*Mouvements des idées*
Note n°29 ( 4/04/03)
1) Déprime : Ces derniers mois, l’indicateur dit " le moral des
ménages" avait connu une première chute lors du premier semestre 2001 ;
depuis, il s’était globalement maintenu jusqu’à la fin 2002. Depuis
janvier, c’est le grand plongeon. En ce début avril, on parle d’une
"chute de confiance d’une ampleur sans précédent depuis 1987 où ce
sondage mensuel a été lancé".
Les gens ne voient pas leur situation financière personnelle
s’améliorer, s’attendent à une dégradation du niveau de vie, redoutent
le chomage ( une peur qui "retrouve son pire niveau historique atteint
en juin 1993) ; l’effet des restructurations industrielles est considérable.
Or l’Insee souligne que sa dernière étude n’intégrait pas encore les
conséquences du déclenchement du conflit ! Il faut donc s’attendre début
mai à une nouvelle dégadation ( "Atteindra-t-on alors le creux
historique de décembre 1995 ?" se demande le Figaro.)
2) Proximité : les gens désespèrent du monde mais continuent de croire
en leur propre force ; c’est en somme ce que disent des sociologues comme
Jean-Pierre Loisel ( Le Monde Economie, 1er avril) ; pour lui, depuis le
milieu des années 90, les gens trouvent que " la terre ne tourne plus
rond, le monde apparaît sombre, complexe, mondialisé" et les
gouvernements " ne disposant pas de levier pour agir.(...) Pour se
protéger de ce tourbillon, le consommateur s’est créé un univers de
proximité où il tente de vivre bien ; il fait du "nesting" (rester au
nid), il se réfugie chez lui afin de se ressourcer et de mieux affronter
le monde extérieur. Le "nesting" explique le fort accroissement des
dépenses de bricolage, de décoration et d’équipement de la maison que
l’on observe. L’idée est de se créer un petit monde à soi. Du coup le
consommateur est moins sensibles à des méta-événements".
Mais, ajoute ce patron du Credoc, beaucoup plus que la guerre ou des
crises extérieures, ce qui bousculera profondément ce consommateur,
c’est le jour où le taux de chomage atteindra les 11%.
3) Electorat populaire : Bonne analyse des "Echos" (1/4) sur la façon
dont les cinq motions du PS envisagent de reconquérir cet électorat (
13% des ouvriers, 12% des employés ont voté Jospin). Toutes mettent en
avant les deux questions du pouvoir d’achat et de la précarisation ;
toutes ont gauchi leurs propositions : hausse du SMIC, revalorisation des
bas salaires, conférence tripartite sur salaires et profits, cotisations
patronales.
Thème proche étudié par Le Monde (2/4).
Dans le dernier numéro de la Revue socialiste, dans un dossier intitulé
"Agir", plusieurs dirigeants travaillent la même question : Aubry,
Bergougnoux, Emmanuelli, Fabius. Ce dernier dit de la question ouvrière :
" c’est une question majeure". Il insiste sur son "éclatement", son
"isolement", sa "tertiarisation" ; il faut tenir compte de leurs
attententes " sociales, éducatives, de sécurité" ; il propose "trois
séries de réponses complémentaires" : 1) " sur le terrain des valeurs" :
réhabiliter les idées de progrès, internationalisme, justice,
solidarité, laicité, égalité, fraternité ; 2) "ggner dans la vie
concrète, celle de tous les jours" : le PS doit se comporter - comme les
sociaux-démocrates suèdois- en "parti de la vie quotidienne, doté d’une
large pédagogie, d’une vaste information bâtie sur des mots simples, des
exemples concrets, sans caricaturer" ; 3) "sécuriser les parcours
professionnels et garantir l’égalité des chances".
Aubry parle les travailleurs "modestes", "d’une priorité forte pour le
logement et les quartiers" et de "discriminations positives dans les
écoles".
4) Vocabulaire socialiste : les militants du club socialiste "En temps
réel" ont recensé et analyser les 100 000 mots des cinq motions en lice
pour leur congrès. " Si les mots ont un sens politique, ce concentré
révèle un changement latent d’identité du PS" ( Libération, 31 mars).
Les cinq motions utilisent le vocable "ouvriers" 15 fois eulement ; une
quasi-disparition ; le mot est d’ailleurs absent chez Hollande.
Le mot "travailleurs" est presque aussi ignoré : 30 fois. Dolez une fois,
Hollande deux, Emmanuelli huit et Montebourg quinze.
" Ce langage naguère considéré coomme de gauche est aujourd’hui
supplanté par le terme générique de salariés. Il est au total utilisé
143 fois" dixit Libération.
Le club "En temps réel" conclut : " Ce sont les salariés qui mobilisent
l’essentiel de l’attention des auteurs des motions. Les fonctionnaires,
les agriculteurs, les classes moyennes apparaissent nettement au second
plan".
Même nivellement côté "valeurs" : le "socialisme" (19 fois) est supplanté
par "l’égalité" (178), la lutte contre les "inégalités" (89), contre les
"discriminations" (39). A contrario le capitalisme n’est plus tabou : "
toutes les motions s’y réfèrent".
5) Réformes : " Plus y a de difficultés, plus il faut faire de
réformes" : tel est le leit-motiv de JP Raffarin depuis plusieurs
semaines. Cette problématique est martelée dans toute la presse de
droite ( et ailleurs aussi) : on va voir ce qu’on va voir sur les
retraites, la modernisation de l’Etat, les dépenses de santé, les
modalités de licenciement, la fiscalité, les négociations sociales...
En même temps, tiraillé entre des envies ultra-libérales et la réalité,
le pouvoir, souligne cette presse, voit ses capacités d’action entravées.
Côté retraite " le NON des agents d’EDF a fait des dégâts incroyables"
constate u haut fonctionnaire cité par Le Monde ( supplément Economie,
1/4, p III)". Résultat : " On va faire le plus soft possible".
Côté réforme de l’Etat, voir les ambitions (cachées) de cette droite
exposées dans le dernier livre de Brice Hortefeux ( " Jardin à la
française", Denoel) où ce proche de Sarkozy, secrétaire général adjoint
de l’UMP, appelle à une refonte complète de l’appareil étatique et
administratif et notamment " la suppression du droit public et des
juridictions administratives, la fonction publique entrant dans le droit
commun du travail" !
Vaste programme alors que la mise en oeuvre de la décentralisation
version Raffarin fait déjà grincer des dents à droite ( critiques de
Juppé, Rohan...).
Sur retraites et baisse (ajournée) des impôts, voir l’hypothèse de J
Jaffré dans Le Monde du 4/4 : " on ne peut exclure que ce reniement soit
mis en scène comme une contrepartie demandée aux plus aisés de la
société au moment où des sacrifices sur les retraites vont être demandés
à tous les Français".
6) Féminisme : bon dosier piloté par Martine Bulard dans le bimestriel
" Manière de voir" du Monde diplomatique. A l’ordre du jour l’élitisme
en politique, la parité, le sexisme au travail, les banlieues, les
inégalités sociales, les femmes dans le monde.
Tribune de Clémentine Autain, " La mixité, un enjeu politique" in Le
Figaro du 27 mars.
Echos médiatiques à deux provocations sexistes : l’assassin de Sohane
applaudi dans sa cité à Vitry lors de la reconstitution du meurtre ;
agression d’une adolescente à Marseille très "symboliquement" jetée dans
une poubelle.
7) Communisme : sortie aux éditions Cevipof/Autrement du livre de
Marie-Claire Lavabre et François Platone, " Que reste-t-il du PCF ?".
Etude sur le "déclin", sur ce que cela dit de l’évolution de la société.
Un ouvrage qui, dit la couverture, " *souligne également que ce parti,
pour peu qu’on y regarde de plus près, n’est peut être pas dénué de
ressources. Il s’agit donc d’interroger la précipitation avec laquelle
on enterre le malade autant que la nostalgie avec laquelle çà et là on
évoque la gloire passée du communisme français".*
Alain Ruscio édite chez Tiresias " Nous et moi. Grandeurs et servitudes
communistes", un témoignage sur son engagement militant des années
60/80. Un texte plutôt généreux.
8) Justice et politique : échos considérables dans l’opinion du procès
Elf et commentaires contradictoires ; on parle d’une Justice qui ose s’en
prendre aux puissants ( pugnacité du président, opulence manifeste des
prévenus défendus par 80 avocats !) ; en même temps plusieurs faits
d’actualité relancent le duo politique et corruption ( caisse noire
d’Elf ; scandale à la Mairie de Marseille ; mise en examen d’un proche de
Chirac).
A ce propos on rappelera que l’opinion est plutôt désabusée : dans les
mêmes enquêtes montrant la forte popularité de Chirac, seuls 40% des
sondés estiment "honnête" le Chef de l’Etat...
9) Refondation à gauche : voir le dossier de Politis (27/3) qui résume
quatre mois de débats dans cette revue sur cet enjeu. Bon papier de S
Rozes sur une des insuffisances majeures du gouvernement Jospin, son
dédain du mouvement socialile " alors même que l’opinion est toujours
dans un cycle idéologique antilibéral".
Article aussi d’Yves Sintomer, dont on connaît par ailleurs ses efforts
de théoriser la démocratie participative ; papier affligeant ET
symptomatique de la crise de la pensée politique sociale-démocrate ou
écologiste.
10) Partis
UDF : consulte ses élus sur un nouveau projet de décentralisation, avec
des transferts accrus (police par exemple) vers les communes.
Bayrou conduira une liste aux régionales en Aquitaine. Il est question
d’une liste commune UDF-UMP.
FN : guerre des courants (Gollnisch, Marine Le Pen, Bompard) et des
journaux ( Rivarol, Présent) exacerbée à l’approche du congrès.
Singularité de l’électorat lepeniste sur la guerre du Golfe, moins
anti-Bush que la moyenne, moins opposé à l’intervention.
Le FN appelerait à voter contre l’UMP aux partielles pour se venger des
nouveaux modes de scrutin.
PS : divergences ( nouvelles) sur l’Europe entre courants : quid de
l’élargissement ? quid de Blair ?
UMP : Fillon organise son courant " France.9" ; tenue d’un colloque le 26
avril à la Sorbonne sur le thème " La république, un an après ?" autour
de trois problématiques : les intellectuels et le pouvoir ; le modèle
français ; penser l’Europe comme civilisation.
*Mouvements des idées*
Note n°30 ( 18/04/03)
1) Le capitalisme français : Deux ouvrages significatifs cette semaine
sur le sujet. Celui de Claude Bébéar, surnommé "le parrain" : dirigeant
d’AXA + l’institut Montaigne + l’association patronale Entreprise et
Cité. Il publie " Ils vont tuer le capitalisme" (Plon). Grosse
couverture de presse. Le "ils" en question ne visent ni les
anticapitalistes en général ni le mouvement social ou les syndicats,
encore moins les salariés ( les uns et les autres superbement ignorés)
mais tout ce qui dans la nébuleuse capitalistique exerce un peu de
(contre) pouvoir : analyste, audit, juriste, banquier, financier,
actionnaire, boursier, etc... Son livre est en somme un plaidoyer pour
le patron de droit divin, seul maître à bord, "responsable numéro un",
exerçant le pouvoir en solitaire. Des mots durs aussi pour les
Américains même s’il se défend d’être antiaméricain et semble
"comprendre" leur politique irakienne.
L’autre étude est plus solide : " Grands patrons. La fin d’un monde" de
Frédéric Lemaître, Audibert. Ce journaliste du Monde décrit les
évolutions du capitalisme français : poids renforcé du capitalisme
familial, recul de l’Etat actionnaire, délégitimation du contrôle
public, américanisation des modes de gestion, avidité.
Deux pistes s’ouvrent : soit des dirigeants mercenaires d’un capitalisme
mondialisé gérant des actifs délocalisables ; soit un capitalisme
européen ancré sur des territoires nationaux et préservant des "valeurs"
et un modèle.
Pour l’économiste Elie Cohen, ces nouveaux dirigeants, moins liés à
l’Etat, aux grands corps, avides, ne supportant pas des contre-pouvoirs,
éloignés du service public, tout cela donc montre qu’ " un capitalisme
de connivence a supplanté le capitalisme colbertiste".
2) Singularité française : nombreux articles, émanant de ce que l’on
pourrait appeler le parti américain ou le lobby ultra-libéral ( les deux
s’épousent parfaitement d’ailleurs, voir Madelin), qui s’insurgent
contre la singularité française, que ce soit dans les affaires du monde,
en matière idéologique ou dans la gestion intérieure. Exemplaire le
papier de Guy Sorman, "La France hautaine" (Figaro, 14/4). Il nous
montre une mondialisation libérale et heureuse en train de déferler sur
la planète (Irak comprise), apportant prospérité et bonheur. " Mais il
existe une nation où cette révolution est réfutée : la France".
Même topo de Philippe Tesson dans une tribune intitulée "L’exception
française" in "Métro" (14/4) : la formule a pu se justifier en d’autres
temps mais à présent elle conduirait le pays " à une espèce de complexe
de supériorité qui finalement relève du racisme"(!).
3) Pression des ultra-libéraux : beaucoup de papiers sur l’indécision
gouvernementale, l’absence de lisibilité de sa politique, la prudence et
les silences de raffarin. Sage tactique, pour quelques uns,
inconsistance et signe d’échec pour beaucoup d’autres. A droite, " le
sinistrisme est de retour" estime GA Slama ( Figaro, 7/4). Dans ce cadre
une très forte pression des ultra-libéraux. Voir par exemple les éditos
de Fabra dans Les Échos. A le lire, la messe est dite, le pouvoir n’a
pas eu le courage d’aller au bout des grandes réformes libérales (
emploi, retraite, État, ...). Avec toujours ce commentaire qui prend ces
jours-ci une connotation particulière : " Sur ces points, les Etats-Unis
donnent un exemple salutaire, on ne le répétera jamais assez".
4) La jeunesse et les USA : L’Express publie cette semaine un sondage
Sofres effectué auprès des jeunes de 15 à 25 ans. On peut parler d’un
rejet net de l’Amérique et du modèle américain. Rejet politique : un
jeune sur quatre souhaitait une défaite américaine ; rejet culturel :
alors même que les "valeurs américaines" ( in loisirs, cinéma, musique,
vêtements, vocabulaire, bouffe, modes) sont omniprésentes, un jeune sur
six seulement exprime un sentiment de sympathie à l’égard des États Unis !
5) 21 avril : l’anniversaire du premier tour de la présidentielle est
l’occasion de la parution de plusieurs ouvrages. Notamment du côté
socialiste : Julien Dray, Comment peut-on encore être socialiste ?,
Grasset ( phraséologie autocritique, dédouane Jospin, accent sur les
institutions) ; Pierre Moscovici, Un an après, Grasset ( pour un parti de
toute la gauche. Sur le communisme, il écrit : " Le débat ouvert par le
congrès de Tours n’a plus de sens : le communisme reste une culture, une
organisation, une mémoire, une passion française - mais il n’a plus de
projet historique. Cette parenthèse de plus de 80 ans devra bien se
refermer un jour") ; Henri Weber, Le bel avenir de la gauche, Seuil ( la
social démocratie va rebondir ; pour une réforme des institutions).
Le PS sort un tract à un million d’exemplaires :" Un an de gouvernement
Chirac/Raffarin. La casse sociale et l’échec économique". Tenue d’une
conférence de presse le 22 de F Hollande.
JP Raffarin envisage une manière de colloque intergouvernemental portant
sur la crise de la politique ( et les moyens d’y remédier).
Et si l’on revotait aujourd’hui ? Un sondage Figaro-Magazine/Sofres donne
Chirac à 32% (+ 13), Jospin à 26 (+10) ; à droite Le Pen demeure à un
score élevé (11, -5), Bayrou gagne (8, +1,2) ; à gauche tout le monde est
laminé.
6) La droite pioche à gauche : " la droite dispute sans complexe à la
gauche sa vieille hégémonie sur les milieux intellectuels et se nourrit
de leurs analyses pour lever les blocages de la société française" écrit
JM Bezat du Monde ( 11/4) : dernier exemple en date, la nomination par JP
Raffarin du philosophe Alain Etchegoyen à la tête du Plan. Le premier
ministre avait d’abord pensé à P. Rosanvallon puis A Finkielkraut.
En fait le personnage est emblématique de ces intellos de gauche ( ex
proche de Aubry puis Allègre) qui ont côtoyé le patronat ces dernières
années ( ici Usinor et Mer). Un signe de plus de ce glissement à droite
déjà pointé à sa manière cet automne par l’ouvrage sur " Les nouveaux
réacs".
A lire également l’entretien de Luc Ferry dans Le Figaro Littéraire du
10/4 où " il met en cause la pensée de Mai 68".
Fiasco prévisible de l’expédition de son livre ( cette semaine) à 800
000 enseignants.
7) Retour de l’idéologie : à lire l’analyse de l’économiste Jean-Paul
Fitoussi ( Le Monde, 4/4) qui a des allures d’aveu. De retour d’un
colloque sur (contre) la mondialisation à Cuba, il "découvre" que le
discours très idéologisé des pays du Sud n’est au fond que "l’image
inversée du discours auquel on assiste habituellement en Europe et/ou
aux États Unis". C’est à dire un discours apparemment scientifique où
l’on retrouve toujours les mêmes ressorts : le bonheur = la concurrence +
la libre entreprise + la réduction des protections (sociales). " En
somme si l’on réduisait les messages à leur plus simple expression,
c’est le statut du capital que l’on accuse à Cuba, et celui du travail
chez nous".
