Radioscopie du PCF

Le tournant de 2005

Adhésions, pyramide des âges, militantisme, territoires : un état des lieux de l’organisation communiste. Première partie d’une enquête qui fait suite à un échange avec le secteur « Vie du parti ».

Le PCF compte en cette fin 2009 134 000 adhérents. Ce chiffre traduit une certaine stabilisation des effectifs depuis 2005. Cette année là en effet a été la première année de progression depuis 1981, après donc un recul régulier des effectifs durant 25 ans. Depuis 2005, les adhésions oscillent entre 5000 et 6000 par an. Autre façon de dire : les adhésions depuis 2005 s’élèvent à 29 000. On ne
dispose pas encore d’étude globale de tous ces nouveaux venus ; il est donc difficile de donner avec exactitude leur âge, leur identité sociale, etc ; ce travail est en cours. En l’état actuel, on estime que la moitié de ces adhérents sont des jeunes de moins de trente ans. Certes, une partie d’entre eux n’a pas pu être véritablement « intégrée », le mot n’est pas très bon mais disons qu’ils n’ont pas profité à l’organisation, ils n’y ont pas trouvé leur place. Cela pose bien sûr des questions sur le mode d’organisation du parti. ( Observons aussi, à titre indicatif, que le « turn-over », la rotation des adhérents dans le monde syndical enseignant par exemple est de l’ordre de 30%). Reste que ces chiffres montrent que le PCF est une force attractive. L’autre caractéristique importante de ces adhésions, c’est qu’il s’agit souvent de militants venus du monde syndical ou associatif ; il peut s’agir ici soit de jeunes militants qui « passent » à la politique, soit d’ « anciens » qui opèrent un « retour » au politique, après avoir privilégié tout un temps l’engagement associatif et syndical.
Si tous les partis français connaissent aujourd’hui peu ou prou les mêmes problèmes, on remarquera que le PCF, en matière de cotisations ( voir le tableau comparatif publié dans « Communistes » du 18 novembre) ou d’implantation, se tient mieux que les autres formations. Il possède une fédération dans chacun des 96 départements ; il compte 1400 sections (1398) dont 1000 (1050) réellement organisées, c’est à dire avec au moins un animateur assidu, un référent.

Une certaine « désorganisation » du parti s’est opérée pendant toute une période, entre autres du fait de fausses bonnes idées, telle la direction collégiale où tout le monde était sensé s’occuper de tout, ce qui signifiait le plus souvent que personne ne s’occupait de rien. Mais les questions politiques ne sont pas seules en cause. Sont intervenues aussi des évolutions de territoires, des modifications sensibles du paysage qui ont perturbé la façon de s’organiser : urbanisation accélérée, transformations de villages en villes moyennes ou au contraire déplacement vers les périphéries, apparition de communautés d’agglomérations, de « pays », déconstruction et réaménagement des bassins industriels, etc... Longtemps l’organisation est restée sur des schémas traditionnels, forcément dépassés ; or aujourd’hui est en cours une réorganisation en fonction de ces nouveaux territoires, et à partir de deux éléments : l’existence d’adhérents dans ces espaces et la capacité militante de les organiser. Dans le même temps, on redonne, et on reprend, des responsabilités dans l’organisation.
Ainsi il y a aujourd’hui, dans toutes les fédérations, un secrétaire fédéral, ce qui n’était pas le cas en 2005.
Autre caractéristique importante : il existe des communistes sur tout le territoire ; tous ne sont pas forcément organisés mais ils sont partout, si l’on ose dire ; on a pu le constater lors de la campagne du référendum européen, en 2005 justement ; des adhérents « en sommeil » se sont alors engagés et ont pu utiliser le parti comme « ressource » (possibilité de se réunir, de disposer de tracts, de vendre l’Humanité, etc).
Le nombre d’adhérents par fédérations s’établit ainsi : 8 fédérations ont moins de 200 adhérents, 54 en ont entre 200 et 1000, 29 entre 1000 et 5000 et 5 ont plus de 5000 adhérents.

Radioscopie du PCF (2/2)
La pyramide des âges

Adhésions, militantisme, territoires : un état des lieux de l’organisation communiste. Suite de l’enquête.

