ACTUALITE
Version radiophonique de ma nouvelle "Travail d’enquête", publiée il y a un siècle par la revue de Nancy "Les refusés", qu’on peut écouter sur la radio associative RCN.radio.org (5 janvier 2024)
http://www.rcn-radio.org/index.php/album/quelles-sont-les-nouvelles/
Au programme de 2023 :
Sortie du septième volume de la série "Les enquêtes de Chloé Bourgeade", Le sosie, aux éditions La Déviation ; de la nouvelle "Prologue" dans la revue "Les Refusés" (Nancy) et de l’étude "Petite histoire des journalistes communistes à la radio-télévision" dans la revue "La Pensée" (412).
Un résumé de ma conférence sur le RN à Strasbourg (août 2023)
HYPERLINK "https://isabellevolat.fr/2023/08/31/strasbourg-aout-2023-2/
"https://isabellevolat.fr/2023/08/31/strasbourg-aout-2023-2/
Belle critique de "Marie Claude Vaillant Couturier" par Françoise Perrier-Argaud dans "Réveil" de décembre 2022, mensuel des églises protestantes du Centre-Rhône Alpes
Superbe article de Christine Le Garrec sur son site "A vos marques...tapage" à propos de "Octobre" (Histoires de lire, n°59)
Critique de la biographie de Marie-Claude Vaillant-Couturier dans "Le Patriote Resistant"
Soirée d’hommage à Jacques Couland (4/2/1922) :
https://fb.watch/aZIwmGWGps/
Echo du "Puzzle Kanapa", éditions La déviation :
https://www.babelio.com/livres/Streiff-Le-puzzle-Kanapa/1330980
et chronique sur France Culture (1/12)
Bonnes critiques de "Marivo" dans "Les cahiers d’Histoire"
https://journals.openedition.org/chrhc/16435
et dans Libresens
http://libresens.blogspot.com/
Sorties 2021 :
La bio de Marie-Claude Vaillant-Couturier intitulée "Marivo" aux éditions Ampelos.
Parution de l’ouvrage collectif "Nouvelles Buissonnières. Arthur Rimbaud à Douai" aux éditions NordAvril (avec ma nouvelle "La lettre manquante").
"Octobre à Paris", le cinquième tome des enquêtes de Chloé Bourgeade ( La déviation).
et
"Je suis RAZAN. Un visage pour la Palestine", sous la direction de Chantal Montellier, aux éditions Arcane 17
Coordination du numéro de Cause Commune pour les 150 ans de la Commune de Paris
Nouvelle "Simple formalité" dans la revue Les Refusés 22 (septembre 2021).
Rappel (de 2020) :
Mon Abécédaire amoureux du communisme aux éditions du Petit Pavé.
Dans la série "Les enquêtes de Chloé Bourgeade", aux éditions La déviation, on trouve "Le demi frère", "Meurtre sur la Zad", "Napalm d’or" , "September" et "Octobre à Paris
.
A noter aussi :
"Tête de serpent", un roman jeunesse, éditions La déviation
Ainsi que "Général Fabien" dans "Rouge cent", un recueil de nouvelles noires sur le centenaire du PCF (Arcanes 17).
AUTRES INFORMATIONS
Echos des livres sur Marie-Claude Vaillant-Couturier et sur Jean Kanapa
https://www.monde-libertaire.fr/?article=Portraits_de_staliniens_
Echos du débat sur le centenaire du PCF à Tarbes le 3 octobre 2021
https://www.ladepeche.fr/2021/10/04/les-100-ans-du-pc-a-la-fete-de-lhuma-9829945.php
Voir les critiques de livres "express" sur le site de la médiathèque d’Ivry ; le café littéraire à la Médiathèque de Bonneuil (20 février) sur les sites de la Médiathèque et de la Ville (plus de 200 vues). Les vidéos des cafés littéraires de la Médiathèque d’Ivry du 14 novembre et du 9 décembre 2020 peuvent être regardées sur le site de la ville ; celle du café de Chevilly/Larue (11 février) est consultable ici :
https://www.youtube.com/watch?v=FeJRpgprlaQRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=Uz0In19RETkRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=aa6rdrNmItARetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=5sMF-BssIEwRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=4mBTuafuP0QRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=pN-a0W6jbuk
Toujours à Chevilly, la rencontre avec l’écrivain Colin Niel a été filmée.
