Vivement 1789

Dans le maelstrom libéral qui nous harcèle à longueur de temps, il est une ritournelle obligée : la vie exemplaire des grands patrons. On nous transforme ces tyranneaux, surfriqués et notoirement incompétents, car enfin on n’en serait pas là sans leur calamiteuse gestion, en héros des temps modernes, chevaliers de la grande machinerie économique, des hommes véritables comme on disait jadis, bref des Saints. Dernier exemple en date : une pleine page du Monde (28 mars) consacrée à EADS. De l’entreprise, on parle peu, des salariés (120 000 personnes au bas mot) on ne dit rien, pas un mot. Mais on saura tout des moindres mouvements d’humeur du nouveau boss, droit, honnête, équanime, notamment de sa cooptation rapportée en ces termes : « Denis Ranque n’avait rien vu venir ! C’était en février, aux Caraïbes, alors qu’il faisait un tour du monde sur son voilier que l’ex-patron de Thales a appris qu’on l’avait choisi pour présider EADS. Il avait pourtant laissé tomber tous ses mandats et pensait bien passer une année sabbatique à voguer. C’est raté. » C’est moche, en effet, on compatit. Et puis surtout on se dit, en lisant ces plumitifs qui nous parlent des roitelets d’aujourd’hui comme la presse sous l’ancien régime qui évoquait les Marquis et leurs caprices : Vivement 1789 !

Gérard Streiff



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