Etre de gauche, c’est quoi ?

Congrès/Table ronde
Etre de gauche, c’est quoi ?

La troisième « fenêtre » du texte de la base commune s’intitule : la gauche et le changement en question. Débat sur cette thématique entre trois dirigeant(e)s communistes, Igor Zamichei, Martine Perez et Aymeric Seassau.

Les notions de gauche, de droite : est-ce que ça fonctionne encore ?

Igor Zamichéi

Au lendemain de la Révolution française, le clivage gauche / droite s’est peu à peu structuré autour des enjeux de classe : la droite étant considérée comme regroupant les partisans des exploiteurs, défendant la conservation du système et la gauche ceux des exploité-es, luttant pour sa remise en cause. D’autres marqueurs se sont ensuite ajoutés à ce marqueur originel. Puis l’effondrement de l’URSS, la contre-révolution néolibérale, la financiarisation du système et les évolutions de la République, ont conduit à ce que des politiques marquées à droite soient appliquées par la gauche comme le tournant de la rigueur décidé par Mitterrand en 1983. Avec François Hollande, le tournant a été encore plus rapide avec la signature du traité européen ! Mesurons pour autant que le rejet du clivage gauche-droite, en tant qu’expression de la lutte des classes en particulier, est aujourd’hui au cœur du discours d’extrême droite. Donner de l’écho à ce rejet renforcerait à mon sens notre adversaire et irait à l’encontre de nos objectifs politiques. Le rôle des communistes est au contraire, je crois, de redonner du sens à ce clivage dans les nouvelles conditions historiques.

Aymeric Seassau

D’autant que toutes les élections de ces dernières années témoignent que le clivage droite/gauche continue de structurer la vie politique française. Igor vient de parler du Front National. On pourrait aussi donner l’exemple du crash récent du Modem. Il n’a pas réussi, en niant l’existence du clivage droite /gauche, à occuper l’espace qu’il voulait sur la scène politique française. C’est dans ce débat sur les idées qu’incarne la gauche que nous voulons nous positionner. Nous le faisons avec clarté et je crois que les communistes peuvent être fiers du travail actuellement mené par leurs parlementaires avec des résultats : une centaine de parlementaires de gauche n’ont pas voté le TSCG qui n’a pas obtenu de majorité de gauche, c’est important. Continuons de pousser le débat ; notre parti est fort quand il est rassembleur à gauche et qu’il parle au nom des intérêts du pays, des salariés et des familles populaires. Au nom de la gauche tout simplement et c’est aussi vrai pour le rassemblement que nous avons initié avec Front de gauche. Je partage l’idée que Pierre Laurent exprimait récemment dans L’Humanité selon laquelle il ne s’agit pas de « creuser une tranchée entre le FDG et le reste de la gauche ». Un débat traverse la gauche et nous voulons l’ouvrir en grand avec la population, à tous les échelons institutionnels et avec l’appui fondamental que représente la mobilisation sociale. Il y a de la lucidité dans le monde syndical comme en témoignent les mobilisations qui ont lieu et dès l’installation du nouveau pouvoir. Nous voulons travailler à mobiliser massivement pour peser dans le débat à gauche avec l’objectif de la rassembler sur un contenu transformateur. Les électeurs de gauche, attendaient un choc de progrès social, pas un choc de compétitivité basé sur de nouveaux allègements fiscaux pour le patronat.
Martine Perez

Parler encore aujourd’hui de la droite et de la gauche, moi je trouve que ça clive la vie politique, que ça favorise le bi-partisme si on considère que l’UMP est à droite et que le PS est à gauche ; or on a de plus en plus de mal à les identifier, à faire la différence entre ce qu’on appelle la droite et la gauche sur des choix économiques et sur des choix de société. On a intérêt à mieux expliquer ce qu’est la politique pour sortir aujourd’hui de cette alternance qu’on nous impose à chaque élection et aboutir à une véritable alternative que le PC et le Front de gauche portent dans toutes les élections.

C’est quoi une idée de gauche ?

Igor Zamichei

Alors que le capitalisme est entré dans la plus grave crise qu’il ait connu, la moindre des avancées sociales est désormais insupportable pour le système. Aussi, le social-libéralisme n’a plus aucune marge de manœuvre. Prenons un exemple : le "compromis historique" entre le patronat et les syndicats auquel appelle le gouvernement dans la négociation actuelle sur l’emploi. C’est une mystification, ce gouvernement se trompe d’époque ! Il ne peut y avoir de compromis à ce sujet en faveur des travailleurs-euses. Soit on laisse les mains libres aux forces du capital et ce sera la casse complète du droit du travail. Soit on s’oppose à leurs intérêts privés et cela demandera une mobilisation populaire de grande ampleur pour porter l’idée d’une sécurisation de l’emploi, de la formation et de nouveaux pouvoirs pour les travailleurs-euses dans les entreprises qui s’oppose radicalement aux choix capitalistes. Une idée de gauche aujourd’hui est donc forcément une idée révolutionnaire.

Aymeric Seassau :
Face à la crise, c’est d’abord s’attaquer à la finance dont les revenus représentent aujourd’hui deux fois le PIB mondial. Les intérêts financiers s’opposent frontalement à ceux des ménages, des salariés et du développement économique. Se déclarer adversaire de la finance comme a eu besoin de le faire le candidat Hollande en son temps, voilà une bonne idée de gauche à mettre en œuvre ! Favoriser le travail plutôt que le capital, gagner de nouveaux droits pour les salarié(e)s, élever les salaires, les retraites et les pensions, défendre et développer les services publics, augmenter les capacités de production à condition qu’elles soient écologiquement responsables : quelques « idées de gauche » à pousser dans la mobilisation pour faire reculer les marchés financiers avec un choc de progrès social !
Martine Perez

Pour moi, la gauche, c’est nous. Nous portons la réponse aux besoins sociaux, la réponse aux enjeux économiques et écologiques et à l’acquisition de droits nouveaux. C’est nous qui portons la défense et le développement des services publics,essentiels pour garantir l’égalité des citoyens partout sur le territoire. La gauche, c’est avant tout le respect de valeurs, je pense à la justice, au partage, à l’égalité mais aussi à la paix. La gauche, c’est combattre la finance et mettre l’humain au centre des décisions et des enjeux de société.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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