Le salon polar de Neuilly-Plaisance (avril) est repoussé en 2022.
Pour voir le café littéraire du 9 décembre 2020 (rencontre avec l’autrice Amélie Lucas-Gary), aller sur le site de la mairie d’Ivry, secteur Médiathèque
Pour voir le café littéraire du 14 novembre 2020, aller sur le site d’Ivry ou composer
https://mediatheque.ivry94.fr/syracuse2/bib-drive.aspx
Participation au documentaire de la télévision russe sur l’anniversaire de Nuremberg ; je commente le témoignage de Marie-Claide Vaillant-Couturier
https://yadi.sk/i/Sv6eOEWQP-tBsA
Une chronique de Gilles Vidal sur "Le demi-frère"
http://chroniques-noires-gilles-vidal.over-blog.com/2019/03/a-frerot-frerot-et-demi.html
Italie : Amnistie pour les années de plomb
Le répertoire BALZAC de la SGDL (qui reprend et actualise le catalogue de la BNF) identifie 105 oeuvres, 105 ouvrages à mon nom ( à ce jour, 28 octobre 2018) ; ne sont pas pris en compte ici les participations à des recueils collectifs.
Le roman Grognards.net à l’émission de JM Demetz
https://www.facebook.com/jeanmarc.demetz/videos/10213996481958971/
Le site Wikipédia actualisé
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gerard_Streiff
Après ma visite à l’école Carnot d’Argenteuil le 1er février 2018
http://blog.ac-versailles.fr/cm2bcarnot/index.php/
et
http://blog.ac-versailles.fr/cm2acarnot/index.php/
Ma page sur le site de La maison des écrivains et de la litterature (MEL) :
http://www.m-e-l.fr/,ec,249
Rubrique controverse
Back in the USSR
Auteur : Gérard Streiff
http://www.causecommune-larevue.fr/back_in_the_ussr
"La guerre des petits soldats", chez Flammarion, première parution 2003, réimprimé en 2011, a été vendu à ce jour (2017) à 9500 exemplaires.
Le polar "Retour de flamme"(Jasmin) avait été nominé pour le prix Lion d’or du 15è festival du polar de Neuilly/Plaisance (93)
Voyage au pays des Soviets sur France Culture (Marie Chartron)
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/cent-ans-apres-la-revolution-russe-heriter-de-1917-44-voyage-au
Belle chronique sur Mortelles primaires de
l’oncle Paul
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2016/12/collectif-mortelles-primaires.html
et de Claude Le Nocher
http://www.action-suspense.com/2016/11/collectif-mortelles-primaires-ed.arcane-17-2016.html
Article sur Leslie Kaplan dans La Revue du Projet d’octobre
http://projet.pcf.fr/92369
Les éditions Gulf stream signalent que "Le bouclier de Gergovie" est une des quatre meilleures ventes de juin 2016 !
Une nouvelle noire sur le site de L’Humanité
https://soundcloud.com/humanite-fr/une-nouvelle-originale-de-gerard-streiff
Paru sur le site MEDIAPART
: https://blogs.mediapart.fr/edition/la-revue-du-projet/article/170516/les-francais-et-la-politique-une-profonde-insatisfaction-democratique
La Revue du Projet en revue
http://projet.pcf.fr/7451
Critique de "Franco la muerte" sur le site K-libre
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=4475
Rencontre/débat avec des collégiens
https://www.youtube.com/watch?v=8sB3EXdHD20
A propos de l’eurocommunisme (Rome, 2015)
https://www.youtube.com/watch?v=46GaESwxcq0
Entretien autour de Histoire et polar (2001)
https://www.youtube.com/watch?v=b0kLosteC6Q
Critique de "Franco" :
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2015/08/livre-franco-la-muerte-que-reste-il-du-franquisme-des-annees-plus-tard-par-laurent-novart.html
"Retour de flamme" : critique de Gilles Vidal
http://chroniques-noires-gilles-vidal.over-blog.com/2015/06/napalm-springs.html
Rencontre à l’école St Pierre de Bergues autour de La guerre des petits soldats
http://ecolesaintpierre-bergues.fr/bienvenue/rencontre-avec-un-auteur-parisien/
Images du spectacle "Le Ciel m’a tuer", interprété par Jean-Pierre Thiercelin, sur Youtube (Ligero 2014)
Merci à Olivier Thirion pour sa dédicace de sa nouvelle "Faux en écriture", Revue Les Refusés, n°16
Reportage sur la nuit de France Télévisions au Palais de Tokyo (pour le Festival de Cognac)
http://www.cerclenoir.com/frame_gen_accueil.htm
"Le cagibi" peut être commandé à
La déviation
1 bis rue de la boucherie
76490 Caudebec en caux
www.ladeviation.eu <http://www.ladeviation.eu>
0967389918
0610826518
Le débat du "Club de la presse" de Lille sur le site
http://www.clubdelapressenpdc.org/les-mardis-de-l-indo-interrogent-sur-le-role-des.html
La nouvelle édition de "La guerre des croûtons" est sortie chez "Points sur les i" : trois résidents d’une maison de retraite, politiciens madrés, font le mur et reprennent le pouvoir...
