1917 vu par Le Monde

1917, une source d’inspiration

Abel Mestre

LE LIVRE
C’est une drôle de façon de fêter le centenaire de la révolution bolchevique. Arcane 17, petite maison d’édition proche du Parti communiste français, a demandé à une trentaine d’auteurs de polars et de romans noirs de travailler autour de 1917. Le résultat est détonant : une série de nouvelles qui donnent une déclinaison – critique et respectueuse – de l’héritage contemporain de ces journées d’octobre qui changèrent le monde. Parmi les auteurs, Didier Daeninckx et Hervé Le Corre, engagés à gauche et qui travaillent sur la mémoire historique française et ses tabous. Dans son texte, Didier Daeninckx fait revivre John Reed, journaliste communiste américain, auteur de Dix jours qui ébranlèrent le monde, récit de la révolution qui sera préfacé par Lénine. Sous la plume de l’auteur français, Reed rencontre un bolchevique arborant fièrement un Stetson… en plein Petrograd à la veille de la prise du palais d’Hiver. C’est en fait un Géorgien qui a fui aux Etats-Unis pour échapper à la police du tsar après un braquage sous les ordres d’un certain Ivanovitch. Qui se révélera être Staline. L’occasion pour Daeninckx de rappeler la jeunesse délinquante du « Petit Père des peuples ».

Mélenchon cent ans en arrière
Hervé Le Corre, lui, décline le thème « rouge » en racontant la vie d’un militant communiste, de sa conception à sa mort. Un texte fin et touchant qui interroge la part de l’héritage politique dans l’engagement des jeunes générations. Pierre Dharréville, quant à lui, a choisi une forme plus classique de l’intrigue policière : l’enquête sur le meurtre d’une jeune femme retrouvée dans la Neva. Le cadavre révélera un secret inavouable qui fascine jusqu’à aujourd’hui certains esprits portés sur les complots.

Mais la meilleure nouvelle reste celle écrite à quatre mains par Thomas Jimenes et Céline Servat. Inconnus du grand public, ils signent un récit acide et ironique totalement maîtrisé, sous un titre reprenant une chanson de Manu Chao : La vida es una tombola. Lors d’une réunion secrète en octobre 1917 réunissant, entre autres, Lénine et Staline, une apparition survient. Une silhouette qui flotte et qui interpelle les présents par un « Hé, ho !, les gens ! » C’est en fait… Jean-Luc Mélenchon, télétransporté cent ans en arrière après une mauvaise manipulation de sa machine à hologrammes. S’ensuit une série de quiproquos drolatiques entre Lénine, Mélenchon et Gérard Miller. Et qui aboutira à une fin qui déplaira, à coup sûr, au chef de La France insoumise.

L’ensemble de ces vingt-huit textes hétéroclites a une cohérence : même centenaire et même décriée, la révolution d’Octobre reste un sujet d’inspiration jubilatoire.

Le Monde 29/12/17



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