8) Radicalisation des formes de luttes ? Articles, reportages et
enquêtes sur les mouvements sociaux en cours, singulièrement les luttes
contre les plans sociaux, font état d’un même sentiment de désespérance,
d’impuissance et en même temps, de risque de dérapage dans des actes
violents ou des "jacqueries" : Mettaleurope, Giat, industries du textile.
Après Givet (Ardennes) et la menace de pollution de la Meuse, les
ex-Boussac qui parlent de faire exploser des bonbonnes de gaz. Imitation
des méthodes des syndicats agricoles ( magasins de distribution
vandalisés.... ).
9) Guerre et médias : intéressante enquête d’un centre de recherche
américain (Figaro Économie du 15/4) sur la façon dont le public aux USA
a vécu la couverture de la guerre par les médias d’outre Atlantique.
Regard positif, ultra-patriotique ( triomphe de la chaîne de Murdoch) ;
en même temps des téléspectateurs pas totalement dupes : ainsi un tiers
du public regrette de n’avoir rien appris sur le coût de la guerre ou
sur les victimes civiles. Et surtout lassitude à présent devant ce
thème : 40% parlent d’overdose ; 45% réclament d’autres informations, sur
la réduction d’impôts (45%), l’état de l’économie (43%), les primaires
démocrates (38%) ou la pneumopathie (33%).
Sur la situation (de crise) intérieure aux USA, voir le dossier Le
Monde/Économie du 15/4.
10) Partis
UMP : ouverture à gauche ? tel semble être le message de Juppé qui a
confié à Valérie Pécresse l’organisation de multiples réunions
thématiques " auxquelles sont conviées des personnalités souvent
étiquetées à gauche" ( Le Fig Mag, 12/4).
Problèmes persistants au sein de cette formation. Le congrès
programmatique - où devaient voir le jour les "courants"- semble
repoussé à l’automne.
Interdiction faite aux ministres de constituer ouvertement des tendances
mais possibilité de conduire des listes aux régionales ( une première
liste de noms est donnée dans Le Figaro du 16/4).
Livre de J Blanc, président du Languedoc-Roussillon ( avec les voix FN),
"La France dans le bon sens" ( Rocher), préfacé par JP Raffarin. ( De
son côté Sarkozy soutient Peyrat de Nice). Retour de Carignon.
UDF : présenterait des listes partout aux régionales : et/ou pourrait
réclamer un tiers des textes de liste à l’UMP ( de Robien, Le Monde, 12/4)
Le Pen : congrès à Nice ( 1800 délégués) qui se termine le 21/4. Sa
presse dit qu’un adhérent sur quatre a pris sa carte pour la première
fois en 2002.
Plusieurs articles et études indiquant que le score des lepenistes, en
recul, demeurerait à un niveau élevé ( ce que confirme le sondage du Fig
Mag), que l’argumentaire FN fonctionne toujours ( crise économique,
impuissance du politique, corruption, racisme, guerre...), que ses liens
avec le monde ouvrier sont intacts ( cf enquête du Monde).
Marine Le Pen a tenu le premier colloque de son courant Génération Le Pen.
Verts : divisés sur leur stratégie d’alliance ; décision en juin. Vers un
retour de D. Voynet.
PS : semble tenir Jospin à distance. Durcit le ton sur le bilan
économique et social du gouvernement.
Chirac : une (nouvelle) biographie du Président par deux journalistes, N
Domenach et M Szafran , Le sacre : le roman d’un Président, Plon. Plutôt
aimable avec l’hôte de l’Elysée.
CFDT : tensions internes devant la gestion du dossier Retraites ; cf Le
Figaro/Eco du 11/4, p III
21/4/03
Sur l’anniversaire du 21 avril et la préparation des
régionales
Abondante littérature ces jours-ci ( livres -le JDD en répertorie 15,
articles) sur cet anniversaire. Sur ce qui a changé, ce qui demeure.
Un éloignement persistant à l’égard de la politique ; des formes
d’engagement parfois massifs ces derniers mois ( anti lepen, anti
mondialisation, anti guerre, anti casse sociale) mais sans raccord avec
la sphère politique.
Caractère éphémère de tous les collectifs créés après le 21 avril ( voir
Le Monde du 20 ; et les efforts de Mamère pour fédérer ces strctures).
Un mouvement populaire émietté, éparpillé, déconscientisé.
Un monde politique discrédité ( les ravages du procès Le Floch Prigent).
Dans le sondage JDD, un quart des personnes interrogées « refusent
toujours l’offre gauche-droite » !
Sentiment maintenu de l’impuissance du politique (nourri encore par
l’incapacité à contrarier les plans sociaux et aussi peut-être par
l’inéluctabilité de la guerre en dépit des oppositions d’Etats et des
manifestations universelles).
A noter l’étude sur l’abstention de L’Huma du 21 semblant montrer que la
progression en vingt ans du taux d’abstention a été la plus forte dans
les villes communistes, là où l’attente du politique était la plus forte ?
Un courant populiste qui se nourrit de cette démobilisation politique ;
très forte – et très complaisante- couverture médiatique du congrès FN
et du phénomène Le Pen ; idée d’une influence à peine entamée ( ?), d’un
ancrage ouvrier solide (cette idée est martelée) ; d’un parti qui a
surmonté la scission, qui survivrait à Le Pen ( d’autant que Marine LP
est l’objet depuis des mois d’une bienveillante présentation).
Mise pour 2004 sur la crise économique, la montée du chômage, la fin de
l’effet Sarkozy. Le FN parle de doubler ses élus : 125 sortants en 1998
où le FN avait dépassé les 10% exprimés dans 16 régions sur 22 ( et
frôlé en Poitou et Auvergne).
Signaler la tonalité très ultra-libérale du programme économique et
social de Le Pen ( retraites, anti-fonctionnaires…) alors même que cet
électorat est plutôt anti-libéral !
Etude du Figaro du 21/4 sur proximité et différence entre l’électorat
droite et FN : proximité sir homophobie, ordre, tradition ; différence
la plus notoire sur le libéralisme : ce thème est plébiscité à droite
alors que l’électeur FN attnd la protection de l’Etat !Discours inchangé
sur insécurité/immigration.
Voir l’analyse de Zeev Sternhell dans Le Monde du 20 qui insiste sur les
motivations sociales de ce vote ( avant le ressentiment antidémocratique).
Une droite restructurée (UMP) au discours droitisé mais l’organisation
interne de cette famille demeure fragile ( problèmes de leadership,
Juppé contesté, caporalisme interne), le nouveau parti peine à trouver
ses marques, quasi aucune visibilité en dehors d’un suivisme à l’égard
du gouvernement ; et concurrence réelle de l ‘UDF ( voir les partielles,
le dernier sondage Fig Mag) qui pourrait profiter d’une surenchère
libérale ( ?) contre Raffarin.
Droite-extrême droite : chasse aux voix lepenistes ; une certaine
similitude des discours ( autorité, ordre, répression, chasse aux
pauvres…) ; à noter le soutien de Raffarin à Jacques Blanc, longtemps
pestiféré à droite pour ses accords avec le FN en Langedoc-Roussillon ;
le premier ministre préface son dernier livre et dit son estime pour
l’homme. (A lier aussi au soutien appuyé de Sarkozy à Peyrat, maire
contesté de Nice.) Ce qui fait dire à Seguin : « Cette perspective
d’alliance avec le FN ne doit pas effrayer outre mesure » (Le Parisien
de ce week-end)…
Voir à ce propos l’expérience totalement banalisée de collaboration
droite-extrême droite en Autriche.
Un rapport droite-gauche inchangé – ce que semble montrer tous ( ?) les
sondages. Même s’il est un peu resserré : (en cas de législatives) 41%
des sondés souhaitent une victoire de la droite contre 36% à gauche,
selon le JDD ( 55% /45% en 2002). Voir la simulation du Figaro Magazine
de début avril : « Si la présidentielle avait lieu aujourd’hui ».
A gauche, syndrome du vote utile, de l’alignement. Cet alignement marche
(naturellement ?) mieux à gauche qu’à droite : toutes les familles non
socialistes de gauche ( verte, radicale, républicaine, extrême gauche,
communiste) semblent rabotées/laminées au profit du PS.
Valeurs : A rappeler ces commentaires au moment du Salon du Livre,
soulignant l’ampleur et le succès des livres « psy », phénomène
interprété comme une (nouvelle) phase de repli du citoyen sur la sphère
privée.
Prédominance des valeurs réactionnaires ( la force, le fric, recul des
solidarités) et en même temps fortes résistances ou fortes aspirations à
les contrer ( le refus majoritaire de la guerre participe de cette «
résistance »).
A noter deux enquêtes récentes et proches probablement indicatives de
l’état actuel de l’opinion : l’une sur le racisme et l’antisémitisme
montre une opinion largement plus ouverte, plus tolérante mais avec des
extrêmes (racistes) radicalisés ; l’autre sur les croyances des Français
( Le Monde de vendredi) décrit des concitoyens globalement plus distants
avec le phénomène de croyance mais là encore avec des extrêmes (
ultra-pratiquants ou ultra-« militants athées ») là encore radicalisés.
Est-ce que cette configuration ne vaut pas aussi en matière politique ?
Le fait est que la lecture sociale-démocrate de la société privilégie
une vision apaisée de la société et parle à son « noyau central » ( ?)–
ce fut la ligne de Jospin à la présidentielle, euphémisant les violences
de toutes natures ( exclusions, difficultés économiques, sociales, plans
sociaux, licenciements, sexisme…) ; cela semble être la ligne Hollande.
Régionales : P Seguin qualifie le mode de scrutin de « sommet de
l’aberration mentale à étudier à Sciences-Po ».
L’enjeu propre de ce scrutin sera revalorisé suite à la loi sur la
décentralisation ( pouvoirs accrus et ébauche de véritables potentats
locaux) ; mais il s’agira surtout d’un scrutin très politique. A la fois
un premier bilan du gouvernement, deux ans après le 21 avril. Et une
tentative grandeur nature de bipolarisation. Tout va pousser en ce sens
: la rappel des précédentes régionales ; le traumatisme du 21 avril et
le chantage au vote utile ; la loi elle-même – même avec limites imposées
par le Conseil Constitutionnel, qui est une machine à aligner.
L’extrême droite entend disputer les places dans toutes les régions ;
importance symbolique accordée à la PACA ; d’où ce congrès de Nice ; Le
Pen sera candidat ; répartition de ses principaux chefs dans les grandes
régions ( Marine en Ile de France ? ou le Nord ?).
UDF-UMP : l’UMP prétendait couvrir tout le terrain de la droite ; elle
devra pourtant négocier avec l’UDF ; celle-ci entend être présent
partout ; en même temps se sent porter par l’air du temps et fait monter
la pression sur l’UMP ; l’UMP prête à lui concéder quelques places :
Bayrou tête de liste UDF-UMP en Aquitaine ? idem en Rhône-Alpes. L’UDF
demande un accord national. De Robien réclame un tiers des têtes de liste.
Le PS – avec un discours de plus en plus critique à l’égard de Raffarin
mais des propositions assez peu différentes- entend réunir autour de lui
( arc en ciel) les éléments de la gauche plurielle. Tous les « petits »
partis de gauche devraient s’y rallier ( voir à ce propos la
configuration du meeting de Nice).
Les Verts sont tentés par une stratégie autonome au premier tour : vote
du CNIR. Mais disent trancher la question définitivement en juin ;
pourrait aussi laisser leurs structures régionales libres de leur choix,
comme le permettraient leurs statuts. « Ensemble nous ferons vivre une
alternative politique » a dit Lemaire au meeting commun avec Hollande
anti-Le Pen de Nice, meeting d’ailleurs très clairsemé
Extrême gauche : deux listes ? liste commune LCR/LO ? quid des
évolutions LCR ?
PCF : l’objet d’une phénoménale pression en faveur de listes uniques à
gauche dès le premier tour ( danger Le Pen, syndrome du 21 avril,
bipolarisation…), qui ne sera pas sans écho sur une partie de
l’électorat ; en même temps son congrès a mis l’accent sur l’affirmation
communiste, sur la lisibilité de son projet, propos qui serait contredit
par des unions au premier tour – en outre ce choix serait sans doute une
mauvaise façon de préparer les européennes ; de tout premiers signes
montrent d’ailleurs à la fois la singularité de l’électorat communiste (
le dernier sondage IFOP-JDD note par exemple que J Chirac « reste
majoritaire dans tous les groupes sociaux et dans toutes les catégories
politiques sauf chez les sympathisants communistes ») et un début de
meilleure visibilité ( évocation plus systématique par exemple des JC
dans les médias lors d’émissions sur le 21 avril ces jours ci).
Vers une campagne mettant l’accent sur – contre le populisme ( la
conférence nationale nous donne des éléments ; on doit être le seul
parti à avoir entrepris ce travail) ; s’adressant prioritairement aux
milieux populaires ( pourquoi pas une campagne essentiellement tournée
vers les entreprises et les quartiers ouvriers-populaires), sorte de
travaux pratiques en grand de ce que nous avons dit au congrès :
proximité avec les petits… ; et développant nos thèmes sociaux,
anti-libéraux et démocratiques. Et avec des listes ouvertes à des
militants reconnus du mouvement social ( alternatifs, bovéistes,
entreprises genre Metaleurop…, tous ces collectifs nés de l’après 21
avril, qu’énumère Le Monde de samedi- dimanche).
*Mouvements des idées*
Note n°31 ( 25/04/03)
1) Le capitalisme français : un débat assez vif se mène actuellement
sur l’avenir du capitalisme...dans les colonnes de la presse économique.
Autour notamment de l’ouvrage de C Bébéar. Ainsi ( Figaro Entreprises,
22 avril) l’éditorialiste Yves Messarovitch se sent obligé d’écrire : "
Faut-il en déduire que le capitalisme est malade comme on le dit trop
sovent ? Non, il a de beaux restes et même un bel avenir bien qu’il ait
fortement déçu". De son côté, JM Messier critique vivement le patron
d’AXA, par exemple pour le "quasi oubli dans lequel l’ouvrage laisse les
salariés". Des règlements de compte personnels, c’est manifeste, mais
aussi une réelle inquiétude de cadres dirigeants du système sur la
fiabilité, la crédibilité de celui-ci. Grosse inquiétude notamment sur
la financiarisation. Extraits de Messier : " Les marchés sont fous, la
valeur des actions en Bourse - base du capitalisme- est erratique et n’a
plus grand chose à voir avec la valeur réelle des entreprises" ; ou " il
y a une opposition totale entre les fonds financiers - les hedge funds-
aujourd’hui dominateurs, préoccupés uniquement par le plus court terme,
au jour le jour voire à l’heure l’heure et l’entreprise".
Voir aussi du député Philippe Auberger, La démocratie à l’épreuve des
marchés, Economica ; idée que démocratie et marché sont frère ennemis,
que " Amesure qu’elle gagnait du terrain, la démocratie s’est peu à peu
affaiblie, son champ d’action s’est réduit face à la libéralisation des
marchés, à la réduction du secteur public, à une protection de plus en
plus minutieuse du consommateur, de l’épargnant et de l’environnement et
à l’extension des mesures à caractère social".
2) 21 avril : une vingtaine d’ouvrages recensés ( dans Le Monde, le JDD
et L’Huma).
Les commentaires portent généralement sur la distance à l’égard du
politique qui est inchangée, le populisme globalement maintenu (petit
débat à ce propos), la droite nouvelle qui n’est pas encore installée,
les limites de l’activisme chiraquien, le divorce entre l’économique et
le politique, la fragilité du mouvement citoyen de l’après 21 avril, le
désarroi de la France populaire, l’aggravation de la fracture sociale.
Beaucoup d’articles sur la nouvelle posture de Chirac, en cet
anniversaire, alors que l’après-guerre en Irak se précise, que les
enjeux économiques et sociaux refont la Une. Nombre de ces papiers
insistent sur la pression libérale et atlantiste dont serait l’objet le
Président.
D’un côté une forte poussée patronale : on voit un Medef, apeuré par les
menaces américaines, conjurant les autorités de calmer le jeu, renouer
les fils. Agacement, dit-on, de l’Elysée. Invité d’Anne Sinclair, le
patron de Sodexho, Pierre Bellon ( 110 000 salariés aux USA) déclare :
"En Amérique, nous sommes Américains".
D’autre part désir de droitiser l’orientation intérieure au plan
sécuritaire et surtout économique.
Bras de fer, dit-on, à l’intérieur de la majorité (?) et désir de Chirac
de garder son cap.
Un colloque à Sciences po ce vendredi sur l’anniversaire du 21 avril.
Suite de contributions sur les différents enjeux politiques et
économiques ; notamment cette question : " Intolerance populaire aux
inégalités et absence de conscience de classe" par Louis Chauvel. On en
rendra compte la semaine prochaine si besoin.
3) Droitisation de la "communauté" musulmane : une des séquelles du 21
avril ? Ce thème revient dans plusieurs papiers dont une récente enquête
de L’Express. Le patron des "Cahiers de l’Orient", Antoine Sfeir,
(Figaro, 17 avril), parle des "très bonnes relations entre les
islamistes et Alain Juppé à Bordeaux" et des "islamistes ( de l’UOIF)
qui ont rencontré plus de resistance à gauche qu’à droite où beaucoup
connaissent mal l’islam". Les sifflets provoqués par les propos de
Sarkozy sur le voile ne feront pas oublier que le ministre de
l’intérieur a reçu au terme de son discours devant l’UOIF une "standing
ovation". Le reportage du Monde (22/4) sur ce congrès parle lui aussi de
"basculement à droite de la communauté musulmane du 93", d’une tendance
nationale marquée en 2002 " qui s’accentuerait aujourd’hui" et
d’arrangement entre l’UMP et l’électirat musulman.