Images du spectacle donné en bords de Loire (09/13) dont mon texte "La clé"
http://youtu.be/yKo8rMbPpJM
"Le bouclier de Gergovie" est recommandé par le Ministère de l’Education nationale dans le cadre de l’opération "Lectures pour les collégiens".
Adaptation audio de la nouvelle "Pigeon Viol" (Ska) ; lecture par Virginie Champagne (Collection Mathieu Farcy).
Le roman jeunesse "La mer disparue" (éditions du Bout de la rue) nominé au prix "Lionceau noir" du Salon polar de Neuilly-Plaisance 2014).
"Le mystère du colombier", atelier d’écriture avec les CM2 d’Isabelle Dordain, école Pierre et Marie Curie de Pavilly, est lauréat (1er prix ex-aequo) du prix "Voyage en ville" (Académie Rouen).
Le polar "Entourlooping" (avec Mateo Montesinos), aux Nouvelles Editions Krakoen, <http://www.krakoen.fr/>
salué par Claude Mesplède (dans sa chronique de mai d’Options) et par Max Obione sur son blog, fut, un temps, pré-sélectionné pour le Festival de Cognac 2013.
Six de mes livres publiés avant 2001 (et non réédités) figurent sur le site ReLIRE de la BNF (voir Relire) en vue d’une édition numérique.
"Un soldat allemand dans la Résistance française" (Oskar) est dans la sélection "Livres pour enfants" (10 ans et plus) des bibliothèques de la ville de Brest
Le roman jeunesse "Le port du désert" était dans la sélection du jeune lecteur au Festival 2005 de Lamballe
Site (partiellement) mis à jour le 17 mars 2018
Rouge sur blanc…
Gérard Streiff
Tout le gratin des sommeliers et des cavistes était présent, au grand complet. Le « docteur » n’aurait voulu rater ça pour rien au monde. On présentait cet après-midi là, dans le hall du Crillon, le millésime 2001 des sept vins du domaine de la Romanée-Conti ! Un ami, consul des Etats-Unis à Paris, connaissant son dada, lui avait téléphoné quelques semaines plus tôt : « C’est un événement ! Tu imagines ? Une telle dégustation n’a lieu que tous les dix ans ! ». Le docteur devait justement venir en France, à l’invitation de l’Unesco ; il s’était arrangé pour faire coïncider son déplacement avec la dégustation en question.
A l’entrée de l’hôtel, il remercia l’homme de la sécurité que l’ambassade avait mis à sa disposition ; il était ici en terrain ami.
Galibert de Tournelle, gérant du domaine de la Romanée, était le grand ordonnateur de la réception. Il avait des manières d’aristo et une prestance de technocrate. Il repéra l’Américain dès que celui-ci sortit du tourniquet. Il faut dire qu’il avait consulté la liste des invités d’honneur et puis le « docteur » paraissait inchangé : chevelure noire légèrement ondulée et gominée, probablement teinte, front plissé, lunettes à larges montures d’écaille, nez bourbonien, petite bouche de jouisseur, cou épais ; seules, des bas-joues lasses trahissaient son âge.
