2005 (4e trimestre)

Mouvement des idées
N °122 ( 6/10/05)

1)Europe : un rejet durable

Remarquable enquête Arte/Sofres qui montre que le rejet de l’Europe
libérale est un phénomène massif et durable, en France et plus
généralement au sein des 25 (l’Espagne mise à part).
« Le Monde » tombe de l’armoire et livre un commentaire (4/10)
catastrophé : « sondage choc », « impressionnant » ; le 29 mai « est
tout sauf un accident » ; l’Europe = « doute », « défiance », « 
inquiétude », « le ressort est cassé » ; « rude constat », « redoutable
défi », « tout est à reconstruire » !
Ce doute ( que le journal nomme europhobie) est particulièrement vrai en
France où « le bilan de l’Europe est lourdement négatif » :
majoritairement, l’opinion pense qu’elle a fait de la France un pays
moins prospère, où on vit moins bien (58% des ouvriers).

2)Les Français et l’entreprise

Sondage Téléperformance auprès de 600 salariés, dans la perspective de « 
la fête annuelle de l’entreprise ». Se disent attachés à l’entreprise
(79%) ; ne souhaitent pas la quitter (74%) ; se disent consciencieux
(73%), motivés (61).
Mais ça va moins bien côté ambiance dans l’entreprise (que 47% de
satisfaits), salaires (33% de satisfaits), image du patron (27% de
satisfaits).

3) Démocratie participative

Colloque universitaire international à Toulouse (15/17 novembre) sur « 
la démocratie participative en Europe » à l’initiative du laboratoire
d’études et de recherches appliquées en sciences sociales.
Questions nombreuses soulevées : composition des instances participantes
 ? interaction pouvoir politique-société civile ? participation citoyenne
 ? répartition des rôles ? quid de la communication politique ? rôle des
médias ?
Forte participation universitaire annoncé dont on retiendra les noms de
Eric Neveu (IEP Rennes) et Yves Sintomer (Paris8).Renseignements
complémentaires :
*_http://www.lerass.iut-tlse3.fr/democratie2006/_*

4)Balancier idéologique

Après des années de vulgate libérale ( moins d’Etat, moins d’impôt,
chacun pour soi), le balancier semble en train de tourner : plus d’impôt
mais autrement ; plus d’Etat mais autrement ; plus de solidarité. Ce
retour de balancier est noté dans le courrier des lecteurs du Monde du
4/10. Titre : « Réhabiliter l’impôt : une idée à la mode » (sic). Le
lecteur « observe la montée d’un nouveau courant de pensée qui conduit à
« réhabiliter » l’impôt après des années d’un mouvement de baisse. »

5)Un penseur patronal

Maoïste passé au Medef, François Ewald est un idéologue apprécié du
patronat ; il délivre régulièrement dans la presse économique l’état de
ses réflexions. Voir dans Les Echos du 6/10 ce qu’il appelle « les
quatre révolutions » que nous vivrions, sources de quatre incertitudes :
révolution géopolitique qui fait douter de l’identité nationale ;
révolution sociale avec le retour de l’actionnaire dans le capitalisme
et l’insécurité engendrée pour le salarié ; révolution idéologique avec
la critique du progrès, la peur de l’avenir, la nostalgie ; révolution
sociétale avec le triomphe de l’individualisme, le règne du contrat mais
aussi « la fatigue d’être soi ».
A noter à propos de l’évolution du capitalisme : Ewald utilise une image
déjà employée par Attali dans sa bio de Marx : » la situation « n’est
pas sans faire penser à ce début du XIXé siècle »…

6)Une opinion plutôt sombre

Etude commandée à la Sofres par le Petit Larousse sur les mots préférées
des Français ; A la question : « Quels sont pour vous les mots ou
expression qui caractérisent les cinq dernières années ? », les quatre
premières réponses sont « pessimisme », « chômage », « atteintes à
l’environnement » et difficultés »…
Les femmes sont plus sensibles aux « difficultés » que les hommes mais
privilégient davantage « l’optimisme ».
Les hommes parlent plus de « situation économique ».
A noter le lancement d’un nouveau baromètre mensuel de l’économie Les
Echos/BVA. Dans leur première publication (4/10), critique forte de la
politique économique, « mauvaise » pour 62% des sondés (78% à gauche,
43% à droite) ; 75% moins confiantes dans l’avenir qu’il y a quelques
semaines ; 72% trouvent justifiée la journée du 4 octobre.
Le contrat nouvelle embauche serait approuvé par 49%…

7)Criminalité économique = laxisme et impunité

Mme Dominique de Talancé, juge d’instruction, évoque dans un entretien
aux Echos l’inquiétant laxisme en matière de criminalité économique
(3/10). Cette criminalité a atteint une ampleur telle qu’elle peut « 
déstabiliser voire détruire le tissu économique et social » ; « rien
n’échappe à l’emprise du crime économique » (Bourse, immobilier, sport)
 ; or rien de déterminant n’a été fait pour la contrer ; il y a des lois
(Perben2) mais pas de volonté politique de les appliquer ; il y a même « 
de moins en moins d’informations judiciaires » sur le sujet, d’où « une
démoralisation des services de police et des juges », de pertes de
pouvoir des magistrats. Le mot d’ordre est : « Circulez, il n’y a rien à
voir ! ».

8)Nouvelle formule du Figaro

Le Figaro a changé de formule le 3 octobre ; formé désormais de trois
cahiers ; on retiendra surtout une nouvelle hiérarchie des infos ;
l’économie gagne en importance ; le cahier spécial économie de fin de
journal (pages couleur saumon) passe en deuxième cahier ( ou cahier
central ?) ; la culture est repoussé en fin de journal, aggloméré avec
l’art de vivre et la consommation. Une vision bourgeoise des choses ?

9)Droites françaises

Le politologue René Rémond (90 ans) actualise, avec son nouveau livre « 
Les droites aujourd’hui » (Louis Audibert éditeur) son ouvrage « Les
droites en France » (1955) où il distinguait les trois courants :
orléanistes, légitimistes, bonapartistes ; ces notions, devenues un
dogme de la science politique officielle, s’ils montrent bien les
divisions de la droite, ont mal vieillies : quid par exemple de
l’extrême droite, oubliée par Rémond ?
Long (et décevant) entretien in Le Figaro du 6/10. A noter qu’il ne
répond pas positivement à une question que lui pose le journal : « La
droite française a-t-elle marqué des points dans le débat idéologique ? »

10)Partis

de Villepin : la politique de communication du premier ministre bien
expliquée dans un papier du Monde du 1/9 ; un des deux experts qu’il
consulte régulièrement est Philippe Méchet, ex directeur des études
politiques de la Sofrès.

Patronat : dossier sur les diverses forces et courants qui traversent le
patronat in Le Monde-Economie du 13/9.

MPF : plusieurs articles sur les tentatives de structuration de cette
famille d’extrême-droite, sur sa concurrence avec les sarkozistes, sur
l’implantation du MPF dans la police, sur les cendres du FN (Le Monde, 6/10)

Mouvement des idées
N °123 ( 13/10/05)

Spécial Joseph Stiglitz, économiste critique, prix Nobel

Joseph E. Stiglitz est l’économiste américain qui formule la critique
antilibérale la plus forte, à partir de l’intérieur même de la
machinerie capitaliste.
Longtemps enseignant à Stanford, il a été le principal conseiller
économique de Clinton (il était même le patron du CEA, Council of
Economic Advisers) avant d’être vice-président de la Banque mondiale.
Il connaît bien l’international (il a passé un quart de sa carrière à
l’étranger).
Or cet homme poursuit depuis le début des années 2000 le procès en règle
du libéralisme. En 2001 il a écrit « La grande désillusion » (Fayard) ;
en 2003, il a publié « Quand le capitalisme perd la tête » (Fayard), qui
sort en livre de poche.
Ces livres montrent comment le capitalisme (américain), au tournant du
siècle, est passé du « triomphe » (de « la nouvelle économie ») à « une
chute retentissante ».

La partie critique est forte. Attentif au phénomène de la bulle
spéculative, aux déréglementations ( dans les télécommunications), aux
scandales (Enron), bon connaisseur des processus de décision au sein du
pouvoir américain, Stiglitz démolit les mythes qui fondent la vague
libérale en Occident ; il énonce avec beaucoup de bon sens quelques
idées simples mais très anticonformistes dans son milieu :

*le réduction du déficit ne relance pas l’économie

*le règne sans partage de la finance entrave l’économie

*l’Etat n’est pas systématiquement mauvais.

Et accessoirement

*l’impact des guerres est négatif pour l’économie

*la « main invisible » d’Adam Smith est invisible car elle n’existe pas

Il explique comment l’administration Clinton, élue sur un programme de « 
gauche » ( vue d’Amérique), s’est vite alignée en fait sur « la pensée
unique », sur le dogme du tout-financier, dogme qui a balayé tout le
reste, comment « cet alignement sur les marchés financiers » a imposé la
réduction du déficit, la politique de taux de change, etc. Il montre en
fait comment la droite a réussi « avec un succès éclatant » à intimider
ses adversaires et à imposer ses orientations.

Stiglitz ( qui dit conserver son estime pour Clinton ; mais quelle est
la part de la diplomatie ?) s’estime engagé dans le débat américain mais
concerné tout autant par la discussion sur la mondialisation. Notamment
parce que le modèle américain de développement a propagé ses normes
partout. « Le combat d’idées » ( sur l’Etat, la finance…) est en cours
dans tous les pays ».
Stiglitz « conteste l’idée qu’il n’existerait qu’une seule forme
d’économie de marché » ; ses propositions, ce qu’il appelle un « 
idéalisme démocratique », visent à un « juste équilibre » du marché et
de l’Etat et mettent l’accent sur la justice sociale (égalité des
chances, priorité à l’emploi, moyens de l’autonomie, équité
intergénérationnelle) et sur le droit du citoyen à l’information : en
fait il insiste sur la question de droits nouveaux pour les citoyens.

En résumé, ces travaux, avec leurs limites, sont assez exemplaires de ce
nouvel air du temps antilibéral qui commence à souffler. A l’heure où le
modèle américain continue d’être la référence obligée en Europe
(privatisations, déréglementations, libéralisation), où les dirigeants
français prônent ses « valeurs » ( voir la dernière visite de Copé à
Washington, et son insistance à montrer que Paris est un bon élève de la
classe libérale à l’américaine), cette critique « de l’intérieur »
dynamite l’argumentaire libéral.

Quelques titres de chapitres, qui donnent une idée de la tonalité du livre :

* Nous avons perdu de vue le juste rôle de l’Etat

* Avons nous poussé trop loin la réduction du déficit ?

* La Fed toute puissante a gonflé la bulle

* La déréglementation tourne au délire

* Comptabilité truquée

* Les banques : transactions peu reluisantes

* Les réductions d’impôts nourrissent la frénésie

* Des salariés plus angoissés

* Comment la « réforme » des retraites a rendu l’économie plus
vulnérable

* La mondialisation : premières razzias ; des traités commerciaux
injustes ; la déstabilisation du monde

* Enron et le capitalisme de copinage à l’américaine

* Déboulonnons les mythes : le mythe de la réduction du déficit ; le
mythe de la finance ; le mythe du grand méchant Etat ; le mythe du
triomphe du capitalisme à l’américaine

Extraits

Sur l’Etat.

Ce sujet est une constante chez Stiglitz. Il y a une quinzaine d’années
déjà, il avait écrit un essai intitulé « Le rôle économique de l’Etat ».
Dans « Quand le capitalisme… », il note : « Un combat d’idées est en
cours : les uns veulent réduire l’Etat à la portion congrue, les autres
lui reconnaissent un rôle important, même s’il a ses limites, pour
corriger les insuffisances du marché mais aussi faire progresser la
justice sociale. Je me range parmi les seconds et je me propose ici de
prouver que les marchés, s’ils sont au cœur de notre succès économique,
ne fonctionnent pas toujours correctement tout seuls, qu’ils ne
résolvent pas tous les problèmes et que l’Etat sera toujours pour eux un
partenaire important ».

