Ollagnier

Virginie Ollagnier

Toutes ces vies qu’on abandonne

Liana levi

Décembre 1918, Annecy, dans un asilé d’aliénés, un HP de l’époque ; les malades, les souffrants sont pour l’essentiel des soldats ; la guerre vient tout juste de se terminer et beaucoup la continue dans leur tête, leur corps ; aux savants, de tenter de les soigner. On est dans le service du docteur Tournier, médecin alieniste, vieil homme imposant de savoirs, qui expérimente la psychanalyse naissante ; dans son service une novice, une future nonne donc, une religieuse, la jeune Claire, l’héroïne. En face, côté souffrant, un corps, d’homme, la trentaine, recroquevillé dans une position foetale, muet, yeux fermés, figé, prostré, emmuré mais vivant sur son lit. Et une complicité qui va crescendo entre Claire et lui, le soldat inconnu au sens propre.
On pense bien sûr à « Johnny got his gun », livre et film de Dalton Trumbo, soldat us aussi issu de 14/18, sans membres, sourd muet aveugle et conscient. Ici le soldat n’est pas vraiment conscient mais l’approche de Claire, ses attouchements notamment, des gestes créateurs d’une thérapie qui s’invente, provoque dans son inconscient un va et vient de souvenirs, un chaos d’images, d’enfance ou de guerre, d’amour et de violence. Au long du livre, on s’achemine vers une double rédemption.

Un roman très émouvant. C’est de 14/18 qu’il s’agit ; encore et encore la magie opère sur ce moment horrible de notre commune histoire, cette histoire fondatrice du siècle et de notre sauvagerie, cette boucherie évoquée depuis « Le feu » de Barbusse. Un beau message aussi sur cette contradiction entre la plus inhumaine des guerres et une des plus belles avancées de l’hominisation, l’analyse, l’écoute, la libération. Un livre couvert de prix, pas forcément les plus prestigieux mais qui ont témoigné d’un mouvement d’adhésion massif des lecteurs.



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