Winckler

Les trois médecins

Un livre considérable par l’épaisseur (524pages) et par son ambition : il se veut le grand roman des médecins de la fin du Xxe siècle, de l’après 68 ; il l’est. 1973 : Bruno Sachs s’inscrit à la fac de médecine de Tourmens. Sur les traces de son père, Bram Sachs, pour lequel notre héros a une réelle
vénération. A la fac, il se fait trois amis, Basile, André, Christophe, inséparables mousquetaires qui se jurent de devenir généralistes.( La référence aux trois mousquetaires, à la Cour, à Dumas est constante). On va les suivre tout au long de leur cursus, du CPEM à l’internat, six longues années, en autant de chapitres déclinés selon les matières enseignées : anatomie, physiologie, séméiologie, pathologie, spécialités,
internat.
Ce n’est pas un manuel de médecine... mais un vrai et beau roman avec plein de personnages, jaillissant dans une magnifique profusion narrative, fille de salle, infirmière, aide soignante, appariteur, employée, grands patrons, etc… C’est plein de seconds rôles riches, des dizaines d’histoires qui galopent parallèlement où tout le monde dit « je », une belle prouesse d’écriture, une vraie polyphonie ; comme s’il faisait parler toute la fac.
Dans chaque partie, les chapitres sont courts, rebondissent plus tard.
On assiste à une reconstitution de l’ordre médical qui est assez extraordinaire
avec un luxe de détails, vestimentaires et autres, une manière de relever le col de la blouse, sur les privilèges, les tours de garde, les rondes de nuit.
Le plus remarquable, peut-être ici, c’est que Winckler aime les gens, le toubib aime ses pairs et ses patients, ce qui ne va pas de soi : à la lecture, on se dit que le médecin est formaté pour faire son trou dans un
univers de concurrence, d’individualisme, de froideur techniciste.

On suit l’évolution de quatre étudiants, leur jeunesse, leurs amours dans ces années 70, notamment marquées par la contestation des mandarins, la question de l’avortement (clandestins, la loi…), un certain mépris du malade ; l’auteur n’hésite pas à mettre des éléments documentaires, courts, au milieu de son histoire.

C’est un livre drôle, juste, polyphonique, c’est " tout ce que vous avez voulu savoir sur la fac de médecine sans jamais oser le demander" :bizutage, concours et jeux de pouvoir, hôpital. industrie pharmaceutique.

Winckler est médecin et écrivain ; né en 1955 ; premier livre « La
vacation » (89) ; depuis 1993, ne fait plus que ça, cad écriture ; « miroirs de la vie », un essai très compétent sur les séries télé américaines ; un polémiste qui animait une chronique sur France Inter dont il se fera virer. A connu un grand succès populaire avec « La maladie de Sachs » qui décrit le quotidien d’un généraliste, son intimité, sa complicité
avec les patients ; ignoré par la critique, ce livre fera son
chemin par le bouche à oreille ; Wincler reprend dans « Trois médecins » le personnage de Bruno Sachs étudiant.

POL



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