4) Religion : intéressant sondage Le Monde/La vie sur les pratiques
religieuses des Français. Première indication : TOUS les indicateurs de
croyance ( Dieu, prière, foi) sont en baisse. Effondrement des croyances
parallèles ( astrologie, voyance, sorcellerie). Le nombre de ceux qui se
réclament du "rationnalisme" passe (depuis 1994) de 22 à 52%.
Détachement à l’égard des religions, construction de religions sur
mesure, decallage croissant entre la foi "nouvelle" et la pratique
officielle.
Sollicité par Le Monde, un analyste observe en même temps chez les
jeunes (18-24 ans), à la fois plus de croyants convaincus ( de 10 à 27%)
et d’athées ( 17 à 28%) ; il parle de "retour partiel de la génération du
baby boom à la religion" et d’un certain retour à la morale, en
particulier chez les jeunes : on revalorise l’autorité, la fidélité dans
le couple, l’ordre public. Tout en demandant plus de liberté pour la vie
privée, domaine de la responsabilité personnelle".
Sur le sujet, noter le dernier Debray, Le feu sacré. Fonctions du
religieux, Fayard.
5) Tonalité anti mai 1968 : Curieux télescopage de propos anti-soixante
huitard de la part de Ferry, d’un côté, dans son ouvrage " Lettre à ceux
qui aiment l’école" et d’Allègre d’autre part. L’ex ministre jospinien
écrit ceci (JDD, 20/04) : " Luc Ferry est un intellectuel de qualité.
Dans une première partie de sa vie, il a eu le courage de s’attaquer à
la clique soixante-huitarde, aux grands maîtres de la pensée française :
Bourdieu, Serres, Foucault. La nomenklatura universitaire lui fit payer
cher ses audaces. C’est pourquoi loursque je suis arrivé au ministère de
la rue de Grenelle, j’ai conservé Luc Ferry à la présidence du Conseil
national des programmes où il avait été nommé par François Bayrou"...
6) Débat d’idées : nouvelle idée reçue et ressassée : La France souffre
d’une absence de débat d’idées. L’interview parallèle de Juppé et de
Rocard dans le JDD montre que, sous un apparent retour au clivage
gauche/droite, la pensée unique ronronne toujours autant. Y compris pour
se plaindre, l’un et l’autre, dans des termes à peu près identiques, de
l’absence de débat d’idées..." Ce qui nous manque le plus ce sont les
idées vigoureuses" note Rocard ; " On est attaché à faire renaître le
débat d’idées dans notre pays" souligne Juppé. D’ailleurs le patron de
l’UMP annonce la création d’une fondation pour en favoriser l’essor.
7) Inégalités : Bon papier d’Alain Beuve-Méry, Le Monde/Economie, p V,
du 23 avril, sur l’état des inégalités sous le gouvernement Raffarin ;
sur le travail du Réseau d’alerte sur les inégalités ( RAI) qui
rassemble chercheurs, fonctionnaires, syndicalistes et sur leur
baromètre des inégalités et de la pauvreté nommé BIP 40 ; sur
l’aggravation de ces inégalités ces vingt dernières années ( sauf entre
1988/1990 et 1998/2000) ; sur les attaques contre la Sécu, la politique
du logement, les menaces sur le RMI ; il note que cette "fracture"
nourrit le vole Le Pen et conclut : " C’est autour de la lutte contre les
insécurités que se soude actuellement l’alliance entre classes moyennes
et populaires, inquiètes de leur avenir. Une demande de retour aux
normes, assuré par l’Etat tant dans ses missions régaliennes (police et
justice) que dans ses fonctions régulatrices et protectrices est manifeste".
Sondage Figaro/Ipsos (24/4) sur les retraites et le social : accord pour
l’alignement privé/public mais division de l’opinion sur la façon de
"sauver" la Sécu, sa conviction que le chomage n’est pas la priorité du
gouvernement, une certaine droitisation de l’opinion sur les mesures
économiques et sociales ( charges sociales, chomeurs et Anpe) ; 54% pour
une remise en cause -libérale - du droit du travail ( 50% à gauche !) ;
mais attachement aux 35 heures contrairement à une campagne tenace de la droite depuis un an.
8) La gauche entre pratique réformiste et idées radicales ? Nombreux
papiers émanant de "repentis" qui s’indignent de la persistance (et de
la domination !) à gauche d’idées radicales, extrémistes,
anti-américaines et tiers-mondistes, d’un " communisme de rêve" alors
même, contrariant l’installation d’un réformisme moderne. Ainsi le
pamphlet de Konopnicki, La gauche piégée par ses extrémistes, Le Figaro,
18/4 : " Au long de la guerre d’Irak, les manifestants ont clairement
exprimé leur attachement à une idéologie qui devrait être résiduelle, à
l’image du score de Robert Hue et qui s’avère au contraire triomphante
au sein de la gauche. Les idées et les pratiques réformistes sont
battues en brèche par toutes les variantes de l’antimondialisme, le
souverainisme de gauche, l’écologisme radical et le gauchisme
révolutionnaire".
GK est l’auteur de "La gauche en folie", Balland.
On observera que cette thèse de la radicalisation des idées à gauche (?)
n’est pas vraiment confortée, en matière économique et sociale, par le
sondage Figaro/Ipsos du 24/4 évoqué au point précédent.
9) Altermondialisation : sortie du nouvel ouvrage de Naomi Klein,
Journal d’une combattante. Nouvelles du front de la mondialisation",
Actes Sud. Cette journaliste canadienne de 33 ans avait signé "No logo.
La tyrannie des marques", un million d’exemplaire vendus. Elle récidive
en publiant ses chroniques anti-mondialisation.
Côté littérature alternative, voir aussi "Petit bréviaire des idées
reçues en économie", collectif des Econoclastes, La Découverte.
Ouvertement anti-idéologie libérale.
10) Partis
FN : couverture exceptionnelle du congrès FN ; à retenir le divorce entre
le programme ultra-libéral de cette formation et le désir de cet
electorat de sécurité économique, de protection sociale ; c’est un des
électorats les moins séduits par l’idée libérale...
Plusieurs ouvrages : Christian Duplan, Mon village à l’heure de Le Pen,
Seuil ; Cohen/Salmon, Contre-enquête sur le choc Le Pen, Denoël ; et à La
Découverte : Erwan Lecoeur, Un néo-populisme à la française ; D. Bizeul,
Avec ceux du FN ; collectif, La tentation populiste au coeur de l’Europe.
UMP : publication le 5 mai d’un tabloïd de 24 pages pour les militants
qui traitera des "réformes" conduites depuis un an.
Raffarin, après son document de cinq pages ( " Du mal d’avril à l’esprit
de mai, notre chemin"), sort un livre d’entretien "La France de mai". Il
y annonce des réformes sur l’école, la famille, la recherche.
L’UMP se prépare à des régionales très politiques ; voir le propos de
Bédier pour l’Ile de France ou de Juppé qui estime que les listes
d’union à droite seront faites " pour soutenir le gouvernement".
PCF : Singularité de l’électorat communiste ( le plus critique à l’égard
de la politique de J Chirac selon le dernier sondage du JDD) ; certaine
"visibilité" des JC.
LCR : 15è congrès du 19 au 22 juin à Montreuil. " Seront abordées la
construction et l’animation politique interne de notre mouvement, en
tenant compte des récents changements quantitatifs et qualitatifs de la
Ligue".
PS : tract sur le bilan Raffarin et document de 17 pages sur " les dix
échecs" en matière d’économie, chômage, déficits, inégalités, services
publics, solidarité, éducation, environnement, aménagement du
territoire, sécurité.
En même temps nombreux papiers sur Hollande qui manquerait de
crédibilité dans ces attaques.
*Mouvements des idées*
Note n°32 ( 30/04/03)
Note spéciale puisqu’il s’agit du Compte-rendu d’une journée d’étude
organisée à Sciences-Po Paris vendredi 25 avril, intitulée
Le 21 avril 2001 : un an après. Que nous ont appris les élections
françaises de 2002 ?
Toute l’équipe dirigeante de l’IEP avait été mobilisée pour ce colloque
où l’on compta quinze (courts) rapports.
Avec Pérennité, recomposition et déplacements des cultures politiques
historiques, Serge Bernstein ouvre la journée. Pour lui, le 21 avril
confirme et amplifie des mutations à l’oeuvre depuis deux décennies. On
assisterait depuis le milieu des années quatre vingt à un épuisement de
toutes les grandes cultures traditionnelles françaises ( marxiste ou
libérale, communiste, socialiste, gaulliste) ; certes des manifestations
de nostalgie de ces courants s’expriment ici ou là, des mouvements de
substitution émergent parfois ; mais il ne voit pas émerger de réelle
culture de remplacement, de réelle recomposition ; tout au plus
pointe-t-il un "repli sur une culture consensuelle minimale" ( la
République, le marché régulé,...) qui deviendrait une "culture politique
nationale" exprimée notamment par le vote Chirac du second tour de la
présidentielle, avec, par ailleurs, des mini-courants, limités,
sectoriels ( écologistes, régionalistes, féministes, chasse et
tradition) ne formant pas de nouvelles cultures cohérentes.
Cette conception de Bernstein, majoritaire chez les politologues,
implique donc que toutes les cultures politiques françaises seraient
affectées, que l’exception française aurait vécu ; elle dessine pour
demain une sorte de nouvelle pensée unique, un cadre politique pacifié
et unifié (sur un modèle européen) où les différences ( on parle à peine
de droite et de gauche) ne porteraient que sur des gestions différentes
d’une même orientation.
Ce nouveau panorama politique est peu "mobilisateur" admet-il.
On peut se demander en effet (GS) si ce projet politique est "vivable"
dans la mesure où il laisse hors-jeu des pans entiers de la société, qui
plus est des pans qui contestent (même de manière partielle comme dit
Bernstein) cette construction. Ne finira-t-il pas par amplifier la crise
qui s’est manifestée le 21 avril ?
Marc Lazar traite de l’extrême gauche : vieilles passions, nouveaux
enjeux. Il montre qu’il demeure une exception française avec
l’existence, depuis la présidentielle de 1981, d’un fort courant
communiste + extrême gauche qui se maintient à un niveau de 15% environ
( (18% en 1981, 11 en 1988, 14 en 1995 et 13,7 en 2002). Il y voit le
signe d’un "enracinement communiste" qui ne peut pas s’effacer du jour
au lendemain, d’un retour de flamme. Il y a des vases communicants
PC/extrême gauche, des corrélations mais ce mouvement (d’échange) n’est
pas automatique.
Il estime que ce courant est symbolique d’une triple passion,
particulièrement vigoureuse : celle de l’égalité, de la protestation, de
la radicalité.
Égalité : tout à la fois une sensibilité anti-gouvernementale,
antimondialisation, celle des petits, des humbles, des "gens comme
vous", des anti-inégalitaires, ce qu’il qualifie de "passion culte" en
France, de défense donc des acquis sociaux.
Protestation : qui s’exprime contre la mondialisation, contre l’extrême
droite, contre les élites, qui se manifeste volontiers dans la rue, qui
idéalise le mouvement social, " forme actualisé du grand soir".
Radicalité : c’est le refus du réformisme, de la fausse alternance, le
retour de l’envie de révolution.
Pour Lazar, on est là en face de"l’héritage communiste", d’une forme
dégradée de culture communiste, de nostalgie, teintée d’ouvriérisme, de
populisme, de défense des salariés et de la gauche d’en bas.
Il évoque la conception LCR de la démocratie ( " démocratie bourgeoise"
dit Besancenot, p 151 de son livre).
Il souligne que si ces faits traduisent "de vieilles passions", il y a
aussi de nouveaux enjeux. Un enjeu social : ces votes traduisent des
inquiétudes réelles face à l’Europe, à l’éloignement de la vie
politique, à la fracture sociale. Un enjeu démocratique : à la fois doute
à l’égard du fonctionnement de la démocratie et envie de participer
davantage, de contrôler les dirigeants, d’avoir des citoyens actifs, un
monde régulé.
Lazar pense même que ce courant permet une re-politisation de la
jeunesse ; on assisterait à un nouveau cycle de politisation des jeunes -
le précédent remontait à la fin des années soixante- marqué des mots
d’ordre persistants, l’anti-américanisme, l’anti-capitalisme,
l’anti-néoliberalisme, l’anti-reformisme, avec des formes semblables
d’action (manifestations,...), mais désormais sans modèle ( comme
auparavant), sans organisations centralisées, sans cet engagement total
d’avant, plutôt sous des formes plus individualisées.
Il a conclu son propos en estimant que pour la gauche il existe un
"risque énorme" de voir se cristalliser "deux cultures de gauche" ; cette
gauche est aujourd’hui très divisée, elle risque la coupure. " Si la
gauche réformiste n’arrive pas à répondre" à ces attentes, " elle risque
de la payer très cher". " Le système politique doit répondre à ces
demandes" qui s’expriment hors des scrutins, qui n’auraient pas encore
donné forme à un parti, " sous peine de connaître d’autres 21 avril".
Louis Chauvel traite de Intolérance populaire aux inégalités et
absence de conscience de classe. Ce jeune chercheur est un des rares
politologues à travailler la question des classes sociales ; il signait à
l’automne 2001 un papier dans la revue de l’OFCE intitulé " Le retour
des classes sociales ?". Il évoque la destabilisation des catégories
populaires ; l’égalisation des conditions de vie a facilité l’idée d’une
harmonisation au sein de classes moyennes ; pourtant récemment on a
assisté à ce paradoxe : le niveau (de vie) des classes populaires a
stagné alors même que leur conscience de classe continuait de
s’effriter ? Employés et ouvriers constituent 60% de la population
active, avec un niveau de vie ( ce chiffre est "moyen", GS) de 1200
euros par mois.
L’auteur montre l’effondrement du vote ouvrier et employé pour le
candidat du PS entre 1988 et 2002 ( - 26 et - 20%).
Il signale trois "éléments lourds" :
1) Il y a en France une passion de l’égalité, une allergie à
l’inégalité ; alors même que la France est objectivement moins
inégalitaire que des pays comme les Etats Unis ou la Russie, le refus de
l’inagalité est un des plus fort au monde. 60% trouvent que les écarts
de revenus sont trop forts.
2) Le processus d’individualisation a miné la conscience de classe.
Cette érosion de la conscience de classe est à l’oeuvre depuis 1975 (
ici Chauvel fait référence aux travaux de Michel Simon..). En 1988
encore le sondé populaire faisait la différence entre classe moyenne et
supérieure et un groupe auquel il appartenait, lui ; mais de 1988 à 2002
il y a eu banalisation vers une classe moyenne.
Il pose ici la question : comment ces classes populaires à 1200 euros par
mois pourront-t-elles s’identifier longtemps à une "classe moyenne" qui
vit sensiblement au dela de ce revenu ?
3) Ce qu’il appelle la selectivité du capital social. Alors que les
classes moyennes accèdent de mieux en mieux aux disponibilités de la
société civile, cette même socialisation s’est compliquée pour les
classes populaires ( moins de syndicats, moins
d’organisations-associations).
Alors que la croissance de l’autonomie a poussé les classes moyennes,
les a dopées, ce même phénomène a plutôt désarmé, affaibli les classes
populaires ( il parle là en tendances, depuis les années soixante).
L’autonomie a "boosté" la classe moyenne et désarmé le milieu populaire,
estime-t-il.
En résumé, la population française est spécifique, très demandeuse
d’égalité, se méfiant des élites ; l’identification classe moyenne/classe
populaire est à l’oeuvre mais avec une situation objective (revenu) qui
ne suit pas ; faute d’être considérée, cette classe populaire manifeste
son mécontentement ( vote autoritariste ou anti-libéral). Chauval
rappelle que si une partie des milieux populaires se réfugient dans
l’abstention, elle sait aussi recourir au vote, à la différence des
Etats Unis où là elle se met hors jeu politiquement, ce qui est
"relativement pratique" pour les dominants américains, conclut le chercheur.
Sur Le Pen, trois interventions.
Nona Mayer traite de "l’anti-lepenisme" ; elle redit cette différence
entre le vote des femmes et celui des hommes ; si seules les femmes
avaient voté, Le Pen serait arrivé en troisième position ; si seuls les
hommes l’avaient fait, il serait arrivé en tête.
Elle montre la force de l’anti-lepenisme ( au passage elle observe que
c’est l’électorat communiste qui affiche le taux record d’opposition au
chef du FN !), ses facteurs, ses limites ; elle estime que le lepenisme a
encore un réservoir de forces.
Pascal Perrineau lie le vote Le Pen au thème de l’insécurité " à tous
les sens du terme" ; il y voit des "plaintes" : plainte sociale, celles
des laissés pour compte des mutations, ouvriers et (fait plus nouveau)
ruraux ; plainte sociétale, de gens sans lien social, isolés ; plainte
(machiste ?) de jeunes hommes déboussolés : "il y a une crise de
l’identité masculine" qui trouve une expression dans le vote Le Pen.
Il y voit aussi des nostalgies (3) : celles d’un Etat fort ; d’une pulsion
césariste ( le chef...) ; celle d’une passion extrêmiste à la française,
qui existait aussi à droite.
Avec la "recomposition des territoires", Olivier Borraz montre comment
les zones péri-urbaines sont devenues des lieux de vote extrêmistes,
lepeniste ( et aussi gauchistes) ; il estime qu’avec la décentralisation
à la mode Raffarin, ces territoires demeureront en marge et ce problème
risque de s’amplifier.
Pierre Bréchon s’interroge sur les clivages des valeurs le 21 avril.
