Quintreau

Laurent Quintreau

Marge brute

Denoel

Quelques heures d’une séance d’un conseil d’administration d’une
multinationale ( de la pub ? De la com ?) à travers les ruminations
successives des onze cadres supérieurs, hommes et femmes, qui sont
autour de la table, leurs monologues intérieurs formant autant de chapitres.

C’est juste, bien vu, méchant, corrosif, drôle, efficace. Pour
Quintreau, l’enfer de Dante réside dans un comité de direction d’une
grande firme, royaume du dividende, des restructurations, des
licenciements, univers aussi de l’hyper concurrence, du meurtre
symbolique permanent ; on est au coeur de la machinerie capitaliste, à
sonder le mental de ces technocrates haut de gamme, leur rêveries
triviales, leurs fantasmes ; un chaudron ignominieux de onze cerveaux,
surpris à mariner leur détestation réciproque, leur envie de domination
ou de soumission.

Il y a là une mère de famille stricte, un Casanova des vestiaires, un ex
patron habité par une rage meurtrière, un jeune branché cynique, un
responsable du personnel désespéré, une femme de pouvoir perverse, un
bellâtre libidineux, un chef de meute implacable mais qui se sait lui
même sous surveillance, etc. Seuls les deux derniers monologueurs
semblent échapper un peu à cette guerre de tous contre tous.

Un texte aux allures de pamphlet mais d’un terrible réalisme, une
magnifique démonstration du libéralisme à l’oeuvre. On pense un peu à ce
film de l’argentin Marcelo Pineyro, La méthode ( en fait la méthode pour
flinguer son voisin et obtenir le poste).

Ce livre, qui se lit très vite, est le premier roman de Laurent
Quintreau, par ailleurs salarié d’une entreprise, syndicaliste ( pour
connaître aussi bien cette faune, il faut en être) et homme de culture (
animateur de revue).



Site réalisé par Scup | avec Spip | Espace privé | Editeur | Nous écrire