revue 42

Revue 42 (janvier 2025)

SONDAGE

Un sentiment d’abandon des électeurs

La crise de la politique semble un puits sans fond. Car le fossé n’en finit pas de se creuser entre les citoyens et « la classe politique » : c’est du moins ce qui ressort du sondage Odoxa-Backbone d’octobre 2024 pour Le Figaro. La situation en vérité est paradoxale : 6 Français sur 10 disent s’intéresser à la politique (70% de participation au premier tour du 30 juin dernier) mais 8 sur 10 ont une mauvaise opinion des partis politiques. L’image des partis est assez catastrophique et l’actualité (dissolution, longue absence de premier ministre, feuilleton du NFP pour la désignation d’un candidat commun, désignation incongrue de Barnier) a amplifié ce désamour : ce qu’on reproche avant tout aux partis, c’est de ne pas tenir leurs promesses électorales, de ne pas prendre en compte le vote des électeurs et d’être sensibles à la corruption et aux conflits d’intérêt.
L’institut de sondage note : « Ces chiffres reflètent une crise profonde de confiance entre les citoyens et leurs représentants, amplifiée par des scandales politiques et une communication jugée trop souvent éloignée des réalités économiques et sociales du pays ».
Au point qu’un tiers des Français (33%) se qualifie comme « sans proximité partisane ».
Comme le souligne André Chassaigne, sollicité pour cette enquête : « On a pris conscience d’une forme de rejet de la part de l’opinion, qui laisse peu de place aux arguments. L’attachement aux élus est en train de se distendre. »

Question : pour chacun des qualificatifs suivants, diriez-vous qu’il s’applique plutôt bien ou plutôt mal aux partis politiques :
 Trop centrés sur les élections : 72%
 Démagogiques : 50%
 Utiles : 32%
Proches des préoccupations des Français : 14%
 Crédibles : 14%
 Honnêtes : 9%

Question : Depuis deux ans, les Français ont été appelés quatre fois à voter pour des élections nationales. A propos de ces élections diriez-vous que
 vous commencez à vous en lasser : 72%
 vous préféreriez plus de consultations directes des citoyens de type référendum : 71%
 vous êtes satisfaits de leurs résultats 23%
 elles ont permis de clarifier la situation politique : 19%
 le pouvoir politique a bien tenu compte du vote des électeurs : 15%

Revue 42
USA/Demandez le programme

Le 20 janvier Donald Trump prend officiellement ses fonctions de président. Bien malin qui dira précisément son programme. Le personnage est imprévisible. Pour se faire une petite idée de ses priorités, on peut cependant se référer à la Convention Républicaine de Milwaukee (Wisconsin) de la mi juillet dernier où les délégués ont adopté une plateforme programmatique en vingt points. C’est un texte court, très inspiré par Trump en personne, lors de cette Convention où le personnage était en gloire, martyr sortant tout juste d’une tentative d’attentat spectaculaire.
Ce programme propose vingt priorités, vingt grands « principes » et il est dédié (et là se trouve la malice de la rhétorique trumpienne) « aux hommes et femmes oubliés de l’Amérique ».

Les titres des 20 chapitres ont une forme déclamatoire, martiale, limite pompeuse. Dans le texte original, toute cette titraille est en majuscules ; les formulations ne sont pas forcément précises ; c’est même souvent « volontairement flou » comme l’écrit le site « Le grand continent »

C’est la question de l’immigration qui ouvre la plateforme ; là pour le coup les mots sont cinglants, sidérants même comme le terme de « déportation ».
Deux premiers principes :
1. « Fermer hermétiquement la frontière et mettre fin à l’invasion des migrants. »
2. « Mener la plus grande opération de déportation de l’histoire américaine. »

Le principe suivant est consacré à l’inflation :
3. « Mettre fin à l’inflation et rendre l’Amérique à nouveau abordable. »
L’inflation aux USA est passée de 9,4% en juin 2022 à 2,4% en septembre 2024.

Puis on passe à l’ énergie :
4. « Faire de l’Amérique le premier producteur d’énergie du monde et de loin ! »
Les Américains ont une consommation élevée d’énergie (3,6 fois la moyenne mondiale) ; leur électricité vient essentiellement de combustibles fossiles( charbon 16%, gaz 43%, nucléaire 18%, renouvelables 22%). On sera les premiers « et de loin ! » dit le texte. Les premiers pollueurs ?

Le programme met ensuite l’accent la production nationale et envisage d’en finir avec les délocalisations :
5. « Mettre fin à l’externalisation (outsourcing) et faire des Etats-Unis une superpuissance manufacturière. »
Ce que l’on appelle le plus souvent le protectionnisme.

