L’année 1956

CD ROM/ GERARD STREIFF

I) *Le XXe CONGRES/1956*

Le XXe congrès du Pcus, en février 1956, marque " l’une des césures
fondamentales dans l’histoire du communisme mondial" ^^1
<#sdfootnote1sym> , note l’historien Marx Lazar. Le rapport secret de
Nikita Khrouchtchev y dénonce les crimes et le "culte de la
personnalité" de Staline. La délégation du Pcf présente à ce congrès,
conduite par Maurice Thorez, comprend (JTV ?) , Jacques Duclos, Georges
Cogniot, Pierre Doize. Elle prend connaissance de ce rapport mais, à son
retour, elle en cache la teneur aux communistes. Duclos, le 9 mars,
rendant compte du congrès, fait applaudir par les militants parisiens le
nom de Staline ; le 13 mars, le bureau politique discute du rapport mais
rien ne filtre de ce débat ; le 22 mars, le comité central adopte une
résolution qui reprend les critiques publiquement exprimées par le Pcus,
dit en même temps ne pas se contenter des explications qui sont données
et salue les "mérites" de Staline. Thorez reprend peu après cette
argumentation dans /L’Humanité/ ^^2 <#sdfootnote2sym> ; il fait
référence aussi à la question de la diversité des voies de passage au
socialisme - et à son interview au "Times" en 1946.

En avril, le couple Thorez s’en prend à l’ouvrage du journaliste
communiste Jacques Derogy, " Des enfants malgré nous" ; cette croisade
contre le contrôle des naissances a tout l’air d’une campagne de diversion.

Le 10 mai se tient une nouvelle session du Comité central ; Thorez évoque
une version déformée du rapport secret et critique Khrouchtchev.

A partir du 6 juin, le rapport secret est publié dans /Le Monde/.
Thorez, qui sait pourtant à quoi s’en tenir, met en doute l’authenticité
du document. Le 18 juin, le bureau politique parle même d’un "rapport
attribué au camarade Khrouchtchev". Dans ce communiqué mensonger, il est
dit que " la presse bourgeoise a été en mesure de publier les faits que
les communistes français avaient ignorés". La direction du Pcf demande
au Pcus le texte complet, rappelle les vertus de Staline, continue
d’exiger une "analyse marxiste approfondie".

Fin juin, une délégation française se rend à Mocou. Elle en ramène une
résolution du Pcus (30 juin) qui désormais va faire autorité. Ce texte
édulcoré, compromis des différentes sensibilités qui traversent le Pcus
et le mouvement communiste, est en retrait sur le rapport Khrouchtchev
de février. Le Pcf approuve "chaleureusement" ce "document de valeur
inestimable" ^^3 <#sdfootnote3sym> , qui constituera la trame du
discours de Thorez au 14è congrès du Havre.

Désormais, toute réflexion sur le stalinisme est stoppée ; alors même que
le Pci entame, lui, un débat critique. Togliatti évoque une "
dégénerescence partielle de l’organisme social" ^^4 <#sdfootnote4sym>
soviétique.

Ce n’est qu’en janvier 1977 que la direction du Pcf évoquera
officiellement le mensonge de Thorez ; les survivants de la délégation
française au Xxe Congrès, invités à s’expliquer devant le bureau
politique, avoueront en effet avoir reçu en communication le rapport
secret, ne pas en avoir informé le parti. " Lorsque nous avons appris
cette vérité, nous l’avons dite publiquement" soulignera Jean Kanapa ^^5
<#sdfootnote5sym> .

II)* LA HONGRIE/1956*

Comme en écho au séisme provoqué par le XXe congrès, la Pologne puis la
Hongrie connaissent des situations de crise grave. Les émeutes de
Poznan, fin juin, aboutissent au retour de Gomulka, exclu du PC en 1949
pour ses penchants en faveur d’un communisme national ; il reprend la
direction des affaires, à Varsovie, et entame des réformes libérales.

En octobre, le communiste libéral hongrois Imre Nagy est lui aussi
rappelé au pouvoir. Il relance une politique de libéralisation, obtient
des concessions des soviétiques (sur la présence des troupes notamment).
Les tensions internes s’avivent. Nagy abolit le système de parti unique,
réclame la neutralité du pays et sa sortie du Pacte de Varsovie. Les
forces soviétiques interviennent, occupent Budapest (1er-4 novembre).
Arrêté, Nagy sera exécuté ( en 1958).

Le Pcf approuve l’attitude de Moscou ; il ne veut voir dans la crise
hongroise qu’un mouvement contre-révolutionnaire, appuyé par l’Occident,
une séquelle regrettable de ce tout aussi regrettable XXe congrès
soviétique.

La crise hongroise suscite en France une forte vague anticommuniste :
pillages de locaux du Pcf dont le Comité central, tentative de saccage
du siège de L’Humanité, manifestations et contre-manifestations ( le 8
novembre). Il y a mort d’hommes.

