Piperno

La faute

Aux stands de l’Italie, à l’honneur au Festival du Livre 2023, on trouvait par exemple le dernier Alessandro Piperno. Ce roman a le don d’intriguer dès premières pages. Du narrateur, on sait qu’il est fils unique ; qu’il a grandi à l’est de Rome, entre un père et une mère totalement dissemblables et que ces parents vont vite disparaître. C’est à peu près tout. Le père, représentant d’électroménager, est un homme affectueux, fantasque, dépensier. Une sorte de géant (c’est ainsi que son fils le voyait), fasciné par les belles voitures et se disant marxiste. La mère est professeur de mathématiques, austère, énigmatique, anxieuse. Elle passe pour une excellente enseignante. Problème : cette famille est ravagée par les problèmes d’argent, causes de disputes permanentes : « Seul quelqu’un qui est né dans une zone sismique ou sur les flancs d’un volcan en activité peut se faire une idée relativement juste de ce que signifie venir au monde dans une famille endettée jusqu’au cou. Même si vous n’y pensez pas toute la journée, vous développez de formidables capacités de perceptions, exaltées par une imagination catastrophiste. Le niveau d’alerte est tel qu’il en perd tout caractère extraordinaire. »
A l’adolescence, alors que la situation du narrateur est chaotique, voici que la famille de la mère apparait. Et le jeune homme découvre alors non seulement qu’il est juif mais que cette branche de son arbre généalogique est très aisée. Sa vie va changer du tout au tout.
Parce que ses géniteurs disparaissent peu après dans des conditions particulièrement dramatiques, sa vie bascule. Il change de nom, de quartier, de milieu social, d’école. Adopté par l’oncle Gianni, avocat illustre et célibataire extravagant, le garçon va évoluer dans le monde de la grande bourgeoisie romaine, fréquenter la jeunesse dorée, découvrir leur esprit de caste, les mondanités, le cynisme affiché.
Pourtant son histoire familiale le hante et sa « faute », c’est à la fois le sentiment de renier ses géniteurs et de mentir sur son identité. Les fantômes des parents le poursuivront sa vie durant. Une confession qui mêle tragédie et comédie, une plume raffinée, un roman sur la famille, ses dysfonctionnements, ses ravages.
« Ma muse c’était la famille. Une muse noire et récalcitrante avec laquelle je ne pactiserais jamais. »
Un récit à la fois allègre et mélancolique.
L’auteur s’impose en 2005 avec « Les pires intentions » ; il recevra le prix Strega (le Goncourt italien) pour « Inséparable. »

Liana Levi



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