Banques

Les citoyens doivent prendre le pouvoir*

*Ce n’est pas l’argent qui manque, c’est son utilisation qui fait
problème. Les citoyens doivent avoir des pouvoirs d’intervention sur
l’orientation des crédits bancaires. Cela vaut en France, en Grèce, en
Europe. Entretien avec Denis Durand, économiste, membre du collectif
d’animation de la Section économique du PCF.*

*Les banques font la Une ces jours-ci. Quels commentaires cela t’inspire ?*

*Il est en effet beaucoup question des banques dans l’actualité
économique. Du rôle qu’ils peuvent jouer dans l’évasion fiscale. Il y a
par exemple ce scandale de fraude de HSBC. Mais les banques sont aussi
sous les projecteurs en raison des profits qu’elles font ; elles ont
reconstitué très nettement leurs capacités bénéficiaires après la crise,
et grâce notamment aux aides considérables de la part des Etats. Et
surtout elles défraient la chronique de façon très permanente en raison
du rôle qu’elles sont appelées à jouer pour financer l’économie.
Particulièrement dans la zone euro. Le problème, c’est que l’argent qui
est massivement mis à la disposition des banques par la Banque centrale
européenne ne va pas à l’emploi, à la création de richesses et de valeur
ajoutée dans les territoires ni à la protection de l’environnement, il
va à des opérations de fraude fiscale, de manipulations spéculatives.
D’où l’importance, quand on se place d’un point de vue alternatif, de
changer le comportement des banques. *

*Quelles seraient nos propositions ?*

*Il faut que les citoyens prennent le pouvoir sur la création et
l’orientation de l’argent. En ce sens, nous allons beaucoup plus loin
que toutes les propositions déjà faites dans le passé. On a proposé des
formes de contrôle, des nationalisations mais toujours, le pouvoir de
décision restait très éloigné des citoyens. Aujourd’hui, on ne sortira
pas de la crise si on ne permet pas que les choix de financement soient
issus d’une volonté démocratique, de l’intervention citoyenne. Il y a de
choses qu’on pourrait faire dès aujourd’hui. La première chose à faire,
c’est d’obtenir de l’information sur ce que font les banques ; ce sont
des informations qu’on peut exiger de la Banque de France ; elle doit
fournir les informations précises dont elle dispose sur le comportement
des banques. Il faut aussi donner aux salariés des entreprises, quand
ils font des propositions industrielles, le droit de mobiliser le crédit
bancaire pour concrétiser leurs propositions. Certaines luttes ont
permis d’avancer en matière de financement mais ces exemples sont encore
trop peu nombreux. Il faut exiger qu’à l’appui des propositions
industrielles viennent des propositions de financement, suivis d’effet,
sous l’impulsion des préfets par exemple. Pour aller dans le même sens,
c’est cette logique qui nous pousse à proposer la création de fonds
régionaux pour l’emploi et la formation. Il s’agit d’en finir avec des
aides d’entreprises extrêmement mal orientés et qui n’ont pas les effets
attendus en matière d’emploi, de relance industrielle ; il faudrait les
remplacer par des instruments qui feraient pression sur les banques pour
qu’elles financent l’investissement, la création de valeur ajoutée dans
les territoires. Ce serait la vocation d’un Fonds national appuyé sur un
pôle financier public, bien différent de l’actuelle Banque publique
d’investissements.*

*Q : Les banques sont aussi au coeur de l’enjeu grec.*

*Il y a une urgence en Grèce à développer les services publics, leur
permettre de fonctionner comme ils doivent fonctionner, permettre à
l’économie grecque de créer efficacement des richesses en donnant du
travail aux 25 % de chômeurs. La Grèce a besoin d’argent. Nous avons
deux propositions. La première, c’est que la Banque centrale européenne
encourage les banques à financer à taux très bas les investissements qui
vont servir à renforcer l’emploi et la capacité productive du pays. La
deuxième proposition, c’est que la Banque centrale européenne finance,
par sa création monétaire, un fonds de développement économique et
social européen, qui lancerait des investissements pour le développement
des services publics. Et cette proposition, elle vaut pour la Grèce,
bien sûr, il y a urgence, mais elle vaut aussi pour l’ensemble des pays
de la zone euro.*

*Propos recueillis par Gérard Streiff*



Site réalisé par Scup | avec Spip | Espace privé | Editeur | Nous écrire