Lorrain

L’année des volcans

On est en 1949. Le cinéaste Roberto Rossellini tourne un film sur les flancs du volcan Stromboli avec l’actrice Ingrid Bergman, ils sont amants. Rosselini sort d’une fougeuse passion avec Anna Magnani, troisième personnage du livre.
Trois personnages puissants : Rosselini, génial et manipulateur, extravagant, inspiré, improvisant en permanence, séducteur,menteur, ambigu ; il fricota avec les fascistes sous Mussolini, il réalisera le premier grand film antifasciste de l’après guerre, Rome ville ouverte.
Bergman, beauté pure, froide, douce, comme Hitschcock les aimait, diva suèdoise de Hollywood, qui vient de jouer « Jeanne d’Arc » ; elle tombe sur une projection de Rome Ville ouverte et décide, sur un mode quasi mystique, de faire un film avec ce réalisateur qu’elle ne connait pas.
Anna Magnani, la torride, la furie, la somptueuse méditerranéenne, cheveux explosés, la pétulente actrice (et amante) de Rosselini, la furieuse qui le battait dans ses moments de colère ( Rosselini se présentait volontiers en homme battu !).
Le romancier a là une belle matière pour raconter une formidable histoire de tournage, des tournages. C’est le premier plan du roman.
Autre plan, tout aussi fort, les rapports entre Rossellini et Hollywood ; le contraste est radical entre l’énorme machinerie américaine, riche, huilé, programmé et l’artisanat d’un Rossellini qui travaille au feeling, à l’instinct et dans une sorte de chaos permanent.
Troisième plan peut être, le contexte politique de l’époque ; 1949 ; on entre en guerre froide. Fini la liberté de l’immédiate après guerre ; l’heure est à l’alignement, au retour du moralisme ; les Américains savent bien faire ça. Bergman, hier encore Jeanne d’Arc, devient la femme de mauvaise vie ; elle était mariée, elle quitte son mari, sa fille pour un Italien ?! Et la voilà enceinte ?! Les ligues de bonne vertu se réveillent. Harro sur l’icône déchue. Tout est en place pour lancer en grand la chasse aux sorcières.
Francois Guillaume Lorrain est romancier et essayste ( un essai récent porte sur sur « les enfants du cinéma »).

Flammarion



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