Le gérant mit un point d’honneur à expliquer par le menu la cérémonie à son hôte. Autour d’eux, les plus entreprenants des invités avaient déjà entamé les agapes. Ils faisaient tourner avec doigtée le vin dans leur verre, contemplaient, humaient, appréciaient, se gargarisaient, commentaient, mezzo voce. « Quelle nuance ! », « quelle couleur ! », « quelle arôme ! », « quelle robe ! », « quel reflet ! », « quelle jambe ! », « quel nez ! », « quelle saveur ! », « quelle note ! »
« Ces Français ?!… » s’amusait l’Américain, ravi de pouvoir participer à leur jeu. Les propos des connaisseurs volaient de groupe en groupe : « Ténu ! », « floral ! », « boisé ! », « fruité ! », « délicat ! ».
Le docteur avait un peu de mal à tout suivre. Pour ne pas paraître trop ignare, il s’était confectionné des fiches à partir des critiques de Robert Parker mais ils les avaient oubliées dans sa chambre. Un acte manqué qu’il ne regrettait pas finalement : il se serait senti ridicule de sortir ses papiers devant tout le monde.
« Docteur, je vous recommande de commencer par un Echézeaux 2001 ». Le gérant héla un des maîtres d’hôtel qui sillonnaient en permanence le hall. Un quinqua digne les rejoignit. L’homme, les cheveux blancs, de haute taille, avait belle allure avec son frac noir à basques en queue de morue, le gilet mordoré, le pantalon gris clair, une large serviette blanche sur le bras droit. Il portait des gants immaculés. En découvrant le « docteur », son regard marqua un imperceptible étonnement. Il lui versa le vin sans le quitter des yeux. Professionnel, il respecta cependant la dose convenue.
« Regardez moi cette merveille », se pâmait de Tournelle. Le « docteur », les yeux mi clos, savoura le Bourgogne. Le gérant attendit son commentaire mais l’autre se contenta de branler du chef.
« Vous savez à quoi ça me fait penser ? » reprit le marchand de vins. Sans attendre, il avança : « A une suite de Bach ! ». L’Américain approuva mollement. « Vous sentez cette fleur ? Dites, vous la sentez ? Vous l’avez reconnu ? c’est de la violette, cher ami ! »
Une pause, histoire d’en imposer. Puis il reprit : « Ce vin est parfait pour accompagner un lièvre à la royale, sauce à la vieille chartreuse jaune accompagnée d’une macération de truffes ».
Puis il se figea, comme s’il regardait passer le menu.
Le hall bruissait de mille soupirs de contentement.
« Passons à présent à un Grand-Echézeaux » reprit de Tournelle.
Comme par miracle, le serveur réapparut, muni de la bouteille adéquate. Il manifestait le même intérêt soutenu pour son client.
Ce dernier goûta le nouveau cru. De Tournelle continuait son boniment. « C’est plus serein comme vin, non ? », lâcha-t-il, les yeux au ciel.
Profitant de cette espèce d’attente contemplative, le maître d’hôtel s’approcha du docteur et sans un mot, à l’aide de sa serviette, se mit à frotter son revers de veste. Il y mit une certaine application, comme si la marque s’avérait difficile à éliminer.
Le docteur, gêné, se laissa faire. L’entourage ne prêta pas attention à ce manège. Déjà le serveur s’était éloigné, silencieux, s’occupant d’autres invités.
Intrigué, l’Américain le suivit du regard.
Le gérant creusait son sillon :
« Vous savez sans doute que notre appellation remonte au 15e siècle ;
certains parlent même du 12e ! »
L’Américain eut un mouvement des sourcils, manière de saluer l’information. Et l’exploit.
Le gérant poursuivit, parla de « l’entêtement des civilisations ».
Le « docteur » écoutait avec ravissement.
de Tournelle, obstiné, suivait son plan de route. « Et maintenant, un Romanée-Saint-Vivant ! »
Il se chargea lui même de trouver une bouteille et servit son hôte. Même rituel de dégustation, même attente des commentaires. Mais l’Américain ne bronchait pas. Par prudence, sans doute, un peu par griserie aussi : ses joues commençaient à prendre des couleurs.
