Ben Jelloun

Partir

Partir, « brûler » comme on dit là bas, c’est à dire passer
clandestinement la mer, venir en Europe, cette envie, cette obsession
sont celles de ces marocains poussés par le besoin de survivre, de ces
intellos qui ont l’impression de gâcher leur vie au pays, de tous ces
papillons fascinés par la lumière du Nord. Partir car il n’y a pas de
boulot, pas d’espoir et qu’on ne peut pas passer sa vie à fumer le kif
dans un troquet perdu. Partir pour fuir la corruption, le crime
organisé, la police complice, l’ennui, l’hypocrisie.

Tanger est le lieu du passage, du face à face, de la mort aussi, Tanger
et son détroit : 14 km, 14 petits kilomètres qui séparent le Sud du Nord.

L’auteur nous permet de suivre ces passages avec plusieurs figures
fortes. Azel, 24 ans diplomé, révolté, se sert de son sexe comme d’un
sésame ; il faut dire que ce livre est hanté par le sexe, le sexe caché
au Maroc, ambigu à Tanger, dévoilé à Barcelone. Il y a Kenza, sa soeur,
qui fera un mariage blanc et connaîtra un bonheur éphémère ; Miguel,
espagnol cultivé et corrupteur...

Ce livre explore mieux que dix essais la question de l’immigration, avec
son lot de pauvreté, de sacrifices, de souffrances, ses passeurs
douteux, ses islamistes en embuscade. Il offre une plongée vertigineuse
dans le Maroc d’aujourd’hui : le tableau est dur même si tous les
personnages manifestent un attachement charnel à leur pays, à sa beauté,
à sa lumière.

Tahar Ben Jelloun est né à Fes en 1944. Il écrit depuis les années 70.
Nombreuses fois primé pour ses poèmes, récits, romans, théâtre et autres
nouvelles. Prix Goncourt 1987 pour « La nuit sacrée ». On retiendra

« Le racisme expliqué à ma fille » (1998) et « L’islam expliqué aux
enfants » (2002).

Gallimard



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