« Les fondements intellectuels du laisser-faire a été pulvérisé par les
faits : non, les marchés ne conduisent pas automatiquement à
l’efficacité, sans parler de la justice »

« Nos nouveaux héros financiers ont fait chorus avec d’autres pour
propager un mythe supplémentaire : les problèmes de l’économie viennent
du big government, ce grand méchant Etat qui nous force à payer des
impôts écrasants et nous accable de déréglementations. La conclusion
coule de source : il faut réduire l’Etat à la portion congrue, diminuer
les impôts, déréglementer. Mais la déréglementation n’a pas toujours
libéré des énergies puissantes pour une croissance vigoureuse et durable ».

« Parmi ceux qui propageaient le mythe du trop d’Etat, certains
profitaient des subventions et de l’aide de l’Etat à la promotion des
entreprises à l’étranger, enfin des investissements publics dans la
recherche-développement. Une bonne partie de la nouvelle économie qui a
impulsé l’expansion reposait sur Internet, créé par la recherche
publique, sur les milliers d’autres innovations issues de la recherche
pure et sur la biotechnologie, fondée sur des découvertes médicales et
biologiques financées par l’Etat ».

Sur le capitalisme mondial

L’Amérique n’a jamais entièrement cru au mythe du Grand méchant Etat. La
plupart des Américains pensent toujours que l’Etat a un rôle à jouer,
pas seulement dans la réglementation mais aussi dans la fourniture de
services essentiels – l’éducation, la retraite, la santé avec Medicare.
A l’étranger en revanche, les Etats Unis ont prêché un modèle de
capitalisme dans lequel l’Etat joue un rôle minimaliste, modèle dont ils
ne voulaient pas pour eux ».

Sur la finance

« Mon travail a montré pourquoi, souvent, des marchés financiers non
réglementés ne fonctionnent pas bien, pourquoi nous avons besoin de
l’Etat et pourquoi ce qui est bon pour Wall Street risque de ne pas
l’être et souvent ne l’est pas pour l’ensemble du pays ou pour telle ou
telle de ses composantes »

ou

« Parmi nos héros des folles années 1990 figuraient les financiers
devenus les missionnaires les plus ardents de l’économie de marché et de
la main invisible. La finance a été portée au pinacle comme elle ne
l’avait jamais été.(…) Aujourd’hui la finance a perdu son lustre mais il
reste à assimiler la leçon : les marchés financiers ne sont pas la
source de toute sagesse. Un pays qui se soumet sans réserve à leur
discipline le fait à ses risques et périls ».

Sur la démocratie

Avec le temps, je crois de plus en plus à la démocratie mais je crois
aussi que, pour qu’elle fonctionne, il faut que les citoyens comprennent
les questions fondamentales auxquelles nos sociétés sont confrontées et
les réalités du travail gouvernemental. Or les problèmes qui ont le plus
d’impact sur la grande majorité de la population concernent l’économie
et les rapports entre le marché et l’Etat ».

Sur la politique américaine

« Notre prospérité nous ouvre des possibilités nouvelles et sans égales.
Nous pourrions, si nous voulions, assurer à tous les soins médicaux de
base. L’Amérique est le pays le plus riche du monde mais son système de
santé publique de base est inférieur à celui de pays beaucoup plus
pauvres. Elle choisit de ne pas assurer ces services fondamentaux parce
qu’elle choisit de ne pas se taxer. »

Communisme/Capitalisme

« Certains pensaient que la fin de la guerre froide serait la fin de
l’idéologie. Le système de la libre entreprise avait gagné la partie.
Nous pouvions tous nous mettre au travail pour le perfectionner. La
défaite du communisme était celle d’une pathologie, d’une perversion,
d’un régime autoritaire et le combat contre cette perversion avait
détourné l’attention des problèmes de grande portée, de fond, sur le
type de société que nous souhaitions créer. Or voici qu’aujourd’hui dans
une grande partie du monde, on se demande s’il y a crise du capitalisme ».

Capitalisme à l’américaine

« Si les Américains ont toujours cru au capitalisme et à l’économie de
marché, notre succès et l’écroulement du communisme ont donné un nouvel
élan à cette foi et l’ont portée à des sommets jamais atteints. Il y a
toujours eu plusieurs types de capitalisme. Le système économique
américain a d’immenses mérites mais il n’est pas le seul possible ».

Mouvement des idées
N °124 (20/10/05)

1)Crise du capitalisme : actualité éditoriale

Multiplication de livres sur la crise (le mot n’est pas nécessairement
utilisé ) du capitalisme.
On peut penser que la faillite cette semaine du courtier américain Refco
va relancer ce débat.
Le plus souvent il s’agit de livres de partisans du système mais tous
inquiets du poids de la finance (et des fonds de pension) sur l’économie.
Jean Peyrelevade, Le capitalisme total, la République des idées/Seuil ;
déjà mentionné ici ; livre d’un social-libéral très remonté contre … « 
la révolte altermondialiste » (« illusions, utopie, incompétence »)
Patrick Artus, Marie-Paule Virard, Le capitalisme est en train de
s’autodétruire, La Découverte.
Elie Cohen, Le nouvel âge du capitalisme, Fayard
Michel Aglietta, Dérives du capitalisme financier, Albin Michel.
Le chroniqueur économique du Monde passe en revue (16/10) leurs
solutions. Elles seraient de trois ordres :

A)rétablir une régulation (ce que feraient, depuis l’affaire Enron, les
USA : régulation + peur du juge)

B)déconnecter l’entreprise des fonds anonymes et de leurs pressions ( du
genre 15% de retour sur investissements !)

C) « monter des fonds de pension différents à vocation de long terme »,
hypothèse hautement improbable (et utopique ?!) mais que soutient avec
entrain Le Monde.

2)Crise de la politique, suite.

Sondage CSA/Parisien sur les Français et la politique. On retiendra
d’abord l’envie massif de « plus de grands débats politiques » : 74%.
Ensuite l’enquête confirme ( voir la récente étude Sofres à Vénissieux)
la défiance croissante des citoyens à l’égard des politiques, le
discrédit de ces derniers ( même si les questions –et les réponses-
semblent parfois un peu « fabriquées »). Cf Le Parisien du 10/10.
Voir aussi l’enquête CSA/Le bleu (18/10) sur les Français et l’union
nationale, et ses enseignements : affaiblissement des « partis de
gouvernement », attachement des socialistes à l’union de la gauche (44%)
et attirance des mêmes pour la droite (60% pour une union
gauche/droite), radicalisation à la gauche du PS, singularité des
positions communistes, défiance entre la droite et l’extrême droite.

3)MEDEF : nouvelle image et nouvelle communication

Longue chronique d’Yves de Perdrel, d’ordinaire bien informé, dans Le
Figaro (11/10) sur « la nouvelle musique du monde patronal ». Selon lui,
Parisot non seulement change l’image du Medef mais infléchit le ton en
trois temps : 1) une expression moins agressive que Seillières (« cesser
de distribuer des bons et des mauvais points, arrêter de gonfler des
polémiques, abandonner la posture conservatrice) ; 2)tenter un vrai « 
dialogue » avec les syndicats, dont la CGT, chercher un « diagnostic
partagé » aussi les enseignants, les magistrats, les artistes ; 3) tenir
un discours plus axé sur la productivité et la stratégie de Lisbonne.
On retrouve cette « nouvelle » tonalité lors de la conférence de presse
de Parisot du 18/10.
Mais cette « positive attitude » ( plus sociale-villepiniste que
sarkoziste…) peut être fragilisée, dit de Perdrel, à la fois par les
conflits sociaux et par l’impatience des PME.
Autre dossier sur un premier bilan de Parisot in Les Echos du 13/10.

4)La Sécu, collection d’ouvrages

Floraison de livres sur la Sécu.
On retiendra :

Philippe Pignarre, Comment sauver (vraiment) la Sécu, La Découverte ;
forte dénonciation des industries pharmaceutiques.

Michel Husson, Les casseurs de l’Etat social, La découverte ; Husson est
à Attac et Copernic.

Alternatives sud, Les obstacles à la santé pour tous, Syllespse ; la
dégradation de la santé dans le monde, la faute à la marchandisation, à
la privatisation.

Leslie Varenne et Philippe Blanchard, Sécurité sociale : main basse sur
le trou, Carnot ; où comment où comment l’Etat recourt aux marchés
financiers internationaux à la manière des Enron, Parmalat ou Vivendi.

José Caudron, Jean Paul Domin, Catherine Mills, Assurance maladie, la
privatisation programmée, Syllepse ; document de la fondation Copernic
contre le libéralisme ambiant.

Robert Castel, L’insécurité sociale, La République des idées/Seuil ; sur
la fin du couple Etat de droit et Etat social.

5)Crise syndicale

Campagne persistante d’une partie de la presse, Le Monde tout
particulièrement, sur « le discrédit syndical », la langueur syndicale,
l’inefficacité, la non représentativité, la ringardise, etc ; plusieurs
papiers « durs » du Monde aux lendemains des manifs du 4 octobre visant
d’abord à en relativiser l’ampleur puis parlant carrément de « défaites
syndicales » ( titre de l’édito intérieur), 18/10.
Cet édito souligne en même temps une vraie question, et une vraie menace
 : la démocratie (sociale) ne fonctionnant pas, ne faut-il pas s’attendre
« à bien des débordements voire à des actes de désobéissance civile » ?
Thème à relier avec d’autres enquêtes récentes, dans la presse
économique ou patronale notamment, sur la multiplication d’actes
individuels (et anonymes) de colère de salariés contre les cadres, les
patrons, de sabotage contre leurs biens.

6)Plus forte demande de solidarité

Bonne enquête de la Drees (Direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques ), publiée dans « Etudes et résultats »
d’août 2005 (n°421) et passée un peu inaperçue, intitulée « Les opinions
des Français sur les politiques sociales en 2004 : une inquiétude accrue
qui modifie les demandes de solidarité ».
Il s’agit d’une enquête barométrique régulière, annuelle. De la dernière
version, on retiendra trois données : « Le poids de ceux qui considèrent
la société comme plutôt injuste et sont favorables à l’universalité des
aides s’accroît » ; « (Les personnes en difficulté) expriment des
opinions beaucoup plus solidaires (en faveur des aides sociales sans
contrepartie) qu’au cours des enquêtes précédentes » ; « en matière de
justice sociale, une majorité de Français pensent qu’une politique
redistributive plus forte leur bénéficierait personnellement ».

7)Rébellion et récupération

Entretien dans le Fig Mag du 17/10 avec l’historien E. de Waresquiel,
auteur du « Dictionnaire de la contestation » (Larousse) ; évoque « la
disparition programmée de la rébellion » ; les faux-rebelles et les fous
du roi (les guignols de l’info) ; la « récupération par la société de
consommation de la technique du détournement des images et des actes en
un simulacre de révolte » (cf centres Leclerc) ; mais aussi le fait que
« notre société reste fidèle à sa mémoire, à des images et des
représentations de la révolte qui remontent à la fin du 19^e siècle ».

8)La droite contre les manuels scolaires

Non contente d’imposer une histoire officielle sur la question
coloniale, la droite (re)part en guerre contre les manuels scolaires. Ce
thème revient plusieurs fois l’an dans un journal comme Le Figaro. La
dernière occasion (gros article illustré, 4 colonnes, 14/10) en est
fourni par la parution d’un ouvrage fort réactionnaire, Elèves sous
influence, de Barbara Lefebvre (prof d’Histoire dans le 92) et Eve
Bonnivard, chez Audivert. Ouvrage qui condamne surtout le regard
critique de nombreux manuels sur la politique américaine et l’évocation
par ces livres scolaires des thèmes altermondialistes ( cet été on avait
déjà eu droit à une pleine page de ce quotidien sur la main mise d’Attac
sur l’école…).

9)Intellos multi-cartes

Le Figaro (20/10) s’amuse à recenser ces « experts » qui fréquentent
aussi bien les colloques de droite (UMP,UDF) que ceux du PS comme JC
Casanova (revue Commentaire), Geremek (ex ministre polonais des Affaires
étrangères), Guy Carcassonne (constitutionnaliste), Robert Rochefort
(Credoc), Gérard Miller (psy socialo-UDF).

