Revue mai 2023

Revue 34
Mai 2023
La macronclature

Macron prétendit un jour qu’il suffisait de traverser la rue pour trouver du travail. Ses partisans, eux, n’ont même pas cet effort à faire : à peine « dégagés » de leurs postes, l’Elysée les recase. Dans les Conseils de la République, l’administration centrale, les grands services publics, les industries nationales (avec un faible pour l’industrie d’armement), dans des sinécures enfin. Le droit de nomination est un des attributs les plus importants du pouvoir. La présidente macroniste de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet reconnaissait récemment (Le Figaro, 31 janvier) qu’elle procédait à un millier de nominations sur une mandature. Et ce sont plusieurs milliers d’individus que le Président désigne.
Ces méthodes irritent et des procédures de contrôle ont été instituées ( commissions parlementaires, la HATVP, Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique) mais elles ne s’appliquent qu’à certains postes, leur pouvoir reste limité et un décret du Président peut toujours les contourner. On a connu l’Etat RPR, l’Etat PS, voici l’Etat Macron. Petit abécédaire de quelques obligés du pouvoir, de la cour des favoris. Cette vingtaine d’exemples, liste vraiment très incomplète, c’est le moins qu’on puisse dire, ne donne qu’un petit aperçu des bénéficiaires du fait du prince.

ABBA Bérangère
Ex secrétaire d’Etat chargée de la bio diversité, battue en Haute Marne, nommée au Comité national de la biodiversité

BAYS Nicolas
A rejoint le Défense Conseil international ou DCI Group comme directeur de la prospective. Ex député PS du Pas-de-Calais, ex vice président de la Commission Défense, rejoint Macron en 2017 mais battu aux législatives ; se retrouve chef de cabinet de Blanquer puis conseiller de la secrétaire d’Etat aux Anciens combattants ; accessoirement l’époux de Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Pour cause de conflit d’intérêts (because un papa pétrolier), cette dernière ne pourra s’occuper du dossier qui concerne DCI (dixit le HATVP). Cette question de « conflits d’intérêt » se pose régulièrement dans l’entourage de Macron, signe de leur proximité avec les milieux d’affaires. Libération (1/3/23) a calculé que 16 membres du gouvernement étaient sous le coup d’un « déport » (déporter des dossiers dont ils/elles ne pourront s’occuper) en raison de conflits d’intérêts !

BLANQUER Jean-Michel
Ex ministre de l’Education battu dans le Loiret et redevenu professeur de droit à Assas sur un poste spécialement créé.

BOURGUIGNON Brigitte
Ex ministre de la santé. Battue dans le Pas de calais, a été promue à la tête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

BUZYN Agnès
Ex ministre de la santé propulsée conseillère maître à la cour des comptes, pour cinq ans. « Sur décret du Président ».

CASTEX Jean
Après Matignon, il est d’abord président de l’agence de financement des infrastructures de transport de France (où il remplace Christophe Béchu, lequel remplace Amélie de Montchalin dans le gouvernement Borne 2, le monde est petit) puis il est nommé à la direction de la RATP.

CASTANER Christophe
Promu en même temps, comme dirait le Président, président du Grand Port de Marseille et de la Société du tunnel du Mont Blanc. (Ce dernier job est l’illustration parfaite de la sinécure qui est, selon le dictionnaire, une charge ou emploi où l’on est rétribué sans avoir rien (ou presque rien) à faire ; une situation de tout repos.)

CHAKER Ludovic
Premier salarié d’En Marche dès 2016 puis premier secrétaire général de la République en Marche ; nommé conseiller du chef d’Etat-major particulier de Macron puis directeur adjoint à la délégation générale pour l’armement, chargé de « l’anticipation stratégique ».

DENORMANDIE Julien, fondateur d’EnMarche, plusiuers fois ministre dont ministre de l’agriculture ; devient « chief impact officer » de la « greentech » Sweep, spécialisée en conseil en réduction des émissions de carbone pour les entreprises ; et « Senior Advisor » au sein du fonds d’investissement Raise.