Elle provoque aussi un vif débat à l’intérieur du parti. Un débat à la
fois spectaculaire, inédit pour ce parti, et limité aux intellectuels.
L’affaire hongroise sert de catalyseur à la crise de confiance entre
l’intelligentsia communiste et la direction thorezienne. Des signes en
étaient perceptibles dès 1955, tels les articles du philosophe Henri
Lefèbvre ou ce livre du journaliste Pierre Hervé, /La révolution et les
pantins/. Des intellectuels pétitionnent. Certains, Claude Morgan,
Jacques-Francis Rolland, Claude Roy, Roger Vailland, signent, avec
d’autres, Prévert, Sartre, Vercors, un manifeste ^^6 <#sdfootnote6sym> .

Par ailleurs une dizaine de personnalités, Picasso, Wallon, font
directement part au comité central de leur "désarroi" et réclament un
congrès extraordinaire.Les signataires du manifeste sont sanctionnés ;
les personnalités réprimandés.

Mais la conjonction du XXe congrès soviétique, des événements hongrois
et des tensions internes créent un trouble profond, durable. Un
véritable processus de rupture entre l’intelligentsia française et le
communisme est enclenché, alors que la masse des adhérents est peu affectée.

Les divergences entre le Pcf et le Pci, perceptible depuis l’été 1956,
s’amplifient. Alors que le parti italien travaille les questions de la
diversité des voies de passage et du rejet du modèle, Thorez, en
novembre, déclare :

" La variété des formes n’a rien à voir avec le contenu de la dictature
du prolétariat. Ce contenu est obligatoirement commun. il n’est pas
d’une nation ou de l’autre. Son modèle a été et reste fourni par la
Révolution d’Octobre.(...) Notre parti gardera les yeux fixés sur
l’expérience glorieuse du parti de Lénine" ^^7 <#sdfootnote7sym> .

*BIBLIOGRAPHIE*

LAZAR, Marc. _Maisons rouges_. Les partis communistes français et
italien de la Libération à nos jours. Paris : Aubier Histoire, 1992, 420p.

MARTELLI, Roger. _1956. Le choc du 20è congrès._ Paris : Editions
Sociales, 1982

VERDES-LEROUX, Jeannine. _Le réveil des somnanbules._ Le parti
communiste, les intellectuels et la culture (1956-1975). Paris :
Fayard/Minuit

SIRINELLI, Jean-François. _Intellectuels et passions françaises.
_Manifestes et pétitions au Xxe siècle. Paris : Fayard, 1990

CARRERE d’ENCAUSSE, Hélène. _1956. La déstalinisation commence_.
Bruxelles : Complexe, 1984

MARTELLI, Roger. " L’année 1956", dans Roger Bourderon et al., _Le PCF.
Etapes et problèmes_. Paris : Editions Sociales, 1981

*ILLUSTRATIONS*

Ciné-Archives dispose de trois documents dont on pourrait utilement
extraire quelques illustrations, iconographiques ou sonores :

 un film, anonyme, muet, de moins de cinq minutes, sur le Congrès du
Havre, de l’été 1956. Il s’agit d’un déjeuner des congressistes. On y
voit la plupart des responsables : Thorez, Jeannette Thorez-Vermeersch,
Billoux, Guyot, Figuères, Marchais, Aragon, Triolet...

 trois cassettes d’enregistrement de l’essentiel des débats du congrès.

 un film intitulé " Le fascisme ne passera pas", anonyme, cinq minutes,
sur les émeutes anticommunistes à Paris en novembre 1956, notamment
l’attaque du siège du Pc, et les contre-manifestations communistes.

On pourrait aussi inclure dans l’illustration de cette année 1956 des
portraits du journaliste critique Pierre Hervé (L’Humanité en a publié
une récemment) ; de Roger Vaillant, de Henri Lefèbvre.

Prévoir une photo du 20e congrès ( ou/et de Khrouchtchev) ; du hongrois
Nagy ; du polonais Gomulka.

Voir avec Lucie Fougeron s’il existe une affiche datée de 1956 ; enfin on
peut envisager d’utiliser l’enregistrement de la session du comité
central de novembre, par exemple quelques phrases de Laurent Casanova.

1 <#sdfootnote1anc> Lazar Marc. Maisons rouges. Paris : Aubier, 1992, p 90

2 <#sdfootnote2anc> Thorez Maurice. " Quelques questions capitales
posées au 20è congrès du Pcus", L’Humanité, 27 mars 1956

3 <#sdfootnote3anc> "Comment a été surmonté en Urss le culte de la
personnalité de Staline", L’Humanité, 2 juillet 1956

4 <#sdfootnote4anc> Déclarations de Palmiro Togliatti à la revue Nuovi
argomenti. Article et documents n°0374, 26 juin 1956, p 2

5 <#sdfootnote5anc> L’Humanité du 21 février 1977

6 <#sdfootnote6anc> le 8 novembre 1956, avec prevert, sartre, vercors

7 <#sdfootnote7anc> cité par Martelli, " l’année 1956" dans Pcf. Etapes
et problèmes. Paris : Editions Sociales, p 427



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