Front de gauche

Sortir de ce moment difficile dans le débat et le respect

Où en est le Front de gauche ? Comment qualifier ce moment de son histoire : débat naturel ? Crise ouverte ? Risque d’éclatement ? La dirigeante communiste Marie-Pierre Vieu, responsable du secteur « Développement du Front de gauche », fait le point sur cette crise qui est pour elle une « crise de croissance ».

Communistes : La préparation des élections municipales montre l’existence de vraies divergences entre formations du Front de gauche. Comment apprécies-tu cette situation ?
Marie-Pierre Vieu : Il faut d’abord dire que nous n’abordons pas les municipales comme une échéance qui devrait nous permettre de marquer notre autonomie par rapport au PS, ce qui peut être - sans la caricaturer- la ligne du Parti de Gauche. Nous, on aborde ces municipales dans l’idée d’un rassemblement sans exclusive, qui permettrait d’essayer, à l’échelle locale, de construire des politiques de solidarité, de citoyenneté, c’est à dire de sécuriser les parcours de vie et des personnes face à la crise. Dans ces rassemblements, que ce soit au premier ou au second tour, on ne met pas de préalable à gauche, même si, à l’arrivée, on sait que les politiques qu’on va mener n’iront pas dans le sens de la politique gouvernementale, une orientation, malheureusement, qui se traduit par une réduction des politiques publiques. Donc, pas d’exclusives : c’est la première chose.
J’ajoute, plus généralement, que les deux piliers sur lesquels repose le Front de gauche depuis le départ, c’est évidemment changer le rapport des forces internes dans la gauche, c’est à dire donner du poids au courant politique qui est le nôtre, antilibéral, pour l’émancipation ; et en même temps, là encore, ça se construit sans préalable, dans un autre rapport à l’échelle de la gauche toute entière, un rapport de forces politique et social.

Communistes : Le Front de gauche risque-t-il l’explosion comme on l’entend dire ici ou là ?
MPV : Je ne le pense pas. Cette échéance des municipales correspond à un moment particulier, c’est la première élection où on est confronté à un gouvernement dit « de gauche », dans un contexte de crise, et où tout appelle à un large rassemblement, dont on essaye de travailler les contours, comme ce fut le cas avec cette initiative des Assises du 16 juin qui a compté dans le paysage.
Cette question de municipales nous renvoie donc plus largement à la démarche qui doit être la nôtre. Elle génère du débat à l’intérieur du Front de gauche. C’est un moment difficile, il ne faut pas le cacher ; on vit une crise à l’intérieur du Front de gauche. Moi je pense qu’il faut la considérer comme une crise de croissance dans une période difficile ; je ne pense pas que cela puisse conduire à l’éclatement du Front de gauche. Pour autant, je pense qu’il faut affronter ces difficultés dans le débat, dans la clarification et dans le respect de ce que chacun représente à l’intérieur du Front de gauche, c’est à dire nous en tant que communiste, le PG en tant que PG, les autres formations pour ce qu’elles sont également. Je ne suis pas pour minorer les questions qui nous sont posées, ça fait débat et tout le monde le sait ; je ne suis pas non plus, avec cette perspective de premier tour des municipales, pour rajouter de la crise à la crise. On est dans un moment qui n’est pas simple à l’échelle du Front de gauche ni à l’échelle de toute la gauche parce qu’il y a ce qu’on sait sur la crise, le fait qu’on se heurte aujourd’hui à un gouvernement élu pour mener une politique de gauche et qui est en train de mener une politique de droite. Il est évident que tout ça crée une « toile de fond » qui n’est pas simple quand on aborde des échéances locales.

Communistes : Comment sortir de cette situation ?
MPV : Je crois qu’il faut travailler les choses dans la durée, dans la construction d’une force qui est le Front de gauche ; cette force est appelée à s’amplifier encore. Il y a des convergences possibles avec le mouvement social, il y a tout ce qui passe aujourd’hui à gauche, tous ces débats, ce qui se passe dans Europe-Ecologie-Les-Verts, l’appel d’Eva Joly, la posture de Mamère contre la crise : il faut faire en sorte que le Front de gauche permette à chacun de converger, pour participer à l’élaboration d’une politique alternative. Je crois que c’est en continuant à construire cette dynamique, dans le débat et le respect, qu’on va sortir de ce moment difficile et qu’on va aller aux municipales rassemblés. Il ne faut pas se la raconter, la période n’est pas simple ; mais en même temps, il faut prendre ces questions dans un temps politique qui dépasse les quelques mois qu’on vient de vivre.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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