10)Partis

UMP : sixième convention thématique sur l’écologie en quatre temps : Du
global au local : état des lieux des défis écologiques ; L’énergie et
les transports ; Ecologie pour la vie ; L’écologie, en faire tout un monde.
C’est Fillon qui est chargé du projet d’ensemble de l’UMP.
Nombreux articles (Le Monde, Le Figaro) sur l’utilisation d’internet
pour « consulter » les militants UMP, voire tenir un congrès « virtuel »

UDF : premier colloque d’une série de quinze rendez-vous jusqu’à juin
2006, avant une « grande synthèse ». Ce premier colloque porte sur « les
racines du mal français » :déficit démocratique ;la perte des repères ;
la carence de réformes ; défaillances européennes et internationales. Un
certain gauchissement du profil.

FN : à la Fête des BBR (9/10), premier plan de campagne présidentielle :
100 débats, « 12 directions spécialisées ».
Commentaires sur les salamaleks entre Serge Dassault, patron du Figaro,
et Le Pen lors de la soirée de lancement de la nouvelle formule du journal.

PS : parution de « L’énigme Hollande » de François Blachy, Plon, plutôt
critique ; et de « L’ambition et le remords. Le parti socialiste et le
pouvoir » de A. Bergougnoux et G. Grunberg, Fayard. Sur un thème
volontiers évoqué ces temps ci : le divorce entre un discours et une
doctrine « de rupture » et une pratique réformiste ; les auteurs
plaident pour un virage doctrinal réformiste.
Programme chiffré du texte Fabius, in Le Monde, 9/10

Mouvement des idées
N °125 ( 3/11/05)

1)Un air du temps anti-libéral

Paradoxe : c’est au moment où les idées libérales reculent que le
gouvernement affiche ses options libérales !
Excellent édito (p16) de Thomas Ferenczi dans Le Monde du 28/10,
intitulé « Echec au libéralisme » : « Les vents qui ont porté les idées
libérales ces dernières années dans une Europe soumise aux pressions de
la mondialisation seraient-ils en train de tourner ? ». Il fait un tour
d’Europe pour montrer le repli des idées libérales, le retour d’idées
fortes comme l’importance du secteur public, « une certaine
réhabilitation de l’Etat dans la gestion de l’économie », le « refus de
sacrifier les exigences de solidarité aux seules lois du marché ».
Mais il conclut : « Paradoxalement ce n’est pas la gauche qui paraît
tirer profit d’un tel état d’esprit » mais les conservateurs (cf le cas
polonais).
Sur le même sujet, article du Parisien du 26/10 : « Les sirènes du
libéralisme feraient donc moins recette dans l’Union (européenne) ».

2)Libéralisme en fiche

Dossier du mensuel Enjeux/Les Echos sur le libéralisme. De tonalité
pro-libérale mais utile. Notamment « L’antilibéralisme, une maladie
française », « Le libéralisme à l’épreuve des faits » et « L’économie,
otage du débat idéologique ». Des infos sur les réseaux libéraux, les
filiations, les adresses.

3)Le climat intellectuel change

Tir groupé d’articles de presse inquiets sur le capitalisme. Quelques
exemples : L’Alsace : « Le capitalisme est-il devenu fou ? » L’Est
Républicain : « Sus au capitalisme total ». Midi Libre : « Les
perversions de la course à la rentabilité ». AFP : « La course folle du
capitalisme ». Le Point : « Le capitalisme est-il menacé ? » Le Temps :
« Le capitalisme creuse-t-il sa tombe ? » . La Croix : « Le capitalisme
est devenu sans objet ».
Ces papiers font en partie écho aux ouvrages mentionnés ici dans la
dernière chronique
Ces prise de position fortes, sur le fond, marquent le débat d’idées de
cet automne. Et l’éditorialiste de La Croix (24/10) a raison de se
demander, cette semaine, dans un billet titré « Sonnette d’alarme » : « 
Le climat intellectuel serait-il en train de changer ? »

4)Hyper-bourgeoisie

On trouve dans l’actualité plusieurs études évoquant l’émergence d’une
super-bourgeoisie, très internationale, très liée à la mondialisation
capitaliste.
Ainsi plusieurs études, à l’occasion de l’anniversaire de l’ENA,
rappellent que cette école est désormais ringarde pour cette caste qui
met plus volontiers ses rejetons dans les grands écoles américaines. (Ne
parlons même pas des facs françaises « devenues des corridors de l’ANPE
 », Le Monde, 31/10).
On trouve aussi cette thématique dans le dernier livre de Jospin ; il
évoque « une nouvelle aristocratie » mondialisée. Le chroniqueur du
Monde, E Le Boucher, lui consacre un papier complaisant (31/10),
occasion de revenir sur le nouveau creusement des inégalités en Occident.

5)Attachement massif au service public

Le baromètre Delouvrier/BVA/La Tribune/France Inter mesure tous les six
mois la cote de six grands services publics : emploi, santé, école,
police, justice, fiscalité.
La troisième édition confirme le fort attachement au service public, la
crainte que la rentabilité déforme ces services, l’attente aussi d’une
meilleure efficacité.
Forte insatisfaction en matière d’emploi ; forte satisfaction sur la
santé (et crainte d’un système à l’anglo-saxonne) ; satisfaction sur
l’école.
« A noter que la police est jugée de moins en moins prioritaire aux yeux
des Français ».

6)Les ouiouistes sont revanchards

On avait noté, dans les commentaires qui suivirent le référendum, un
effort tenace des « ouiouistes » pour caricaturer, dénaturer la portée
du Non. Voici venu le temps des livres.
Dominique Reynié, icône de la droite à Sciences Po, sort « Le vertige
social-nationaliste. La gauche du Non et le référendum de 2005 » (La
table ronde).
On remarquera non seulement l’acharnement à discréditer le résultat du
scrutin mais la virulence de l’ouvrage ; déjà l’usage du vocable « 
social-nationaliste » donne le ton, poussant à un rapprochement hideux
avec le « national-socialisme ».
Il est significatif aussi que des profs de Sciences Po, d’ordinaire
pondérés, même conservateurs, usent de telles outrances ; on se rappelle
que le pape de la maison Sciences Po, René Rémond, assimilait le 29 mai
à un « nouveau Munich ».
On notera en même temps que les questions européennes sont traitées par
le pouvoir avec une prudence nouvelle depuis le 29 mai ; voir la
chronique de Jarreau « L’Europe au centre du débat français » in Le
Monde, 22/10.

7)Sarkozy et l’art du contre-pied

Dans le même temps où il se complait dans les rodomontades, Sarkozy aime
surprendre.
Ainsi sa position sur le droit de vote des étrangers relève de
considérations conjoncturelles au sein de sa famille de droite mais
participe aussi d’une tactique qui consiste à casser son image, élargir
son audience ; lui même a déjà théorisé cette façon de faire dans des
écrits ou lors des entretiens ; on se rappelle sa posture sur la double
peine ; il vient de récidiver en Lorraine en reprenant l’expression de
la CGT sur une « sécurité sociale professionnelle » et il va recommencer
sur d’autres enjeux sociétaux, de mœurs notamment, par exemple sur
l’homoparentalité (Libération évoque cette piste).
Sarkozy dit vouloir « décomplexer » la droite mais non pas la « 
caricaturer », avec l’ordre moral par exemple. Il dit aussi ambitionner
une UMP non pas à 20% (de purs et durs) mais à 40% !

8)Créationnisme, une idéologie américaine

Beaucoup d’articles sur la pénétration idéologique américaine actuelle
en Europe, soit directement politique dans les anciens pays de l’Est (
Baltique, Ukraine, Pologne…), soit religieuse ( via des variantes des
Eglises protestantes), soit sectaire ou proprement idéologique, comme le
« créationnisme » : cette théorie dite du « dessin intelligent » - qui
s’oppose frontalement au darwinisme- prétend que l’homme ( et son
histoire) ne peut s’expliquer que s’il fait partie d’un plan divin.
Le débat fait rage aux USA (des procès sont en cours entre profs de
l’école publique et tenants de cette thèse) ; en France, la semaine
dernière, un dossier d’Arte sur la préhistoire, noyauté par les
créationnistes, a pu in extremis être suivi d’un débat contradictoire,
suite à des vives protestations, afin de recadrer le message du
documentaire projeté.

9)La droite, le communautarisme, la République

Sortie du dernier livre d’A.G Slama, « Le siècle de Monsieur Pétain.
Essai sur la passion identitaire », Perrin. Grosse promotion dans Le
Figaro Littéraire, 3/11. Une vision républicaine de droite, plutôt côté
de Villepin, très critique des communautarismes, du « modernisme
anglo-saxon », des replis identitaires assimilés au pétainisme…
Dans le même temps un refus de s’en prendre aux inégalités, sources des
communautarismes, une ignorance des luttes contre les discriminations (
la loi sur la parité vouée aux gémonies).

10)Partis

UMP : dossier dans les Echos du 25/10 sur les politiques de
communication – ou plutôt de marketing- de Sarkozy et de Villepin.
Quelques noms cités. Côté Sarkozy : Franck Louvrier, Lambert (Publicis),
Aeschlimann, Saussez (Imes et stratégie), Giacometti (Ipsos), Guéant.

Côté Villepin : Bruno Le Maire, Pierre Mongin, François Nourrissier,
Bernard-Henri Lévy, Régis Debray, JC Rufin, Teresa Cremisi (Flammarion),
Philippe Mechet (ex Sofres), Sananès (RSCG).

Mouvement des idées
N °126 ( 10/11/05)

1)Anticapitalisme et manque de traduction politique

*Semaine après semaine tombent des enquêtes d’opinion manifestant une
défiance croissante des Français à l’égard du tout-marché, du
capitalisme, du libéralisme. Dernier en date, l’étude de Libération/LH2
(Louis Harris) du 4/11, montrant la très forte (2/3 des Français)
critique du capitalisme financier actuel, la demande de nouveaux droits,
l’anticapitalisme des jeunes (60%) ; « un réservoir de contestation »
dit le journal ; qui souligne en même temps la faible « traduction
politique » de ces critiques.*

2)Société de consommation

*Le premier volet de la même enquête Libé et LH2, le 29/10, portait sur
la société de consommation. Des résultats contrastés cad une perception
très négative, dans l’ensemble, de l’opinion, à partir de trois grandes
critiques : un sentiment de manipulation ; un sentiment de
surconsommation ; un sentiment d’impuissance. *
*En même temps les entreprises et les marques conserveraient plutôt une
bonne image. Conclusion du sondeur : « 2005 n’est pas mai 1968. Si la
dénonciation de la société de consommation est aujourd’hui très
présente, elle n’est pas portée par l’idéal d’un changement radical de
société ».*

3)Moral des cadres : la rechute

*Louis Harris pour le Figaro (7/11) et France Inter interroge, chaque
mois, le moral des cadres. Après une embellie depuis l’été, les chiffres
de novembre traduisent une forte rechute. « Retour à la case déprime »
titre le quotidien. « Le moral des cadres au plus bas niveau », « 
dégradation généralisée ». Des doutes sur leur plan de carrière, sur
leur niveau de vie à un niveau jamais enregistré depuis l’existence de
ce baromètre. Paradoxalement, cette déprime survient alors même que les
cadres disent constater une (relative)amélioration de l’emploi ; on
notera aussi qu’ils ne sont guère convaincus de l’utilité de la
privatisation d’EDF ; seuls 50% trouve que c’est une bonne chose,
chiffre finalement assez faible dans cette catégorie.*

4)Antilibéralisme made in Amériques

*Commentaires nombreux dans la presse anglo-saxonne sur le fiasco du
Sommet des Amériques à Mar del Plata (Argentine) qui n’est pas seulement
l’échec d’une rencontre mais d’un projet majeur de Washington, lancé en
1990 par Bush père, repris par Clinton et Bush fils, d’instaurer une
zone de libre-échange sur l’ensemble du continent ; ce plan
favorablement accueilli alors est aujourd’hui l’objet d’une critique
antilibérale massive à l’échelle de tout un continent.*
*Voir l’article des Inrockuptibles (7/11), »Renversement de tendances en
Amérique Latine ».*
*Ce nouveau climat semble coïncider avec un regain su « souverainisme »
au Québec.*

5)Nouveau catéchisme

*Assemblée plénière des Evêques pour rédiger un nouveau catéchisme à la
française. Les commentaires font état de vues partagées sur la crise (
déchristianisation, creux de la vague, églises vides), d’opinions plus
convergentes (« les opinions politiques demeurent mais relativisées face
à l’urgence ». La crise des banlieues, pour l’assemblée, est « avant
tout sociale » et « la répression n’est pas une réponse à la hauteur ».*

