au
pire, aux camps, au goulag.
Cet ouvrage « condense 25 ans d’enseignement » dixit Le Monde, lequel se
livre (Henri Tincq) à un exercice difficile de défense du message papal
 : « Une fois de plus, ce livre suscitera des polémiques et ne sera pas
compris pour ce qu’il veut être d’abord : un acte de défense de l’homme
 »( !).

3)L’ordre patronal à l’entreprise

A lire, pour info, la page du Monde Economie du 1^er mars, p VIII ; elle
présente cinq ouvrages en compétition pour le prix Ressources
Humaines/Sciences Po. Ces manuels du DRH offrent un bon exemple du
management 2005, ou comment obtenir la soumission du salarié à son
autoexploitation, le culpabiliser, individualiser son profil. La
sociologie est mise ici au service d’une taylorisation du XXIe siècle ;
il s’agit de contourner tout « nouvel avatar de la lutte des classes »
et d’obtenir, comme le dit un des titres, « que l’entreprise génère un
nouvel épanouissement économique et humain » : un jargon de secte au
service des patrons.

4)Le cinéma et barbarie libérale

Le cinéma aborde de plus en plus volontiers des thèmes politiques
d’actualité, semble-t-il. Avec un œil très critique. A feuilleter la
presse, on a même cette impression de pages économiques et sociales qui
poussent à la résignation et de pages culturelles plutôt révoltées. Voir
par exemple la presse du 2 mars (Le Monde, Le Figaro) où, après les
papiers politiques conformistes, on tome sur des critiques
cinématographiques ravageuses pour le libéralisme. Soit « Le Couperet »
de Costa Gavras, allégorie de la libre concurrence entre salariés
(cadres) qui va jusqu’au meurtre ; ou « Le cauchemard de Darwin » de H.
Sauper , docu sur l’enfoncement de l’Afrique dans la misère suite à
l’imposition d’un libéralisme à tout crin.
A signaler aussi la bonne tenue des Césars et la récompense à « 
L’esquive » d’Abdellatif Kechiche.

5)Bibliographie du mouvement social

Une page du Monde/Livres du 25/2 sur plusieurs ouvrages traitant de
l’altermondialisme et du mouvement social. A retenir « La sorcellerie
capitaliste » (La Découverte) d’Isabelle Stengers, qui tente de refonder
une doctrine internationaliste ; « Radiographie du mouvement
altermondialiste » d’Eric Agrikolianski (La Dispute) sur le FSE parisien
de 2003, soulignant l’ancrage national des différents mouvements ; « La
manif en éclats » de D. Tartakowsky (La Dispute) sur les nouvelles
cultures manifestantes ; enfin « Militer aujourd’hui » du sociologue
J.Ion (Autrement/Cevipof) : rappelons que ce même auteur écrivait en
1997 « La fin des militants ? »(L’Atelier)...

6)Centenaire de Sartre

2005 est l’année du centenaire de Sartre (21 juin à Paris). On connaît,
plus ou moins bien, les rapports intenses que ce philosophe a entretenus
avec le communisme. On peut s’attendre, dans une partie de la gauche, au
retour des caricatures ordinaires véhiculées sur les liens entre cet
homme et les communistes français ; s’attendre aussi à une attaque en
règle de la droite contre « l’anti Aron ». Ce philosophe et cet auteur
demeure pourtant d’une prodigieuse modernité. On ne peut qu’encourager
les travaux qui rappelleraient les fréquentes communautés de vues entre
Sartre et le PCF et s’interrogeraient sur ce rendez-vous manqué,
malheureusement, entre l’existentialisme et un communisme à la française.

7)Engagement et bénévolat

Etude parue dans la revue Economie et statistique de l’Insee le 24/2 :
13 millions de personnes de plus de 15 ans pratiquent une activité
bénévole au sein d’associations. Soit 27% de la population des plus de
15 ans. Le noyau dur du bénévolat : 6 millions de personnes. Temps moyen
 : deux heures et demi par semaine.
Secteurs : culture/loisirs (32%), sport (26), défense des droits (18),
action sociale (15), éducation (13), religieux (7).
Sport/culture= plutôt masculin ; éducation/social= plutôt féminin.
Plus fort engagement selon qu’on « monte » dans la hiérarchie sociale.
Rôle de la famille dans la transmission de cette pratique.

