Opinion 2014

L’Opinion en 2014
Pressions libérales et exigences sociales

Le Cevipof organise depuis 5 ans, en fin d’année, une grande enquête généraliste auprès de 1800 personnes, soit un échantillon plus large que celui des autres études.
La 5e vague vient de sortir ( janvier 2014). Cette régularité de questionnement et de publication permet de cerner quelques tendances.

L’ECHEC DE HOLLANDE DEPRIME TOUTE LA GAUCHE

La plupart des commentaires sur cette 5e vague ont surtout insisté sur la morosité ambiante, une attitude de repli, de reflexe sécuritaire, la défiance à l’Autre (l’étranger), l’attachement à la famille, la crise de la politique, le discrédit européen et l’envie de protection au niveau international, toutes choses qui étaient déjà à l’oeuvre depuis des années.

Ce qui est sans doute plus significatif, c’est que cette série d’enquêtes (2009/2013) montre assez nettement une « gauchisation » de l’opinion au moment de la présidentielle. C’est un moment (disons été 2011/été 2012) où l’on veut plus d’Etat, plus d’exigence sur les entreprises, plus de justice sociale, où l’on croit à un regain démocratique.
Puis on note que l’échec de la politique de changement n’a pas poussé à une radicalisation à gauche ( on se souvient que cette question était venue en débat aux lendemains de la présidentielle) mais à une certaine droitisation de l’opinion.

UNE CERTAINE POUSSEE DU LIBERALISME ECONOMIQUE

A la question « Pour faire face aux difficultés économiques, pensez-vous qu’il faut 1)que l’Etat fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté, 2) Ou au contraire que l’Etat les contrôle et les réglemente plus étroitement », 59% sont pour la « confiance », 38% pour le « contrôle ».
Certes, on peut s’interroger sur l’intitulé des questions, les termes « positifs » d’un côté (confiance, liberté),négatifs de l’autre (contrôle, règlement, étroit). Mais on considèrera que le même intitulé est utilisé depuis les débuts de l’enquête. Dans ces conditions, on notera que la demande de contrôle (et d’Etat) a longtemps été majoritaire : 52% en 2009, 53% en 2010 ; cette exigence est même montée à 58% fin 2011 : on était dans cette phase de « gauchisation » évoquée plus haut.
MAIS cette exigence s’affaise fin 2012 (44% contre 53% pour la « confiance ») et la poussée libérale se confirme fin 2013 (59% de confiance contre 38%).
Sur cette question précise et limitée, la droitisation libérale est à l’oeuvre.
Certes on peut évoquer une pression médiatique « totale » sur cet enjeu, une parole libérale qui occupe presque tout l’espace mais cette pression est globalement la même sous Sarkozy que sous Hollande. Par contre cette « droitisation », encore une fois limitée ici à un enjeu particulier- l’économie, l’entreprise, l’Etat- a à voir avec l’attente politique déçue et la pédagogie de l’échec menée par le pouvoir.

On pense ici à ce retournement de l’opinion sur les nationalisations lors du passage Giscard d’Estaing/Mitterrand : l’idée de nationalisation était populaire sous la droite, elle finit par devenir négative sous la gauche.

Un retournement qui justifie, s’il en était besoin,les campagnes sur coût du capital, etc ; il appelle sans doute à mieux « polémiquer » sur la notion « d’entreprises », sur les droits, la propriété, etc...

UN PUISSANT DOUTE DEMOCRATIQUE

Autre retournement ces dernières années : on est passé d’une (relative) confiance dans la démocratie (50% en 2009 pensent que la démocratie, ça marche, contre 48%) à un doute massif : aujourd’hui, pour 70%, ça ne marche pas, contre 30% ! On notera que fin 2012, l’opinion se prend à espérer. Sans doute ici aussi portée par la politisation de la présidentielle : on veut croire alors que la démocratie peut remarcher.
Aujourd’hui, le doute démocratique est considérable.(Doute mais attachement massif aussi à la forme démocratique de gouvernement).

UNE PERCEPTION MAINTENUE DES INEGALITES ET DU CAPITALISME

En même temps, l’enquête montre une opinion qui a des convictions et veut croire en sa possibilité d’agir.
Par exemple, à la question « Pouvez vous me dire si vous êtes d’accord ou non avec l’affirmation suivante : pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres », une bonne majorité (55%) est d’accord. On retrouve le même niveau d’exigence sociale qu’en 2009. CERTES on notera ici aussi qu’en 2010/2011, sur la fin Sarkozy et durant le début de la campagne présidentielle, cette exigence de justice monte fortement ( 62% en 2010, 73% en 2011) pour retomber en 2012/2013 à des chiffres plus « habituels ». Ici encore, le discrédit de la droite et la politisation entraînée par la campagne (notamment du Front de gauche) expliquent largement ce moment de « gauchisation ».

Autre remarque : le souhait d’une réforme du système capitaliste est demeuré à peu près inchangé ces cinq dernières années. Un souhait de réforme « en profondeur » qui est passé de 2009 à 2013 de 40 à 46% ; un souhait de réforme « sur quelques points » qui passe de 53 à 46%.

UNE DISPONIBILITE POUR AGIR

Les sondés sont de plus en plus nombreux à se dire prêts à participer à une manifestation pour défendre ses idées (51% en 2009, 61% en 2013).
Ils pensent que « les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions » (76%).
Ils sont attachés aux élections, disent leur intérêt pour la politique (chiffres inchangés en 5 ans), retrouvent leur goût pour le maire (après avoir hésité), classé au top des personnalités politiques ; ils pensent avoir « le contrôle de la manière dont se déroule leur vie » (chiffre inchangé).

G.S.



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