Teulé

Jean Teulé

Je, François Villon

Julliard

Un grand livre, mettant en scène un personnage fabuleux, mythique,
méconnu : François Villon, troubadour, né en 1431, mort en 1463,
probablement. A 32 ans. On sait peu de choses de l’homme, sinon qu’il a
vécu le plus souvent à Paris au temps de Charles 7 puis de Louis 11.
Comme il a passé beaucoup de temps en prison, les archives judiciaires
et carcérales parlent pour lui. Et puis ses textes, heureusement, sont
restés.

Cette absence d’indices est paradoxalement excitante pour un romancier
qui a envie de combler ce vide. Ce que fait très bien Jean Teulé qui
nous donne une biographie romancée de Villon. L’homme est né,
probablement encore, le jour où à Rouen brule Jeanne d’Arc. Enfant de
misèreux – un père pendu pour vol, une mère enterrée vive peu après pour
les mêmes raisons- il est pris en charge par un chanoine parisien, un
certain Guillaume de Villon dont il garde le nom. L’abbé lui donne une
éducation de jeune clerc. Villon fréquente le Paris de la rive gauche,
celui des universités peuplés de milliers étudiants, toujours peu ou
prou en rébellion contre les marchands de l’autre côté de la Seine et
leur soldatesque. Il fréquente aussi le Paris voyou, un Paris cruel, le
Paris barbare des mille et une tortures, du gibet de Monfaucon où l’on
pouvait pendre 60, 80 personnes en même temps, le Paris des tavernes,
des bordels, le cimetière des Saints Innocents, le Paris paillard aussi.
C’était un temps de violence, de disette, d’ épidémies, d’antropophagie
parfois. Villon adhère aux « coquillards », une bande armée de malfrats,
avec leur langage, leur roi, leurs campagnes de pillages, de viols.
C’était aussi ça, Villon, un voleur, un assassin, plusieurs fois
emprisonné, plusieurs fois condamné, plusieurs fois gracié, la dernière
grâce l’obligeant àr quitter paris. A 32 ans.

Villon était donc à la fois un homme éduqué, un homme de crime, un homme
de cour aussi, notamment auprès de Charles d’Orléans à Blois.

Ange noir, mendiant magnifique, gueux lunaire, c’est l’auteur talentueux
de textes bouleversants de modernité, un poète qui, du fin fond de la
sauvagerie, en appelle à la fraternité des hommes. Teulé incorpore les
poèmes de Villon ( « Dites moi où en quel pays.... » ou « Frères humains
qui après nous vivez... ») dans le corps même du texte, comme s’ils
venaient soutenir l’intrigue.



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