8)Apparition des bobolcheviks

Après le terme de bobo qui connaît, depuis sa création en 2000, le
succès que l’on sait, voici celui de « bobolcheviks ». Titre de Une et
dossier de la revue Technikart, mars 2005 : « Plus à gauche que les
bobos, plus réacs que les bourgeois, les bobolcheviks débarquent ». Qui
est visé ? une gauche moralisante, sécuritaire, sanitaire, risquophobe.
Les « safistes ». Sorte d’intégristes verts, plutôt trentenaires,
parisiens, intolérants, si on a bien compris le dossier.

9)Crise des sciences humaines

Publication au PUF d’un rapport du Centre national des Lettres (CNL) sur
la crise des sciences humaines ( Editions de sciences humaines et
sociales : le cœur en danger). Chute des productions depuis les années
70/80 ; c’est un des secteurs de l’édition qui se porte le plus mal ;
Crise de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la sociologie urbaine,
etc. La faute ? aux lecteurs qui lisent moins (…) ; aux médias qui
ignorent ces productions ; à l’université qui a perdu sa distance
critique ; aux auteurs trop spécialisés.

10)Partis

Ni putes ni soumises et le PS : la revue Technikart de novembre 2004 a
publié un dossier (Les petites femmes du parti) sur les liens entre
l’association et le PS. Droit de réponse de Fadela Amara dans la revue
de mars qui revendique son appartenance au PS.

Fondations : Papier de Nicolas Weil in Le Monde du 26/2 sur les
difficultés d’installation en France des fondations politiques proches
de partis : « La France accuse un certain retard sur le marché
international du conseil politique » ( !). A lire sur le sujet l’article
du sociologue P. Lagneau-Ymonet in Mouvements de sept/oct 2004.

Militants « light » : dossier de Libération du 28/2 sur les tentatives de
l’UMP et du PS de gonfler le nombre d’encartés en attirant des adhérents
moins engagés ; critique d’Anne Muxel contre ce zapping politique ; à la
limite on peut adhérer au projet PS tout en étant « partenaire » de l’UMP…

Mouvement des idées
Note n°105 (16/3/05)

1)La droite reconstruit son idéologie

A l’occasion des papiers autour du centenaire de Raymond Aron, plusieurs
articles intéressants sur les efforts de la droite pour se rebâtir une
idéologie. Il y a la récupération d’Aron, qualifié de « penseur pour le
XXIe siècle » par Raffarin dans sa tribune dans le Figaro du 12/3.
Voir le papier bilan de Françoise Fressoz in Les Echos du 11/3 ;
l’attention que porte Raffarin aux travaux de Ferry, Morin, Gauchet,
Guillebaud ; le désir de Sarkozy d’armer idéologiquement l’UMP, ses cinq
références : Tocqueville, Schumpeter, Aron, Mounier et John Rawls (et sa
théorie des inégalités efficaces).
Les plus libéraux genre Madelin ajoutent : Benjamin Constant,
Pierre-Paul Royer –Collard, Adam Smith, JB Say, David Ricardo, B de
Jouvenel, Jacques Rueff, Fridriech von Hayek.
A l’Ump, on parle de « rapprochement idéologique entre libéraux et
centristes », d’une « sorte de fusion entre la pensée libérale et la
pensée républicaine non marxiste ». « Le libéralisme est bel et bien en
train de s’imposer comme le modèle idéologique le plus structuré au sein
de l’UMP ». On présente Sarkpzy comme un libéral sans le dire.

2)Libéralisme ou social-libéralisme

Des convergences d’idées entre libéraux de droite et sociaux-libéraux
sont réelles. Un exemple récent avec la philosophe Monique
Canto-Sperber. Cette idéologue du social-libéralisme a été mise en avant
par le PS, associée aux initiatives publiques de DSK, s’exprime dans la
revue Jean Jaurès, participe au colloque PS/Labour à Londres… Et elle
vient de recevoir le prix Habert, décerné par Le Figaro, prix qui lui
sera remis prochainement par Mme Chirac ; Slama salue « la qualité
exceptionnelle » de cette œuvre dans le Figaro du 14/3.
Canto-Sperber sort cette semaine « Le Bien, la guerre et la terreur.
Pour une morale internationale » chez Plon. Sur l’état de « paix armée »
permanent.

3)Participation politique des citoyens

Enquête de la Sofres, publiée le 3/3, pour la journée du livre politique
au Sénat, sur le thème « La participation politique des citoyens ». Il
en ressort « un désir inassouvi » de politique débouchant sur « un
souhait de participer autrement ». En effet l’enquête montre d’un côté
un attachement des Français aux libertés politiques, à la vie
démocratique, à un « désir d’engagement militant multiforme et
relativement important » ; et EN MEME TEMPS un sentiment de déconnexion
entre les gens et la vie politique, un sentiment d’impuissance,
d’éloignement à l’égard de la politique, d’une vie politique « trop
compliquée » (ce sentiment connaît un « net regain »). D’où l’envie de
participer mais autrement.