6)Le malheur français de Jacques Julliard

*Gourou du Nouvel Obs, Jacques Julliard publie « Le malheur français »
(Flammarion). Occasion de s’en prendre au résultat du référendum
européen : faisant mine d’avoir été « un temps séduit et même tenté »
par le Non, Julliard assassine les opposants au traité. « Printemps
pourri », « le malheur dans le logis », « le 29 mai fait souffler un
vent mauvais sur la France ».*
*Il estime que « la défaite du marxisme dans le champ de la pensée comme
dans le champ institutionnel » a nourri un réflexe « identitaire »,
passéiste, une tentation de l’immobilisme.*
*Estime aussi que les gensont le sentiment d’être manipulés. Résultat :
« On continue à accomplir les gestes de la démocratie mais avec la
conviction intime qu’ils ne servent plus à rien ».*

7)Désarroi des économistes

*A lire la chronique de Le Boucher in Le Monde du 7/11 ; il rend compte
d’un récent colloque international d’économistes à Paris à l’initiative
de la Banque de France sur « Productivité, compétitivité, globalisation
 ». Sur le thème en fait du « Aucun économiste ne sait ce qui va se
passer » ! : comment vont se comporter les marchés ? quelle récession ?
quel krach ? : « Les économistes ne savent pas. En fait ils ne savent pas
grand chose du fonctionnement de l’économie mondialisée actuelle ».*
*Il insiste : c’est quoi au juste cette globalisation, pourquoi ces
capitaux de la Chine vers les USA ? pourquoi le déficit abyssal
américain ? pourquoi le dollar tient ? pourquoi ces taux d’intérêt ?
pourquoi cette non crise du pétrole ?*
*Conclusion de Jacob Frenkel, « l’un des meilleurs économistes des USA »
 : « Tout le monde a le sentiment que cela ne peut pas continuer comme ça
mais c’est seulement un sentiment. Une impression qui vient des tripes.
Personne n’est en fait capable d’expliquer clairement le monde actuel ».*

8)Des fonds de pension toujours plus puissants

*De plus en pus décriés, les fonds d’investissement sont de plus e plus
puissants et voraces. La preuve par le dossier du dernier JDD du 6/11, « 
Les loups de la finance battent la campagne » qui détaille comment,
depuis janvier, ces fonds ont racheté plus de 600 sociétés françaises,
des PME, notamment Dim, Sncm, Justin Bridou…*

9)Fraternisation et propagande

*Le film de Christian Carion « Joyeux Noël » traite d’un sujet
formidable, les fraternisations de la Grande guerre, plutôt sur le mode
des bons sentiments, ce qui lui vaut des critiques de droite (Le Figaro
regrette le manque de rigueur historique ; l’armée a refusé au
réalisateur de prêter des terrains et a qualifié les soldats du film de
« traîtres »…) et « de gauche » : le critique du Monde, Jean-Luc Douin,
parle « de propagande européenne » (sic) et compare avec « La grande
illusion » de Renoir... *

10)Partis

*UDF : organise quatorze « états généraux » pour nourrir son programme
2007. Première réunion le 6 novembre sur la santé. A suivre les
institutions, le logement, la défense, l’aménagement du territoire,
l’immigration, l’éducation, la justice, la réforme de l’Etat,
l’économie, la diplomatie.*

Mouvement des idées
N °127 ( 18/11/05)

1)Refus français du capitalisme

*Semaine après semaine, tombent des sondages montrant une forte
hostilité au capitalisme, au libéralisme, à la mondialisation. La droite
s’en émeut (d’autant plus que près de 40% des sondés de cette famille
politique disent partager les mêmes sentiments !). Long papier du Figaro
du 13/11, « Les Français, le capitalisme et la mondialisation :
incompréhension ou angoisse ? » où Y de Kerdrel cherche des raisons
culturelles (catholicisme, jacobinisme), ponctuelles ( enseignants
néo-marxistes…) et psychologiques à cette « anomalie française », cette
« bizarrerie hexagonale ».*
*Cette droite devrait profiter de l’entrée d’EDF en Bourse pour
claironner l’idée du capitalisme populaire.*
*A noter la Une de l’hebdo britannique « The Economist », « Assez de
mondialisation », où il évoque le soutien populaire des Américains à
l’instauration de droits de douane contre les produits chinois.*

2)Crise du capitalisme et édition

*Multiplication d’ouvrages sur la crise du capitalisme, passés en revue
dans Marianne du 15/11, « Le capitalisme en mode dépressif ». Notamment
 : La grande désillusion, Livre de poche ; L’avenir du capitalisme,
Gallimard ; Le capitalisme total, Seuil ; Entre gens de bonnes
compagnies. Comment les maîtres de la Bourse trompent les actionnaires,
Albin Michel ; Le capitalisme est en train de s’autodétruire, La
Découverte.*
*Dans ce dernier livre, de l’économiste Patrick Artus, par ailleurs
grand partisan du régime, on retrouve le même discours : la pression
financière, la course aux profits rapides sont en train de tuer le
système. Extrait : « C’est au moment où le capitalisme n’a jamais été
aussi prospère, aussi dominateur qu’il apparaît le plus vulnérable et
nous avec lui ».*
*Artus propose d’investir dans l’innovation pour sortir de cette crise.*

3)Nouvelles critiques de la société de consommation

*Enquête Ipsos pour l’agence Australie sur les Français et la société de
consommation. Qui témoigne d’un renforcement de la critique à l’égard de
la société de consommation et qui distingue plusieurs catégories.*
*25% d’opposants, en forte hausse, souvent pour raisons « culturelles »*
*16% (seulement) d’accros, moins d’un Français sur six.*
*33% d’indifférents.*
*25% de « lucides ».*
*Cf. La Tribune du 10/11.*

4)Union nationale

*Portée par l’exemple allemand, relancée avec la crise des banlieues et
surtout avec les mesures sécuritaires (couvre-feu…), l’idée est dans
l’air : évoquée par des élus ( l’Ump Zimmermann), reprise dans nombre de
commentaires, objet d’un sondage CSA, avancée ouvertement dans La Croix
(13/11), dans Le Parisien (par Gerard Mermet de francoscopie)…*
*A rapprocher aussi des curieux rapprochements du Monde entre le SPD
allemand « en mouvement » et le PS français « en crise ».*

5)Finances et mafia

*L’imbrication entre la haute finance et l’argent du crime fait l’objet
de plusieurs ouvrages et rapports ces temps ci. Le débat est relancé
dans Le Figaro sur « La City gangrenée par l’argent du crime » (17/11) :
on parle de 14 milliards de livres de fraudes, de 25 milliards d’argent
blanchi. L’association des banques suisses traite la City de « paradis
du blanchiment » ; un rapport parlementaire français (2001) parle de « 
la grande perméabilité » du système financier britannique. Le papier
conclut, sceptique, sur la non volonté politique de Londres de toucher
au statu-quo.*

6)Les grèves en 2004

*Etude de la DARES (Ministère de l’emploi) sur les conflits du travail
en 2004. Si le nombre de jours de grève baisse, le nombre de grévistes
est stable. Les salaires sont le premier thème (2/3) des revendications
devant l’emploi. Les conflits sont bien plus nombreux dans l’industrie
que dans la construction ou les services. Arrêts de travail plus
fréquents dans les grandes entreprises, et majoritairement à
l’initiative des syndicats. La CGT « joue un rôle central » dit le
rapport. Moins de conflits en 2004 dans les transports et la fonction
publique.*

7)Etat de la gauche

*Plusieurs études d’opinion à l’occasion du congrès socialiste,
notamment celle du Monde/CSA du 15/11 sur « le regard très critique des
Français sur le PS » et celle de Libération/Louis Harris ; cette
dernière distingue cinq familles, de plus en plus éclatées dit le
journal, à gauche : les sociaux libéraux (30%) ; les réfractaires ou « 
gauche réac »( ?) (30%) ; les étatistes altermondialistes (21%) ou bobos
urbains ; les radicaux (PCF, LCR) (13%) ; les antiautoritaires (8%).*
*A lire aussi la chronique de Le Boucher in Le Monde du 14/11 sur les
idées économiques des différents courants du PS (et les penchants
libéraux de Fabius)*

8)Crise de la culture

*Rebondissant sur le débat du dernier Festival d’Avignon, très long face
à face dans Le Figaro Culture (12/11, pp 32/33) entre Régis Debray
(dernier livre : Sur le pont d’Avignon, Flammarion) et Jean Clair, ex
patron du Musée Picasso ( dernier livre : De immundo, chez Galilée).
Dénonçant des travers de la vie culturelle actuelle, ils penchent tous
les deux du côté : c’était mieux avant. Le journal s’empresse de dire
d’ailleurs qu’il ne s’agit pas de « nostalgiques réactionnaires ».*
*NB : on classe désormais Régis Debray parmi les « plumitifs » de de
Villepin (avec J. Semprun ?)*

9)Idéologie conservatrice et entreprises US

*Intéressant papier dans la revue « La Vie des idées », revue du groupe
« La République des idées » (P. Rosanvallon), de Nicolas Véron,
économiste, sur le poids pris par les lobbys conservateurs aux USA dans
la vie des entreprises, le noyautage par « les activistes politiques »
conservateurs, « la contrainte idéologique » qu’ils font subir aux
grands groupes (surpassant parfois les lobbys proprement financiers),
punissant ( par le biais de refus de crédit d’impôts par exemple) les
récalcitrants : pressions sur l’Association du cinéma américain, ;
Microsoft se refuse désormais de défendre les droits des homos ; risque
sur les recherches sur les cellules souches. L’article parle de
véritables « représailles » et de « mise sous tutelle idéologique des
entreprises ».*

10)Partis

*UMP : étude sur les nouveaux adhérents ( le parti serait passé de 111
000 à 180 858 adhérents en un an) in Le Figaro du 17/11. Argumentaire
pro domo qui tente (en vain) de masquer la droitisation de ces recrues.
A noter que seuls 15 à 18% de ces nouveaux se disent disposés à
distribuer des tracts ou tenir des permanences. *

*Parité : longue étude sur les partis et la parité, in le Figaro du
12/11 (p 19)*

Mouvement des idées
N °128 ( 25/11/05)

1)Glissement à droite de l’opinion ?

*L’expression, lancée par le Parisien le 20 novembre, suite à une
enquête d’opinion favorable (68%) à la prolongation de l’état d’urgence,
a fait florès. Elle surfe sur une idée dans l’air, singulièrement depuis
la dernière crise des banlieues. Elle est cependant hâtive : l’ensemble
des enquêtes depuis des mois montrent une double radicalisation, si l’on
peut dire : une envie de gendarme sur les questions de mœurs ( voir
l’enquête Fig Mag de début septembre) avec une tonalité anti-jeunes
préoccupante (même si la thématique de la sécurité reculait dans les
priorités des français) ET dans le même temps une forte impatience
sociale ( et économique). Double message que dit d’ailleurs le sondage
Parisien du 20/11.*
*On notera dans ces résultats du Parisien une bonne confirmation : c’est
l’électorat communiste qui se montre le plus attaché aux libertés ! Ce
résultat était net déjà dans les grandes enquêtes Sofres. Bien plus
attachés aux libertés (53% contre l’état d’urgence) que les Verts (51
pour !), les socialistes (55 pour), l’extrême gauche (75 pour !).*
*On retrouve ici un thème qui mobilise la droite : c’est la faute à 68,
à son laxisme, à l’absence de sévérité, thème que Sarkozy ressort
volontiers.*
*A noter encore l’enquête CSA/Europe (Le Monde du 22/11) montrant une
opinion française (largement) plus tolérante à l’égard des immigrés que
leurs voisins d’Europe.*

2)Ou/et droitisation de l’air du temps

*Toutefois on peut parler d’un virage à droite tout à la fois de la
droite elle-même et s’interroger sur une droitisation des médias : leur
attitude durant la crise des banlieues ou à présent sur les questions
sociales, la SNCF singulièrement, rappelle furieusement leur alignement
ouiouiste ; une droitisation aussi d’une partie des clercs, de
l’intelligentsia : on glose beaucoup sur le cap pris par Régis Debray,
on pense aussi à la sortie ultra d’Alain Finkielkraut dont la prose se
lepénise (voir l’article du Monde du 24/11), aux propos similaires de
Carrère d’Encause.*

