Barbéris

Quelque chose à cacher

Dominique Barbéris

NRF

Il y a des dates qui inspirent volontiers nos auteurs contemporains
(1968, l’Occupation...) ; des lieux emblématiques aussi et parmi eux la
Loire. C’est le cas avec « Quelque chose à cacher » : ce roman se passe
aujourd’hui, dans un village des bords de Loire, identifiable car proche
d’une centrale nucléaire. On est en automne, à la Toussaint. Le premier
personnage ( un peu comme la forêt dans « Ouest » de Vallejo) est la
Loire à ce moment là, ses mouvements, ses îles, ses couleurs, ses
lumières, ses odeurs, sa pluie, son brouillard, son tapis de feuilles
qui le borde. Il y a ici un incontestable talent à faire vivre le
paysage, l’eau, les rivages, les sous bois, les bocages, les maisons,
les objets. Cette manière de rendre le monde est d’autant plus marquée
que le narrateur, gardien du musée local, est peintre - paysagiste
(peintre du dimanche disent des méchantes langues, y compris son propre
père). On pourrait presque écrire que c’est un livre sur « les choses,
la terrible ténacité des choses ». Et se rappeler ici que Barbéris
admire Giono.

Autre notation : ce texte exalte la lenteur ; c’est un livre lent, qui
donne le temps au temps, lent comme le fleuve, son débit, ses courbes,
son impavidité, cette sorte d’éternité provinciale aussi, où tout
oscille entre serenité et desespoir. Une lente enquête également qui
retient l’attention sans en être le sujet central : passe dans la villa
de la « Boulaye », vaste demeure de maîtres dans un état de quasi
abandon, une femme, la dernière résidente du lieu, vivant à présent en
ville. C’est l’ancien amour du narrateur et l’occasion, du même coup, de
beaux tableaux d’une enfance en pays de Loire, dans les années 60, l’été.

Peu après, on retrouve la visiteuse, morte, tuée à coups de carabine, à
bout portant. Comme aurait pu dire Brassens, « nous au village aussi on
a / de beaux assassinats ». Enquête du gendarme Massoneau, placide et
obstiné, qui donnera sa version du drame.

Un roman à l’ ambiance prenante. On pense parfois à du Simenon, à cette
façon d’être en symbiose avec le monde, de regarder les gens sans (trop)
les juger qui est la marque de Maigret. A du Chabrol, côté cinéma, pour
cette atmosphère radicalement provinciale.

L’auteure, née en 1958, enseigne à Paris IV. A son actif plusieurs
ouvrages dont « Les kangourous » porté à l’écran par Anne Fontaine sous
le titre « Entre ses mains ».



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