4) Le modèle anglo-saxon

Beaucoup d’articles ces derniers temps sur la qualité du modèle
anglo-saxon, notamment en matière d’emploi, sur le besoin de copier ici
ce modèle. C’est le cas de la longue chronique d’Eric Le Boucher dans Le
Monde du 6/3.
Campagne insistante sur l’efficacité des Anglais et des Américains ; mise
en balance des chiffres de création d’emploi aux Usa et des résultats
français et allemands ; louange du système anglais, de la part
d’économistes, d’experts, de managers. Dans Le Monde du 8 mars, longue
tribune intitulée « Emploi : la France peut-elle s’inspirer du modèle
britannique » ?

5)Le PS et l’Europe

A lire l’ouvrage de l’économiste socialiste et prof de Sciences Po,
Jacques Généreux (Manuel critique du parfait Européen, Seuil) qui
énumère « toutes les bonnes raisons de dire non ». La constitution
Giscard ? « Le socialiste que je suis a bien du mal à supporter l’idée
que des représentants de la gauche européenne ont prêtée leur concours à
ce mensonge, cette manipulation, cette insulte à la démocratie ». Il
dénonce le piège néo-libéral, la société à l’américaine, la
déréglementation, la casse des services publics : « Cette pseudo
Constitution porte en elle le germe de la désintégration de l’Union, du
retour en force du nationalisme, de la peste brune ».

6)Les multinationales

Sondage Ipsos sur « les Français et l’entreprise » pour la CGPME. 55%
des sondés ont une mauvaise opinion des multinationales mais 80% ont une
bonne image des firmes de moins de 250 salariés. 61% ont une mauvaise
opinion des patrons de multinationales mais plus des trois quarts
apprécient les petits patrons.
Le Medef est mal aimé (55% de mauvaises opinions) alors que la CGPME
aurait davantage la cote.
Les syndicats de salariés auraient une image globalement positive ; mais
pour la CGT, 46% de mauvaises opinions contre 43 de bonnes.

7)Premier emploi des jeunes : la fracture

Etude de la DARES (Direction de l’animation, de la recherche, des études
et des statistiques) sur le premier emploi des jeunes, ceux qui ont
terminé leurs études depuis 10 ans. Ils occupent soit les emplois les
plus qualifiés, soit les emplois les moins qualifiés.
On assiste d’un côté, vu l’allongement des études, à l’arrivée de jeunes
dans les secteurs les plus pointus ; et d’un autre côté au déclassement
de nombreux autres contraints d’accepter les postes les plus dévalorisés.
Trois secteurs privilégiés : télécommunications privées ; assistance
informatique ; restauration rapide. La sphère publique, pourtant
convoitée, est de moins en moins accueillante pour les jeunes. Cf Les
Echos du 14/3.

8)Le vote des chômeurs

Enquête Ifop pour La Croix (4/3) ; les chômeurs pas moins politisés que
le reste de la population ; s’affichent plus orientés à gauche que les
salariés, plutôt la gauche non socialiste.
En même temps ils présentent les mêmes caractéristiques que le reste de
la population, se droitisent en vieillissant.
C’est souvent leur métier antérieur qui détermine leur choix. Les « 
intermédiaires » (techniciens, santé) votent à gauche et boudent le FN.
Chez les ouvriers chômeurs, FN et droite font presque jeu égal (12 et 14%).
Au total un pouvoir d’attraction du FN mais pas plus élevé que dans le
reste de la population, plus volatil.

9)Les conflits dans le privé sous-évalués

Auteur(e) d’une « Evaluation des statistiques administratives sur les
conflits du travail » pour le ministère de l’emploi, l’universitaire
Delphine Brochard estime que « la conflictualité dans le privé est
sous-évaluée dans les statistiques » ; elle montre par exemple que sur
1000 établissements ayant connu au moins un arrêt de travail dans
l’année, 84% n’avaient fait l’objet d’aucun signalement. (cf Les Echos
du 11/3).

