Le ballot, Le Havre, 2009, interprétée par Polaroïds Rock

Vladimir m’attendait au bar du Titanic.

Ce journaleux ripou tenait une rubrique

Dans le genre faits divers. Mais que me voulait-il ?

On ne se voyait plus : je le trouvais débile.

Il venait juste d’apprendre qu’on avait retrouvé

Un ballot d’héroïne sur une plage d’à côté.

« Ballot », ça m’fit penser à Kevin, c’est mon mec.

Un bon gros débonnaire mais moi j’suis bien avec.

« Ton ballot, je m’en fous ! » que je lance à Vladi.

« La drogue, c’est pas mon truc. Pourquoi tu me l’as dit ? »

« Y a personne qui le garde ! Les gendarmes sont pas là.

Moi je reste au canard. Alors je compte sur toi.

Y en a pour des millions, on fait fifty fifty.

J’te dis pas le jackpot » me crache le vieux Vladi.

« Et puis de toute façon, t’as pas le choix, Margot.

Si tu veux pas qu’j’balance notre hymen à ton gros ».

« Tu touches pas à Kevin, lui au moins c’est un pur.

OK, j’marche avec toi mais t’es une belle ordure. »

Vladi alors me donne le lieu où est l’paquet.

Et m’conseille d’faire fissa, bien avant les poulets.

Moi je file aussitôt dans la crique indiquée

Et je trouve esseulé le ballon des camés.

Je le tâte, je le palpe, y en a pour 20 kilos.

Je le gliss(e) dans mon coffre, je trembl(e) comme un zéro.

J’vais r’trouver Vladimir tout en fin de journée

Sur un parking crasseux qu’a l’air abandonné.

Sa bagnole est bien là et lui est au volant

Immobile, un peu raide, comme un type dormant.

Je m’approche et je vois au milieu de son front

L’troisième oeil de Shiva, tout rouge, tout net, tout rond.

Je recule de terreur et je bute sur quelqu’un

Je hurle, je crie, j’me retourn(e) et je vois le pékin.

C’est mon gros, mon Kevin, mon doudou, mon tout mou

Qui est méconnaissable. Là on dirait un loup.

Il avait dû nous suivre, il cachait bien son jeu.

Lui qui passait partout pour un maxi peureux.

Je le vois tournoyer, magistral, impavide,

Autour de la voiture du journaleux livide.

Il l’asperge d’essence ; on dirait un curé

Qui bénit le cercueil avant la grande virée.

Il y jette un briquet, le feu prend aussitôt.

Ça gronde et ça crépit(e), un superbe brûlot.

« T’as l’ballot ? » qu’il me dit ; j’acquiesse comme une conne.

« Alors, à la maison ! on va s’en faire une bonne ! »

Paris, le 7 janvier 2009



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