Rouaud

L’imitation du bonheur

Lors d’une traversée des Cévennes, en diligence, en juin 1871, Constance
Monastier, femme d’industriel, elle même ornithologue, rencontre Octave
Keller, jeune communeux ou communard, qui vient d’échapper à la
répression versaillaise et fuit vers le sud, vers un port, vers l’étranger.

A travers les passagers de la calèche, un notaire, un curé, une
demi-mondaine, un artiste non-engagé, Rouault évoque cette société
étriquée de la fin du 19è siècle, société hypocrite, toute habitée par
le fric. Au contraire, avec Octave, on retrouve les grandes heures de la
Commune de Paris, ses personnages flamboyants, l’admirable Eugène Varlin
notamment puis la terrible mise à mort des insurgés, 30 000 ouvriers
abattus lors d’un carnage qui semble donner un avant-goût des massacres
de masse du 20è siècle.

Roman de la Commune, « L’imitation du bonheur » est aussi un roman du
roman. Rouault s’invite sans cesse dans le récit pour le détourner,
commenter, faire ses digressions, avec allégresse et intelligence, en se
demandant si l’on peut encore écrire un roman aujourd’hui. Il convoque
Homère, Cervantès, Chateaubriand, Proust, Zola, surtout, qu’il appelle « 
l’inspecteur de la littérature scientifique » et qu’il provoque. Il nous
dit qu’un roman réaliste, vériste, naturaliste à la Zola est mort. Il ne
tombe pas pour autant dans l’autre versant, celui d’une certaine dérive
du « nouveau roman », du structuralisme qui parlait de la mort du roman,
de l’imagination, de l’auteur.

Rouaud marrie ce double héritage, celui de la tradition romanesque la
plus exaltante, du récit le plus foisonnant mais en intégrant les acquis
de modernité, en faisant l’éloge de la liberté, de l’inventivité de
l’écriture, de son autonomie.

Rouaud est né en 1952 en Bretagne. Son premier roman, « Les champs
d’honneur », lui vaut le Goncourt en 1990. Il y fait vivre les figures
de ses grands parents et le poids de la « grande guerre ». Vont suivre
plusieurs ouvrages sur sa saga familiale.

« L’imitation du bonheur » est son premier roman de fiction pure, écrit
dans une joie communicative malgré la gravité du sujet.

Gallimard



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