Il rappelle que les valeurs ne dictent pas directement les choix
électoraux (plus conjoncturels). Ces valeurs, intériorisées dès la
jeunesse de l’individu, peuvent être réaménagées dans le courant de
l’existence mais lentement. les gens ont de plus en plus tendance à se
construire leurs propres valeurs ; les "militants" aux valeurs sûres sont
en recul, les pragmatiques progressent ; les Français se rapprocheraient
des standarts européens où il est établi que 61% des occidentaux font
leir choix électoral en fonction des circonstances et 28% selon leurs
principes (!).
Les valeurs changent avec en arrière fond quatre tendances lourdes :
1) on est optimiste pour soi même, pessimiste pour la société.
2) les gens s’interessent à la politique, se jugent compétents en la
matière mais la vie politique les ennuie, ils ne croient plus aux
changements, estiment que les élections ne changent rien.
3) la critique politique se renforce, se renforcent le potentiel
protestataire, une pratique de protestation conventionnelle (vote) ou
non (manif).
4) on fait une séparation nette entre indépendance de la vie privée et
demande de régulation de la vie publique ; on est plus tolérant avec
autrui mais il y a aussi demande d’ordre, notamment chez les jeunes et
chez les gens de gauche.
Anne Muxel parle des jeunes absents et présents ; montre que leur jeu
de cache-cache ( vote ? vote pas ?) n’est pas une surprise ; qu’il n’y a
jamais eu de vraie "desertion civique" ; qu’ils passent de formes
conventionnelles (vote) à d’autres non conventionnelles (
manifestations) sans problème ; qu’ils sont attachés aux valeurs (justice
sociale, égalité) ; que la liaison des enjeux nationaux et internationaux
sont très importants pour eux ( seuls la LCR et les Verts l’auraient
compris...) ; que ces jeunes ne se reconnaitront pas dans cette "culture
consensuelle minimale" dont parle S. Bernstein.
Hugues Lagrange, sur l’insécurité, montre comment ce thème, à l’origine
connoté extrême droite, s’est complexifié et a concerné les gens les
plus divers ; il parle de montée récente des faits de violence la plus
bénigne et d’une sur-attention policière qui a conduit en 2001 à une
année "desastreuse" pour la gauche sur le sujet ; il estime que les
grands problèmes d’insécurité sont devant nous car persistent les
phénomènes de fond ( dépacification des moeurs ; crise d’attribution de
la faute ; nouvelle fragilité identitaire).
JL Missika se demande si la télévision (est) un acteur politique ?. Il
analyse ce qu’ont fait les médias à cette époque, et comment ils ont
couvert la campagne. L’insécurité était devenu le thème unique des
informations dans le même temps où la campagne électorale était
inexistante ; la politique était mise à distance ; on ouvrait le JT avec
les "vraies" questions, l’insécurité (France d’en bas), on le terminait
avec une évocation expresse de la campagne (France d’en haut) ; les
journalistes ont martelé l’idée que le 21 avril allait être un non
événement, que la campagne était ennuyeuse alors que leur rôle est de la
faire vivre ; ils se sont servi de l’argument du "trop" de candidats pour
ne rien faire en définitive.
Extraits :
" Le JT n’a jamais cherché à identifier l’enjeu de la campagne
présidentielle. On oublie de prévenir les Français sur l’enjeu du 21
avril, ces derniers interprètent le scrutin à leur manière : à droite
elle en fait un référendum sur l’insécurité, à gauche c’est un vote
défouloir"."expressio
Gérard Grunberg, avec Le système politique de la Vé République avant
et après euphémise la crise des institutions ; il estime que celles ci
ont bien resisté, elles sont en bonne santé ; la VIe République serait
une perspective qui s’éloigne. La bipolarisation serait en marche mais
il doute des capacités de l’UMP et du PS à occuper le terrain à droite
et à gauche.
Dominique Reynié sur l’abstention parle de dissidence électorale, de
militantisme de la désobéissance, de dimension européenne du problème ;
il rappelle que l’abstention est particulièrement forte aux régionales
(+40%) et aux européennes (52%).
Bernard Manin, avec Un échec de la représentation ?, insiste plus sur
des nouvelles formes d’expression politique ( manifestation) que sur
l’abstention.
Alain Lancelot, au contraire, avec l’abstention, une distance sociale
ou une dissidence politique ?, dramatise la question de l’abstention,
phénomène majeur et en extension depuis une quinzaine d’années ; parle de
modèle américain ; énumère cinq raisons pour lesquelles "on va encore
voter" et souligne leur fragilité ; parle de crise de l’intégration
civique, d’un a-civisme qui va continuer de prospérer, appelle à une
relance de la démocratie " par le haut, par les nouvelles élites.
Florence Haegel traite de l’UMP, la nouveauté de cette formation, son
modèle européen, ses faiblesses, le fait aussi que l’UMP abandonnerait
la production d’idées à des associations, ce qui " pousse à la
dépolitisation".
John Crowley, avec "L’échec de Jospin, la réussite de Tony Blair", se
libre à un panégyrique du modèle blairiste.
Un court métrage intitulé " Un soir d’avril" réalisé par des étudiants
montre les portraits croisés de quatre jeunes militants "nés" le 21
avril ( Sos Racisme, un animateur de radio de quartier, une militante
LCR, un de l’UDF...).
*Mouvements des idées*
Note n°33 ( 7/05/03)
1) Offensive de printemps ? Pressé par sa propre majorité, confronté
aux questions intérieures, le gouvernement accélère ; c’est du moins
l’image qu’il veut donner, avec quatre réformes d’inspiration libérale :
retraites, immigration, famille, fonctionnaires.
Les trois dernières ont de forts relents idéologiques.
Il faut s’opposer à la gauche qui voulait "déconsidérer" la famille.
On remet à l’ordre du jour une question qui était un peu en marge :
l’immigration ( "compensée" par l’avancée sur la double peine).
Quant à la chasse aux fonctionnaires, c’est un thème, pour la droite,
qui fait partie de ses "fondamentaux".( On reparle ici ou là du statut
des fonctionnaires, de 1945, de Thorez...).
Alexis Brezet dans Le Figaro du 6/5 détaille la ligne Raffarin et le
qualifie de " pragmatique politique d’obédience libérale".
La détermination est là mais "ira-t-il au bout ?" s’interroge le journal.
Comme pour se rassurer, la droite répète que l’opinion est acquise même
si les syndicats bougent ; que la droite est installée pour longtemps (
il se dit que Chirac se représentera en 2007 alors même qu’on écrit que
"la gauche" a disparu, voir Le Figaro Magazine).
2) Libéral et consensuel à la fois ? En même temps qu’il confirme ses
choix libéraux, sont relancés des dossiers sociétaux ( mise en scène de
la question du voile, laïcité, pénalisation de la drogue, immigration),
ce qui permet à la fois au pouvoir de surfer sur la demande d’autorité
et aussi d’entretenir l’idée qu’il existerait désormais en France une
culture politique nationale, consensuelle, celle dont parlait Serge
Bernstein ( Cf le PV du colloque de l’IEP ici même la semaine passée),
une culture "républicaine" minimale, incarnée singulièrement par le
Chirac du second tour de la présidentielle de 2002, barrage à toutes les
formes d’intolérance, de violence, de fanatisme, voire de terrorisme (
cf l’interview de Juppé, Le Figaro, 5/5).
Ou d’antisémitisme ( voir aussi l’utilisation de ce thème pour troubler
les débats préparatoires du Forum social européen).
Une sorte de nouvelle pensée unique, centrale, centriste. "La droite est
installée au centre" titre "Le Figaro Magazine", 3/5, p 16. Où l’on se
retrouve. C’est Rocard qui, lors d’une réunion du club Vauban, "souhaite
très fortement que le gouvernement Raffarin réussisse sur les
retraites" ; c’est Lang qui félicite Sarkozy ; c’est Delors qui trouve que
VGE travaille bien ; c’est Fillon qui lance son club France.9 en présence
du socialiste Aquilino Morelle ; Mattei qui se revendique d’Aubry/Guigou ;
Alain Bauer pressenti par Sarkozy pour l’observatoire sur la
délinquance, etc...
Voir aussi les efforts de Fillon en direction de la CFDT.
Paradoxalement, Le Monde ( cf " M Raffarin modérément obligé par
l’esprit de mai", de JB de Montvalon, le 7/5) croit déceler un retour à
l’opposition gauche/droite.
3) Régulation : fait partie de cette culture consensuelle un discours
désormais convenu sur la "régulation" en France et dans le monde. Sur
Chirac et l’international : le monde est de plus en plus dangereux, la
France a de plus en plus besoin d’un homme d’Etat de la stature de
Chirac ; ce que répètent des proches du Chef de l’Etat (Baroin) ; lequel,
retrouvant ses accents de Johannesbourg et de Gênes, tient un discours
très " régulation", "multilateralisme" et "développement durable",
notamment devant les responsables -apparemment séduits- du syndicalisme
international reçus à l’Elysée dans le cadre de la préparation du sommet
d’Evian du G8.
4) Discours de la France d’en haut et soucis de la France d’en bas :
interrogés sur les dossiers prioritaires que devrait règler le pouvoir,
dans l’enquête Figaro/Ifop (28/4) sur l’anniversaire du gouvernement,
les sondés mettent en tête : Chômage, retraites, pouvoir d’achat ; les
questions de l’immigration, de l’Europe, des rapports avec les Usa ou de
la réforme de l’Etat viennent en queue de peloton...
5) Jeunesse : A l’occasion du rassemblement de la JOC (les commentaires
ont mis volontiers l’accent sur un recentrage de l’association sur ses
"fondamentaux" religieux), enquête sur la jeunesse publiée dans le
numéro de La Vie du 1er mai (pp 35/45). Où l’on met l’accent sur la
dureté d’existence des jeunes d’aujourd’hui ( par ex ; 45% des 20/24 ans
ne partent pas une seule journée en vacances) : " Il faut remonter loin
dans le temps pour trouver une situation aussi défavorable à l’égard de
la jeunesse".
La politique ? sentiment d’un monde qui ne les concerne pas mais envie de
s’engager mais pour changer, concrètement, sans" grand soir ni
générations sacrifiées".
Un sondage CSA/La Vie/ La JOC indique que 2 jeunes sur 3 considèrent
leur génération "intéressée par l’argent" (58%) ; en même temps ceux qui
se disent révoltés sont aussi nombreux (52) ; ils se disent solidaires
(33) et individualistes (31) : en fait une identité complètement
contradictoire.
Au plan des valeurs, une recomposition assez notable : travail, famille,
amour en tête. Ainsi pour eux, la réussite ? c’est un métier qui plaît
(80%), une famille (60%), l’amour (40%, 20 points de décalage avec la
famille...), l’argent (37). La défense d’une grande cause : 9%.
Ils pensent que la société a peur des jeunes (60) mais sont aussi 43% à
penser que cette société est trop laxiste avec eux...
Enfin ils sont très nombreux à penser (2/3) que les médias donnent une
image négative des jeunes. ( résultats complets du sondage sur le site
lavie.presse.fr
Autre dossier sur "Jeunesse et militantisme. La nouvelle vague" in Viva
de mai.
6) Réformer la gauche ? Formidables - et convergentes- pressions sur la
gauche socialiste pour la pousser à entrer définitivement dans l’ère du
réformisme. C’est d’un côté le discours de Rocard, libéré des enjeux du
congrès de Dijon, qui dit tout haut ce qu’on susurre dans la majorité
hollandiste : le PS est " le parti le moins courageux de toute la social
démocratie européenne" car il est le dernier à "s’adapter au fait que
l’économie administrée, ça ne marche pas". Même son de cloche à droite :
gros dossier du "Figaro Magazine" intitulée "La gauche en voie de
disparition" ( double édito ; reportage sur le congrès de Dijon - " la
libéralisme, avenir du socialisme"- ; échec de la gauche en matière
d’insertion, de féminisme, d’école ; la gauche n’a plus d’identité, fait
mine de se plaindre l’hebdomadaire. Appel à peine voilée à en finir avec
" la gauche de révolution" ( entretien de Finkielkraut) et à l’adoption
d’une voie plus ouvertement sociale-libérale et dans des termes très
"rocardiens" ; ainsi dans l’ouverture du dossier, Patrick de Carolis
demande : " Partout en Europe la gauche se réforme. Pourquoi cette
exception française ?".
7) Des travailleurs plus visibles : l’excellent opus de Marcel Trillat,
" Les prolos", semble participer d’un mouvement plus général de
"retour" de l’ouvrier et du travailleur dans le panorama civique.
Différents documentaires ; dossier récent du supplément Médias du Monde ;
dossier intéressant de Libération ( 5/5) sur le droit d’expression à
l’entreprise, insistant sur la répression ambiante aujourd’hui, malgré
les dispositions du droit au travail.
Dans le même ordre d’idées - mais traité de manière plus caricaturale,
le téléfilm "Comment devient-on capitaliste ?" (F2, 7/5)
8) Des patrons "indélicats" également plus présents : ces enquêtes,
notamment "300 jours de colère" de Trillat, ou le film sur Metaleurop ou
encore sur "Palace parfums" ( Capital, 4/5) brossent le portrait d’un
patronat "voyou", rappellent la totale opacité des comptes, l’impunité
des dirigeants, une justice à deux vitesses ; en fait ces reportages
reposent en grand la question de la démocratie à l’entreprise, question
sur laquelle nous sommes à peu près les seuls à avoir des propositions.
La droite, non contente de la suprématie patronale actuelle, semble
vouloir tordre le cou aux rares avancées de la justice financière ; voir
la page du Monde du 7 mai sur la dépénalisation du droit des affaires,
sur le recul général en Europe des enquêtes financières - et alors même
que l’exemple d’Enron laissait présager une plus grande sévérité ; ou
l’interview d’Yves Bot, Figaro du 7/5.
9) Féminisme : enquête du Monde sur les nouveaux réseaux féministes,
moins idéologues et plus proches du terrain ( 27/4) ; sortie du livre
d’Elisabeth Badinter ( Fausse route) qui polémique avec la tendance dite
"victimiste" du féminisme actuel ; dossier du Figaro Magazine qui se
permet de dénoncer " ces représentantes de la gauche d’en haut (qui) ont
oublié les femmes d’en bas".
10) Partis
Gouvernement : popularité de plus en plus forte de Sarkozy qui apparaît
comme le seul "politique" de ce gouvernement.
UMP/Fillon : (en contre-feu à Sarkozy ?) le ministre des affaires sociales
a lancé fin avril son club "France.9", situé à gauche de la nébuleuse
UMP. Programme : " Ni révolution libérale, ni glaciation socialiste".
PS : le papier de LeGendre dans Le Monde (30/4) sur le congrès de Dijon
résume une tonalité assez générale : le PS aurait le choix entre la voie
moderne à la Blair et ou celle des anti ( mondialistes). Le problèmes
des anti, c’est qu’ils ne votent pas...
Le PS prépare une initiative publique sur (contre) le G8 fin mai.
Insuffisance des propositions du PS en matière de retraite relevé par Le
Monde (7/5).
Sondage BVA/ Le Bleu de profession politique : 53% des sondés considèrent
que le PS n’a pas un projet crédible ( contre 22% et 25% ne se
prononçant pas) ; chez les sympathisants PS, 41% trouvent le projet
crédible mais 45% sont d’avis contraire ( pour les sondés de droite : 78%
pas crédible contre 7).
Cote des personnalités Hollande (15%), DSK et Fabius (12), Lang et
Delanoe (11) Aubry (8), Montebourg et Emannuelli (2).
Laguiller : Brigitte Bardot dans son dernier livre " Un cri dans le
silence" se reconnaît deux idoles politiques : Le Pen et Arlette Laguiller...
Trotskisme : si l’idée de communisme survit, on le doit au trotskisme,
telle est la thèse sans surprise du dernier livre de Pierre Broué,
"Communistes contre Staline. Massacre d’une génération" chez Denoël.
*Mouvements des idées*
Note n°34 ( 14/05/03)
1) Image des patrons : depuis des mois, elle est globalement négative
dans l’opinion. L’affaire suscite de l’inquiétude dans certains cercles.
Après "Ils vont tuer de capitalisme" de C Bébéar et " Grands patrons : la
fin d’un monde" de F Lemaître, "Mots pour maux. Le discours des patrons
français" de N Brion et J Brousse s’attaque à son tour à cette "crise de
confiance". Ouvrage en définitive pro-patrons, il souligne cependant que
" la crise du capitalisme mondial ne cesse de s’amplifier" ; que la
fonction et le rôle des patrons sont "profondément remis en cause" ; que
"l’entreprise s’est fait absorber par le monde de la finance" ; que " les
critères financiers sont devenus le prisme exclusif" ; que " le problème
est d’ordre économique et social voire politique et non purement
technique ou financier" ; que les patrons doivent recréer des valeurs,
par exemple s’emparer de la notion de développement durable sous peine
de la voir dériver ; qu’un modèle anglo-saxon d’entreprise serait
"suicidaire".
2) Libéralisme. Alain Madelin ( et l’universitaire J Bichot) sort un
ouvrage " Quand les autruches prendront leur retraite", Seuil. A la fois
nouveau plaidoyer en faveur de l’ultralibéralisme ( on se souvient (?)
de son précédent pamphlet, " Quand les autruches relèveront la tête", en
1995) et propositions sur la question des retraites. La presse de droite
publie des bonnes feuilles de cet ouvrage.
Madelin apparaît depuis des mois comme un des rares hommes politiques de
droite s’aventurant sur le terrain des idées ; Raffarin avec son discours
anti-idéologie a en quelque sorte gelé la réflexion ( et surtout
l’expression) de cette droite de gouvernement ainsi que de l’UMP.