3)Mais critiques antilibérales persistantes

*l’enquête CSA-L’expansion du 25/11 confirme parfaitement le doute et la
critique persistante de la politique économique et sociale du pouvoir ;
sur son inefficacité ; sur sa nature de classe.*
*Et la force d’aspirations antilibérales : 70% pour le remboursement des
aides publiques des entreprises qui licencient.*
*Sur l’antilibéralisme ambiant, lire le long papier de F. Fressoz in Les
Echos du 24/11 : « Feu sur le libéralisme : le retour aux fondamentaux
français ».*
*Des phrases comme « Le marché fait peur, comme jamais » ; « la période
est furieusement antilibérale » ; « l’antilibéralisme quasi génétique
des Français ».*
*Elle attribue ce regain de courant critique à deux éléments : les
suites du référendum européen ; la peur du capitalisme financier.*

4)Réarmement idéologique de la social-démocratie

*A noter le rapprochement entre Le Monde et le groupe « La République
des Idées », et la publication régulière désormais dans le quotidien
d’analyses du cercle de réflexion de Pierre Rosanvallon.*
*Thématiques attirantes : on a besoin « d’une nouvelle critique sociale
 » et d’enquêter sur « les tensions nées du nouveau capitalisme ».*
*Sans doute la réponse à la fois à un vrai besoin d’analyse de la
(nouvelle) crise française, à une demande de critique anticapitaliste
croissante ( de ce point de vue, les descriptions des symptômes de crise
sont pertinentes) et réponse aussi à un flou idéologique du PS (confirmé
encore par leur congrès), demandes récupérées par cette figure
emblématique de la deuxième gauche, ouiouiste notoire, ce fils spirituel
de François Furet, ce porte drapeau de la droite sociale-démocrate
qu’est Rosanvallon qui s’élève (Le Monde du 22/11) contre « l’idéologie
radicale-nostalgique ».*

5)Guerre de religions

*L’essai de Michel Onfray, Traité d’athéologie (Grasset)a connu le
succès que l’on sait : 200 000 exemplaires en quelques semaines. Il a
fait mouche. Pour preuve, la publication de plusieurs livres en réaction
 : « Le nouvel antichristianisme » de René Rémond, gourou de Sciences Po
 ; il y parle de la « culture du mépris » qui toucherait le catholicisme,
estime que le protestantisme et le judaïsme sont mieux considérés ; le
regret aussi que l’obéissance à l’institution et la pratique religieuse
« ne sont plus essentielles ».*
*Autre ouvrage de la même eau de Mathieu Baumier, « L’antitraité
d’athéologie. Le système Onfray mis à nu » aux Presses de la Renaissance.*
*Plus généralement, il est beaucoup question de religion dans la presse
de droite ces temps-ci.*
*A noter aussi (Express du 17/11) comment Disney et Hollywood produisent
de plus en plus volontiers des films « religieux », y compris avec
diffusion dans les églises : les USA comptent 330 000 lieux de culte
chrétien et 9000 salles de ciné !*
*Nombreux livres récents sur la laïcité in Le Monde Livres du 25/11, pp6-7*

6)Opération promotion Caroline Fourest

*Auteur de l’ouvrage « La tentation obscurantiste » (Grasset), Caroline
Fourest –qui se dit de gauche- voit ses propos sur le thème « la gauche
fait le lit de l’islamisme », « la gauche obscurantiste » promus. Avec
le but assigné de diviser à gauche, comme le montre le débat organisé
dans L’Express du 17/11. Son refrain : « il y a à gauche de nouveaux
compagnons de route pour trouver séduisante la dictature de la charia
comme jadis la dictature du prolétariat ».*
*Le chercheur François Burgat lui répond justement qu’elle « dresse de
nouveaux murs là où il faut de nouveaux ponts ». *
*Même topo in Le Monde-Livres du 25/11, p 7.*
*Sur un thème proche, le livre du journaliste du Figaro, Alexis Lacroix
, « Les socialisme des imbéciles. Quand l’antisémitisme redevient de
gauche », La Table ronde.*

7)L’opinion des jeunes

*Sondage CSA/La Croix sur la génération des 20/30 ans, en prélude d’une
enquête de cinq semaines de ce journal sur ce thème.*
*On retiendra : importance de la famille ; de l’ambiance au travail
(presque deux fois plus importante que l’argent gagné) ; faible intérêt
pour la religion ; défiance pour la télé-réalité ; certitude de vivre
plus mal que les parents (57%) ; pas de conflit avec la génération
précédente ( ce que le journal interprète ainsi : »Ils ne sont pas
rebelles ») ; très divisés sur la question de la sévérité de l’éducation
(50% la trouve sévère, 50 pas sévère…) ; entendent éduquer leurs enfants
comme ils ont été éduqués eux-mêmes ; sont confiants sur leur avenir
personnel (57%) et pas du tout confiants sur l’avenir de leur génération
( à 69%).*
*Bon papier du sociologue Cicchelli : « Les jeunes font peur » ; thème :
la jeunesse n’est plus perçue comme une ressource pour l’avenir mais
comme une catégorie à risques !*
*A rapprocher du dossier du Monde sur les « pilules de l’obéissance »
pour les enfants hyperactifs (23/11).*
*Autre sondage (septembre) de CSA pour Mood sur « Les jeunes et la
liberté : sondés : les 15/24 ans.*

8)Hobsbawm et la France

*L’historien marxiste anglais Eric Hobsbawm (L’Ere et l’Empire ; L’Ere
des Révolutions ; Nations et nationalisme depuis 1780…) publie son « 
Autobiographie » chez Ramsay. Il redit sa fidélité à son engagement et à
ses valeurs ( « clairement et passionnément du côté des éternels
perdants » ; « on ne peut être satisfait dans un monde pareil » ; « les
capitalistes et les riches n’ont pour l’instant plus peur »).*
*Sur la France, il souligne l’appauvrissement du débat d’idées qui
coïncide avec l’arrivée de Mitterrand et des intellectuels postmodernes
et gauchistes retournés des années 80. Ces derniers lui rendent la
pareille puisque Gallimard a refusé de traduire son dernier livre (
Pierre Nora particulièrement), ouvrage finalement publié par les soins
du Monde diplomatique et des éditions Complexe.*

9)Communautarisme

*Plusieurs essais, contradictoires, sur ce thème. « Le spectre du
communautarisme » de Laurent Lévy, Amsterdam : Lévy est un des
fondateurs des « Indigènes de la République ».*
*« Fragments mécréants. Mythes identitaires et République imaginaire »
de Daniel Bensaïd, Lignes ; contre l’ethnicisation du mouvement social.*

10)Les déboires du capitalisme populaire

 ??

Mouvement des idées
N °129 ( 1/12/05)

1)Emploi, croissance : les Français n’y croient pas

*Le prétendu recul du chômage n’impressionne guère les Français :
l’étude Insee sur le moral des ménages (Figaro Economie du 1/12, p 19)
montre qu’ils n’y croient pas, ils le jugent fragile ou mensonger.
Jusque là, les chiffres positifs d’emploi avaient toujours eu un effet
euphorisant, ce n’est plus le cas.*
*L’étude parle d’une baisse de moral de 3 points, pour atteindre le
chiffre de déprime de 2003. La crise des banlieues n’explique pas tout.
Les gens sont inquiets sur leur niveau de vie, sur une hausse des prix à
venir, sur l’emploi, la croissance. Situation économique « très
fragilisée » dit l’enquête.*

2)Baromètre Fig Mag : moral en berne, partis en hausse

*Le baromètre Figaro Magazine de décembre indique que les gens redoutent
avant tout le chômage (51%, en hausse), les violences (20%, hausse
importante) ; ils jugent complètement inefficace la politique économique
du pouvoir ( de l’ordre de 88% !) notamment en matière d’emploi et
d’inflation.*
*Pensent que les choses vont aller de plus en plus mal, que le rôle de
la France s’effondre. *
*Mais fort soutien à Villepin et Sarkozy (+7).*
*MG Buffet inchangé.*
*Hausse +2 du PCF mais tous les partis sont en hausse.*

3)Sombre prospective

*Le CERAP ( Centre d’étude et de réflexion pour l’avenir politique) de
Nicolas Tenzer (revue Le banquet) s’est livré, avec des chercheurs, des
universitaires, des syndicalistes (Le Duigou) à un travail de
prospective intitulé « Les futurs. Science, politique, société : de quoi
demain sera fait ? » et publie les résultats dans le dernier numéro de
Le Banquet. Lesquels sont particulièrement sombres : en clair, un avenir
( un 21è siècle) de guerres économiques. Soit « une nouvelle ère des
inégalités » au plan économique et social, l’augmentation des inégalités
à l’intérieur des pays, un déclin (relatif) américain et européen, une
vivacité des conflits économiques, l’instabilité monétaire, de grandes
migrations.*
*La chute communisme a laissé sans contrepartie le capitalisme libéral.
Ce qui fait dire aux auteurs que le 21è siècle a commencé en 1989.*
*« Qui jouera le rôle du modèle alternatif, de l’ennemi menaçant qui
obligera le système à gérer les inégalités et à les réduire ? ». Pas de
réponse des auteurs qui estiment que l’avenir « va exiger des hommes un
niveau de conscience d’acuité et d’action politique sans précédent »*
*« A défaut, souligne Le Figaro qui évoque ce travail, il risque de
donner raison à Malthus ou à Marx ».*

4)Dimension critique du RAP

*Voir l’excellente analyse sociologique ci-dessous du phénomène du Rap.
Elle montre les cibles , les policiers, les politiques, la télé. Montre
aussi les limites, l’ignorance du monde patronal et de la réalité du
capitalisme.*

5)Nouvelle sociologie critique

*La crise des banlieues aura aussi permis de montrer la pertinence d’une
nouvelle sociologie critique portée par des gens comme Stéphane Beaud,
Gérard Mauger, Laurent Mucchielli, d’autres ( Fabien Jobard, Nacera
Guénif Souilamas) qui travaillaient depuis des années, « loin des
projecteurs », ces nouvelles formes de la crise sociale. *
*A noter aussi les interventions de l’historien Gérard Noiriel.*

6)Dette de la France et pédagogie de culpabilisation

*Le banquier Pébereau, l’un des hommes les plus riches de France soit
dit en passant, doit rendre public début 2006 un rapport sur l’état
d’endettement de la France. Jouant d’indiscrétions, le ministre de
l’Economie agite déjà le chiffre de 2000 milliards d’euros. « Ce chiffre
fait frémir » dit Le Figaro qui montre comment le pouvoir « commence à
préparer l’opinion », « s’appuie sur ce constat pour aider les Français
à assumer l’endettement » et « faciliter la mise en place d’une
politique correctrice »*

7)Privatisations : les limites ?

*Longue analyse d’Yves de Kerdrel, éditorialiste économique du Figaro,
sur les privatisations, après l’entrée en Bourse à demi ratée d’EDF,
intitulée « Les gouvernements ont-ils mangé le pain blanc des
privatisations ? ».*
*Montre que de Villepin bat les records de « privatiseur » mais que le
pouvoir doit « faire de la pédagogie économique dans un pays où près de
deux tiers des français sont fâchés avec la notion même de capitalisme
 ». estime que les privatisations à venir seront compliquées parce que
:1) les plus faciles ont été faites ;2)les prochaines sont moins
rentables ;3)elles vont prendre du temps. Bref, « il n’y a plus grand
chose d’autre en magasin que des groupes complexes, peu rentables et mal
préparés à de telles opérations ».*

8)Féminisme= le recul (suite)

*Une pleine page du Figaro du 30/11 (p 40) intitulée « Mères, cadres et
diplômées, de retour au foyer ». Avec des considérations du genre « la
culpabilité commune à toutes les mères qui travaillent », « l’époque est
à l’épanouissement, à l’individualisme », or « le travail n’est plus une
valeur sûre », etc.*

9)Banlieues et capitalisme

*Le capitalisme sait faire feu de tout bois, on le vérifie encore dans
cette « crise des banlieues ». D’un côté on voit le Medef multiplier les
initiatives concrètes en direction des jeunes concernés, pour prôner
plus de souplesse, de flexibilité ; de l’autre, une campagne de presse
sur le thème : c’est en devenant patrons ( ou millionnaires) que ces
banlieusards s’en sortiront. Une pleine page du Figaro du 30/11 sur la
façon dont « les investisseurs et experts de la finance » peuvent
soutenir les « jeunes rebelles » pour les « métamorphoser en
entrepreneurs efficaces ». L’esprit banlieue est à la mode, dit
l’article, « ceux qui ont une légitimité pour exploiter cet univers ont
une autoroute pavée d’or devant eux ».*
*Même topo dans Le Monde avec l’article « Que mille entreprises
fleurissent » sur le thème : les entrepreneurs seront le salut des
banlieues (26/11).*

10)Partis

*UMP : nombreux papiers sur le premier anniversaire de Sarkozy à sa tête
 ; aurait doublé le nombre d’adhérents ( de 100 000 à 200 000 ?) ; 125
permanents, 41 millions d’euros de budget.*

*FN : les thèmes de sa future campagne présidentielle : immigration,
emploi, laïcité, communautarisme.*

Post-Scriptum :* *
*Le rap et l’image de la société française *
*chez les « jeunes des cités** »*

Laurent Mucchielli
Article paru dans /Questions pénales /(Bulletin d’information du CESDIP),
1999, XI-3, pp. 1-4.