Comment se présente la pyramide des âges dans le PCF ? Répétons qu’on ne dispose pas encore d’un état des lieux définitif des 134 000 adhérents mais, compte tenu des informations recueillies, on observe ceci :
*6% des adhérents ont moins de 30 ans. Cette catégorie représente 21% de la population. C’est trop peu et en même temps le PCF est un des partis où l’on compte le plus de jeunes. La tendance semble s’amplifier : parmi les 5000 adhérents de 2009, lors de la Fête de L’Humanité notamment, la part des plus jeunes (les moins de 20 ans) est significative ; il y a là une donnée nouvelle par rapport à toute la décennie précédente.
*30% ont plus de 65 ans. (20% de la population).
*64% des effectifs communistes se situent entre ces deux groupes (59% de la population).

On retiendra de ces chiffres que le PCF possède un vrai potentiel : plus de 8000 adhérents de moins de trente ans qui ont souvent une vraie expérience. Est à l’oeuvre non pas un phénomène de vieillissement mais de rajeunissement. Une masse d’adhérents, par ailleurs, sont des gens en responsabilité. A ce propos, on observe plusieurs phénomènes : nombre d’animateurs communistes sont de jeunes retraités qui font un « retour » à la politique, après leur trajectoire professionnel (la même situation existe dans des associations) ; ces responsables ont une forte expérience, une culture importante. Dans le même temps, on note une « coupure » avec les militants de moins de 30 ans qui exercent, eux aussi, des responsabilités mais leur « culture » est bien différente des référents politiques qui ont fonctionné, disons depuis 1968, chez des militants aujourd’hui quinquagénaires et plus.
Autre remarque : de manière générale, le militantisme est moins prononcé chez les 30/50 ans, période de pleine activité professionnelle et de contraintes familiales fortes également. Cet engagement moindre ( là encore, on constate le même phénomène dans les autres organisations militantes) ne signifie pas un désintérêt pour la chose publique mais plutôt un problème de maîtrise du temps, ce qui appelle sans doute à moduler l’offre du militantisme, ses objectifs, en fonction des uns et des autres.

41% des adhérents sont des femmes (51% de la population) et 59% des hommes (49% de la population). Si l’écart est important, le PCF, sur cette question de l’engagement féminin, est dans « la moyenne haute » des partis politiques.
Mais ce serait une erreur de se rassurer car on note un recul sensible de la parité dans les collectifs de direction et lors de la désignation de nos candidat(e)s.

L’évolution de la participation aux consultations internes des communistes montre une maîtrise de plus en plus grande de la réalité du parti, en termes d’effectifs, de cotisants, de communistes participant aux décisions majeures de leur parti. Toutefois, il convient de mieux connaître les adhérents : une meilleure connaissance de leur situation est un moyen important pour faire progresser le parti, l’aider à se transformer. A cette fin a été mis en place, depuis 2005, un fichier commun aux sections, aux fédérations et à la direction nationale, le COCIEL. Ce travail est donc en cours. Pour l’heure, on est en mesure de dire l’âge de la moitié des adhérents par exemple. Connaître l’adresse courriel, le téléphone portable (SMS) fait partie des informations basiques de l’organisation. Autre exemple, les informations sur le lieu de travail manquent : comment parler du militantisme communiste à l’entreprise tant qu’on ne sait pas où travaillent ces communistes ? Il s’agit donc de mieux connaître les adhérents pour mieux les aider à militer, faire en sorte que l’organisation où adhère le communiste soit une organisation/ressource pour lui (moyens pour se réunir, échanger, construire...).

Comparé à d’autres formations, au PS par exemple, le PCF présente un profil « atypique ». On adhère volontiers au PS pour être élu ; ce qui n’est pas le cas au PCF. On rejoint volontiers un syndicat pour une exigence ou à un moment donné. Mais pourquoi continue-t-on à adhérer au PCF, à y rester, à y retourner ? Travailler ces questions aideront aussi à mieux appréhender l’organisation.
L’acte militant évolue. On oppose parfois le militantisme durable et l’engagement « zapping » ou « post-it ». Mais ces deux façons de faire ne sont pas forcément contradictoires. C’est à dire que le même militant peut très bien avoir un engagement durable et en même temps ne pas participer à toutes les batailles ; il peut naturellement se sentir plus ou moins motivé selon les campagnes. Revenons à (et terminons par) 2005 : lors du référendum européen, dans de nombreux endroits, on a pu voir des communistes, jusque là plutôt sur la défensive, réinvestir le champ militant, constater que leurs interventions étaient écoutées, appréciées ; dans la foulée, ils ont retrouvé de nouvelles ambitions politiques, ce qu’on a pu mesurer ensuite lors des élections cantonales et municipales.

Gérard Streiff



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