La théorie libérale en accusation ? Sur la défiance des gestionnaires à
l’égard du tout financier, voir le début d’"autocritique" de
l’hebdomadaire britannique The Economist ( Le Monde, 8 mai, p 16),
jusqu’ici ultralibéral mais soulignant, dans un éditorial (3 mai), le
caractère erratique des marchés des capitaux et le besoin, par moments,
de "les contrôler".
3) Argumentaire de la droite : dans ses réunions avec les militants,
Juppé rode le nouvel argumentaire de la droite : 1) le gouvernement a
déjà fait beaucoup de chose ( notamment suspendu la loi de modernisation
"pensée communiste transposéee dans le gouvernement Jospin") ; 2) il se
heurte à une pannne de croissance dûe à deux facteurs : la guerre d’Irak
et des obstacles structurels : la non compétitivité de la France ; la
perte du goût pour le travail, qui s’est développée depuis le début des
années quatre vingt...3) l’UMP doit être "porteuse d’idéal" : ce doit
être le cas avec la laïcité ( contre l’extrêmisme religieux) et pour une
"mondialisation humanisée".
4) Compétitivité : le candidat Chirac axa notamment sa campagne sur le
thème : la France n’est pas compétitive, il faut donc des réformes".
Cette "idée" - voir ci dessus- est un des leitmotiv de la droite.
pourtant elle est assez régulièrement contredite par les rapports
d’experts. Le 7 mai le 40e rapport du Conseil d’analyse économique
montrait que la France n’avait pas à rougir par rapport à ses voisins et
qu’elle demeurait une terre d’accueil ; le 14 mai, l’IMD ( Ecole de
gestion de Lausanne) estimait que la compétitivité française ne cessait
de s’améliorer...
5) Droite inquiète : à noter des commentaires pessimistes
d’intellectuels de droite ces derniers temps sur l’état de la société (
et alors même que parfois des plumes de gauche tendent à "euphémiser"
ces mêmes symptômes...) notamment à propos du "communautarisme". Ainsi un article proprement incendiaire de Slama, tout de même chroniqueur
politique en chef du Figaro dans ce journal ( 13 mai) sur " La France
cassée" : communautarisme musulman, corse, etc...provoqués par l’Etat (de
droite).
Même son de cloche de Dominique Schnapper (Libération, 7 mai) : "L’Etat
participe au communautarisme".
Réactions face à la politique "musulmane" de Sarkozy qui ne fait pas
l’unanimité à droite ? ou inquiétude existentielle et plus générale de
cette droite intellectuelle ?
A la fois exagérations dans le diagnostic ( confusion entre communauté
de goût et communautarisme par exemple), nostalgie du centralisme (
Schnapper est opposée aux langues régionales), idéalisation de "valeurs
républicaines" un peu abstraites ; mais ils posent aussi un vrai
problème : comment la crise, les inégalités, la chute de
"l’Etat-providence" affectent l’envie de "vivre ensemble".
Voir aussi le papier sévère de Nicolas Baverez sur le bilan du
gouvernement Raffarin.
6) Les Français et l’Europe : intéressant sondage Ifop/Figaro ; on y
voit des Français persuadés que l’Europe sort affaiblie de la guerre
d’Irak (65), opposés à la revendication religieuse de l’Europe (81%),
partagés sur la Turquie, partisans d’une défense commune, d’un président
au suffrage universel, ne souhaitant pas déléguer trop de pouvoirs de
l’Etat à l’Union et partisans d’une europe des nations (63), favorables
à l’égargissement (69), plutôt hostile au pacte de stabilité assimilé à
une machine de guerre contre l’emploi (62%) ; pour eux la priorité des
priorités de l’Union doit être l’économie et la lutte contre la chomage.
Sur la popularité des dirigeants européens : Bertinotti, 5% ; Blair 9% ;
Fischer, l’écolo allemand, 19% ; VGE 58 ; Aznar 7 ; Haider:2.
7) Des socialistes heureux ? la Bibliothèque Nationale de France vient
de consacrer une pleine journée d’hommage en l’honneur de...Jean Daniel ;
un aréopage de cadres socialistes ( Hubert Védrine, JN Jeanneney,
Josette Alia, Pierre Nora, Robert Badinter, Mona Ozouf, Théo Klein,
Mario Soares, Régis Debray) ont tressé les louanges du patron du Nouvel
Obs... Jusque là ce genre de cérémonies étaient reservées...aux morts.
Impudique mise en scène de cette gauche d’en haut, peu accesssible à
l’autocritique, narcissique et satisfaite ( Le Monde, 6 mai).
8) Médias : "Black list" aux éditions Arènes est un excellent ouvrage
coordonné par K Borjesson, ex journaliste à CBS et CNN. Il dénonce la
collusion des médias US avec le pouvoir. Première fois qu’une quinzaine
de journalistes d’investigation racontent ainsi les pressions dont ils
ont été l’objet de la part de leur rédaction. Surtout à la télévision.
On est loin du temps du Watergate.
Pour Borjesson, le retour d’un contrôle strict sur l’image est à
rechercher...dans la guerre du Vietnam : " Les images que les
journalistes envoyaient du front étaient d’une grande violence ; c’était
la première fois qu’une administration perdait le contrôle de son
opinion publique".
9) Profits : peu d’échos à la publication la semaine passée des profits
des sociétés américaines. " La majorité des plus grandes sociétés a
rendu compte de profits en hausse de 14% en moyenne par rapport à la
même période de l’an dernier". Soit deux points de plus que les chiffres
attendus. "Performances particulièrement bonnes dans le secteur de
l’énergie : Exxon Mobil affiche un profit de 7,04 milliards de dollars au
premier trimestre.
10) Partis
PS : Sept clubs de la mouvance socialiste, tous proches de la majorité
Hollande - ou du blairisme, vont se fédérer : Convictions de JB de
Foucauld et A Dux ; Réunir de Kouchner ; Gauche Moderne de JM Bockel ;
Vouloir la République de C Benoît et B Chevalier ; Témoins-Cahiers
démocrates de JP Mignard ; Condorcet-Paris de J Offredo et JP Pagé et
Actes et paroles de M Benassayag. Lanceront un appel en juin pour une
"refondation" ; s’organisent sur trois sujets : l’Europe face à la
nouvelle donne internationale ; le devenir du capitalisme ; une vision de
l’homme pour le socialisme. (Libération 9 mai)
Parti commun de la gauche : Cambadélis à Radio J dimanche 11 mai a exposé
sa méthode pour aller vers un "parti commun de la gauche" : organiser une
"confrontation " sur les orientations des partis de gauche avec des
"rendez vous locaux" où tous les militants échangent ; puis constituer "
une plate forme commune" permettant " une confédération de la gauche" :
plus de relations bilatérales ; chacun garde son identité mais on
travaille ensemble ; enfin "déboucher sur l’union" ( mais différente de
la forme UMP).
Délais : s’y mettre "avant les régionales si possible".
Chef d’orchestre idéal : Julien Dray.
UMP : Conseil national (1700 membres) le 20 juin à Tours en présence de
JP Raffarin " première grande manif de l’UMP en 2003".
On parle de 130 000 membres, 17 000 siègent dans les comités de
circonscription ou de département ; 30% n’étaient pas adhérents à un
parti auparavant.
Renvoi d’Alain Juppé (et de 26 cadres RPR) devant le tribunal
correctionnel à l’automne.
Prépare les régionales avec deux réunions hebdomadaires d’ici l’été de
sa commission des investitures ; objectif ; désigner les chefs de file
pour les vacances.
Va créer à l’automne une fondation " pour animer la reflexion et
fortifier la doctrine". Depuis quelques mois, consultations discrètes et
régulières d’intellectuels. Petit-déjeuner de réflexion tous les jeudi
de la direction de l’UMP avec des personnalités telles le nouveau
directeur du Fig Mag Macé Scaron, ou Serge Moati (?) ou Nicolas Hulot ou
Serge Malhuret ou Nicole Notat. Au menu par exemple " l’esprit de 1968
et l’antimondialisation".
Crée en juin une revue trimestrielle " Les débats de l’Union", une revue
anti-pensée unique, dit-on.
UMP/UDF : création d’un club "unitaire" par 21 (jeunes) députés, le Club 3D.
Verts/Voynets : création en juin avec des personnalités socialistes d’un
cercle de réflexion baptisé "Gauches"
Congrès du PS : amples commentaires autour de la préparation du congrès
de Dijon et du vote (important) des adhérents. Triple thème : un vote de
peur, peur du syndrôme du 21 avril, de l’éparpillement, etc... ; une
forte mobilisation de "l’appareil", permanents, élus ; un glissement à
droite - ou un refus de glissement à gauche (?) ou à tout le moins une
normalisation sociale-démocrate.
Le Figaro parle de "la fin des utopies" et du bon temps où les congrès
socialistes se "gagnaient à gauche". Mélenchon note : " C’est la première
fois que massivement les socialistes disent que les ruptures, ce n’est
pas possible".
Voir la lecture de gens comme Pascal Lamy : " Longtemps le PS a été un
peu plus à gauche que la ligne moyenne des sociaux-démocrates européens
mais le PS se rapproche petit à petit du point moyen continental de la
social démocratie européenne".
Voir Rocard sur un thème proche.
A noter qu’au même moment Mauroy se fait huer par une partie des
militants du Nord ; une nouveauté ; thème du "PS d’en bas" contre "le PS
d’en haut".
A noter encore que Lipietz estime que le PS "est en net progrès sur le
social" (?).
*Mouvements des idées*
Note n°35 ( 21/05/03)
1) Radicalisation : le groupe Carat, gourou des médias et des
publicitaires, expert en tendances de la concommation, publie chaque
année (depuis 1998) un "Cahier des tendances", sous-titré " Les
tendances de vie et de société, reflets de l’air du temps". Son dernier
diagnostic semble sans appel : " la société est en voie de radicalisation
et de repli sur elle même". Il y est question de "risque" et
d’"angoisse" qui s’installent ; de "revirement brutal" ( après les années
zen) ; de "mondialisation du risque" et de "radicalisation des positions"
des acteurs sociaux et des individus ; de "postures de combat" qui
entraîne " une approche simplificatrice fondée sur une logique de choix
binaires : un manichéisme au quotidien, des programmes extrêmes, un camp
contre l’autre". Parlant du consommateur, Carat dit qu’il a "cessé
d’être dans cette philosophie d’ouverture", qu’il privilégie " un
hypercontrôle de son environnement" et est obsédé à "réduire au minimum
le risques et le stress dans la vie sociale". Il attend que l’on soit
efficace "ici et maintenant". Carat parle de "société assez dure, assez
brutale", de "pression assez forte sur les individus" ; il imagine des
soupapes " dans la regression, les défoulements conviviaux, le carpe
diem". ( Voir Le Nouvel Economiste du 9 mai).
2) Crise de société : les mêmes formules apparaissent sous des plumes
différentes pour décrire les divers symptômes de crise, telle celle de
"fin de cycle" ou crise de civilisation.
C’est le cas par exemple pour caractériser la "crise du travail". Alain
Touraine (JDD, 18/5) parle de "sorte de rupture des Français avec la
société du travail, de la production, de l’investissement", de " crise
de la société du travail". Voir aussi Henri Gaino in Les Echos (20 mai) :
" Que devient une civilisation fondée sur la valeur travail quand
l’avenir du travail paraît compromis ?".
Le cas aussi pour parler de la crise de l’école : " nous sommes parvenus
à la fin d’un cycle", François Dubet, Le Monde, 19/5.
Mis bout à bout, ces constats dessinent la crise du modèle français.
3) Antisémitisme : le thème devient envahissant. Une demi page du
Monde/analyse (17 mai), surtout pour faire écho aux débats sur ce sujet
venus d’outre Atlantique (sur l’antisémitisme en Europe...). En fait ce
qui est visé serait un antisémitisme de gauche : dans une tribune libre
du Figaro, Alexandre Adler lance la polémique avec le publiciste
(socialiste) Pascal Boniface et son essai " Est-il permis de critiquer
Israel ?" chez Laffont ( L’Huma en parle, 21 mai). Julien Dray se sent
obligé d’en rajouter sur la "lourde responsabilité de l’extrême gauche" ;
il trouve que sur le Proche Orient, " les militants du PC sont
incroyablement virulents". Un récent papier du Figaro laissait entendre
que cette question (antisémitisme de gauche) pourrait "pourrir"
l’ambiance des rassemblements anti/altermondialistes à venir.
4) Le fantasme du voile : le débat sur l’antisémitisme jouxte celui sur
le communautarisme, le port du voile, la laïcité : il ne s’agit certes
pas de faux problèmes mais ces enjeux ainsi "politisés" font aussi
incontestablement fonction de leurres. Voir la démarche de Fabius au
congrès socialiste : avec l’opposition à Chirac et le renouveau du PS, il
y voit le troisième grand axe de travail pour la gauche aujourd’hui.
Cette partie de son discours a été hyper-valorisée par Le Monde qui l’a
reproduite in extenso. Presque une page !
Les hebdos et leurs éditorialistes ( J Daniel in Nouvel Obs ; JF Revel in
Express) font "très gros" là-dessus.
A noter que la prise de position de Fabius - et son appel à légigérer à
ce propos- fait écho et reprend - on allait dire au mot à mot- une même
démarche de Juppé la semaine passée au no de l’UMP. Comme si l’on
voulait limiter le débat politique à ces enjeux ( voir l’analyse du
politologue Berstein ici même il y a deux semaines sur "la nouvelle
culture consensuelle (minimale) française").
En revanche, intéressante pétition initiée notamment par Etienne Balibar
et des syndicalistes ( Libération, 20 mai), " Oui au foulard à l’école
laïque" où il est dit entre autres choses : " Refusons les fantasmes, les
amalgames et l’enfermement dans un faux débat".
5) Féminisme : bon article signé Mix-Cité (Le Monde, 17 mai)
polémiquant avec le livre d’Elisabeth Badinter (Fausse route, livre qui
a encore eu droit à une demi-page du dernier JDD). Badinter dénonce une
" idéologie victimiste" concernant les femmes, laquelle masquerait les
progrès réels de la condition des femmes ces derniers temps ; cette
idéologie viendrait des Etats Unis et dénaturerait le mouvement
féministe français ; s’il est vrai, estime Mix Cité, que des gens comme A
Fouque ou S Agacinski représentent ce courant, ces petsonnes sont loin
de faire l’unanimité du féminisme français. Mix Cité défend les avancées
des loi sur le harcèlement, la parité : " C’est en deconstrusant le
système que nous combattrons les inégalités".
L’article ne prône pas la "guerre des sexes" et montre que le " droit à
choisir la maternité et la paternité, à l’accueil des enfants, à une
semaine de travail moins lourde, à affirmer son individualité hors des
stéréotypes sexistes" comcernent hommes et femmes. Il conclut en
trouvant " inquiétant l’essai d’EB qui révèle l’impact des théories
antiféministes dans les milieux qui font l’opinion ; en reprenant les
critiques adressées au rapport de l’Enveff, en cédant au stéréotype des
hommes-mal-dans-leur-peau-à-cause-des-femmes-castratrices, il accompagne
le retour en arrière".
6) Exception culturelle : retour de cette question cette semaine ; la
presse de droite lui accorde une place importante, comme si elle voulait
disputer à la gauche ce créneau, bien occupé par Chirac ces dernières
années, il est vrai.
Dans une mise en scène très chiraquienne, d’ailleurs, le ministre
Aillagon a sommé le PS de gronder "son" commissaire Pascal Lamy, accusé
par le ministre de brader la culture française ( en abandonnant le
principe d’unanimité sur les enjeux culturels en Europe).
Dans le même temps, grogne croissante des milieux de la création face à
l’"indifférence" d’une future constitution européenne à l’égard de la
culture ( ex : protestation de six cinéastes in Le Monde, 16 mai, p 26).
7) Libéralisme : tentatives de théoriser le social-libéralisme, de
marier socialisme et libéralisme, de lui trouver des racines françaises,
chez Jaurès notamment. Parution de deux ouvrages de Mme Canto-Sperber,
"Les règles de la libert" (Plon) et "Le socialisme libéral" (Esprit).
Larges critiques dans la presse, Nouvel Obs, Figaro.
A ce propos, François Léotard (retiré de la politique), dans un livre
récent, se livre à une autocritique singulière sur les libéraux des
années 80 : ils étaient forts en propositions économiques mais ne se sont
pas battus en faveur d’un libéralisme politique, laissant ce terrain
(des valeurs) à la gauche : " Nous avons défendu un libéralisme trop
économique au lieu de nous placer dans un liberalisme politique à la
Benjamin Constant. Et puis nous avons cédé à la gauche sur beaucoup trop
de points, à commencer par la pensée". Il reconnaît avoir "découvert"
les valeurs libérales en lisant Houellebecq et il a cette étrange
formule : " Il y a une sauvagerie dans le libéralisme que ma génération
n’a pas su exprimer".(Le Monde, 21 mai).
Etat minimal : le bras droit de Sarkozy, Brice Hortefaux, sort un livre "
Jardin à la française" (Denoël). Le sous-titre : "République de
proximité". Constat catastrophiste de l’état de l’administration ;
critique des démarches de décentralisation qui alourdirait la
machinerie ; réduction drastique des personnels et resserement de
l’appareil ; suppression du droit public.
8) Citoyenneté : à noter l’initiative politique lancée par le cinéaste
italien Nanni Moretti, le "girotondo" ou ronde citoyenne, nouvelle forme
d’expression politique " Son succès croissant a révélé chez les italiens
une soif de débats, de liberté d’expression doublée d’une distance
critique vis à vis des partis ; un désir en somme d’exprimer directement
des idées sans recourir aux intermédiaires habituels".