La délinquance juvénile est l’occasion d’un débat public intense depuis
quelques mois. L’attention se concentre surtout sur les adolescents des
quartiers réputés difficiles où l’on constaterait une délinquance et une
violence de plus en plus systématiques de la part d’individus ou de
bandes de plus en plus précoces. Au CESDIP, ce phénomène a fait l’objet
de travaux précisant notamment les limites de sa mesure statistique ^^1
<#sdfootnote1sym> ou bien observant /in situ/ les pratiques délinquantes
et plus largement les « conduites à risque » ^^2 <#sdfootnote2sym> .
Nous avons voulu compléter ces recherches en nous interrogeant sur les
représentations de la société française parmi les jeunes de ces
quartiers relégués, à travers ce qui constitue depuis une dizaine
d’années leur plus important support d’expression : le Rap.

*Les groupes de Rap comme porte-parole de leurs quartiers*

Le Rap est aujourd’hui un phénomène social, culturel, médiatique et
commercial de grande ampleur ^^3 <#sdfootnote3sym> . A titre indicatif,
selon la dernière enquête du ministère de la Culture (réalisée en 1997),
il est écouté par 28% des 15-19 ans et cette écoute n’est plus
réductible aux milieux populaires et aux jeunes les moins diplômés ^^4
<#sdfootnote4sym> . En effet, depuis les succès de MC Solaar et d’IAM,
le phénomène a débordé la jeunesse des quartiers relégués dont la quasi
totalité des premiers rappeurs était issue (très majoritairement en
banlieue parisienne). Aujourd’hui, producteurs, consommateurs et
diffuseurs de Rap distinguent couramment au moins deux tendances : le
Rap « Hardcore » et le Rap « Cool ». Seul le premier continue à incarner
pour ses producteurs comme pour la plupart de ses auditeurs la dimension
critique de l’ordre social qui contribua fortement à fonder ce courant
musical en France à la fin des années 80 ^^5 <#sdfootnote5sym> .
Aujourd’hui encore, c’est celui qui est le plus écouté et pris en modèle
parmi la jeunesse des quartiers relégués ^^6 <#sdfootnote6sym> . Ce lien
très étroit entre les groupes et leur public explique que les rappeurs
se conçoivent eux-mêmes comme des porte-parole de leur milieu social :
des /« haut-parleurs »/ (NTM), des /« journalistes »/ et/ /des/ « 
sentinelles » /(IAM). Quant à Démocrates D, leur premier disque
s’intitule « La voie du peuple » (1995). /Représenter/ (sa famille, sa
bande, son quartier, sa banlieue, les opprimés), /témoigner/ (des
réalités de la vie quotidienne et de la révolte des jeunes dans les
cités) et susciter une /prise de conscience/ : tels sont les visées
explicites des rappeurs.

C’est donc sur ce Rap « hardcore » qu’a porté notre enquête, à travers
principalement l’analyse d’un corpus de plus de 200 chansons écrites par
dix groupes tout au long de la décennie qui s’achève. Nous résumons ici
les thèmes communs dégagés par l’analyse de contenu, sans entrer dans
les différences perceptibles d’un groupe à l’autre.

*Une société corrompue par l’argent*

Les rappeurs ne se lamentent pas contre un monde dont ils ne
comprendraient pas les logiques. Ils en proposent au contraire une
vision d’ensemble d’où se dégage une révolte contre des sociétés
injustes, racistes et corrompues par l’argent. Ainsi NTM déclare-t-il de
façon générale :

/« Tout s’achète tout se vend / Même les gouvernements / /

/Prêts à baisser leur froc / Pour une question d’argent / /

/Avec une veste réversible / Suivant le temps / Apparemment l’armement / /

/Passe largement avant / La condition de vie de chacun / /

/Le monde est plein de bombes / Qui creuseront nos tombes / /

/Maintenant tu sais à quoi sert le fric / Qui à lui seul pourrait
stopper la famine en Afrique. »/ (« L’argent pourrit les gens », 1991).

Deux mondes incarnent plus que les autres cette domination perverse de
l’argent : la télévision et la politique. La première est perçue comme
un univers commercial où paradent des vedettes artificielles. /« Trop
d’infidèles sans talent, le piston en avant / Malheureusement pour eux,
ils marchent le cul devant / Systématiquement automatiquement purement
et simplement / Manipulés par le vent, par l’odeur de l’argent, jamais
je ne mens / Tu le sens, je le sens, et pourtant ainsi va la vie / Ainsi
vont les faux-semblants. » /(Suprême NTM, « Sur 24 pistes (remix) »,
1993.). La seconde est perçue comme un monde dominé par la corruption et
suscite un rejet d’autant plus virulent que les hommes politiques sont
censés détenir le pouvoir de changer les choses.

/« La corruption est une arme à ne pas négliger / /

*Si tu veux réussir en politique / Sache que l’arnaque est une
"technique"*

/Une tactique illicite / Qui profite toujours aux mêmes, aux piliers du
système. »/ (ibid.)

*Des sentiments primordiaux d’injustice et de domination *

L’analyse des textes conduit à insister ensuite sur la dimension
primordiale que prend la dénonciation de l’injustice, de la domination
et de l’oppression. Selon Bachmann et Le Guennec, « l’univers symbolique
des banlieues donne à lire un partage manichéen : les pauvres tristes et
humiliés contre les riches puissants et enviés. D’un côté le péril
social et la honte. De l’autre, ceux qui ont tout, la richesse et le
succès » ^^7 <#sdfootnote7sym> . Ce jugement entérine une évidence
massive pour les rappeurs. Précisons que l’injustice et la domination
prennent deux dimensions dont ils conçoivent la liaison : la pauvreté
matérielle et la condition d’enfant d’immigrés.

La pauvreté matérielle se mesure dans le contraste entre leurs familles
et celles d’autres habitants du même pays, de la même ville, parfois du
quartier voisin. L’égalité des chances est un mensonge de la société
moderne :

/« Pourquoi fortune et infortune, pourquoi suis-je né / /

/Les poches vides, pourquoi les siennes sont-elles pleines de thune / /

/Pourquoi j’ai vu mon père en cyclo partir travailler / Juste avant le
sien en trois pièces gris et BMW »/ (IAM, « Nés sous la même étoile »,
1997).

/« Tout a commencé sûrement / Le jour où je suis né / /

/Le jour où je n’ai pas croisé la bonne fée //

/Qui aurait fait de moi / Ce que je ne suis pas / /

/Ceux qu’il m’arrive d’envier parfois / Ceux que la vie a doté d’une
chance. »/ (NTM, « J’appuie sur la gâchette », 1993).

Mais l’injustice qui frappe le pauvre ne tient pas à la fatalité.
Derrière les injustices matérielles se cache pour les rappeurs un
système de ségrégation sociale qui vise spécifiquement les jeunes issus
de l’immigration :

/« Toujours les mêmes qui gagnent, toujours les mêmes qui perdent […] /

La France organise un complot contre les étrangers /

/Tout est fait pour que nous basculions, tout est prémédité / /

/De l’école de l’exclusion aux premières orientations bidons / /

/Des faux boulots aux conseils de négriers en manque de main d’œuvre
pour la nation / Pose pas de question : c’est du mécanisme » /(Rocca, « 
Sous un grand ciel gris », 1997).

Et ce double sentiment de discrimination atteint naturellement son
paroxysme dans les rapports avec la police.

*L’oppression policière et l’iniquité de la justice*

Le rôle des interventions (/a fortiori /des bavures) policières dans le
déclenchement des « émeutes urbaines » est bien connu. Mais avant tout
c’est la banalité quotidienne du contrôle policier qui exacerbe la
conscience meurtrie des jeunes. Nombre de chansons décrivent avec
réalisme ces contrôles d’identité assortis de fouilles au corps qui sont
vécus comme des humiliations répétées par les jeunes (cf. par ex. NTM, « 
Police », 1993 ; et KDD, « Aspect suspect », 1998). Dans « En dehors des
lois » (1997), Rocca raconte le contrôle, l’arrestation et la garde à
vue vécus une nuit avec un petit groupe de copains parce que certains
détenaient du haschich (il est important de savoir que, pour les jeunes,
le haschich est un produit absolument banal, qui diffère /par nature/ de
la véritable « drogue » dans laquelle « tombent » les faibles au prix
d’une déchéance) ^^8 <#sdfootnote8sym> . Il rapporte les menaces et les
insultes racistes subies ^^9 <#sdfootnote9sym> , et en conclut à
l’iniquité du système.

Symbole de leur domination, catalyseur de leur « haine », la police est
globalement perçue comme l’oppresseur absolu qui serait en droit de tuer
en toute impunité. Le groupe Assassin fait ainsi référence au jeune Beur
tué par deux « voltigeurs » lors des manifestations d’étudiants à Paris
en 1986. Il évoque aussi l’homme Noir passé à tabac en pleine rue par
plusieurs policiers dont l’acquittement fut à l’origine du déclenchement
des émeutes de Los Angelès en 1992 :

/« On ne veut pas finir comme Malek Oussekine [...]/

/Bing, bang, la police est comme un gang / /

/L’État assassine, à deux doigts Rodney King / /

/Bing, bang, paix à toutes ses victimes ! »/ (« L’État assassine », 1995)/./

Le même groupe dénonce alors logiquement une justice inique qui charge
les jeunes auteurs de violences, censure les groupes de Rap (c’est l’« 
affaire NTM »), mais remet les auteurs de bavures policières en liberté
et ne sanctionne guère la corruption des hommes politiques. Au delà de
la question du racisme, c’est alors une justice de classe que les
rappeurs accusent.

/« Le justice juge sur des critères bien définis //

/80% des prisonniers sont ouvriers, chômeurs ou sans logis » /(Assassin, ).

Ou encore : /« Les voleurs de voitures ne sont pas les plus grosses
pourritures »/, /« Les vraies crapules ont leur tête en première page
des journaux »/ (KDD, « Zone rouge », 1998).

On comprend dès lors comment les éléments s’articulent pour former, dans
les représentations des rappeurs, un système logique : l’ordre social
injuste et raciste est entretenu par les hommes politiques et protégé
par la police et la justice. A côté d’un tel système, les politiques de
la ville font pâle figure, quand elles ne sont pas considérées comme des
cautions au maintien de cette logique :

/« Loin des réalités, la politique élargie //

/Bien trop occupée à s’occuper des sans papiers / /

/De plus que peut-elle faire, frères / On ne peut pas faire du social /
Et faire des affaires / /

/Les murs de la cité sont repeints / Histoire de faire bien. [...] / /

/On calme les têtes avec des terrains de basket / Je pense que les
mairies ont vraiment besoin de lunettes »/ (KDD, « Galaxy de glaces »,
1998).

*Une vision pessimiste des banlieues*

Si le monde extérieur est perçu comme celui des privilégiés qui
s’efforcent de maintenir les jeunes pauvres et d’origine immigrée à
l’écart, la vie des cités n’est nullement encensée par les rappeurs. Le
quotidien y est dominé par des rapports de force.

