Crème Chantilly

S’il est une image classique de l’inégalité à française, c’est bien celle du pique-nique chic sur la pelouse de l’hippodrome de Chantilly où s’exhibent ces dames avec chapeaux extravagants, fanfreluche et mousseline alors les messieurs portent le chapeau haut de forme et la queue de pie. Folklore, provocation ou affirmation d’une domination ? Le symbole est d’autant plus fort que le maire de Chantilly n’est autre qu’Eric Woerth, ministre des « retraites » et de la rigueur, dont la femme,
Florence, est une financière « affutée » selon le Figaro. Longtemps gestionnaire de patrimoine chez Rothschild, elle s’occupe de la fortune de Liliane Bettencourt (L’Oréal) et vient d’entrer il y a peu au conseil de surveillance de la société Hermès où elle retrouve Ernest-Antoine Seillière ou Robert Peugeot. « J’aime les relations avec les familles, dit-elle, je m’entends bien avec elles »...
Il fut temps, disons au siècle passé, où les dominants
avaient tendance à cacher leur prospérité derrière les hauts murs de leur propriété. Aujourd’hui, le nanti se montre, s’affiche, triomphe ; on se croirait revenus à l’époque des Rougon-Macquart quand Zola fustigeait le
luxe et le lucre : « orgie d’appétits et d’ambition, soif de jouir, poussée du commerce, folie de l’agio et de la spéculation », écrivait-il. On y est,
presque.

Gérard Streiff



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