Popularité de ce mouvement qui signe en même temps le discrédit de tous
les partis : il est interdit dans ces initiatives de faire état de son
appartenance éventuelle à tel ou tel parti ( Le Monde, 20 mai,p 31)
9) Salaires des patrons : avalanche d’articles sur la question ;
légitimité des hauts revenus ? prise de position du Medef, nombreuses
tribunes libres ; grogne des actionnaires...
Le 15 juin, dernier délai pour la déclaration de l’ISP ; nombreux
conseils dans la presse spécialisée pour passer entre les gouttes...
10) Les partis
UMP : l’absence de pugnacité de cette formation critiquée par Chirac de
manière insistante.
Accent mis ces jours-ci sur la "pédagogie" avec distribution de tracts
sur les retraites et l’école ; actions conjointes également avec l’UNI
dont les affiches ont un ton nettement plus autoritaire : " Libérons la
France des syndicats".
Juppé refuse que les têtes de liste aux régionales soient désignées par
les militants comme le suggérait P Bédier.
Ce parti retravaille ses statuts ; la place des fédérations pose problème.
A noter le score lamentable de vente du dernier livre de JP Raffarin
("La France de mai", Grasset) sorti fin avril : 1800 exemplaires !
PS : la presse de "gauche" salue plutôt l’habileté de Hollande à Dijon
sans trop s’attarder sur le décalage entre les mots et le programme, les
médias de droite, très remontés, parlent d’irresponsabilité et de
"démagogie".
A consulter le dossier "Quel socialisme demain ?" in Le Monde du 16 mai
Social-démocratie : étrange tribune libre d’A Adler ( Le Figaro, 17/5)
qui tendrait à montrer que la social démocratie européenne est dans un
état alarmant notamment parce qu’elle serait travaillée de l’intérieur
par une sorte d’extrême-gauche communisante, en France, en Italie ; en
fait comme dans les poupées gigognes, les communistes seraient cachés
derrière des gauchistes. Citation : "Un train peut en cacher un autre : à
l’abri du nuage d’encre néo-trotskiste, ce sont de parfaits staliniens
issus des décombres de la guerre froide qui émergent sans une
égratignure de la chute du mur de Berlin pour se porter acquéreurs de
partis pris dans le vertige identitaire".
Verts : initiative médiatisée de Voynet qui publie un "Manifeste", crée
un site Gauches.net et réunit le 21 juin au Mans des personnalités de
gauche.
Besson : interview de Patrick Besson à propos de son dernier livre (
"Défiscalisées", Fayard) où il se livre à une philippique contre
l’argent, à une apologie du secteur public, répond "oui" à la question :
" êtes vous toujours communiste" et fustige les "réactionnaires"
dénoncés par le livre de Lindenberg de l’automne dernier ( le figaro 15/5)
*Mouvements des idées*
Note n°36 ( 05/06/03)
1) L’opinion sur le fil : batterie de sondages et multiplication de
commentaires de sondeurs autour de la question des retraites ces
derniers jours. Des propos qui convergent sur deux ploints : l’idée d’
"une-réforme-nécessaire" - ce qui profiterait au pouvoir et dans le même
temps, surtout chez les salariés, " un sentiment d’injustice" sur les
projets qui se dessinent. Pour Cayrol de CSA, " la situation est
compliquée parce que les mêmes personnes ont une opinion sur le fond du
dossier et des réactions épidermiques un peu différentes sur l’actualité".
D’où aussi le phénomène de "grève par procuration", de "sympathie pour
ceux qui vont dire non". Rappelons que la cote d’opinions positives des
syndicats est passée de 1987 à 1999 de 46% à 68%.
L’impression répétée qu’il "suffirait de très peu de choses pour que
cela dérape" (Cayrol). Ou ce pronostic paradoxal de S. Rozes : " Dans les
deux scénarios les plus durs, l’opinion soutiendra "en sens inverse" :
soutien aux grèvistes en cas de blocage, acceptation de la réforme si
elle est menée à marche forcée, sans blocage"...
Cette ambivalence ( de mêmes personnes souvent) est sans doute à mettre
aussi en relation avec cette autre donnée de toutes les grandes enquêtes
d’opinion ces dernières années : aspiration à davantage de "liberté" en
économie et dans la sphère privée et en même temps revendication de plus
"d’égalité" : lire à ce propos l’excellent dossier de Louis Maurin dans "
Alternatives économiques" du 1er mai.
Voir encore l’enquête Figaro/Economie du 4 juin sur l’état d’esprit des
ménages ; le journal veut voir une légère amélioration mais doit
cependant parler de "confusion", de "contradiction" et souligne que la
crainte liée au chomage n’a pas connu un tel niveau depuis octobre 1993.
2) Refus des inégalités : un des points les plus saillants des enquêtes
de ces dernières années, et pourtant rarement relevé, c’est l’idée que
la société est très inégale, rappelle le même Maurin d’Alternatives
économiques : " On l’a peu dit mais les inégalités sociales arrivent
juste après le chomage et la délinquance dans les enjeux cités au moment
du vote de 2002". L’idée que les favorisés sont de plus en plus
favorisés et les défavorisés de plus en plus défavorisés est partagée
par 80% des sondés. Le mot "égalité" est sympathique pour 95% des gens !
Deux tiers pensent que la société française est plutôt injuste et que ce
fait freine le développement du pays.
On peut penser que le pouvoir tente de surfer sur ces aspirations en
jouant des divisions public/privé par exemple ; en canalisant les
aigreurs sur "le voisin" ; l’MP parle de l’inégalité de traitement pour
certaines catégories ( parents d’enfants handicapés...) ; Paris Match
publie la grille des salaires de la RATP... ; L’Express évoque les
tiraillements entre salariés pauvres et RMIstes...
Dans le même temps les vraies inégalités continuent de se constater :
avalanche d’informations sur les revenus des patrons (dossier Le Monde,
23 mai) ; leurs retraites ("les retraites dorées des patrons", JDD, 25
mai) ; leurs folies ( dossier incroyable du Figaro/Entreprise du 2 juin
sur " les petites folies des grands patrons : automobile, chevaux, art,
vignoble : la face cachée de la réussite. L’argent des dirigeants est le
carburant de passions dévorantes") ; la cuvée (excellente) 2003 des
dividendes ( in Figaro Economie, 5 juin).
A l’inverse, dossier des Echos, le 28 mai, où un article montre que les
salaires ouvriers se rétrecissent et se smicardisent. Ou du Figaro
Economie annonçant (31 mai) que moins de Français partent en vacances
(65% en 2003 contre 73% l’été 2002).
Si ces inégalités ne semblent pas fustigées comme il conviendrait, dans
le même temps, on voit dans les conflits récents, celui des enseignants
notamment, ressurgir ces inégalités : nombre d’articles ou de tracts
comparent ainsi le salaire moyen enseignant et celui de tel Pdg (
rapport de 1 à 300 !).
3) PS : l’image du congrès ternie après une semaine d’atermoiements.
Depuis le congrès de Dijon, notamment marqué par une posture gauchie,
la direction du PS a du mal à convaincre ( le parti perd un point au
baromètre de Paris-Match ; Fabius perd 6 points) ; il est l’objet dans ses
rangs d’un tir groupé de son aile - et de ses penseurs- la plus
"réformiste(s)". Rocard (France Soir, 30 mai), l’économiste Elie Cohen (
" Retraites : non à la démagogie du PS", Le Monde, 28 mai), Kouchner,
Bockel, Delors, Attali ( in le dernier Parisien Dimanche), Charasse,
tous dénoncent la posture de Hollande/Fabius. Attali dit comprendre
Hollande mais trouve sa tactique dangereuse.
Long papier de Nicolas Weill ( Le Monde, 29 mai) qui reprend un ouvrage
de Laurent Baumel et Laurent Bouvet, "L’Année zéro de la gauche.
Fragments d’un discours réformiste" (Michalon), sur la rénovation
sociale-démocrate avortée du PS. On dénonce son "desinvestissement
doctrinal", son absence de "refonte théorique", de "mise à jour", son
refus de "redéfinir une identité". Sous-entendu : sur une ligne blairiste.
C’est sur cette ligne qu’une demi-douzaine de clubs( Témoins, Cahiers
démocrates, Gauche moderne, Réunir) ont décidé de se rapprocher (avant
de fusionner ?).
A noter le nouveau glissement libéral du SPD allemand, lequel n’attire
plus dans les sondages que 25% de l’opinion contre 50 à la CDU.
4) Pensée radicale. Nombreux commentaires qui signalent, pour le
regretter, la permanence d’une pensée radicale, de gauche " qui donne le
ton à l’ensemble de la gauche, au moins dans l’affichage" (N. Weill, op
cit). Marc Lazar avait déjà mis en garde le PS sur cette "exception"
française ; Marcel Gauchet, responsable de la revue "Le Débat" a dénoncé
lors d’un débat devant le club socialisant "En temps réel" (Laïdi, de
Margerie, Olivennes) " la prégnance des radicalités politiques", le
"sinistrisme" : "il estime cette situation ravageuse dans la mesure où
elle perpétue un porte-à-faux dans lesquel l’accusation de
"social-libéralisme" est redoutablement efficace en termes de recul
électoral" ; il convie le PS à "renoncer à cette resucée marxiste". La
culture de la radicalité continue de séduire les intellectuels, regrette
Gaucher : " la longue domination morale et intellectuelle du communisme
sur les esprits donnerait toujours une "prime" à l’extrémisme rhétorique".
A droite A.G. Slama dans Le Figaro du 2 juin ne dit pas autre chose dans
une longue analyse intitulée " Les enfants de Bourdieu" ou il décortique
la mécanique et l’efficacité de la "pensée Bourdieu" qui " a rendu à
l’idée révolutionnaire des couleurs de modernité".
5) Valeur travail : Long dossier orienté mais documenté sur la question
du travail dans L’Express du 28 mai ("Et si on se remettait au boulot ?"
de L haïk Corinne) où sont évoqués les différentes études et ouvrages
sur la question (Rifkin, Méda, Schnapper) ; on y souligne les
contradictions entre salariés, on parle de la pénibilité du travail, de
la question de la formation. On montre que les salariés se sentent de
plus en plus étrangers aux intérêts de leurs entreprises : 75% des
salariés affirment que leurs intérêts divergent de ceux de leurs
empoyeurs ( étude sociovision-cofremca) contre 57% en 1985.
De son côté, Ignacio Ramonet fait son édito de Une du "Monde
diplomatique" de juin sur une information de l’OMS, courant mai, qui fit
peu de bruit : les accidents du travail causent deux millions de décés
par an ; chaque jour le travail tue 5000 personnes. Et encore, ces
chiffres ne concernent que les pays industrialisés ; ils devraient être
bien plus lourds encore. 160 millions de personnes souffrent de maladies
professionnelles ; le nombre d’accidents du travail, mortels ou non,
s’élèvent à 270 millions par an. Quatre causes de mortalité : cancer
(amiante...), vasculaires ( travaux pénibles...) ; accidents ; maladies
professionnelles.
6) Religion : l’Eglise réformée de France a tenu son synode à Bordeaux ;
pleine page du Figaro du 30 mai sur "les habits neufs du protestantisme
français" ; éclosion de nouvelles communautés sur des bases ethniques ;
modèle américain.
Poursuite de la polémique sur "l’héritage chretien" de l’Europe : les
rédacteurs du préambule de la "Constitution" citent en fait " les
civilisations hellenique et romaine", évoquent " l’élan spirituel" qui a
parcouru l’Europe, le "courants philosophiques des Lumières" mais se
gardent d’évoquer le christianisme comme toute autre religion. Colère du
Vatican et des Eglises.
7) La télé et le mouvement social : un débat traverse les acteurs du
mouvement social sur l’attitude de la télé à l’égard de leur
mobilisaytion ; une pleine page du Monde du 3 juin ; mécontentement
notamment du monde enseignant. En même temps, S. Rozes rappelle cette
règle simple : " La télévision ne fait pas le conflit social et les
rapports de force au sein de l’opinion. Si elle est le média qui
amplifie le plus l’information, nos études auprès des Français montrent
*l’importance de l’entourage familial, amical, de travail* et
l’influence des conditions de vie et de travail dans l’évaluation des
phénomènes".
8) Mémoire communiste et création : le metteur en scène Benoît Lambert monte (10-18 juin) au théâtre Paris-Villette le spectacle " Le bonheur d’être rouge", à partir de témoignages de militants communistes
recueillis par l’universitaire Frédérique Matonti. Une approche très
respectueuse de ce que fut l’engagement communiste et un regard attentif
d’un jeune trentenaire qui estime "crucial" pour sa génération de se
souvenir. Refus absolu du propos de Fukuyama sur la fin de l’Histoire.
Envie de filiation sans nostalgie. Voir le supplément Aden du Monde, p
21, sur le thème " Il y avait du bonheur à être communiste".
9) Après Elf, Toulouse : les affaires se suivent et se ressemblent...un
peu. Après l’interminable procès Elf, voici l’affaire de Toulouse. Aucun
rapport si ce n’est la mise en accusation des dominants ( politiques,
gestionnaires, magistrats, police) pour leur cupidité ou leurs frasques.
Ces histoires occupent une place considérable dans les médias et
alimentent les conversations. Et alimentent sans doute le discrédit des
institutionels.
Sujet annexe : parution aux éditions Eyrolles de " L’odeur de l’argent
sale" de Christophe-Emmanuel Lucy, journaliste expert des questions
financières et du blanchiment ; son propos est un peu désabusé : il est
urgent d’agir plus pour ne pas continuer à perdre le combat...
10) Partis
Image : Au baromètre Paris-Match/juin, rééquilibrage à droite où l’Ump
chute de 5 points alors que l’UDF gagne 3 points ( le FN perd un point) ;
à gauche, le PS perd un point, le PC est stable, LO gagne 2 points, les
Verts grimpent de 3.
PS : Nouvelle direction désignée le 24 mai. Le secrétariat national passe
de 44 à 25 membres, répartis selon un nouvel ordre hierarchique : les
premiers pilotent des "pôles fonctionnels" (élus et territoires ;
fédérations/ développement du parti ; coordination/organisation ;
relations avec les associations/acteurs sociaux ; études/projets ;
international/Europe ; communication ; femmes ; entreprises ; tresorerie),
secondés par une vingtaine de "responsables nationaux" ; les autres
secrétaire dirigent de grands "domaines thématiques" ( société ;
éducation ; droits de l’homme ; santé/recherche ; altermondialisation ;
Dom-Tom ; économie et emploi ; services publics ; justice/sécurité ;
solidarité/protection sociale ; économie solidaire ; culture).
Fabius installé en qualité de numéro 2.
Deux porte-parole ( Homme/femme) au secrétariat.
" Une armée mexicaine où tout le monde va neutraliser tout le monde"
ironise Le Figaro.
Chaque membre du secrétariat doit consacrer trois jours par semaine à sa
tâche ; chaque fédé doit recevoir d’ici la fin de l’année la visite d’un
membre du secrétariat.
Cambadélis est responsable des "forums de la gauche"
19 fédés/102 dirigées par "l’opposition".
Gérard Collomb président du CN.
JM Ayrault veut faire de "Tribunes socialistes", nouveau magazine hebdo
du groupe, " une revue de débats sans tabou intellectuel pour défricher
de nouveaux champs politiques".
LO : gagne deux points selon le baromètre Paris Match ; son rôle est
critiqué dans la conduite du mouvement des enseignants.
Verts : en hausse Paris-Match ; troubles suscités par l’initiative de D.
Voynet.
UMP : mobilise (difficilement) ses troupes pour soutenir le gouvernement ;
après diffusion d’un tract à trois millions d’exemplaires, réunion des
cadres départementaux le 10 juin et campagne de "vente" du projet Fillon
courant juin, avec un effort notamment en direction de la presse régionale.
UDF : en hausse selon Paris-Match. Fait du forcing ultra-libéral à propos
des retraites.
*Mouvements des idées*
Note n°37 ( 12/06/03)
1) Deux mondes ? La bataille des retraites qui marque par certains
aspects un retour du politique risque-t-elle de se traduire par un
approfondissement de la crise de la politique ? Certains commentateurs le
pensent. Ainsi la sociologue Danièle Linhart dans "La Tribune" du 11 juin.
Sur la radicalisation, elle note : " La radicalisation du mouvement
social traduit un sentiment d’impuissance. Ce sentiment est mal vécu car
contraire à un monde du travail où l’on sollicite de plus en plus les
gens. Dans le public comme dans le privé, depuis vingt ans, on dit aux
salariés qu’il faut être responsable, on mobilise leurs compétences
professionnelles et on les juge sur ces mêmes compétences. Or d’un coup
on envoie aux agents du public qu’ils sont des privilégiés alors ils ont
l’impression de ne pas être considérés. Certains se sentent floués et se
radicalisent".
Et sur le rapport au politique : " Dans ce conflit, c’est la nature des
relations entre les citoyens et les politiques qui se joue. En disant
que l’on n’écoute pas la rue, on aggrave la coupure entre ces deux mondes".
Bref un enlisement parlementaire du mouvement risquerait d’accroître la
cassure politique/social, ceux d’en haut/ceux d’en bas. Et cela alors
même que la défiance envers l’élite, le notable est plus vive que jamais
( affaire de Toulouse ; titre de Marianne cette semaine sur le sujet).
Etre attentif aussi aux gestes hostiles et répétés à l’egard de partis
politiques, de leur siège, de leur rassemblement...