/« Lendemain ? C’est pas le problème, on vit au jour le jour / /

/On n’a pas le temps ou on perd de l’argent, les autres le prennent / /

/Demain, c’est loin, on est pas pressé, au fur et à mesure / /

/On avance en surveillant nos fesses pour parler au futur //

/Futur, le futur ne changera pas grand-chose, les générations prochaines
/ /

/Seront pires que nous, leur vie sera plus morose / /

/Notre avenir, c’est la minute d’après le but, anticiper / /

/Prévenir avant de se faire clouer »/ (IAM, « Demain c’est loin », 1997).

Les jeunes vivent dans un univers d’inter-connaissance stigmatisé où les
relations sociales sont notamment régulées par des logiques d’honneur et
de réputation ^^10 <#sdfootnote10sym> . Ceux-ci se conquièrent par une
réussite mesurée avant tout par la possession de biens matériels
prestigieux et par la facilité à séduire les filles ^^11
<#sdfootnote11sym> . Et comment obtenir rapidement de l’argent dans un
monde pauvre et sans travail ? Les jeunes se tournent logiquement vers
le petit trafic de drogue :

/« Tenter le diable pour sortir de la galère, t’as gagné frère / /

/Mais c’est toujours la misère pour ce qui pousse derrière / /

/Pousse pousser au milieu d’un champ de béton / /

/Grandir dans un parking et voir les grands faire rentrer les ronds //

/La pauvreté, ça fait gamberger en deux temps trois mouvements / /

/On coupe, on compresse, on découpe, on emballe, on vend / /

/A tour de bras, on fait rentrer l’argent du crack / /

/Ouais, c’est ça la vie, et parle pas de RMI ici » /(ibid.)/./

La menace d’une incarcération ne peut enrayer l’engrenage de la petite
délinquance. Au contraire, le jeune qui a fait un peu de prison devient
vite une célébrité locale, crainte et respectée : /« Arrêté, poisseux au
départ, chanceux à la sortie / On prend trois mois, le bruit court, la
réputation grandit / Les barreaux font plus peur, c’est la routine,
vulgaire épine »/. Et c’est contre cette routine que les rappeurs
s’élèvent également.

En effet, on oublie souvent qu’ils ne cessent d’inciter leurs semblables
à se rebeller aussi d’une toute autre manière, en sauvant leur dignité :
/« La monnaie a une clarté / Qui aveugle mes frères / Dealant la mort au
coin des rues / Se charcutant pour un blouson / Hé mec ! De cette façon
/ Le pognon ne fera pas l’ampleur de ta condition »/ écrivent par
exemple NTM (« L’argent pourrit les gens », 1991). /« Des fois tue ta
télé, change ton quotidien / Rentre dans un musée ou lis un bouquin /
L’odyssée de la vie n’est pas un film au cinéma / Si tu ne t’éduques
pas, tu resteras en bas ! »/ ajoutent Assassin (« L’odyssée suit son
cours », 1995). Mais ils disent aussi rapidement qu’il s’agit là de
voeux pieux tant l’espoir d’un avenir meilleur paraît vain.

*Un sentiment d’abandon général*

Dès leur premier album, en 1991, les jeunes rappeurs de Suprême NTM
disent clairement les raisons de leur violence. Celle-ci découle du
malaise général, du sentiment d’être abandonné à son triste sort par le
reste de la société :

/« Et si cela est comme ça / C’est que depuis trop longtemps, les gens
tournent le dos / Aux problèmes cruciaux, aux problèmes sociaux / /[...]/ /

/Est-ce bien ceci Liberté, Égalité, Fraternité ? J’en ai bien peur !/ [...]

/Oh oui, c’est triste à dire, mais tu n’as pas compris / Pourquoi les
jeunes de mon quartier vivent dans cet état d’esprit / /

/La délinquance avance, et tout ceci a un sens / Car la violence coule
dans les veines de celui qui a la haine »/ (« Le monde de demain », 1991).

Quatre ans plus tard, culminent leur colère et leur désespoir face à
l’inertie. La chanson intitulée « Qu’est-ce qu’on attend [pour foutre le
feu ?] » (1995) exprime le premier sentiment :

/« Les années passent, pourtant tout est toujours à sa place /[...]

/Combien de temps tout ceci va encore durer / /[...]

/Mais vous savez que ça va finir mal, tout ça / La guerre des mondes
vous l’avez voulue, la voilà./ [...]

/De toute une jeunesse, vous avez brûlé les ailes / Brisé les rêves,
tari la sève de l’espérance. / Oh, quand j’y pense / Il est temps qu’on
y pense, il est temps que la France / Daigne prendre conscience de
toutes ces offenses / Fasse de ces hontes des leçons à bon compte / /

/Mais quand bien même, la coupe est pleine / L’histoire enseigne, nos
chances sont vaines »/.

Derrière la violence se cache en réalité le désespoir qu’illustre
dramatiquement la chanson intitulée « J’appuie sur la gâchette » (1993).
Contrairement à ce qui fut parfois écrit dans la presse, cette chanson
n’est pas un appel au meurtre mais une évocation du suicide : /« J’ai
les neurones affectés et le cœur infecté / Fatigué de lutter, de devoir
supporter la fatalité / Et le poids d’une vie de raté »/.

*Conclusion : toute violence a un sens*

L’appel à la violence est le trait sans doute le plus connu des textes
de Rap hardcore, il a souvent fait la joie des médias. Certes les
rappeurs ont souvent copieusement insulté et menacé la police (cf. « 
Nique la Police » de NTM et « Sacrifice de poulets » de Ministère AMER).
On sait que ces propos ont valu à ces deux groupes des démêlés
judiciaires. Pourtant, à y regarder de plus près, cette violence n’a
rien de gratuit. Quel est son /sens/ ? C’est la question primordiale qui
est posée au chercheur et qui doit intéresser tout acteur confronté au
phénomène. Deux remarques peuvent être faites pour commencer à y répondre.

Tout d’abord, les cibles de cette violence présentent une certain
spécificité. Nous avons vu que les récriminations des rappeurs
concernent les hommes politiques, la police, la justice, mais jamais les
chefs d’entreprise. De même, ils dénoncent le pouvoir de l’argent en
tant que facteur de corruption et non comme instrument d’une domination
socio-économique dans une société capitaliste. En somme, on pourrait
dire qu’il s’agit de générations de jeunes des milieux populaires qui ne
risquent pas d’être aliénés par le travail dans la mesure où ils vivent
largement en dehors du monde du travail et du rapport salarial. Et parmi
les multiples conséquences de cette situation, il y a le fait que les
institutions publiques demeurent les seuls interlocuteurs face
auxquelles les jeunes des cités peuvent défendre leur identité blessée,
crier leur détresse et leur colère.

Ensuite, il apparaît que cette violence (seulement verbale,
rappelons-le) est en réalité un exutoire et une réaction de défense qui
découlent d’une vision du monde très négative, construite autour de leur
expérience de la vie ainsi qu’à travers la télévision. Fondée sur des
réalités objectives (la pauvreté des familles, la dureté et la violence
de la vie quotidienne, les faibles chances de promotion sociale, la
ségrégation spatiale de la cité par rapport au centre, le racisme d’une
large partie de la population française, la pression humiliante des
contrôles de police, les sanctions judiciaires parfois
disproportionnées, au regard notamment du traitement des « bavures »
policières), cette vision du monde est aussi et peut-être surtout
ordonnée par un sentiment d’injustice tellement fort qu’il tend souvent
à nourrir un imaginaire du complot. Tandis que Rocca parle d’un « 
complot » contre les enfants d’immigrés qui s’organise dès l’école
(op.cit.), les jeunes de KDD, originaires du quartier Le Mirail à
Toulouse concluent :

/« Qu’on deale et qu’on casse des gueules, c’est ce qu’ils veulent / /

/Broyer notre image pour faire de nous des sauvages / /

/Après justifie le fait qu’ils nous mettent dans des cages »/ (« La
rhala », 1998).

Ce constat souligne l’ampleur du fossé qui s’est creusé entre une partie
de la jeunesse et le reste de la société. Il indique aussi l’échec
prévisible de toute politique publique qui ne saura pas restaurer avec
ces jeunes le dialogue et la confiance.

Mouvement des idées
N °130 ( 8/12/05)

1)Radicalisation idéologique de la droite (suite)

*Papier du Monde du 3/12 sur le virage droitier pris par de Villepin
dans ses mesures de « responsabilisation des parents » : il montre
comment le premier ministre reprend à son compte la vulgate libérale
défendue en son temps par Madelin puis Sarkozy sur le recul de l’Etat,
le rôle de l’individu, la « responsabilisation ». « Cela fait longtemps
que le premier ministre voulait faire tomber ces barrières mais il
pensait que cela ne passerait pas avant 2007 ».*
*Le papier montre le rôle de Sarkozy qui, au préalable, « a saturé le
terrain idéologique ».*
*Le même article souligne aussi la division de l’opinion : oui à la « 
responsabilisation » mais oui aussi au rôle assumé par l’Etat.*

2)Egalité et solidarité = totalitarisme

*Autre exemple de ce glissement droitier, la chronique de Slama, dans le
Figaro du 5/12. Ce prof de Sciences Po et idéologue emblématique de la
droite pousse, de semaine en semaine, son curseur vers la droite. Il
estime que « égalitarisme et solidarités organiques ont été les
principaux vecteurs des totalitarismes du 20^e siècle ».*
*Il chiffre à 20% ( c’est le titre de l’article, « La politique des 20%
 ») les minorités qui bloquent la démocratie libérale ; il identifie
désormais de plus en plus systématiquement la contestation sociale (CGT
notamment) et « les minorités identitaires, ethniques ou religieuses » ;
et lui se classe avec les siens dans le camp des « héritiers des
Lumières » ( c’est d’ailleurs le thème de son dernier livre).*

3) Intellos de droite

*Dossier intéressant (mais limité) du Nouvel Obs (1/12) sur les intellos
de la droite nouvelle (Finkielkraut, Taguieff, Milner, Glucksmann,
Dantec, Adler) sur leur glissement sur des positions de plus en plus
antidémocratiques, sur les thématiques qui les réunissent : on est en
guerre ( après le 11/09/2001) ; une extrême gauche alliée à l’islamisme
joue la « cinquième colonne » ; angéliques et rousseauistes, les gens de
gauche ne voient pas venir le troisième totalitarisme ; c’est la fin du
progrès et la dissolution des valeurs, l’effacement de la démocratie.
Sur leur nouveau bréviaire : racialisation décomplexée, disqualification
de la question sociale ramenée à une culture de l’excuse, diabolisation
des classes dangereuses trop subventionnées, libido sécuritaire…*
*Un discours de peur, de « trouille incroyable ».*
*Le journal critique donc mais concède aussi : « Vous vous dites
(lecteurs) que tout n’est pas faux dans cette vision du monde »…*
*Rappelons cet opuscule « Nouveaux réactionnaires. Rappel à l’ordre » de
Daniel Lindenberg (social démocrate) d’octobre 2002 où ce social
démocrate pointait déjà assez bien ces « nouveaux réacs ».*
*A noter encore les réflexes de solidarité avec Finkielkraut, victime « 
de lynchahe médiatique » ( !) selon Le point, ou Laure Adler de France
culture…*

4)Adler définit le progressisme

*Emblématique de cette dérive, A. Adler, venu de la gauche communiste et
chroniquant aujourd’hui dans Le Figaro. Touché par l’accusation de réac,
il livre (Figaro 8/12) une longue définition du « nouveau progressisme
 ». A lire et apprécier l’argumentaire : le progressisme aujourd’hui est
écologique (OGM), antimondialiste, anti-Etats Unis, anti-relais des USA
(Londres), fédère de Pyonyang à nos banlieues, l’islam y joue « un rôle
croissant ».*

5)Colonisation et opinion de gauche

*Sondage Figaro/CSA selon lequel 64% des Français approuvent l’idée que
« les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif
de la présence française outre mer, notamment en Afrique du Nord » (29%
contre, 7% sans opinion).*
*Pour : 75% à droite (79 à l’UMP, 60 à l’UDF) mais aussi 68% de
sympathisants PC, 59% verts et 55% socialistes.*
*Plus on appartient à une catégorie populaire, plus on approuverait :
72% d’employés, 69% d’ouvriers, 56% d’intermédiaires, 45% de cadres.*
*Comme si l’anticolonialisme avait progressé dans le monde de
l’encadrement ( nombre d’études, de livres, de films sur la question) et
régressé dans les milieux populaires ? La crise du Sud, la régression
africaine (Rwanda, Congo…) nourrissent l’idée du : c’était mieux avant.*
*Pour Rozes, « les Français estiment que la majorité n’a pas voulu faire
l’apologie de la colonisation mais a souhaité que les manuels scolaires
n’occultent pas ses aspects positifs ».*

6)Radicalité = réactionnaire ?