La politique fiscale est résumée (caricaturée) par une formule choc, à la fois facile à comprendre et approximative :
6. « D’importantes réductions d’impôts pour les travailleurs et aucune taxe sur les pourboires ! »

Le point 7 traite de la démocratie ; les propos semblent saugrenus quand on connaît les tentations putschistes des trumpistes ; la formule la plus importante ici est sans doute le soutien sans nuances à la possession des armes :
7. « Défendre notre constitution, notre déclaration des droits et nos libertés fondamentales, y compris la liberté d’expression, la liberté de religion et le droit de posséder et de porter des armes. »
(45 000 morts par arme à feu en 2022 aux Etats-Unis.)

La politique internationale est quasiment absente du programme.
Un seul point la mentionne en ces termes :
8. « Empêcher la troisième guerre mondiale, rétablir la paix en Europe et au Moyen Orient et construire un grand bouclier de défense antimissile (dôme de fer) sur l’ensemble de notre pays – le tout fabriqué en Amérique. »
Un mélange de bonnes intentions, de pacifisme affiché et de volonté de surarmement (les armes devant être naturellement américaines).

Suit une référence très « américaine », anti-fédérale avec cette défiance proclamée à l’égard du pouvoir central :
9. « Mettre fin à l’instrumentalisation du gouvernement contre le peuple américain. »

Le thème de la sécurité n’arrive qu’en milieu de programme et on verra que le crime, aux yeux des trumpistes, est d’abord le fait de « migrants » ou « d’étrangers ». (Cela me fait penser au roman noir italien du temps de Mussolini où le « méchant » ne pouvait/ne devait être qu’étranger).
10. « Arrêter l’épidémie de criminalité des migrants, démolir les cartels de la drogue étrangers, écraser la violence des gangs et enfermer les délinquants violents »
La formule de cartels de drogue étrangers est insolite ; soit il n’y a pas de cartels américains, soit on n’entend pas les démolir…

Un chapitre sur la crise urbaine :
11. « Reconstruire nos villes, y compris washington D.C., en les rendant sûres, propres et belles à nouveau.

Comme en écho (et une nuance) au point 8, une référence à l’armée :
12. « Renforcer et moderniser notre armée pour en faire, sans conteste, la plus forte et la plus puissante du monde. »

Le poids du dollar est réaffirmé (mais la formulation est vague) :
13. « Maintenir le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale. »

Suit un petit couplet social qui tardait à venir, avec une référence à la retraite : n’oublions pas que le programme est dédié aux « oubliés de l’Amérique » :
14. « Défendre et protéger la sécurité sociale et l’assurance maladie en évitant toute réduction, y compris toute modification de l’âge de la retraite. »
A partir de la génération née en 1960, l’âge de la retraite à taux plein aux USA s’établit à 67 ans.

Ici une recommandation uniquement consacrée aux voitures électriques :
15. « Mettre fin aux régulations en faveur des véhicules électriques et réduire les réglementations lourdes et coûteuses. »
Un propos qui semble d’abord s’adresser au milliardaire (et ministre) Elon Musk,

La seule référence aux enjeux de l’éducation est ce point 16 très « anti-wokiste » :
16. « Supprimer le financement fédéral de toute école qui impose à nos enfants la théorie critique de la race, l’idéologie radicale du genre et d’autres contenus raciaux, sexuels ou politiques inappropriés ».
Une manière de dévaloriser l’école publique.

Les passages sur l’avortement ont été adoucis (on laisse les Etats gérer, pour ou contre…) ; d’autre part les thérapies de conversion pour personnes homosexuelles ont été supprimées mais le point 17 abordent la question de l’ordre moral avec cette formulation visant les transgenres :
17. « Empêcher les hommes de participer aux sports féminins »

La mise au pas des universités, critiquées pour leurs positions pro palestiniennes, est à l’ordre du jour :
18. « Déporter les radicaux pro Hamas et rendre les campus universitaires de nouveau sécurisés et patriotiques. »

Trump et les siens avaient contesté le scrutin présidentiel de 2020 ; l’avant dernier principe revient sur le sujet :
19. « Sécuriser nos élections, y compris le vote le jour même, l’identification des électeurs, les bulletins de vote papier et une preuve de citoyenneté ».

Enfin le dernier principe « ne mange pas de pain » comme on dit mais s’impose sans doute dans un pays plus divisé que jamais :
20. « Unir notre pays en l’amenant à des niveaux de réussite nouveaux et sans précédent ».



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