2)Lumpenintelligentsia : un "concept" que l’on retrouve volontiers dans
la presse (de droite) ces jours ci, notamment dans les Echos du 5 juin.
Changement de statut ( professionnel, social, en terme d’image) des
enseignants sous l’effet de la démocratisation/massification. Résultat :
"une prolétarisation relative des enseignants". Solution : une
déqualification consentie en axant ce métier " moins sur la transmission
d’un savoir et davantage sur l’encadrement des élèves".
Sur un sujet proche, mais vu avec plus de sympathie, revoir le livre "
Les intellos précaires" paru en 2002.
3) France/Europe : interessante étude dans Libération du 10 juin sur
l’euroscepticisme français ; les opposants à l’élargissement sont plus
nombreux en France qu’ailleurs en Europe (49% contre 32) ; craintes liées
à l’emploi, la paix/sécurité ; les prestations sociales.
L’opposition est la plus marquée dans les milieux ouvriers et
populaires ; particulièrement forte dans trois zones : Nord-Pas de Calais ;
Mediterranée, Bassin parisien.
On retrouve les oppositions nées lors du référendum de Maastricht mais
apparaissent " de nouvelles catégories d’eurosceptiques" vers " le centre-
droit et centre-gauche".
Nombreux commentaires sur les conséquences politiques, économiques et
idéologiques ( fait religieux) de l’élargissement.
4) Populisme et antimondialisation : l’anti-américanisme,
l’anti-mondialisation et l’anti-Europe version d’extrême droite, lire
"La restauration nationale" de JP Gautier (Syllepse) qui décortique le
discours Le Pen/Megret, lequel prône " la résistance nationale et
identitaire à l’uniformisation du monde", conteste " le nouvel ordre
mondial, paravent à l’hégémonie américaine" et appelle le retour à "un
monde traditionnel enraciné, basé sur la famille et la communauté, à des
marchés nationaux et régionaux protégés par des frontières" Et dénonce
la mondialisation comme " une malafdie sociale internationale".
5) Entreprises publiques : premiers échos de la commisson d’enquête
parlementaire sur les entreprises publiques avec une longue interview de
son président Philippe Douste-Blazy, in Figaro/Entreprises du 10 juin.
Partant de réelles dérives, son discours semble bien vouloir jeter le
discrédit sur les entreprises publiques, pointer " la faillite des
institutions" et met en cause " le fonctionnement de l’appareil d’Etat,
inadapté à la nouvelle donne internationale".
6) Economie/alternatives : multiplication de livres ( et d’articles de
revues) sur des modèles économiques alternatifs. Ainsi "Sortir de
l’économisme. Une alternative au capitalisme néolibéral" de Philippe
Merlant, René Passet, Jacques Rbin aux éditions L’Atelier. Quatre thèmes
développés : les enjeux de l’ère informationnelle ; nouveau regard sur
l’économie, la science, la culture ; une économie plurielle ; un monde
solidaire où la logique de l’humain doit primer.
"L’alter-economie : quelle autre mondialisatioin ?" par la revue du Mauss
(La Découverte) : interrogations sur la pertinance des notions d’économie
sociale, économie informelle, microfinance, commerce équitable ; sur
l’indice de développement gumain ; sur richesse et gratuité.
"Pour un Grenelle de l’Unedic, refonder l’indemnisation du chômage" par
la Fondation Copernic, 163 pges. Un bon éclairage sur les reculs de la
protection sociale et les expérimentations libérales. Aux éditions Syllepse.
On soulignera au passage la productivité de cette ( toute petite) maison
d’éditions "Syllepse", singulièrement sur le terrain de
l’altermondialisation.
A propos d’économie, Rocard dans une de ses dernières interviews,
regrettait d’avoir laissé l’enseignement de l’économie... aux profs
d’Histoire. "On voit le résultat" disait-il.
7) Malaise dans l’édition : un bon numéro de la revue Esprit consacré
aux concentrations dans l’édition. Inquiétude du milieu face à la fusion
VUP-Lagardère/Hachette : " Il y a de l’incontrolable dans l’air".
Dénonciation de Hachette, principal éditeur diffuseur français, second
libraire et propriétaire du plus important groupe de presse nationale.
Sa position dominante dans l’édition/ la distribution/ la
diffusion-promotion/ le commerce de détail.
Autre inquiétude : " un pilotage par le marché, par l’aval, qui
transforme de plus en plus le livre en marchandise".
8) Festivals : été maussade ? A lire l’édito d’Aden (Aden/Le Monde, 12
juin, P.2) qui tire la sonnette d’alarme sur le manque croissant de
moyens pour les initiatives culturelles, " le rabougrissement des
budgets, la raréfaction des subventions, l’absence d’intérêt que
témoignent aujourd’hui les décideurs économiques pour la culture".
La suppression des emplois-jeunes a eu dans ce secteur un effet
catastrophique. L’article parle de "désarroi" et de "mal à survivre"
pour nombre de festivals.
A lier avec le combat des intermittents, autre figure de "l’intello
précaire".
9) Inégalités/suites : L’édition 2003 du "Rapport sur la richesse du
monde" réalisé par la banque Merril Lynch et le cabinet d’audit Cap
Gemini Ernst et Young (11 juin) montre que le nombre de riches dans le
monde a continué d’augmenter en 2002 et leur patrimoine à s’apprécier.
Les individus à la tête d’un patrimoine financier de plus de 1 million
de dollars ( 853 000 euros) sont désormais 7,3 millions, en hausse de
2,1% par rapport à 2001.
Leur patrimoine s’est accru de 3,6% en 2002 (23 000 milliards de
dollars) et devrait progresser au rythme de 7% l’an les cinq prochaines
années !
10) Partis
Image : le dernier sondage Ipsos/Le point indique que le PCF gagne 3%
(25), le FN +1 (20), le PS -1 (42), l’UMP inchangé (47), les Verts -2
(50) et l’UDF -1 (51).
Verts : CNIR les 14 et 15 juin sur la stratégie d’allliance ; vers un
forum avec le PS ( + ?) en octobre sur " les relations entre les partis
politiques et les mouvements et associations" ; puis vers des forums
trimestriels co-organisés Verts/PS jusqu’en 2007 ; Voynet au Mans le 21
juin ( avec Hollande)
LO : Fête annuelle au Chateau de Presles ; toute une page (5) du Fogaro du
9 juin sur les rapports gauche/extrême gauche.
LCR : repousse son congrès ( prévu du 19 au 22 juin) à la Toussaint.
FN : fustige le mouvement social et les "gréviculteurs", préconise un
allongement de la durée hedomadaire du travail (de 35 à 42h) et le
report de la retraite " de 60 à 70 ans" ; lie retraites et immigration.
Portait de Le Pen sur F2 par Moati qu’on pourra trouver complaisant par
moment.
UMP : a du mal à trouver sa place dans la crise actuelle ; il est question
d’une pétition de soutien à la réforme mais elle tarde à apparaître ; les
plus ultras UMPistes demandent l’organisations de manifs mais ils sont
très minoritaires. Le Figaro se comporte souvent en organe UMP.
PS : divisions persistantes sur la question des retraites ; tribune de
Bockel dans Le Figaro (13 juin), courriers de lecteurs
rocardo-cedetistes ( in Libé).
CFDT : bonne analyse de Jacques Rigaudiat (Le Monde, 12 juin) sur la
lente "évolution" de cette centrle depuis...1978 ; l’auteur s’interroge
sur "les effets (de cette dérive) sur le paysge politique de la gauche".
*Mouvements des idées*
Note n°38 ( 20/06/03)
1) Mouvement social : premiers enseignements ? un peu tôt pour tirer des leçons du mouvement sur les retraites ; pourtant la presse ne s’en prive
pas. Plusieurs papiers font état d’une dégradation durable de la
concorde civile, de cette espèce d’arrangement social qui prévalait
depuis...une bonne vingtaine d’années dans ce pays. Il y a de la haine
dans l’air (anti-droite, anti-libérale) sur de nombreux sites parmi les
plus critiques sur le Net ; mais la droite n’est pas en reste. Ivan
Roufiol dans Le Figaro du 20 juin écrit : " Reste à nommer cet
affrontement entre Français qui semble se profiler et qui confirme que
l’apparente cohésion nationale apparue après le 21 avril 2002 était un
masque sur des déchirures. Oui la discorde civile s’annonce".
Ceci conduit certains papiers à parler d’un certain repositionnement
politique (et syndical ?). Tout se passe comme si le gouvernement à
l’origine aurait préféré une option sociale-libérale ; bousculé par la
résistance populaire et poussé, en réaction, par sa propre base (voir la
manif "spontanée" de dimanche), le pouvoir a finalement opté pour une
méthode plus droitière. La droite tient là une revanche, elle se
recompose une image d’autorité appréciée par les siens ( le refrain sur
le "courage", le non-paiement des jours de grève...). "La droite est de
retour" clame sur sa Une "Le Parisien" à l’occasion de la tenue du CN de
l’UMP.
Dans le même temps, tout se passe comme si la social-démocratie
disposait d’un espace moindre ; plusieurs papiers rappellent que les
options "réformistes" semblent en difficulté ; " le camp des réformistes
sort fragilisé du conflit" note Les Echos (17 juin) parlant des
syndicats mais la leçon vaut aussi au plan politique : louvoiements,
contradictions et "illisibilité" du PS, etc... Double langage, ce que
Rocard appelle " le mollettisme" qui a causé, dit-il, l’effondrement de
la SFIO !
Enfin les idées alternatives et de changement, pourtant combattues par
tout "l’establishement", ont gagné en consistance ; dans Libération, par
exemple, l’économiste socialisant Elie Cohen déploarait que la taxation
du capital était une "idée qui faisait son chemin".
A lier à un certain retour de l’anticommunisme ? Voir par exemple le
dessin de Faizant dans le Figaro où il associe Thibault et goulag, ou
encore les slogans anticommunistes de la manif "spontanée".
Dans un dossier" Retraites : ceux qui ont gagné ; ceux qui ont perdu", Le
Figaro (20 juin) parle des gains de la droite, d’un PS "enfoncé dans ses
contradictions", de syndicats enseignants "unis et qui ne sortent pas
les mains vides" ; de la CFT, on dit :" Garde un pouvoir de mobilisation
très fort".
Au chapitre "discorde civile", nombreux commentaires sur le climat
d’amertume dans l’opinion. " La gueule de bois" titre Libération à
propos des enseignants. Bartolone du PS croit pouvoir parler de "fort
sentiment de rancune" et de "mauvaise ambiance dans le pays". Plusieurs
articles opposent base et sommet (JDD, Le Figaro, Le Monde).
2) Les intellectuels et le mouvement. Intéressante contribution de
Michel Wieviorka (Libération, 19 juin), figure emblématique de la
famille socialisante. Il pointe le silence des intellectuels à l’égard
du mouvement social, l’isolement de la CFDT qui a perdu le soutien
d’Esprit et de ce groupe d’intellos qui avait en 1995 publiquement
soutenu la ligne cédétiste ; leur éloignement (croissant) de la
politique, leur attente déçue du PS (ils seraient "consternés" et
"atterrés" par ce parti) ; il souligne surtout la difficulté de la ligne
sociale-démocrate : " concilier l’inconciliable, la réforme nécessaire et
les attentes populaires qui y résistent". Pourtant, il suffirait de peu,
pense-t-il, de quelque signe d’ouverture d’un vrai débat " pour rompre
avec le silence de l’acablement".
3) Crise morale. Le mot de démoralisation revient peu ou prou dans une flopée d’éditos au sens de *crise morale*, d’ébranlement des croyances
– traditionnelles- dans la vie démocratique. Yves Michaud dans Libération
titre " Classe politique, médias, pouvoir judiciaire, monde des
affaires : tous ces piliers de la vie démocratique française sont
ébranlées un à un" (13 juin). Stéphane Denis parle dans Le Figaro d’"une
solide haine pour les cadres de la société". (17 juin). Libération
revient à la charge le 18 : " Ministres, syndicats et médias mis en
cause. Trois institutions de plus en plus récusées par les enseignants"
(" On doute de tout et de tous").
Tous font référence aux mêmes symptômes : doute à l’égard des
"politiciens" (Elf) ; affairisme du grand patronat ( salaires fous, Air
Lib, Messier) ; incrédulité à l’égard de la presse et des médias (
affaire Le Monde ; nouvelle enquête sur l’opinion, la presse et la guerre
d’Irak) ; discrédit de la magistrature ( Toulouse, Eva Joly, Trichet,
Berlusconi...).
Libération s’empresse de "dépolitiser" cette situation en notant : " En
d’autres temps plus politisés, on eût été à deux doigts de la révolte.
Aujourd’hui le désabusement prévaut : s’ils sont tous pourris, à quoi bon
faire des sacrifices et donc chacun pour soi. Cela a donné en mai 2002
l’élection présidentielle. Un an après, les choses n’ont pas changé,
elles ont empiré".
4) Laïcité. La question fait toute la Une du Figaro le 17, la Une du
Monde le 18, des pages entières de commentaires lui sont consacrées un
peu partout, une batterie de sondages mobilisée ; dramatisation des
résultats des élections des organismes régionaux du culte musulman (que
Sarkozy, un peu seul en la circonstance, tente d’euphémiser),
exagération des affaires de port de voile...On parle de vague islamiste
et la chasse aux opposants iraniens est utilisée en ce sens.
Juppé parle de "menace pour la République", en appelle à la loi ; la
droite se veut plus pro-laïque que jamais ; Fabius consacra l’essentiel
de son discours de Dijon à la même question.
Bref il règne autour de ce sujet une agitation exclusivement politique.
Pourquoi cette place plutôt disporportionnée à cette question ? Voir
l’analyse de Xavier Terisien ( Le Monde, 17 juin) ; il parle d’un combat
laïcard ( de droite et de gauche) sur un "sujet porteur" ; d’un racisme
antimusulman plus exprimé ; de la mauvaise conscience d’une partie de la
gauche (Lang, SOS racisme, BHL, Tribalat) qui justifia tout au nom du
"droit à différence" dans les années 80 et qui tenterait de se
rattrapper : " Quel séisme idéologique, quelles trajectoires personnelles
peuvent rendre compte de ces chemins de Damas ? L’histoire de ce
revirement est à écrire".
Ajouter l’envie de rabougir une vie politique bipolaire à ce genre de
débats ; d’échapper aussi à la question sociale...
5) Etat de l’opinion. A lire, aux éditions Seuil, " L’état de
l’opinion. 2003", un annuaire que la Sofres sort régulièrement depuis
1984 et qui analyse ses derniers grands sondages. Plusieurs articles sur
les élections de 2002, la campagne, les résultats, le rôle des médias ;
sur le clivage gauche/droite ; sur "être citoyen aujourd’hui" (B.
Teinturier) ; sur les jeunes face au racisme et à l’antisémitisme et un
papier de Laurent Joffrin ( Le Nouvel observateur) sur " les valeurs des
Français : l’idéologie du rejet". Papier intéressant à un double titre.
Pour les informations données. La Sofres utilise ici la méthode de la
"sémiométrie" c’est à dire qu’elle fait réagir les gens sur des mots et,
selon l’auteur, le cru 2003 est "très inquiétant" : culte du moi-je, de
l’argent, idélogie du rejet, tentation néo-libérale, envie sécuritaire.
Joffrin semble même noircir un peu le tableau.
Il estime que ces sondés sont dans le ton de cette société décrite à
l’automne dernier par ceux que l’on a appelé les "nouveaux réacs" ; il
qualifie leur démarche de "critique nostalgique de l’état démocratique".
Et ici, curieusement (?), Joffrin, incarnation de cette gauche
sociale-démocrate, se livre à un plaidoyer sans nuance de la modernité
occidentale, stade inégalée selon lui de la civilisation. Un papier
caricatural où l’on voit une gauche "arrivée", satisfaite, ayant perdu
son esprit critique et laissant le monopole de l’inquiétude et de
l’insatisfaction à la droite !
6) Maîtrise sociale des entreprises ? Guillaume Duval, rédacteur en
chef d’Alternatives économiques, dans un livre à paraître à la rentrée
intitulé "Capitalisme contre libéralisme. De quelques paradoxes de la
mondialisation et des moyens de s’en servir" (La Découverte) s’attarde
sur les multinationales qui nous gouvernent : il aurait tendance à y voir
une machinerie efficace, estimant qu’à leur propos " le vrai défi est
celui de la maîtrise sociale, collective" ( non étatique), un "objectif
moins hors de portée qu’on ne le dit", à la fois parce que les
politiques " sont loin d’être impuissants" et " parce que l’exigence de
"responsabilité sociale des entreprises" est une mise en cause du
pouvoir absolu du droit de propriété des actionnaires et un début de
reconnaissance du droit de regard des salariés, des associations de
consommateurs, des collectivités locales, des ONG de l’environnement sur
l’activité des entreprises", un "contrôle social qui reste à conquérir".
Sur un sujet proche, chez le même éditeur, "Le nouveau capitalisme" (
ses transformations, le rôle des nouvelles technologies de
l’information, la financiarisation) par Dominique Plihon, universitaire
et président du Conseil scientifique d’ATTAC.
De la difficulté de penser le capitalisme ? l’éditorialiste des Echos,
Favilla, emblématique de l’ultralibéralisme, en appelle à un "marxisme
libéral"...
Long commentaires des Echos (19 juin) sur la floppée de récents livres
biographiques sur de grands capitalistes français. Trois conclusions : le
"côté humain de ces capitaines d’industrie" ; capitalisme patrimonial et
capitalisme managérial, même combat ; pouvoir arbitraire et capricieux.
A noter l’initiative de deux parlementaires UMP demandant une commission
parlementaire sur le salaire des dirigeants.