10)Partis

PS : Publication du « diagnostic » de DSK, Aubry et Lang, base du
pré-projet socialiste 2007. Texte de 49 pages.
La partie critique est plutôt radicale et revient fort sur les
inégalités ( thème cher à DSK…) et au « combat pour l’égalité ». La
partie stratégie est plutôt réformiste : « Il ne peut s’agir d’appliquer
mécaniquement les recettes d’hier » ou « les socialistes ne proposent
pas une rupture avec l’économie de marché ou une sortie de la
mondialisation » ; ou « une posture seulement protestataire ne permet
pas de construire les réformes nécessaires » ; ou l’adoption du traité
européen est « une étape nécessaire pour trouver un nouvel élan politique ».

UMP : convention sociale les 16 et 17 mars.

PCF : MGB gagne deux points et le PCF trois au baromètre Sofres/Figaro
Magazine de mars

Mouvement des idées
Note n°106 (30/3/05)

1)Les libéraux bousculés

L’évolution du débat sur l’enjeu européen offre un bon exemple de ces
moments, assez rares finalement, où le panorama idéologique bouge et
sans doute se recompose. Où s’amorcent des phases de longue durée : on a
connu de grandes séquences antilibérales dans les années 60-70 puis
pro-libérales dans les années 80-90.
Les libéraux français, s’ils ont marqué des points sur des thèmes
importants (charges sociales, impôts, responsabilité…), s’ils trustent
les places et influencent de plus en plus la droite (UMP sarkozyste),
ont du mal à influencer majoritairement l’opinion.
D’où une espèce de branle-bas de combat ces dernières semaines :
multiplication d’articles rappelant « les fondamentaux » d’économistes
comme Sapin ou Marseille ; grosse couverture au prix Nobel d’économie
92, l’ultralibéral Gary Becker (Les Echos, Libération, Le Monde).
Eloge répété (avec moult exemples à la clef) du modèle anglo-saxon… et
critique de cette exception française, allergique à l’air du temps
libéral dominant en Europe, si bien servi d’ailleurs par la
social-démocratie = c’est le thème des articles de Madelin.
Voir aussi la dernière chronique de Le Boucher dans Le Monde du 20/3 : « 
Les pays scandinaves et la Grande Bretagne devraient commencer à servir
de modèle, même si c’est encore en catimini ».
Dans la série « le Non panique les (sociaux) libéraux », à lire
absolument la chronique d’A. Adler dans Le Figaro du 30/3 ; une outrance
peut-être significative d’une tonalité de campagne à venir.

2)Cadres

Les derniers sondages sur l’enjeu européen semblent tous traduire une
installation du Non à gauche, dans les milieux populaires mais ce non
gagnerait aussi une partie des cadres. Cette dernière tendance, si elle
ne confirme, n’est pas vraiment une surprise ; depuis des mois, les
enquêtes expriment un malaise réel de cette catégorie sociale, son
insatisfaction à l’entreprise, ses frustrations dans le métier, ses
valeurs mises en cause.

3)Sarkozy prépare le changement (libéral)

Sarkozy reprend avec prudence la rhétorique libérale. La tonalité de ses
interventions, depuis qu’il préside l’UMP, vise moins à conforter sa
majorité qu’à préparer le changement. Une posture compliquée pour un
parti au pouvoir mais qu’il assume avec ténacité. Voir son discours
d’investiture au congrès ou encore la dernière « convention sociale » de
l’Ump où il a développé un propos libéral à droite de la ligne officielle.
Le vocabulaire sarkozien est choisi ; ses mots fétiches, réhabiliter,
refonder, remettre, refaire, évoque toujours l’idée d’une « autre »
politique.

4)Nouveaux adhérents UMP et PS

Article du Parisien du 17/3 sur les le recrutement de sous-adhérents au
PS et à l’UMP (par télémarketing notamment). Résultats semble t il
décevants au PS ; on parle de 5000, « en deça des espoirs » (et
l’article laisse entendre que le chiffre est sans doute gonflé) ; réunion
de ces nouveaux venus fin juin.
Le PS souhaite passer de 130 000 à 150 000 membres en 2005.
UMP : on parle de 20 000 adhérents nouveaux ( l’effectif total serait
donc de 160 000).

5) Le diagnostic du PS

Le texte d’Aubry-Lang et DSK servant de base de discussion au projet du
PS, est disponible à la docu. Courte intro, trois parties (Une France
inquiète ; La droite aggrave la crise ; Défis et atouts) et conclusion
sur la perspective et le débat interne.
Une rapide lecture donne un peu le sentiment que ce texte a déjà
vieilli, comme s’il se limitait pour beaucoup au constat d’une crise
(guère caractérisée comme capitaliste) en faisant l’impasse sur le
mouvement de contestation anti-libérale actuelle.
Dans Le Monde du 20/3, longue évocation des chercheurs en sciences
sociales sollicités par le PS notamment pour élaborer le chapitre sur
les inégalités.
On reviendra prochainement sur ce texte socialiste.