De toute façon, l’organisateur de la soirée ne lui laissait guère le temps de répondre.
« Le Romanée-Saint-Vivant, docteur, il faut le boire avec un perdreau ! ». L’Américain tiqua, le mot ne lui disait rien. Le gérant s’adressa à la cantonade pour qu’on l’aide à traduire. Le maître d’hôtel aux cheveux blancs, soudainement réapparu, le tira d’affaire : « A partridge, a young partridge ! ».
L’Américain opina. Il se laissait envahir par une délicieuse torpeur.
Mais il était dit qu’on ne le laisserait pas jouir de son alanguissement. L’employé au frac leur proposa de passer à un Romanée-Conti.
« Excellente idée, surenchérit de Tournelle, poursuivons notre périple avec ce cru ! ».
Le maître d’hôtel fixait le diplomate. Il conservait une impavidité saturnienne, façon Buster Keaton. Son office rempli, il souffla à l’Américain en s’éloignant :
« Ça vaut pas les vins du Chili ».
Le docteur n’était pas sûr d’avoir bien compris.
« Vous avez entendu ce qu’il a dit ? Lança-t-il au gérant.
Ce dernier se méprit sur la question et répéta :
« Un Romanée-Conti, docteur, c’est un Romanée-Conti ! Goûtez, goûtez donc ! »
L’Américain était troublé. Pourquoi cette comparaison saugrenue ? Puis il sursauta. Il était lent à la détente aujourd’hui. Le vin lui avait brouillé les neurones. « C’est bien ma veine, je suis tombé sur un maître d’hôtel gauchiste ! Au Crillon ! » Il allait faire virer cet intrus en moins de deux.
De Tournelle, toujours perdu dans sa rêverie, annonçait :
« Un vin idéal avec la bécasse ! Vous connaissez la bécasse ? » . Le docteur ne voulait pas d’un nouveau débat linguistique, il approuva.
Dans la salle, le bruit gagnait, la chaleur aussi.
« Passons au Richebourg, cher ami. Le Richebourg… »
C’était reparti pour un tour. Le technocrate pérorait si fort qu’il avait agglutiné autour de lui trois ou quatre vieillards libidineux. « Le Richebourg se marie merveilleusement avec une sauce grand veneur… ».
On goûta. De Tournelle enchaîna :
« Vous me direz, tout ça tient du miracle. Mais le miracle, c’est quoi ? ce n’est qu’une question d’équilibre, un sous sol d’éboulis glaciaires, une exposition idéale, des méthodes naturelles, une vendange selon la maturité des raisins… »
Le maître d’hôtel était invisible.
L’Américain l’attendait d’un pied de moins en moins ferme.
« Votre employé… dit-il au gérant.
– Lequel ?
– Ce monsieur aux cheveux blancs…
– Désolé, je les connais mal. Voulez vous que j’appelle la direction ?
– Non, ça ne vaut pas la peine, laissa tomber l’Américain.
Le docteur se sentait trop tourneboulé pour insister. Il décida de ne pas se laisser gâcher son plaisir par un vieil aigri. Il se concentra sur son ivresse croissante, retrouvant ce terme français si saugrenu pour désigner son état : « Pompette !? ». Oui, pompette, c’est ça, il était pompette.
Le hall était à présent très bruyant et étouffant.
« Vous rendez vous compte, docteur, qu’il faudra attendre 2018 pour boire ces bouteilles ! Nous, on va aller plus vite, n’est-ce pas. Voyons « La Tâche » maintenant.
C’était le cinquième ou le sixième verre, l’Américain s’y perdait un peu. Il n’avait pas l’habitude d’une telle cadence.
« Un vin tout en rigueur, La Tâche ! C’est parfait avec un râble au vin rouge. »
Mais le docteur n’écoutait pas. « Les vins du Chili ?!, se disait-il. Je vous demande un peu. » Décidément, Paris ne lui réussissait guère ces temps ci. Lors de son dernier séjour, il était descendu au Lutétia et il avait déjà eu droit à la visite de la brigade criminelle. Rien que ça. Pour une vieille histoire. Le plan Condor. Quel besoin de ressortir ces fantômes. Vieux de trente ans. Condor, la chasse aux extrémistes, l’Amérique du Sud. Quelle vieillerie, franchement. Autant remonter à Mathusalem. Qui pouvait bien se soucier de ça aujourd’hui ? Personne, sauf un juge d’instruction parisien ! Incroyable. En plus un juge qui osait le convoquer, lui, pour s’expliquer. Et puis quoi encore ? il avait vertement déclaré au policier qu’il ne répondrait pas à la demande du magistrat. Il n’avait plus entendu parler de cette affaire.