*Dans le débat autour du glissement à droite d’une partie de
l’intelligentsia, à noter la posture de la rédaction du Monde (notamment
la longue analyse d’E. de Roux, « Les nouveaux réactionnaires » (6/12)
qui montre bien que le futur inquiète, que la valeur progrès est
atteinte, que le passé (nostalgie) rassure, que le glissement
réactionnaire s’explique aussi ainsi ; mais le journal assimile la vague
droitière (Finkielkraut) et la radicalité de gauche, assimilée au
nationalisme, aux amateurs « des lampes à huile », tous qualifiés de « 
nouveaux réactionnaires quel que soit leur bord politique ». On retrouve
la manière dont Le Monde avait globalement traité le non de gauche.*

7) L’intelligentsia de gauche bouge un peu

*Pétition (Le Monde, 6/12) d’historiens, sociologues, politologues de
gauche (du PS à la gauche de la gauche)condamnant dans le même temps les
dérives racistes d’un Finkielkraut et antisémites d’un Dieudonné,
appelant une République débarrassée de ses démons racistes et antisémites.*
*Bon papier de Taubira in Le Monde du 3/12.*
*Ouvrage polémique d’Elisabeth Roudinesco, « Philosophes dans la
tourmente » (Fayard) où l’auteure défend Foucault, Althusser et Deleuze
(et l’esprit 68) contre leurs détracteurs actuels, Alain Renaut, Marcel
Gauchet, Pierre-André Taguieff. Le Figaro dépité parle « d’essai
stalinien comme on n’en fait plus ».*

8)Opération Pébereau = campagne de culpabilisation (suite)

*Le rapport Pébereau sur la dette publique n’est pas encore édité ( il
est sous presse) qu’une vraie campagne de presse prépare déjà l’opinion
à une nouvelle cure d’austérité.*
*Breton s’en est saisi, sortant de son chapeau une dette publique de
2000 milliards ( au lieu de 1100 jusque là) et poursuit sa pédagogie de
la culpabilisation (« nos lâchetés collectives ») pour vendre sa
politique de régression. *
*Dans Le Figaro Economie, par exemple, long papier sur la dette, appel à
une réforme plus radicale de l’Etat et long reportage sur la Suède qui a
su, elle, réduire de 40% l’effectif des fonctionnaires.*
*Le chroniqueur économique du Figaro se pâme : « Cette fois, c’est fait
 ! Le débat sur l’endettement de la France est bel et bien ouvert. Et il
ne doit pas être refermé. Le rapport Pébereau doit faire œuvre de
pédagogie » (7/12).*
*Celui du Monde, Le Boucher, sous le titre « Dette, pédagogie et
mensonges » (4/12) donne sa version (social démocrate) de « l’urgente
réforme de l’Etat. Soit choix libéral en diminuant son périmètre,
limitant donc les services rendus aux usagers ; soit en diminuant le
nombre de fonctionnaires et exigeant plus d’eux. C’est le vrai choix
social démocrate n’en déplaise aux syndicats ».( !)*
*Cet enjeu de la dette accessoirement est aussi utilisé dans les
négociations salariales Etat/Fonction publique.*

9) Des Français musulmans peu pratiquants

*Etude du Cevipof intitulée « Français comme les autres ? Enquête
réalisée sur les citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque »,
Presses de Sciences Po.*
*Il s’agit de milieux populaires et majoritairement (63%) à gauche ; les
jeunes hommes feraient preuve d’intolérance sexuelle, les jeunes femmes
sont plus permissives.*
*Une pratique religieuse en évolution ; 59% se disent musulmans (les
autres = catholiques ou athées) ; parmi eux que 22% de pratiquants, soit
le même taux que dans les autres religions.*
*Un processus de sécularisation, surtout chez les enfants de couples
mixtes ; mais une réislamisation des enfants de musulmans ; la pratique
cependant décroît avec l’âge.*
*L’étude montre que c’est la pratique religieuse ( et non la référence à
la Palestine par exemple) qui nourrit des préjugés antisémites.*
*Sentiments antisémites chez 46% des pratiquants, chez 30% des non
pratiquants. Mais l’étude rappelle que « parmi les Français, encore 18%
pensent que les juifs ont trop de pouvoir ».*

10)Partis

*Verts : recul sensible des effectifs. De 8800 en 2004 à 7500 en 2005
(-1300). Ce parti avait déjà perdu 2500 adhérents en 2002 et 2003. Chute
notamment liée ( selon le Monde, 3/12) à leur positionnement sur le
référendum européen.*

*MPF : parle d’une vague d’adhésions, 3200, depuis les événements de
banlieue ; affirme distribuer 400 000 tracts et autant de bulletins
d’adhésion.*

*FN : 12 000 e mails de solidarité auraient été adressés au parti, selon
ses dires ; aurait adressé une lettre d’adhésion à 100 000 personnes.
Nombre flou d’adhérents actuels ; leur responsable à la question dit :
entre 40 000 et 100 000 !*

*MEDEF : Les Echos du 5/12 passe en revue « la garde montante » qui
entoure Laurence Parisot, rajeunie, féminisée.*

*UMP : a consacré sa septième convention thématique aux « injustices ».
Voir l’enquête Ipsos sur les nouveaux adhérents ( disponible à la docu)*

Mouvement des idées
N °131 ( 16/12/05)

1)Une gauche qui se gauchit (un peu)

*Enquête Sofres- Le Nouvel observateur sur les valeurs de gauche (8/12).
Où l’on retrouve des valeurs inchangées : le social, le dialogue, l’aide
aux plus fragiles, la lutte contre les inégalités, la solidarité.*
*Des valeurs moins cités : l’égalité, le changement(même si 55% veulent
changer la société contre 44 en 2002) .*
*Le progrès est une valeur en baisse, la liberté ne serait pas « un
marqueur de gauche ».*
*Difficulté à définir la gauche de manière positive par son action.*
*A noter un sentiment massif d’appartenance de classe (42% à la classe
moyenne inférieure).*
*Division entre « réalistes » et « radicaux », lesquels représentent une
forte minorité de 34%. *
*Hostilité à la « mondialisation » (58%).*
*Le journal parle d’un recul des idées de 68 même si on note que les
penchants « répressifs » à gauche sont en recul depuis 2002. Ainsi 56%
pensent que l’école doit enseigner la discipline avant l’esprit critique
(42) mais les pro-discipline étaient 60% en 2002.*
*Ou : les juges seraient trop indulgents ? 40% en 1997, 72% en 2002, 60%
aujourd’hui.*
*Sont contre la légalisation des drogues douces (83% au PC). Mais pour
le droit de vote des étrangers (63%), la régularisation des sans papiers
(52%), mariage des homos (51), les mosquées (50).*
*Dans l’ensemble, noter un certain gauchissement depuis 2002, ce que Le
Nouvel Obs hésite à mettre en valeur, préférant parler d’un « électorat
en plein désarroi ».*

2)L’étranger est le bienvenu… dans le capital

Le dernier numéro de la lettre de l’Institut Montaigne (Amicus Curiae)
s’en prend à la notion de « patriotisme économique » agitée par de
Villepin ; la venue de l’étranger, du capital étranger, dans les
entreprises françaises, c’est tout bon, dit l’étude, pour le
savoir-faire et les plus-values. En 2005, l’étranger a racheté plus de
20 milliards d’euros d’entreprises ; 45% du capital des entreprises
cotées appartiennent à l’étranger.*
*On notera le rôle d’officines comme « L’institut Montaigne » ( créée
par Claude Bébéar et dirigée par Philippe Manière) dans l’animation de
l’idéologie libérale en France. Cet Institut vient de sortir un rapport
intitulé « Quinze pistes pour moderniser l’Etat » d’Yves Rambaud. *
*Rocard a participé à ces travaux.*
*C’est ce genre d’officines qui est derrière la relance du débat sur les
vertus de la colonisation.*
*Sur un thème proche, on lira dans Le Figaro du 13 comment un nombre
croissant d’entreprises se lancent dans l’organisation de débats et
conférences. Exemple : les Galeries Lafayettes réunissent des centaines
de personnes au Théâtre du Rond-Point sur le thème de »la modernité ». A
la fois politique de communication et d’intervention dans le débat public.*

3)Débat sur la colonisation : la droite ébranlée

*Il suffit pour s’en convaincre de lire la dernière chronique de A.G.
Slama, un de ses principaux idéologues qui reconnaît dans Le Figaro du
12/12, que cette loi du 23/2/2005 relève du « délire » qui « aggrave
l’incendie ». Conclusion : « L’abrogation de l’article 4 s’impose ».
Mais Slama ajoute qu’il faudra aussi mettre en cause la loi Taubira sur
l’esclavagisme.*
*Un peu la même démarche « confusionniste » que l’on retrouve dans
l’appel d’historiens de droite et de gauche cette semaine.*

4)Souffrances au travail

*Long article in Le Monde, 13/12, page VIII sur le mal-être au travail,
la démotivation, la souffrance, la multiplication des méthodes des DRH
qui « ne changent rien », l’intensification du travail présentée en fait
comme inéluctable « dans une économie mondialisée », la
non-reconnaissance par la rémunération, la promotion, l’individualisation.*

5)Malheurs du capitalisme rhénan

*Selon le groupe (gestion de fonds) Fidelity, quasi disparition en vingt
ans des groupes allemands cotés en Bourse au hit parade européen ;
remplacés par des italiens, des espagnols et Total.*
*Longue analyse du Figaro qui explique ce recul des firmes allemandes
pour trois raisons (14/12) : ils étaient plus attentifs à leurs
personnels qu’à leurs actionnaires ; ils étaient trop fermés aux marchés
financiers et capitaux étrangers ; ils n’ont pas fait assez de fusions…*

6)Jeunes des cités et droit à la parole

*A lire dans Le Monde/Livres du 16/12 l’enquête (p 11) sur les ateliers
d’écriture en Seine-St-Denis, ou comment les jeunes de ces cités « ont
intériorisé l’idée qu’ils n’ont pas la parole » ; combien leur
imaginaire pourtant est fort ; comment, lorsqu’ils s’autorisent à créer
et parler et écrire, ils s’autorisent à exister ; combien la rencontre
avec des écrivains peut (un peu) faire bouger les têtes.*

7)La LCR s’intéresse à l’individu(alisme)

*Sortie du livre « Nouveaux défis pour la gauche radicale. Emancipation
et individualité » présenté comme la réflexion de trois générations de
militants trotskistes, Antoine Artous, Philippe Corcuff, O Besancenot.*
*Sommaire : interrogations marxistes sur la question individualiste ;
Marx, Bourdieu, Proudhon ; L’individu moderne de Marx à Freud ; les
enjeux intellectuels et politiques de la pluralité humaine ; ma
génération et l’individualisme (O.B.). Editions Le bord de l’eau.*

8)L’opinion et la laïcité

*Sondage Ifop/Acteurs publics du 9/12 sur la laïcité L’opinion a une
définition positive de la laïcité, vu comme un droit plus qu’une
contrainte ; elle estime que ce principe républicain est menacé ; elle
propose que le dispositif législatif reste intouchable.*

9)Manuels scolaires dans le collimateur

*Nouvelle charge contre les manuels avec « Elèves sous influence » de B.
Lefebvre et E. Bonnivard (Audibert) ; sont accusés d’être antiaméricains
 ! Le Monde consacre une belle place à cet ouvrage « qui a le courage de
dénoncer l’historiquement correct » ( !) en admettant cependant que « de
l’avis des spécialistes, les rédacteurs des manuels scolaires
pécheraient plutôt par excès de prudence que par idéologie ».*

10)Les idées d’abord, les hommes ensuite

*Tentative d’installer en France une étrange approche « scientiste » des
faits sociaux, de la circulation des idées, qui fait flores actuellement
en Grande Bretagne, et intitulée la « mémétique ». Le « mème » étant une
sorte de shéma neuronal qui fonctionne dans les relations



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