DJEBBARI Jean-Baptiste, ex ministre délégué aux transports, promptement nommé (avant même la démission du gouvernement Castex) au conseil d’administration de la start-up française Hopium, une entreprise spécialisée dans les voitures fonctionnant à l’hydrogène.

FERRAND Richard : l’ancien patron d’EnMarche, qui fut ministre, président de groupe puis président de l’Assemblée nationale, battu aux législatives de 2022, conserve un bureau à l’Assemblée (et l’écoute de Macron).

GUIGOU Elisabeth, nommé par Macron au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ancienne ministre (PS) de la Justice

GOURAULT Jacqueline
Ex ministre de la cohésion des territoires, nommée au Conseil constitutionnel alors qu’elle n’est ni juriste ni publiciste.

LALLEMENT Didier
Ex préfet de police, nommé secrétaire général de la mer.

LECOURTIER Christophe
Nommé au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron à la tête de l’organisme public Business France, il est désormais ambassadeur au Maroc.

LE DRIAN Jean-Yves
On promettrait à l’ancien ministre des affaires étrangères la présidence de l’Institut du Monde Arabe mais l’actuel titulaire (Jack Lang, 83 ans) ne veut pas lâcher la barre.

MAUCOURT Mathieu
Ce délégué interministériel à la jeunesse (service du premier ministre), ancien responsable « argumentaires et riposte » de la campagne de Macron a été consultant chez McKinsey de 2011 à 2016.

De MONTCHALIN Amélie
Ex ministre de la transition écologique, battue en Essonne. On parle d’elle pour l’ambassade de Londres ou de Madrid, postes pour lesquels elle n’a guère de compétence, ce qui fait jaser le milieu car elle profiterait ainsi de la réforme des grands corps qu’elle a elle même organisée comme ministre.

PARLY Florence
L’ex ministre des armées est pressentie pour prendre la tête du CA d’Air France KLM , une entreprise qu’elle avait déjà fréquentée puis quittée avec un « parachute » de 700 000 euros ; son mari Martin Vial, longtemps à la tête de l’agence des participations de l’Etat, APE, avait été un temps au conseil d’administration de cette société.

PEGARD Catherine
A conservé, illégalement puisqu’elle dépasse la limite d’âge, la direction du Château de Versailles. Imposée par Macron. « Libération » y voit « l’enivrant plaisir du fait du prince ».

ROUILLARD Gwendal
Ex député PS puis En Marche, est arrivé en juillet 2022 chez MBDA, leader européen de la fabrication de missiles comme conseiller aux affaires internationales.

RUFO Alice
Ex numéro deux de la cellule diplomatique de l’Elysée, devenue directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées.

SAINT-MARTIN Laurent
L’ancien député macronien est désormais aux manettes de la très convoitée agence Business France, en charge de « l’attractivité tricolore ».

.WARGON Emmanuelle
Ex ministre du logement battue dans le val de marne. Dirige la Commission de régulation de l’énergie (qui, entre autres, propose les tarifs réglementés du gaz et de l’énergie). Une promotion refusée par le Parlement (par 48 voix contre 43) mais confirmée « par décret du Président de la République » pour six ans.

Nos lecteurs compléteront.

EXTRAITS
Dans « Révolution » (XOEditions, 2016), Emmanuel Macron, alors candidat à la Présidence, se montrait sévère envers les pratiques politiques du moment (visant tant François Hollande que Nicolas Sarkozy) : « La morale publique, le sens de l’Histoire, la qualité humaine des dirigeants ne sont plus les mêmes qu’autrefois et nos concitoyens le ressentent » (p244). Il opposait la vitalité de son mouvement En Marche aux « appareils sclérosés ». Il dénonçait « les hauts fonctionnaires constitués en caste, donnant le sentiment de diriger dans l’ombre les affaires du pays » et critiquait les « cooptations de complaisance » (p250) ainsi que « ces dirigeants politiques utilisant » la haute fonction publique « pour le copinage » (251). Quelle sagacité !



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