6)Aliénation linguistique

Récemment césarisé, l’excellent film de A. Kechiche, L’esquive, est
aussi une implacable démonstration de l’aliénation par la langue, par
l’absence de langue plus exactement. Un bon dossier du Monde, Vivre avec
400 mots, (contre 2500 ordinairement) sur le langage des jeunes des
cités (19/3) rappelle comment ce jargon peut peut-être faire rire mais
comment ce vocabulaire d’une absolue pauvreté renforce l’exclusion.
L’émancipation passe aussi par l’appropriation de la langue française.
C’est le cas d’écrivains comme Faïza Guène et Rachid Djaïdani, de
rappeurs comme Akhénaton, Oxmo Puccino et Kery James.
S’approprier en somme « la langue de l’ennemi » comme disait Jean Genêt.

7)Racisme…anti-Blancs

Beaucoup de commentaires et d’articles sur « une nouvelle forme de
racisme » anti-blanc. En partie en réaction ( et en amalgamant ces
épisodes) à Dieudonné, à la pétition des « indigènes », aux heurts entre
lycéens lors des manifs.
Où l’on retrouve à l’initiative nos gourous sociaux-libéraux tels
Finkielkraut, J. Julliard, J. Daniel, Kouchner, Taguieff.
Sous prétexte de mettre en garde contre des dérives ethniques, on
procède à de nouveaux amalgames, à de nouvelles confusions, assimilant
ces violence à un racisme anti-blanc et (donc) anti-juif. On stigmatise
le jeune black devenu antisémite.
D’autre part on sent aussi un certain désarroi contre des formes de « 
haine de classe », « une nouvelle lutte des classes ».
Jean Daniel (Le Monde, 27/3) a par exemple cette phrase : « L’idée
d’unir dans une même classe, un même groupe ou une même catégorie les
laissés-pour-compte du libéralisme (…) est sans doute l’idée qui fait le
plus injure à la rationalité républicaine ».
En fait tout se passe comme si c’était moins l’ethnicisation des
conflits que leur radicalisation sociale qui inquiétaient nos gourous.
Sur la banalisation du racisme et la reprise des thèmes d’extrême droite
par les partis traditionnels, cf l’étude de JY Camus citée dans L’Huma
du 25/3.
Voir aussi l’importance accordée aux « sorties » de Fabien Barthez.

8)Capitalisme, prostitution et hip-hop/rap

Intéressant article du Monde du 20/3 et livre de Pierre Evil « 
Gangstarap » (Flammarion) sur la manière dont le hip-hop, musique
d’abord rebelle, a fini –du moins sa branche américaine- « fondu dans le
capitalisme ». Citation du livre : « Hédonisme décérébré, passion pour la
consommation, chosification de la femme, glorification de la réussite :
autant de valeurs que le gangsta-rap partage avec le capitalisme
mondialisé et saturé de publicités et qui explique que ces deux forces
apparemment si dissemblables se soient finalement si bien et si vite
entendues, pour leur plus grand profit à toutes les deux ».
On notera en passant combien les clips rap et hip-hop glorifient
aujourd’hui la figure du proxénète, leur archétype de la promotion
sociale. Une sorte d’actualisation de l’Opéra de quat’sous…

9)1968, suite

Relance du débat sur « les bénéfices de long terme de 1968 » avec
l’étude de deux économistes, E. Maurin et S. Mcnally publiée par La
République des Idées ( de Rosanvallon et Mongin) ; elle montre que
l’ouverture plus grande du bac après 1968 a permis à toute une
génération de connaître une réussite sociale inédite ; et leurs enfants
ont eux mêmes moins redoublé. Ils parlent d’une « émancipation par la
formation supérieure ». (cf Le Monde du 30/3)

10)Partis et organisations

CGT : plusieurs dossiers sur le débat interne, dont Le Monde du 29/3
(une pleine page) et la revue Esprit, 1 mars.

CFDT : sortie du livre de F. Chérèque, Réformiste et impatient !
(Seuil). Où il parle d’un « capitalisme autonome », « de la perte de
contrôle du politique et du social sur l’économie », de « la crise de
confiance dans les pouvoirs mêmes de la démocratie », du Medef qui « en
s’éloignant de la démarche de négociation pour favoriser le lobbying
politique a favorisé le syndicalisme de refus ».



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