« Cerise sur le gâteau… »
Le techno-aristo continuait son laïus. L’Américain l’avait presque oublié. Il se demanda une seconde comment s’appelait déjà cet empoté qui lui parlait si fort dans le nez.
« … Pardonnez moi l’expression, cher docteur, mais la cerise sur le gâteau comme on dit ici : un Montrachet. Un Blanc. Le seul blanc des Romanée, comme vous le savez. Pour finir en beauté. »
L’Américain avait appris jadis une expression bien française sur le mélange des vins, le blanc et le rouge, le blanc avant les rouges. Mais c’était à présent trop embrouillé dans sa tête. Il ne retrouvait plus la formule.
Il se mit à rire.
« Je vois que le Montrachet vous plaît » réagit le gérant.
Le docteur s’aperçut alors qu’il chaloupait. Ou que le hall tanguait. Et puis il suait abondamment. Comment avait-il pu se laisser aller ainsi ?
« Un Montrachet, c’est le compagnon parfait pour une poularde de Bresse à l’ail. Mais je m’aperçois que je ne vous ai pas encore parlé des cépages. Selon vous, docteur, c’est du Pinot ? du chardonnays ? »
Cette fois, c’était trop. Ces vins, ces sauces, ces lapins, et maintenant ce poulet à l’ail. Le docteur en eut la nausée
Il n’arrivait plus à imprimer ce qui se disait autour de lui. La bouche de de Tournelle continuait de s’agiter mais l’Américain avait coupé le son. Plus exactement, ses oreilles ne recevaient plus qu’un remugle incompréhensible.
Il s’éclipsa du groupe qui continuait de boire les paroles du gérant et fila, d’une démarche un peu trop raide, comme s’il marchait sur une patinoire. Direction, les W.C. Avec ses lumières tamisées, ses marbres roses et ses boiseries, le coin tenait plus d’une salle du Louvre que de toilettes. Mais le docteur n’eut guère le loisir d’apprécier le décor ; il n’était pas plus en état de se diriger vers une cabine. Il se précipita vers un lavabo où il régurgita tout son saoul. Abondamment. Longtemps. Tout y passa, d’un long trait, Echezeaux et Grand-Echezeaux, Romanée Saint-Vivant et Richebourg, Tâche, Romanée-Conti et Montrachet. Il avait l’impression de rendre dans le même écoeurement ce de quelque chose et son topo prétentieux, ses sauces, ses volailles, ses macérations et ses propres tripes par dessus le marché. Il remplit l’évier d’une soupe rougeâtre et infâme où surnageaient ses lunettes.
Quand il releva lentement la tête, il vit sa face blafarde dans le miroir, puis il devina le maître d’hôtel, planté derrière lui, toujours aussi impassible. Le Docteur n’eut pas le temps de se retourner. L’autre lui plongea la tête dans son vomi. Ses deux mains gantés de blanc exercèrent une pression terrible sur le crâne de l’Américain. Pour mieux assurer sa prise, il se laissa tomber sur le docteur, l’écrasant de tout son poids. Ce dernier se noyait dans son dégueulis. Il tenta bien de résister, ses bras battaient l’air comme un homme qui chute et tente en vain de s’agripper ; ses jambes donnaient de molles ruades. Mais son adversaire était plus imposant que jamais. Il se pencha vers sa victime et lui murmura :
« Blanc sur rouge, rien ne bouge.
Rouge sur blanc, tout fout le camp ».
Une brève secousse parcourut le corps du « docteur » ; il venait de faire le grand plongeon. Il glissa lentement vers le sol. Le maître d’hôtel s’éloigna par la porte de service en murmurant : « Santé, Henry Kissinger ! ».