7) Divisions ouvrières : une étude de l’OIT, contredisant une idée
reçue, montre que l’emploi fixe et stable ces dix dernières années a peu
changé, le déclin des emplois à long terme ne se serait pas produit ; 60%
des personnes employées en Europe gardent leur emploi plus de 5 ans et
40% plus de 10 ans, soit les chiffres du début des années 90. Toutefois
on observe à côté de ces emplois finalement stables la multiplication
d’emplois précaires, phénomène qui touche surtout les jeunes : emplois
temporaires, à temps partiel. Et l’OIT en déduit le commentaire
suivant :" la protection de l’emploi des uns passe par l’insécurité des
autres".
Un dossier du Monde (19 juin, p 19) sur les intérimaires chez PSA vient
parfaitement illustrer cette question.
8) Crise de la social démocratie européenne. Adoption d’un sévère plan
d’austèrité en Allemagne, difficultés du gouvernement Blair, articles
nombreux sur le modèle suèdois : la crise de la social démocratie est
volontiers pointée. Interview de l’universitaire Magnus Henrekson in
Figaro-Economie du 16/6 page V : en Suède, le travail est imposé à 65%
"ce qui signifie que deux-tiers des revenus du travail part en impôts
mais c’est nécessaire puisqu’on ne peut pas pénaliser le capital et
qu’il faut financer l’Etat-providence" ; ou " La Suède est en train de
recréer une société de classes. Entre ceux qui ont la possibilité de se
soustraire à l’impôt par le biais des paradis fiscaux, ceux qui mettent
leurs enfants dans les écoles allemandes, anglaises ou françaises pour
échapper à l’école laxiste et permissive suèdoise..."
9) Mai 68 : ouvrage sympathique de Jean-Claude Carrière, " Les années
d’utopie, 1968-1969, New York/Paris/Prague/New York, Plan. Absurde
d’être pour ou contre 68, dit-il : " 68 a été, qu’on le veuille ou non.
Et nous en portons tous les traces". Par exemple, la liberté
d’information, le féminisme, la liberté sexuelle, les accords de
Grenelle, l’enseignement réformé. Au passage il fait remarquer à Ferry
que la réforme de l’enseignement a été mise en place par la droite...
10) Partis
Parti unique gauche : cette idée est apprrouvée par 51% des sondés
(contre 40) ; soit 73,2% des sympathisants du PS, 65,8% de ceux du PCF,
67,5 des Verts et 64,1 d’extrême gauche.
UMP : conseil national réuni à Paris, désignation du BP ( tout a été fixé
à l’avance) ; l’UMP soigne sa base ( multiplication de réunions-meetings
des militants, avec souvent Sarkozy) ; n’envisagerait de prolonger le
mouvement antisyndical de dimanche avec de nouvelles manifestations
qu’avec l’assurance de rassembler plus de 500 000 personnes (Juppé
dixit) ; mais semble surtout attentive à "recentrer" le débat public sur
l’insécurité, la laïcité version anti-voile.
Publication du premier numéro de sa revue " Les débats de l’union".
Texte doctrinal de Juppé : " La droite est-elle encore à droite ?" où il
écrit : " Nous vivons un de ces moments historiques où s’inversent les
valeurs" ou " le projet et le mouvement sont revenus à droite".
Relance l’idée de fédérations professionnelles (11) et de délégations
d’entreprise (23) sur le modèle des anciennes sections professionnelles
du RPT ; histoire de s’ouvrir à l’entreprise mais plus du côté des
patrons, semble-t-il, que des salariés ( Serge Dassault préside la
commission Air...).
PCF/Montaldo : le retour ? préparerait une nouvelle "investigation" sur le
pcf selon la presse ; déclare avoir attendu longtemps et finalement
récupéré " des éléments bourrés de révélations incroyables mais vraies
sur le PC et la CGT qui éclaireront mes lecteurs sur l’indigence de la
justice française à l’égard des instances dirigeantes de ces organisations".
PCF/Histoire : gros succès médiatique de l’ouvrage " La vie à en mourir,
lettres de fusillés 1941-1944" (éditions Taillandier) qui est un hommage
à des résistants comme Guy Möquet, Jacques Decour, Missak Manouchian,
Jean-Pierre Timbaud...
Verts : leur CNIR a finalement opté pour une ligne d’autonomie aux
élections 2004 ; nombreux commentaires sur leur versatilité et sur une
position qui pourrait encore bouger à l’automne. Admettent être moins
visibles lors de grands mouvements sociaux (Mamère).
La revue Politis se sépare de son chriniqueur écolo, opposé au mouvement
social (sur le thème : plus de retraite= plus de consommation= plus de
gaspillage).
A noter le soutien des Verts allemands au plan d’austérité du chancelier
social démocrate.
PS : faible écho de l’émission télévisée "100 minutes pour convaincre"
avec Hollande ( dont on retient surout la candidature du premier
secrétaire pour 2007) ; portrait de ce dernier in Le Monde 13 juin.
Programme écolo de Fabius.
Le secrétaire chargé des élections présente le 28 juin devant de CN du
PS le calendrier électoral : désignation des têtes de liste régionale
début octobre, composition des listes en octobre-novembre.
Rocard persiste et signe sur les retraites, la victoire du capitalisme,
le double langage (à la Mollet) du PS.
LCR : meeting à la Mutu le 13 juin avec Besancenot ; 1000 personnes.
PT : meeting à la Mutu.
FN : renonce à son université d’été et à la Fête Bleu-Blanc-Rouge de la
rentrée.
Réseaux : la manif antisyndicale de dimanche dernier est l’occasion de
divers papiers vantant les mérites des "réseaux", mobiles, opposés aux
partis, lourds et peu réactifs.
SOS-Racisme : ses liens re-affichés avec le PS suscite une crise interne.
*Mouvements des idées*
Note n°39 ( 27/06/03)
1) Classes sociales : Sociologue et enseignant à Sciences Po Paris,
Louis Chauvel rappelle, étude après étude, la pertinence du concept,
revu et corrigé, de classes sociales. C’est encore le cas dans "
Stratification sociale. Grandes tendances" publié dans "L’état de la
France/2003" (La découverte), pp. 116/125. Sa thèse est qu’après une
(relativement) longue phase d’affaissement de la notion de classe (pour
des raisons objectives - comme un recul des inégalités - et subjectives
), celle ci tendrait à se réimposer mais de manière complexifiée.
Dans cette étude, il se risque à une définition des classes (p 120) ;
relativise la notion de "fin des ouvriers" ; parle de " la fin de la
dynamique d’égalisation des revenus" ; évoque " la divergence des
critères objectifs et subjectifs" ( la notion de classe aurait-elle
reculé car les enjeux économiques et matériels seraient dépassés par des
conflits symboliques : régions, ethnies, genres, cultes, modes de vie...?
comment sont vécues les inégalités ? comment se complexifie la notion de
groupe social ?) ; pour lui, il y aurait " restructuration de la société
française en classes sociales" ; même s’il admet que son "hypothèse n’est
en rien certaine", il conclut sur l’idée de "réactivation concomitante
de la conscience sociale des groupes concernés".
Bon dossier dans Le Monde, 22 juin, sur la souffrance au travail ( " Le
travail en crise").
Voir les Echos du 25 juin sur les écarts d’espérance de vie entre les
ouvriers et les cadres qui ne diminuent pas.
2) Droite droitisée : sondage IFOP/JDD selon lequel l’électorat de
Raffarin s’est restructuré : plus vieux, plus nanti, plus réactionnaire.
Avec une chute significative chez les ouvriers (-6).
Sarkozy super-star avec des papiers contradictoires : triomphe de sa
ligne à droite toute pour JM Thénard, Libération ( sur celle plus
"centrale" de Juppé) ; difficultés croissantes pour Le Monde (25 juin).
Plusieurs articles insiste sur le "fondement théorique" de ce retour à
droite : "en finir avec la pensée 68" ; la pensée "soixante-huitardiste"
ouvertement dénoncée es qualité au CN de l’UMP.
Une droite en même temps qui n’en finit plus d’appeler le PS ou la
social démocratie à la rescousse ; cf le soutien mutuel de Paris et
Berlin "engagés l’un et l’autre dans u programme de réformes sociales
que leurs sociétés acceptent difficilement" ( Le Monde, 25 juin).
3) Notion d’égalité : disparition progressive de cette notion dans le
discours de droite. Voir encore la tribune libre de Barrot dans Le
Figaro sur le bilan d’un an de l’UMP. Remplacement travaillé de longue
date par la notion d’équité.
Cette chasse à l’égalité est ouvertement revendiquée par la frange
libérale de la majorité. " Le primat accordé dans les représentations à
l’égalité sur la liberté" a coûté cher au libéralisme français, estime
par exemple le colloque qui vient de se tenir à la Sorbonne le 18 juin
par/avec les ténors politiques et universitaires de ce courant.
Ce colloque a abouti à la création d’une "fondation pour l’étude et le
développement des idées libérales", indépendante des partis comme de
l’université mais se situant dans l’entreprise d’aide aux réformes
entreprises par le gouvernement.
L’issue de la bataille des retraites a d’ailleurs donné des ailes à
cette droite libérale. On voit la main de Madelin partout, derrière les
initiatives gouvernementales, les réformes de L’Etat à venir.
Les organisateurs de la manifestation des-usagers-en-colère se
revendiquent ouvertement de ce courant ; encouragés par le succès relatif
de leur initiative, ils entendent bien se structurer et se mobiliser
demain pour " les réformes de l’Etat, de l’Education nationale, de la
Sécurité sociale".
4) Laïcité/Suites : beaucoup de commentateurs semblent pressés de
sortir des débats sociaux pour revenir à des enjeux plus symboliques. La
laïcité, abordée sous l’angle du "foulard" par exemple.
La droite veut en faire un de ses chevaux de bataille ; la presse
continue de faire "gros" à ce propos.
Sur l’islam à la française et les débats en cours, un chiffre : le Cfcm
aurait été élu par 4000 personnes pour quatre millions musulmans.
Lire "L’Islam de France est structuré par un conflit plus national
qu’idéologique" de Xavier Ternisien ( in L’état de la France, La
Découverte, pp 48-50) sur l’enjeu national ( des imams, produits
d’importation, Islam de France ? en France ? quid du Maroc ? de l’Algérie ?
des pays du Golfe ?) et social ( les clientèles sociales des différents
courants, l’absence -relative- des jeunes des banlieues).
Sur un sujet proche, succès du rassemblement des "Douze heures pour
Israel", très à la gloire de Tsahal. Présence de la droite, succès de
Madelin et surtout de Sarkozy ! à gauche, Hollande sifflé (un peu),
Strauss-Kahn très opportuniste, qualifiant de "misérable" le socialisant
Pascal Boniface qui eut le culot d’écrire "Est-il permis de critiquer
Israël ?".
Ce livre - qui fut une note au PS- continue d’alimenter une formidable
campagne de haine contre Boniface, alimentée par toute la presse de
droite qui y voit un moyen d’enfoncer un coin entre "la gauche" et la
communauté juive. Une telle outrance que Alfred Grosser, un des pontes
de la politologie française, qui eut la "maladresse" de trouver des
qualités à Boniface (Express, 22 mai), est à son tour assassiné ;
résultat : il démissionne de L’Express.
5) Recomposition syndicale : analyses nombreuses et plutôt embarrassées sur l’évolution prévisible des postures syndicales. Le plus souvent, on parle d’isolement de la Cfdt ( plusieurs articles sur des départs de la CFDT mais ici ou là on parle aussi d’arrivées ; à suivre...) , d’honneur
sauf mais de fragilisation de la Cgt, de dérive de Fo, de pôle radical
qui se chercherait autour de la FSU.
Au delà de la "victoire" du pouvoir sur les syndicats, la question
souvent évoquée se résume ainsi : le gouvernement entend entrer dans une
longue période de "réformes" ; il ne peut guère se passer durablement
d’un partenaire social ; or le courant pro-réformiste, à la Cfdt, au sein
de la Cgt aussi, est affaibli ; et le risque de contagion radicale
réelle ; solution : sauver le courant réformiste en marginaliseant les
extrêmes ; d’où la recherche prévisibles arrangements, d’accomodements et
démarches en ce sens du pouvoir vers le Medef.
Convergences sur cette ligne de la droite libérale ( voir par exemple
l’analyse de La Tribune qui note qu’" un intérêt collectif bien compris
est de donner du grain à moudre" aux réformistes, 24 juin) et du PS :
voir la tribune de A Bergougnioux, "Les retraites, le syndicalisme et
les socialistes" du 26 juin.
Reste l’hypothèse, moins évoquée, d’un néo-thatcherisme : passage en
force misant sur un long découragement social.
6) Ethique et capitalisme : la corruption, la délinquance financière et
plus généralement la place de l’argent suscite d’interminables débats et
de très nombreuses initiatives.
Affaires Le Floch Prigent (Elf) ou Trichet-Haberer (Crédit Lyonnais).
Ou la rencontre à la Sorbonne le 19 juin d’Eva Joly et de quinze juges
en faveur d’un nouveau système pénal.
Ou les débats houleux en vue d’une Charte contre la corruption sous
l’égide des Nations Unies.
Ou les pressions de nombreuses ONG en faveur de plus de transparence.
Ou la constitution d’une organisation patronale intitulée "Ethic".
Ou encore la permanence du thème de l’éthique. Voire l’initiative de
députés UMP de demander la constitution d’une commission parlementaire
sur les revenus des hauts dirigeants...
Juste retour de saines préoccupations morales ? ou face à un écoeurement
généralisé de l’opinion, une mise en scène du thème éthique, " manière
détournée de vouloir absoudre la logique financière elle même " ( A.
Orléan, universitaire, Libération, 23 juin).
Sur le sujet, voir Frédéric Lordon, "Et la vertu sauvera le monde",
éditions Raisons d’agir, 2003. Il note par exemple : " L’incrimination
des individus de petite vertu fait agréablement diversion et laisse
inquestionnées les structures de la finance, celles-là même qui sont
cause de tout, y compris des comportements crapuleux auxquels elles
n’ont cessé d’inviter".
7) L’état de la France/2003 : on consultera avec intérêt ce nouvel
annuaire publié par La Découverte qui aborde l’état de la France et les
grandes tendances de l’opinion en dix grands dossiers, chacun d’eux
donnant lieu à une dizaine d’articles : Enjeux/débats ; société française ;
culture ; économie ; système productif et entreprises ; vie politique et
sociale ; Etat et institutions ; politiques publiques ; Union européenne.
8) Lula déçoit ? premiers commentaires desobligeants des partisans
français de Lula ( dossier Le Monde du 24 juin) sur la trop grande
prudence du nouveau président brésilien en matière économique. Déjà on
re-découvre que la "démocratie participative" à la bresilienne n’aurait
été qu’une "simple consultation des communautés sur ce qu’il fallait
faire avec 10% du budget de la mairie".
Commentaire de Bernard Cassen : " Si l’expérience échoue, cela nous
poserait un gros problème, accréditant l’idée qu’on ne peut rien faire".
9) Etat de l’opinion
Sondage CSA-La Tribune (25 juin) sur la "bonne opinion" que les Français
auraient des entreprises. Selon S. Rozes, " contrairement aux idées
reçues, les Français, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont
massivement attachés à leur entreprise". Une majorité considère
cependant que c’est un lieu de sress.
Sondage Ipsos-Sofinco-Figaro Economie (26 juin) : il s’agit d’un
baromètre créé en décembre 1996. 57% des Français sont pessimistes sur
la situation économique ; 58% pessimistes sur l’évolution de leur niveau
de vie ; " Jamais ils n’ont été aussi réticents à dépenser.(...) Le
décalage s’est de plus en plus accru entre les envies et les moyens de
consommer".
A noter une bataille d’interprétations de la chute des dépenses des
ménages. "C’est la faute des grèves" dit le pouvoir.
10) Partis
UMP : tenue de son premier conseil national le 20 juin à Paris ; certaines
tendances autoritaires dans les interventions et propos très "ouverts"
en direction de l’électorat Le Pen, singulièrement de Sarkozy.
Donner l’image d’un parti attentif aux nouveaux enjeux de société ;
rencontres hebdomadaires de la direction avec des personnalités
emblématiques ( Hulot, Notat...) ; mise en place d’une fondation ; de
structures professionnelles. Objectif ? " remporter la bataille
idéologique et installer son hégémonie électorale dans le temps" (Les
Echos).
Sollicitation plus systématique des militants : " Désormais un parti
comme le nôtre ne peut plus se mobiliser uniquement en période électorale".
Désignations des premières têtes de liste aux régionales " pour
commencer la campagne dès cet été".
Juppé se fait représenter à la Gay Pride.
UDF : Désignation des têtes de liste aux régionales d’ici septembre.
PS : Divisions au sein du courant "Nouveau Monde". Mélenchon trouve sa
tendance trop indifférente au mouvement social " où s’est reformée la
génération de la prochaine vague politique de gauche".
Par ailleurs de timides critiques à l’égard de Lamy sur le principe du
vote à l’unanimité à l’UE (Moscovici).
PCF : sondage CSA-La Croix du 23 juin sur le mouvement social qui montre
l’absolue adéquation entre l’électorat communiste et le mouvement social
( soutien enthousiaste à 88%). Le journal ajoute : " Plus remarquable
encore le pourcentage des militants communistes hostiles ou opposés aux
défilés syndicaux ne décolle pas de ...0%".
Verts : assez large couverture de presse de l’initiative Voynet au Mans.
Commentaires de nature exclusivement politicienne.
FN : Le Pen lance sa campagne en PACA le 18 septembre.